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Qui était Jean-Paul Sartre ?

jeudi 5 mai 2011, par Robert Paris

Sartre, philosophe et écrivain engagé ?

Jean-Paul Sartre n’était pas l’écrivain et le philosophe engagé qu’il prétendait être

Que penser de Jean-Paul Sartre ?

Sartre a la réputation d’être le symbole du philosophe engagé. Nous pensons le contraire.

Au départ, il est plutôt favorable au fascisme italien puis français, puis choisit la résistance puis le stalinisme puis l’antistalinisme. Il ne suit pas une ligne conductrice d’idées mais tourne comme la girouette, en fonction du vent dominant. Par exemple, en 1937, quand il visite l’Italie fasciste avec Simone, il n’y trouve rien à redire et ne commente que la fameuse mortadelle italienne !

Pendant l’été 1933, Sartre, en compagnie de Simone de Beauvoir, visite l’Espagne et l’Italie ; le régime fasciste de Mussolini gêne peu ces deux parfaits touristes : "Nous avons vu Venise avec ce regard qu’on ne retrouve plus jamais : le premier. Pour la première fois nous avons contemplé la Crucifixion du Tintoret".

Il fait également un séjour d’études à Berlin en 1933-1934 afin de mieux connaître la phénoménologie du philosophe allemand Edmond Husserl. Pas un mot de Sartre à l’époque pour se démarquer du nazisme. Il le justifie ainsi : « J’eus des vacances d’un an à Berlin, j’y retrouvai l’irresponsabilité de la jeunesse. »

Il explique même sa sympathie de l’époque vis-à-vis des fascismes : « J’étais pénétré par un idéal de vie de grand homme que j’empruntais au romantisme. » Il prétend qu’il était alors « une sorte d’intellectuel amphibie, imperméable à cette Histoire en train de s’accomplir. » Une manière d’effacer les tournants radicaux…

En 1936, le cœur de la ville populaire de Naples fascine Sartre. Toujours pas un mot de sa part contre le fascisme italien !

Sartre avait signé avant guerre, au nom du pacifisme, ce manifeste d’intellectuels qui, refusaient toute préparation à une guerre préventive contre Hitler, et le nazisme. On pouvait lire dans ce manifeste que « mieux valait une France nazifiée, qu’une France en guerre » (sic).

En 1943, il publie L’Être et le Néant, directement tiré du philosophe nazi Heidegger, dont il reprend entièrement et copie en français le système de pensée. Du 17 janvier au 10 avril 1944, il livre douze émissions pour Radio-Vichy. Il écrit ensuite une pièce de théâtre, Les Autres, qui deviendra Huis clos, joué en mai 1944 et qui, elle, rencontre un franc succès, notamment auprès des officiers allemands invités à la première représentation.

Castor-Beauvoir, trouve, en 1943, un emploi à Radio-Vichy. « Par je ne sais quel truchement », écrit-elle pudiquement dans ses Mémoires. Ingrid Galster a identifié ce « truchement » : il s’agit de René Delange, directeur de l’hebdomadaire culturel Comoedia, qui défendit, selon les historiens, un « collaborationnisme subtil » (sic). L’universitaire allemande a retrouvé le script complet des émissions écrites par Beauvoir. Il s’agit d’une inoffensive série sur le music-hall, mettant en scène des baladins du Moyen Age ou le brigand Cartouche. Plus gênants, en revanche, sont les programmes avec lesquels voisine la série, en 1944 : les diatribes haineuses de Philippe Henriot ou l’émission La milice française vous parle...

Sartre publie à cette époque plusieurs articles pour la revue collaborationniste Comœdia, fondée le 21 juin 1941 par René Delange, et contrôlée par la Propaganda-Staffel...

Beauvoir, loin d’être une grande résistante, la future apôtre de l’engagement a passé l’essentiel de la guerre entre le poêle du Café de Flore - où elle rédige son premier roman, publié en 1943, L’Invitée - les séjours au ski à Morzine et les fameuses « fiestas » alcoolisées avec les Leiris ou Queneau.

Dans « La force de l’âge », la compagne de Jean-Paul Sartre raconte comment, en pleine Occupation nazie, loin de s’occuper de résistance, elle et ses amis organisaient ce qu’ils baptisèrent alors des "fiestas" : "Pour bien marquer son indépendance par rapport à la chose, c’est ce mouvement négateur que la fête réalise : on mange, on boit, on allume des feux, on dépense, on brise, on dépense temps et richesses ; on les dépense pour rien".

