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Contre le sectarisme et l’opportunisme

dimanche 30 août 2009, par Robert Paris

"Marx et Engels se sont toujours élevés contre l’idée qu’il fallait « déradicaliser » le parti pour accroître ses effectifs et son influence sur les masses prolétariennes. On connaît la formule de Marx selon laquelle la théorie devient une force matérielle en s’emparant des masses, et pour ce faire elle doit être radicale. Toute leur lutte contre l’ouvriérisme (qui veut élargir le parti à toute la classe), contre l’anarchisme (qui veut diluer l’organisation dans la masse hétérogène du peuple) et enfin contre le réformisme naissant de la social-démocratie témoigne de ce que, pour conquérir les masses, la théorie et le parti, qui revendique le programme dans son intégralité par-delà les situations contingentes, doivent être radicaux."

Dangeville dans l’introduction au parti de classe de Marx/Engels

Contre l’opportunisme

Les défaites tragiques subies par le prolétariat mondial durant une longue série d’années ont poussé les organisations officielles à un conservatisme encore plus grand et ont conduit en même temps les "révolutionnaires" petits-bourgeois déçus à rechercher des "voies nouvelles". Comme toujours, dans les époques de réaction et de déclin, apparaissent de toutes parts les magiciens et les charlatans. Ils veulent réviser toute la marche de la pensée révolutionnaire. Au lieu d’apprendre du passé, ils le "corrigent".

Les uns découvrent l’inconsistance du marxisme, les autres proclament la faillite du bolchevisme. Les uns font retomber sur la doctrine révolutionnaire la responsabilité des erreurs et des crimes de ceux qui l’ont trahie ; les autres maudissent la médecine, parce qu’elle n’assure pas une guérison immédiate et miraculeuse. Les plus audacieux promettent de découvrir une panacée et, en attendant, recommandent d’arrêter la lutte des classes. De nombreux prophètes de la nouvelle morale se disposent à régénérer le mouvement ouvrier à l’aide d’une homéopathie éthique. La majorité de ces apôtres ont réussi à devenir eux-mêmes des invalides moraux avant même de descendre sur le champ de bataille. Ainsi, sous l’apparence de "nouvelles voies", on ne propose au prolétariat que de vieilles recettes, enterrées depuis longtemps dans les archives du socialisme d’avant Marx.

La IV° Internationale déclare une guerre implacable aux bureaucrates de la II° et de la III° Internationales, de l’Internationale d’Amsterdam et de l’Internationale anarcho-syndicaliste, de même qu’à leurs satellites centristes ; au réformisme sans réformes, au démocratisme allié de la Guépéou, au pacifisme sans paix, à l’anarchisme au service de la bourgeoisie, aux "révolutionnaires" qui craignent mortellement la révolution. Toutes ces organisations ne sont pas le gage de l’avenir, mais des survivances pourrissantes du passé. L’époque des guerres et des révolutions ne laissera pas d’elles pierre sur pierre.

La IV° Internationale ne recherche ni n’invente aucune panacée. Elle se tient entièrement sur le terrain du marxisme, seule doctrine révolutionnaire qui permette de comprendre ce qui est, de découvrir les causes des défaites et de préparer la victoire. La IV° Internationale continue la tradition du bolchevisme, qui a montré pour la première fois au prolétariat comment conquérir le pouvoir. La IV° Internationale écarte les magiciens, les charlatans et les professeurs importuns de morale. Dans une société fondée sur l’exploitation, la morale suprême est la morale de la révolution socialiste. Bons sont les méthodes et moyens qui élèvent la conscience de classe des ouvriers, leur confiance dans leurs propres forces, leurs dispositions à l’abnégation dans la lutte. Inadmissibles sont les méthodes qui inspirent aux opprimés la crainte et la docilité devant les oppresseurs, étouffent l’esprit de protestation et de révolte, ou substituent à la volonté des masses la volonté des chefs, à la persuasion la contrainte, à l’analyse de la réalité, la démagogie et la falsification. Voilà pourquoi la social-démocratie, qui a prostitué le marxisme, tout comme le stalinisme, antithèse du bolchevisme, sont les ennemis mortels de la révolution prolétarienne et de sa morale.

