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La crise systémique est inévitable !

samedi 3 juillet 2010, par Robert Paris

Voici des extraits du type d’articles que l’on peut lire actuellement de la part de commentateurs qui ne sont nullement des ennemis du capitalisme.

Ils voient que la locomotive va dans le mur.

Précisons que la crise systémique est une crise des investissements qui a été provoquée par un trop plein des capitaux par rapport aux investissements économiques rentables, crise qui a été combattue en produisant de plus en plus d’investissements nocifs. Ces derniers sont dorénavant le seul secteur dynamique de l’économie...Il s’agit donc d’une crise de suraccumulation du capital. Elle n’a aucune autre solution que la destruction massive de cette société avec des attaques de grande ampleur contre les droits sociaux, des guerres et des fascismes en perspective. Il n’y a aucune "solution" économique mais il y a une issue sociale : le renversement du système par les travailleurs !!!

La crise systémique paraît inévitable.

La crise systémique paraît inéluctable : la mortelle randonnée des pays développés.

Les pays développés ne savent plus créer de la croissance que par l’endettement. On a construit des véritables « falaises de crédit », à la base de celles-ci se trouve l’endettement des ménages, le premier étage est constitué par l’endettement des entreprises et le dernier étage par l’endettement public. A peine a-ton consolidé les fondations que le dernier étage menace de s’écrouler.

La période antérieure à la crise a été marquée par l’envolée de l’endettement des ménages et de la dette globale : celle-ci représentait aux Etats-Unis 350% du PIB.

Si on s’intéresse au bilan de la FED, on se rend compte, que ces tendances n’ont pas été remises en cause.

Le total des crédits titrisés des GSE (Fannie Mae et Freddie Mae) américains étaient de 4000 milliards de dollars en 2008. La Réserve fédérale aurait acheté, en 2009, prés du quart du portefeuille de créances anciennes titrisés. Cela n’a pas de sens ! La crise immobilière n’a jamais atteint une telle virulence. On peut donc faire l’hypothèse que la FED rachète une partie des nouveaux mortgage backed securities (MBS), postérieurs à la crise, émis par les GSE(5).

Il s’agirait par ce biais de stabiliser le marché immobilier et de relancer ainsi la consommation.

Dominique Srauss-Kahn, le directeur général du FMI, prévoyait une reprise au premier semestre 2010, en s’appuyant sur la stabilisation du marché immobilier américain.

Or d’après la note de conjoncture du Figaro du 21 janvier 2010, intitulé : immobilier situation préoccupante, on serait loin du compte : « En terme de transactions, que ce soit dans le neuf ou l’ancien, les chiffres font état d’une situation préoccupante, avec des chutes en décembre qui n’ont jamais été atteintes depuis que les indices ont été créés ».

En outre, la Société Générale dans une étude intitulée : « Worst case debt scenario : Protecting yourself against economic collapse », fait état d’un risque de crise systémique. Elle part du constat que l’endettement américain est préoccupant à cause de l’écart croissant entre les dépenses et les recettes fiscales, creusant ainsi un déficit de 1600 milliards de dollars depuis 2009.

Dans les prochaines années, on peut faire l’hypothèse réaliste, que les recettes fiscales augmenteront moins vite que ne se creusera le déficit. Les auteurs mettent, en relief, à partir du cas japonais, la corrélation négative qui existe entre la croissance et le niveau de la dette publique. L’augmentation du chômage et le vieillissement de la population devrait accentuer, en Europe et aux Etats-Unis, la tendance à la hausse des dépenses publiques.

Elle fait aussi référence à l’accélération de la tendance au transfert de la richesse des économies développées vers les économies émergentes. Allons plus loin, on peut même supposer que la Chine va porter de moins en moins d’attention au marché américain et se recentrer sur son marché intérieur et sa zone d’influence (comme semble le montrer la récente baisse de ses achats de bons du trésor). Un tel revirement modifierait en profondeur le système économique et financier mondial, et forcerait les Etas-Unis à revoir, dans la douleur, leur problème de dette.