Ses pièces, tel « Huis clos », furent considérées par certains de ses admirateurs comme des expressions voilées d’une opposition aux nazis. Mais elles reçurent sans problème le visa de la censure allemande, et les officiers du Reich eurent le plaisir d’assister à leur première, ainsi qu’à la réception qui suivit.

Il jouait d’ailleurs sur le mot de liberté en disant que « Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’occupation allemande » écrivait Jean-Paul Sartre dans « La République du silence » paru dans les Lettres françaises en septembre 1944… mais ce jeu de mots montre à quel point il ne percevait nullement la réalité de l’oppression de ceux que le fascisme opprimait…

Miracle : à peine le dernier soldat allemand a-t-il quitté la France que voici notre Castor-Beauvoir propulsée, aux côtés de Sartre, grande prêtresse de l’ « engagement » pour la libération... des femmes.

Alors qu’il n’a que faire de la liberté de la femme, qu’il est loin de cultiver dans sa vie privée, il a conseillé à sa compagne Beauvoir de se lancer comme intellectuelle en mettant en avant la liberté de la femme - l’existentialisme des femmes - tout en lui demandait de le fournir tous les soirs en chair fraîche…

Il lui suggère tout simplement de transformer sa formule "on ne nait pas homme, on le devient" en celle-ci : "on ne nait pas femme, on le devient" et le tour de lancement publicitaire est joué...

Sans illusions sur ce qui se passe en Russie, il sert de caution du stalinisme, ce courant contre-révolutionnaire, de façon claire et ouverte de 1950 à 1956. Tant que cela lui sert, mais pas plus.... Il affirme que croire à la mission révolutionnaire du prolétariat équivaut à soutenir l’Etat russe et sa bureaucratie !

Pendant les années soixante, même sans illusions, il poursuit les liens avec l’Etat russe qu’il visite régulièrement. Le premier voyage de Sartre le conduisit à Moscou, à Léningrad et en Ouzbékistan. En rentrant en France, Sartre fut assailli par les journalistes. Le retour d’Union soviétique était entouré d’un rituel qui devait être respecté. Les commentaires de Sartre surprirent tout le monde : les cinq longs entretiens parus du 15 au 20 juillet dans le quotidien Libération se présentaient comme un grandiose panégyrique à l’adresse de ses hôtes ; le titre du premier entretien en résume bien tout le pathos : "La liberté de critique est pleine et entière en URSS. "

Ce premier voyage ne fut pas sans suite. La plupart du temps avec Simone de Beauvoir, Sartre visita l’Union soviétique neuf fois entre juin 1962 et septembre 1966. Chaque été, ils entreprenaient un voyage de plusieurs semaines, visitant Moscou, Léningrad, l’Ukraine, la Géorgie, l’Estonie, la Lituanie.. ., rencontrant les écrivains soviétiques les plus importants. On leur faisait voir nombre de films, de pièces de théâtre, des curiosités en tout genre ; ils furent invités dans la villa d’été de Krouchtchev.

Pour exister autrement que comme intellectuel de l’institution, Sartre a choisi, consciemment, de s’attacher à la galère du stalinisme. Lors de discussions avec Camus, Monatte avait caractérisé les adeptes de Sartre de « papillons qui sont attirés par la lampe russe ». La rupture entre Sartre et Camus se fera justement parce que Camus dénonçait les goulags staliniens. Sartre détournera le coup en dénonçant les idées de Camus et le faisant passer pour un faux philosophe et un intellectuel pas engagé. Ce qui est très exactement une description de Sartre lui-même.

Dans "Qu’est-ce que la Littérature", Sartre écrit : « On regrette l’indifférence de Balzac devant les journées de 1848, l’incompréhension apeurée de Flaubert en face de la Commune ; on les regrette pour eux : il y a là quelque chose qu’ils ont manqué pour toujours. Nous ne voulons rien manquer de notre temps… L’écrivain “engagé”sait que la parole est action : il sait que dévoiler c’est changer et qu’on ne peut dévoiler qu’en projetant de changer. […] Il sait que les mots […] sont des “pistolets chargés”. »
Mais ce n’est là qu’une façade...