Regarder la réalité en face ; ne pas chercher la ligne de moindre résistance ; appeler les choses par leur nom ; dire la vérité aux masses, quelque amère qu’elle soit ; ne pas craindre les obstacles ; être rigoureux dans les petites choses comme dans les grandes ; oser, quand vient l’heure de l’action : telles sont les règles de la IV° Internationale. Elle a montré qu’elle sait aller contre le courant. La prochaine vague historique la portera à son faîte.

Contre le sectarisme

Sous l’influence de la trahison et de la dégénérescence des organisations historiques du prolétariat, naissent ou se régénèrent, à la périphérie de la IV° Internationale, des groupements et des positions sectaires de différents genres. Ils ont à leur base le refus de lutter pour les revendications partielles ou transitoires, c’est-à-dire pour les intérêts et les besoins élémentaires des masses telles qu’elles sont. Se préparer à la révolution signifie, pour les sectaires, se convaincre soi-même des avantages du socialisme. Ils proposent de tourner le dos aux "vieux" syndicats, c’est-à-dire à des dizaines de millions d’ouvriers organisés - comme si les masses pouvaient vivre en dehors des conditions de la lutte de classes réelle ! Ils restent indifférents à la lutte qui se déroule au sein des organisations réformistes - comme si l’on pouvait conquérir les masses sans intervenir dans cette lutte ! Ils se refusent à faire en pratique une différence entre la démocratie bourgeoise et le fascisme - comme si les masses pouvaient ne pas sentir cette différence à chaque pas !

Les sectaires ne sont capables de distinguer que deux couleurs : le blanc et le noir. Pour ne pas s’exposer à la tentation, ils simplifient la réalité. Ils se refusent à faire une différence entre les camps en lutte en Espagne, pour la raison que les deux camps ont un caractère bourgeois. Ils pensent, pour la même raison, qu’il est nécessaire de rester neutre dans la guerre entre le Japon et les pays bourgeois et se refusent, vu la politique réactionnaire de la bureaucratie soviétique, à défendre contre l’impérialisme les formes de propriété créées par la révolution d’Octobre.

Incapables de trouver accès aux masses, ils les accusent volontiers d’être incapable de s’élever jusqu’aux idées révolutionnaires.

Un pont, sous la forme de revendications transitoires, n’est aucunement nécessaire à ces prophètes stériles, car ils ne se disposent nullement à passer sur l’autre rive. Ils piétinent sur place, se contentant de répéter les mêmes abstractions vides. Les événements politiques sont pour eux une occasion de faire des commentaires, mais non d’agir. Comme les sectaires, de même que les confusionnistes et les faiseurs de miracles de toutes sortes, reçoivent à chaque instant des chiquenaudes de la part de la réalité, ils vivent dans un état d’irritation continuelle, se plaignent sans cesse du "régime" et des "méthodes", et s’adonnent aux petites intrigues. Dans leurs propres milieux, ils exercent d’ordinaire un régime de despotisme. La prostration politique du sectarisme ne fait que compléter, comme son ombre, la prostration de l’opportunisme, sans ouvrir de perspectives révolutionnaires. Dans la politique pratique, les sectaires s’unissent à chaque pas aux opportunistes, surtout aux centristes, pour lutter contre le marxisme.

La majorité des groupes et cliques sectaires de ce genre, qui se nourrissent de miettes tombées de la table de la IV° Internationale, mènent une existence organisationnelle "indépendante", avec de grandes prétentions, mais sans la moindre chance de succès. Les bolcheviks-léninistes peuvent, sans perdre leur temps, abandonner tranquillement ces groupes à leur propre sort.