On peut donc dégager un élément clef de la crise systémique à venir :avant la crise, l’endettement des ménages a compensé les revenus que les pays riches ont perdus au fur et à mesure de leur désindustrialisation. Que va-t-il se passer maintenant, que ce mécanisme de compensation ne peut plus jouer ? La seule solution c’est que la dépense publique vienne compenser les pertes de revenus des pays riches qui s’accélèrent. Un tel transfert de richesse amènera inéluctablement, à terme, au transfert de la recherche et développement et des emplois qualifiés vers les pays émergents.

EADS a signé un contrat avec la Chine afin d’installer une usine qui fabriquera des Airbus, les Chinois ont exigé que celui-ci contienne des clauses de transfert de technologies. Areva a été devancé par un groupe coréen dans l’attribution du marché du nucléaire à Singapour.

Enfin quant on lit le rapport de fin d’année d’IBM, on s’aperçoit que cette société n’a pas connu la crise grâce à la croissance des marchés émergents : IBM France représente 7800 personnes et IBM Inde 40.000 personnes.

On en revient donc au même point : un modèle de croissance inadapté basé sur la prédominance du secteur financier, qui nous oblige à substituer à l’endettement privé, l’endettement public.

La crise systémique pose donc le problème d’un secteur financier à la fois dominant et non viable.

Dominant parce que la crise a amené à la création de banques qui sont trop grosses pour faire faillite, elles bénéficient de ce que l’on appelle l’aléa moral : elles sont certaines en cas de crise grave d’être renflouées par l’état, autrement dit le contribuable.

Non seulement on n’a pas remis en cause le système d’incitations perverses qui a poussé, avant la crise, à des prises de risque démesurées, mais on a institutionnalisé celui-ci. La crise a, en outre, mis en lumière la relation fonctionnelle qui existe entre les grandes banques américaines et l’élite politique. Difficile d’être élu aux Etat-Unis sans l’appui des grandes sociétés ou des grandes banques.

Les états du G20 ont consacré 17,6% de leur PIB au soutien direct du système bancaire, il y avait donc une contrepartie implicite : les banques devaient soutenir l’activité. Or elles ont détourné les sommes mises à leur disposition vers les marchés financiers afin de doper leurs profits de trading et ont contracté, parallèlement, leur encourts de crédit, de manière à restaurer leur rentabilité.

On touche, ici, à un autre ressort essentiel de la crise systémique : le système bancaire n’alloue pas le capital et les risques de manière efficiente, mais en fonction de ses intérêts propres. Il tend à imposer ses règles même si elles se révèlent destructrices pour le système économique et les nations. Il perd toute utilité sociale. Comme le faisait remarquer, non sans humour, Paul Volker (ancien patron de la fed ) : « La seule innovation financière dont l’utilité sociale est incontestable est le distributeur automatique de billets »(6).

Il va falloir rajouter un nouveau chapitre à la crise : celui de la crise politique. La crise politique va hâter le déclenchement de la crise systémique : 49éme parallèle.

Au vu de ce qui précède comment pourrait-on définir le secteur financier américain ? Comme un secteur qui jouit d’une rente de monopole car il est le seul à pouvoir assurer le financement de l’endettement global. La richesse passe par la détention d’actifs, qui sont comme le montre les CDS, la promesse de payer à quelqu’un une somme d’argent en cas de survenance d’un événement. La part de plus en plus importante dans le PIB, de Paris sur les fluctuations des prix (produits dérivés, produits structurés ..etc), tend à évincer les activités socialement utiles au profit d’activités parasitaires qui ne créent aucune valeur. Il s’agit d’un jeu à somme nulle.

Ce prodigieux pouvoir s’appuie à la fois sur une grande influence politique et sur une maîtrise de l’information stratégique grâce aux agences de notation.