Il a choisi de se dire communiste mais ne l’était pas, révolutionnaire mais ne l’était pas, iconoclaste mais ne l’était pas…

La guerre, il ne s’y est pas opposée, même en écrits, ni le vichysme, ni l’occupation, ni le nazisme, ni le stalinisme, ni le capitalisme...

Après avoir connu la crise du capitalisme, la grève générale ouvrière de 1936, la révolution espagnole, la montée du fascisme, il écrit le 3 octobre 1939 : " Je n’ai jamais voulu faire de politique", ....

Il a dit qu’il avait refusé de choisir entre nazis et antinazis :

« J’ai été pris entre munichois et antimunichois et je dois avouer ici que je n’ai jamais eu le courage intellectuel d’être ni l’un ni l’autre. Les munichois me dégoûtaient parce qu’ils étaient tous bourgeois et lâches, craignant pour leurs peaux, leurs capitaux ou leur capitalisme. Mais les antimunichois me paraissaient effrayants parce qu’ils voulaient la guerre. »

« Mais Hitler a dit cent fois qu’il ne voulait pas
attaquer la France » écrit Sartre le 20 octobre 1939.

Il expliquera qu’il était prêt à soutenir n’importe quoi plutôt que la guerre !

Mais qu’une fois que la guerre avait lieu, il voulait la soutenir pour la vivre !!!

« La guerre est une ordure qui doit être refusée. Mais refuser quand on est en paix (tout faire pour l’éviter), non pas quand on est en guerre. Survient-elle, il faut s’y plonger, car elle permet de vivre existentiel. Elle est un mode de réalisation de l’existentiel. »

Parmi les quinze carnets de Sartre de cette époque de 1939-1940 (la « drôle de guerre »), seuls les carnets I, III, V, XI, XIV, sans doute les bons, ont été conservés et publiés… Les autres devaient être plus gênants.

Ses pensées sont fausses, insipides, creuses et parfois carrément nulles. Elles sont le contraire de l’engagement…

Il suffit de le laisser parler :

« L’intellectuel est quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. »
extrait de Plaidoyer pour les intellectuels

« Etre totalement dans le coup et hors du coup, c’est ça un homme ! »
extrait de La Dernière Chance

« Je ne peux pas supporter qu’on attende quelque chose de moi. »
extrait de Huis Clos (1944)

« J’existe parce que je pense.. »
extrait de La nausée (1938)

« L’existence précède l’essence. Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit ensuite. »

« Je construis l’universel en me choisissant ; je le construis en comprenant le projet de tout autre homme, de quelque époque qu’il soit. »

extrait de L’existentialisme est un humanisme (1945)

« Un homme s’engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n’y a rien. »
extrait de L’existentialisme est un humaniste (1945)

« Il est toujours facile d’obéir, si l’on rêve de commander. »
extrait de Situations (1947)

« Il ne faut pas que je pense que je ne veux pas penser. Parce que c’est encore une pensée. »
extrait de La nausée (1938)

« Il suffit qu’un seul homme en haïsse un autre pour que la haine gagne de proche en proche l’humanité entière. »
extrait de Le Diable et le Bon Dieu (1951)

« Il y a deux façons de détruire un peuple : on le condamne en bloc ou bien on le force à renier les chefs qu’il s’est donnés. La seconde est la pire. »
extrait de Les Séquestrés d’Altona (1959)

« L’on aime rien si l’on aime pas tout. »
extrait de Le Diable et le Bon Dieu (1951)

« C’est si commode se donner : ça tient à distance. »
extrait de Les Mains sales (1948)

« J’ai assez d’embêtements dans ma propre vie, je ne veux pas m’appuyer ceux des autres. »
extrait de La Putain respectueuse (1946)

« On ne peut vaincre le mal que par un autre mal »
extrait de Les Mouches (1943)

« A moitié victime, à moitié complice, comme tout le monde. »
extrait de Les Mains sales (1948)

« Autrui, c’est l’autre, c’est-à-dire le moi qui n’est pas moi »
Extrait de L’Etre et le néant

« Inutile de le nier : la femme n’est pas pareille à l’homme. »
« Celui qui n’a rien fait n’est personne. »
extrait de Les Séquestrés d’Altona (1959)

