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Les femmes et la science : Trop belles pour le Nobel

mardi 29 décembre 2009, par Alex

Les femmes et la science : Trop belles pour le Nobel ( livre de Nicolas Witkowski )

Titre Trop belles pour le Nobel, auteur : Nicolas Witkowski, 2005.

Lénine écrivait, et la situation n’a pas changé : « Dans tous les pays, même les plus avancés, la situation des femmes est telle que c’est à juste titre qu’on les appelle des esclaves domestiques. Il n’est pas un seul État capitaliste, fut-ce la république la plus libre, où les femmes jouissent de l’égalité des droits pleine et entière »

Ce constat s’applique aussi à ce qui est parfois appelé la « communauté scientifique ». Contrairement à ce que beaucoup pourraient croire. Actuellement les apocalypses liées au « changement climatique » invoquent la science, et peu de scientifiques protestent contre cet embrigadement de la science au service d’une sorte de « religion réchauffiste ». Les scientifiques sont transformés en sorte prêtres lorsqu’il disent ou laissent dire en leur nom : « la science dit » , « il y unanimité », « personne n’ose douter du fait que » car tous ces « Jacques a dit ! » sont déplacés à propos des questions climatiques.

Beaucoup font confiance aux scientifiques, leur attribuent des qualités qu’ils sont déçus de ne plus voir dans les politiques : indépendance par rapport aux puissances de l’argent, foi dans le progrès, intégrité intellectuelle. Le livre “Trop belles pour le Nobel” a le mérite de donner une image plus réelle de ce qu’est cette « communauté scientifique » : une majorité d’hommes partageant en moyenne les mêmes opinions et préjugés que leurs contemporains par rapport aux femmes. Ce livre a donc le mérite de démystifier l’ icône du scientifique « au dessus de la mélée » que les politiques mettent en avant lorsqu’ils veulent convaincre un large public.

Les chapitres sont ouverts par quelques citations de grandes figures dignes de figurer dans le Dictionnaire de la bêtise :

La plus utile et la plus honorable science pour une femme, c’est la science du ménage
(Montaigne, Essais)

Même si le charmant Fontenelle voulait leur réserver une place parmi les planètes, les femmes feraient mieux de laisser tourner les tourbillons de Descartes sans s’en inquiéter. et même si elles n’ont rien retenu de ce qu’Algarotti a écrit pour elles sur la théorie de Newton, l’attraction de leurs charmes n’en souffrira pas. (Kant)

L’auteur montre comment des hommes se sont appropriés des découvertes faites par des femmes : la découverte de la double hélice de l’ADN a été attribuée et récompensée par le prix Nobel à Watson, Crick et Wilkins en 1962 alors que Rosalind Franklin a joué un rôle fondamental.

Marie Curie a certes partagé le prix Nobel avec son mari Pierre Curie en 1903, mais il a fallu que Pierre Curie et le mathématicien suédois Mittag-Leffler protestent pour qu’elle y soit associée, alors que le jury ne le souhaitait pas. Le commentaire du jury du prix précisait apparemment que sa contribution valait peu, la réduisant au rôle d’une fidèle épouse secondant son mari comme dans tout ménage qui se respecte : Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut qu’une aide lui soit assortie .
Seul Pierre Curie fit un discours lors de la remise du prix, Marie eut le droit de se taire.
Le président de la prestigieuse université d’Harvard reconnut seulement que Marie Curie avait « joué une grande part dans les détails des recherches sur le radium. »

Pierre Curie mourut peu après en 1906, écrasé par une charrette rue Dauphine. Marie, déprimée, eut le soutien du physicien Paul Langevin, marié. Elle fut alors stigmatisée par le journal Le Figaro comme « l’étrangère voleuse de mari ».

Chacun des 21 chapitres est consacré à une figure féminine liée à un épisode de l’histoire des sciences, qui est toujours mis en relation avec la vie sociale, artistique, intellectuelle de l’époque. Cela permet de comprendre que les sciences ne naissent pas dans l’isolement d’un laboratoire, mais qu’elles sont liées à tous les aspects de la vie d’une époque, à « l’esprit d’un peuple à une époque donnée » comme aurait dit Hegel.

La partie scientifico-technique est moins creusée que dans les ouvrages, similaires dans la forme, de Stephen Jay Gould, mais des commentaires avec références sont donnés à la fin de chaque chapitre, permettant de creuser les différents aspect évoqués dans le chapitre, selon les goûts de chacun. En cela ce livre donne envie de creuser beaucoup de questions.

Cela en fait un livre très facile et agréable à lire et qui ouvre des portes sur différents pays, périodes historiques, questions scientifiques.

Portfolio

Messages

  • Les scientifiques n’étaient pas les seuls à ne pas avoir en haute estime les femmes : un poète comme Baudelaire écrivait samedi 27 mars 1852 .... à sa mère ! :

    « Je pense à tout jamais que la femme qui a souffert et fait un enfant est la seule qui soit l’égale de l’homme. Engendrer est la seule chose qui donne à la femelle l’intelligence morale ».

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