Maîtrise de l’information stratégique, dans le cas des marchés de produits titrisés qui sont des marchés de gré à gré, où il n’existe pas de chambre de compensation officielle et d’instance de régulation. Il était donc impossible, à un investisseur de pouvoir connaître le risque réel associé à ce type de produit, d’autant plus que les agences de notations leur assuraient qu’il s’agissait de produits sans risque.

Quant à l’influence politique, elle s’appuie avant tout sur un fabuleux effort de lobbying comme le montre une récente étude (« A Fistfull of dollars : lobbying and financial crisis » par Deniz Igan, Prachi Mishra et Thierry Tressel, Working Paper n° 287, FMI, 2009). Elle infirme l’idée selon laquelle, ce serait le gouvernement américain qui serait à l’origine de la création des subprimes, en obligeant les institutions financières à accorder des crédits aux classes défavorisés ainsi qu’aux minorités ethniques. Elle explique ainsi que : « les principales institutions impliquées dans les excès des "subprimes" sont également celle qui ont le plus dépensé d’argent dans le lobbying des députés américains. Entre 2000 et 2006 ; les institutions financières américaines ont investi de 60 à 100 millions de dollars pour faire du lobbying. La majeure partie de ces actions étaient ciblées sur les prêts immobiliers et leur titrisation. »

Il n’est pas exagéré d’en déduire que ces institutions ont largement influé sur la qualité des régulations qui ont été mise en oeuvre sur ces marchés. Ajoutons à cela que la finance américaine s’est engagée dans un lobbying forcené afin de limiter la régulation sur les produits dérivés et sur le marché des CDS en particulier afin de protéger leur rente de situation. Leur puissance de feu est énorme puisque leur profit représente 40% des profits de l’ensemble des sociétés américaines (alors qu’il n’avait jamais excédé 16% de 1973 à 1985).

A partir de ce qui précède, on comprend mieux pourquoi les états du G20 ont consacré 17,6 % de leur PIB au soutien de l’activité directe des banques, sans exiger de contreparties explicites.

Les institutions économiques (les règles) et les acteurs de l’économie mondialisée ont réduit les institutions politiques et les institutions sociales, qui ne se conçoivent qu’à une échelle nationale, à des rouages subalternes.

Les grandes institutions financières internationales contrôlent plus le monde politique, que celui-ci ne les contrôle. Dés lors la régulation est un leurre.

Les démocraties occidentales ont perdu ce qui faisait leur force : l’efficience adaptative, qui résultait d’un long processus historique qui a commencé au 10ème siècle. Des institutions économiques, politiques et sociales cohérentes, souples et adaptatives qui permettaient de rechercher des solutions pertinentes, tout en limitant le coût des erreurs(7).

Dans une récente étude réalisée par Globescan dans 22 pays, on apprend que pour la majorité des personnes interrogées, les gouvernements sont considérés comme les principaux responsables de la crise. Le reproche qui leur est adressé porte-t-il sur le fait qu’ils n’ont pas agi assez tôt ou qu’ils auraient trop aidé les banques. Quoiqu’il en soit, il est certain que les populations considérées porteront au passif de leurs gouvernements les souffrances endurées.

Si on ajoute à cela que la situation grecque est le film en accéléré, de ce qui va se passer dans la plupart des pays : baisse de la dépense publique et augmentation des impôts.

Ce qui aura pour conséquence un démembrement de la protection sociale, un gel des salaires et des retraites ; et une évolution similaire à celle du japon dans les années 1990, au mieux, et au pire, à une rechute dans la récession comme dans les années 1937-1938 au Etas-Unis(8). On comprend que la défiance des gouvernés vis à vis des gouvernants ne peut aller qu’en augmentant.