« En effet, il n’est pas un de nos actes qui, en créant l’homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l’homme tel que nous estimons qu’il doit être. »
extrait de L’existentialisme est un humanisme (1945)

« Est-ce donc nuire aux gens que de leur donner la liberté d’esprit ? »
extrait de Les Mouches (1943)

« La littérature dit ce qu’elle a à dire par des signes, sans jamais devenir un ensemble de symboliques non signifiant - ce que peut être la peinture -, et ne s’introduit donc dans l’esthétique que par un de ses côtés. »
extrait de Obliques

« La Nature, comme dit Hegel si profondément, est extériorité. »
extrait de Situations III (1949)

« La violence est injuste d’où qu’elle vienne. »
extrait de Le Diable et le Bon Dieu (1951)

« J’ai connu vers 1924 un jeune homme de bonne famille, entiché de littérature et tout particulièrement des auteurs contemporains. »
extrait de Situations I (1947)

Son histoire

« Il garda toute sa vie le goût du sublime et mit son zèle à fabriquer de grandes circonstances avec de petits événements. Il ne songeait pas, comme on voit, à éluder la vocation familiale : il souhaitait se vouer à une forme atténuée de spiritualité, à un sacerdoce qui lui permît les écuyères. Le professorat fit l’affaire. (…) Mon père n’est pas même une ombre, pas même un regard : nous avons pesé quelque temps, lui et moi, sur la même terre, voilà tout. Plutôt que le fils d’un mort, on m’a fait entendre que j’étais l’enfant du miracle. De là vient, sans aucun doute, mon incroyable légèreté. Je ne suis pas un chef, ni n’aspire à le devenir.

Commander, obéir, c’est tout un. Le plus autoritaire commande au nom d’un autre, d’un parasite sacré — son père —, transmet les abstraites violences qu’il subit. De ma vie je n’ai donné d’ordre sans rire, sans faire rire ; c’est que je ne suis pas rongé par le chancre du pouvoir : on ne m’a pas appris l’obéissance. A qui obéirais-je ? On me montre une jeune géante, on me dit que c’est ma mère. De moi-même, je la prendrais plutôt pour une soeur aînée. Cette vierge en résidence surveillée, soumise à tous, je vois bien qu’elle est là pour me servir. Je l’aime : mais comment la respecterais-je, si personne ne la respecte ? (…) Pas un instant les tentations ne furent vertigineuses ; je crains bien trop le scandale ; si je veux étonner, c’est par mes vertus. Ces faciles victoires me persuadent que je possède un bon naturel ; je n’ai qu’à m’y laisser aller pour qu’on m’accable de louanges. Les mauvais désirs et les mauvaises pensées, quand il y en a, viennent du dehors ; à peine en moi, elles languissent et s’étiolent : je suis un mauvais terrain pour le mal. Vertueux par comédie, jamais je ne m’efforce ni ne me contrains : j’invente. J’ai la liberté princière de l’acteur qui tient son public en haleine et raffine sur son rôle. On m’adore, donc je suis adorable. Quoi de plus simple, puisque le monde est bien fait ? On me dit que je suis beau et je le crois. Depuis quelque temps, je porte sur l’oeil droit la taie qui me rendra borgne et louche mais rien n’y paraît encore. On tire de moi cent photos que ma mère retouche avec des crayons de couleur. Sur l’une d’elles, qui est restée, je suis rose et blond, avec des boucles, j’ai la joue ronde et, dans le regard, une déférence affable pour l’ordre établi ; la bouche est gonflée par une hypocrite arrogance : je sais ce que je vaux. (…) Je ne cesse de me créer ; je suis le donateur et la donation. Si mon père vivait, je connaîtrais mes droits et mes devoirs ; il est mort et je les ignore : je n’ai pas de droit puisque l’amour me comble : je n’ai pas de devoir puisque je donne par amour. Un seul mandat : plaire ; tout pour la montre. (…) Ceux qui occupent le sommet de l’échelle donnent tout ce qu’ils possèdent à ceux qui sont au-dessous d’eux. Je n’ai garde, pourtant, de me placer sur le plus haut échelon : je n’ignore pas qu’on le réserve à des personnes sévères et bien intentionnées qui font régner l’ordre. Je me tiens sur un petit perchoir marginal, non loin d’eux, et mon rayonnement s’étend du haut en bas de l’échelle. »