Cependant, des tendances sectaires se rencontrent aussi dans nos propres rangs et exercent une influence funeste sur le travail de certaines sections. C’est une chose qu’il est impossible de supporter un seul jour de plus. Une politique juste sur les syndicats est une condition fondamentale de l’appartenance à la IV° Internationale. Celui qui ne cherche ni ne trouve la voie du mouvement des masses, celui-là n’est pas un combattant, mais un poids mort pour le Parti. Un programme n’est pas créé pour une rédaction, une salle de lecture ou un club de discussion, mais pour l’action révolutionnaire de millions d’hommes. L’épuration des rangs de la IV° Internationale du sectarisme et des sectaires incorrigibles est la plus importante condition des succès révolutionnaires.

Léon Trotsky (extraits du programme de transition)

Messages

  • L’opportunisme consiste à prétendre lutter contre le fait que les révolutionnaires soient une petite minorité.

    « Engels a écrit un jour que Marx et lui-même étaient restés toute leur vie en minorité et qu’ils s’en étaient toujours " bien trouvés ". Les périodes où le mouvement des classes opprimées s’élève au niveau des tâches générales de la révolution représentent les très rares exceptions de l’histoire. » écrit Léon Trotsky dans "Moralistes et sycophantes contre le Marxisme" (1939).

  • Dans le conflit avec l’opportunisme, il y va de l’existence même de la social-démocratie. « Une telle tactique (celle de l’opportunisme), disait Bebel à Erfurt, signifierait pour notre Parti exactement la même chose que si l’on brisait l’épine dorsale à un organisme vivant tout en lui demandant d’accomplir le même effort qu’auparavant. Je ne tolérerai pas qu’on brise la colonne vertébrale de la social-démocratie, qu’on remplace son principe : la lutte de classe contre les classes possédantes et contre le pouvoir d’État, par une tactique boîteuse et par la poursuite exclusive de buts soi-disant pratiques. »

    Rien ne devrait sembler plus justifié que cette résistance et cette contre-attaque en réponse aux prétentions de l’opportunisme. Cependant, ces derniers temps, on a tenté de différentes manières de contester au Parti le droit de recourir à cette légitime défense et l’on voudrait même présenter comme une inconvenance tout règlement de comptes avec l’opportunisme. Et cela avant tout au nom de la liberté de la critique. on voudrait nous persuader qu’il faut accorder à chacun la liberté de critiquer le programme et la tactique de notre parti ; même nous devrions être reconnaissants à ceux qui, par leur critique, apportent un souffle de renouveau dans la vie du Parti.

    Cette antienne, par laquelle on s’efforce maintenant de défendre Bernstein, nous l’avons déjà entendue il y a neuf ans.

    « Où est don la liberté d’opinion dont vous aimez tant parler ? », s’écriait Georges Vollmar au congrès d’Erfurt, en se voyant combattu par Bebel — L’indépendance de la pensée est pour nous de la plus haute importance. Or, elle ne sera possible que si, abstraction faite de toute calomnie, de tout mensonge, de toute injure, nous accueillons avec gratitude et sans distinction de tendance, les opinions exprimées par des gens qui peuvent se tromper, mais qui n’ont en vue que le salut de notre Parti. Je ne parle pas pour moi, mais d’une façon générale : c’est avec joie qu’on devrait accueillir des idées nouvelles puisqu’elles rafraichissent un peu le répertoire suranné, routinier de notre propagande. »

    Il n’existe sans doute pas d’autre parti pour lequel la critique libre et inlassable de ses propres défauts soit, autant que pour la social-démocratie, une condition d’existence. Comme nous devons progresser au fur et à mesure de l’évolution sociale, la modification continuelle de nos méthodes, de lutte et, par conséquent, la critique incessante de notre patrimoine théorique, sont les conditions de notre croissance. Il va cependant de soi que l’auto-critique dans notre Parti n’atteint son but de servir le progrès et nous ne saurions trop nous en féliciter, que si elle se meut dans la direction de notre lutte. Toute critique contribuant à rendre plus vigoureuse et consciente notre lutte de classe pour la réalisation de notre but final mérite notre gratitude. Mais une critique tendant à faire rétrograder notre mouvement, à lui faire abandonner la lutte de classe et le but final, une telle critique, loin d’être un facteur de progrès, ne serait qu’un ferment de décomposition.

    Rosa Luxemburg, Marxisme contre dictature

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