Taine, « dans les origines de la France contemporaine »(9), expliquait la révolution française par le fait que les privilèges exorbitants de la noblesse et du clergé n’avaient pas de contreparties explicites ; alors que ceux-ci comportaient initialement des contreparties : s’occuper de la santé, de l’éducation, des indigents. Évidemment, nous ne sommes pas à la veille d’une révolution. Mais il faut, toutefois, remarquer que le mécanisme évoqué plus haut peut s’appliquer à la situation actuelle : le système financier jouit de privilèges exorbitants (l’aléa moral par exemple) qui n’ont pas de contreparties explicites.

Prenons l’exemple de l’aléa moral(10). Il a été étudié par Joseph Stigliz en s’appuyant sur l’exemple du marché de l’assurance santé. Il repose sur l’asymétrie de l’information. En effet un individu peut avoir des conduites à risque à partir du moment où il a souscrit un contrat d’assurance contre ceux-ci, alors que l’assureur n’a aucun moyen d’être informé de celles-ci (conduites à risques). La solution consiste donc à imposer des pénalités tellement fortes qu’elles compensent la faible probabilité d’être découvert. Si on applique ce raisonnement au système financier, il aurait fallu mettre en place un système de pénalités qui décourage celui-ci d’avoir recours à l’aléa moral. Or l’état semble se comporter, comme un assureur, qui ne cherche pas à corriger le problème de l’aléa moral. Au contraire il l’augmente en créant des mastodontes bancaires qui sont « too big to fall ». Autrement dit, on socialise les pertes et on privatise les profits.

L’existence de privilèges qui n’ont pas de contreparties explicites est un mécanisme destructeur pour tout système politique démocratique. Quand les personnes interrogées (étude de Globalscan) rendent responsables les gouvernement de la crise actuelle, cela veut dire deux choses :

 Ils ne pensent pas que les gouvernements peuvent résoudre la crise et donc les problèmes auxquels ils sont confrontés.

 Il leur reproche surtout leur proximité avec le pouvoir financier, voit leur soumission à ce dernier.

La rupture de la relation mandants (électeurs) mandataires (élus) ne peut que se traduire par une crise politique. La crise a tracé une frontière infranchissable, un 49ème parallèle (d‘après le titre du très beau roman de John Dos Passos), entre les perdants (salariés, retraités, PME et à terme le système politique) et le grand gagnant de la crise : le système financier.

L’Amérique a évité une dépression, et les mesures de soutien adoptées par l’administration Obama y ont contribué, mais les rapporteurs du centre national du marché du travail constatent : « une véritable dépression de l’emploi touche ceux qui se situent en bas de la répartition des revenus( taux de chômage de 30,8%, supérieur de 5 points à celui de la grande dépression) , et une profonde récession prévaut dans les catégories situées au milieu de l’échelle de la répartition des revenus. »

On peut donc penser que la crise politique va faire passer la crise systémique d’un stade latent à un stade aiguë. En premier lieu parce qu’on n’a ébauché aucune solution aux problèmes de fond : répartition très inégalitaire des richesses et des revenus, déficit structurel des pays riches vis à vis des pays émergents, croissance tirée par l’endettement, système financier dominant et inefficient.

Notre modèle de croissance basé, sur la séquence : crédit - consommation - dette, est obsolète. En second lieu parce que les systèmes politiques et les gouvernements semblent incapables de jeter les bases d’un nouveau modèle de développement. La crise actuelle a deux phases. La première phase, marqué par l’éclatement de la bulle immobilière, a été amplifiée par l’éclatement de la bulle des produits toxiques, ce qui a entraîné l’éclatement de la bulle de l’endettement des ménages.

Lors de la seconde phase, il y a un risque d’éclatement de la bulle de l’endettement public à cause de la crise politique qui parait inéluctable, ce qui pourrait entraîner l’éclatement de la bulle de l’endettement global et provoquer ainsi un véritable « tsunami financier ».

Un Krach parait donc inévitable en 2010 puisque comme l’explique Kenneth Rogoff (dans son dernier ouvrage cité plus haut), la défaillance d’un état (ou de plusieurs) paraît inévitable : se posera alors de manière aiguë le problème d’un modèle de croissance totalement inadapté (crise systémique).

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