extrait de Les mots

Avant la deuxième guerre mondiale, Sartre n’affiche aucune conscience politique. Né en 1905, il a donc 38 ans au début de la guerre et, enseignant en philo, il n’a jamais exprimé la moindre idée politique « engagée ». Pacifiste mais sans militer pour la paix, l’antimilitariste Sartre assume pourtant la guerre sans hésiter. L’expérience de la guerre et de la vie en communauté va le transformer du tout au tout. Pendant la drôle de guerre, il est engagé comme soldat météorologiste. Sa fonction lui laisse beaucoup de temps libre, qu’il utilise pour écrire énormément (en moyenne douze heures par jour pendant neuf mois, soit 2000 pages, dont une petite partie sera publiée sous le titre de Carnets de la drôle de guerre). Il écrit d’abord pour éviter le contact avec ses compagnons de route car il supporte en effet assez mal les relations sérieuses et hiérarchiques que sont celles de l’armée.

La drôle de guerre prend fin en mai 1940, et le faux conflit devient bien réel. Le 21 juin, Sartre est fait prisonnier à Padoux dans les Vosges, et est transféré dans un camp de détention en Allemagne de 25 000 détenus. Son expérience de prisonnier le marque profondément : elle lui enseigne la solidarité avec les hommes ; loin de se sentir brimé, il participe avec enjouement à la vie communautaire : il raconte histoires et blagues à ses copains de chambrée, participe à des matchs de boxe, écrit et met en scène une pièce pour la veillée de Noël.

Cette vie dans le camp de prisonniers est importante, car elle est le tournant de sa vie : dorénavant, il n’est plus l’individualiste des années 1930, mais se fixe un devoir dans la communauté. En mars 1941, Sartre est libéré grâce à un faux certificat médical. Sa nouvelle volonté d’engagement l’amène, dès son retour à Paris, à agir en fondant un mouvement résistant avec certains de ses amis, dont Simone de Beauvoir : le mouvement « Socialisme et liberté ». Il comptera une cinquantaine de membres en juin 1941. Sartre sera un résistant modeste, mais sincère. Vladimir Jankélévitch lui reprochera de s’être occupé davantage de l’avancement de sa carrière que de dénoncer ou contrarier l’occupant. L’impression et la distribution de tracts ne sont cependant pas anodines : Sartre et ses amis manquent plusieurs fois de se faire arrêter. En été 1941, il traverse la province à vélo pour tenter en vain d’étendre le mouvement hors de la capitale et de rallier d’autres intellectuels comme Gide ou Malraux. Après l’arrestation de deux camarades, le groupe « Socialisme et liberté » se dissout vers la fin 1941.

En octobre 1941, Sartre est affecté au lycée Condorcet sur le poste de professeur de khâgne en remplacement de Ferdinand Alquié. Ce poste était initialement occupé par le professeur Henri Dreyfus-Le Foyer (jusqu’en 1940) évincé en raison de sa qualité de juif. Ce fait révélé en octobre 1997 par Jean Daniel dans un éditorial du Nouvel observateur sera reproché à Sartre. Ingrid Galster se pose la question de la qualité de l’engagement de Sartre et remarque « qu’il l’ait voulu ou non voulu : objectivement, il profitait des lois raciales de Vichy. » Il publie à cette époque plusieurs articles pour la revue Comoedia, fondée le 21 juin 1941 par René Delange, et contrôlée par la Propaganda-Staffel.

Malgré la dissolution du groupe « Socialisme et liberté », Sartre ne renonce pas pour autant à la résistance qu’il continue par la plume. Il fait jouer, en 1943, une pièce qu’il a composée, Les Mouches, reprenant le mythe d’Électre et que l’on peut interpréter comme un appel à résister. C’est lors de la Première qu’il fait la connaissance de Camus. En cette période d’occupation, la pièce n’a pas le retentissement escompté : salles vides, représentations interrompues plus tôt que prévu. Pour Jean Amadou, cette représentation est plus ambiguë : « En 1943, dans l’année la plus noire de l’Occupation, il fit jouer à Paris Les Mouches. C’est-à-dire qu’il fit très exactement ce que fit Sacha Guitry, donner ses pièces en représentation devant un parterre d’officiers allemands, à cette différence qu’à la Libération Guitry fut arrêté alors que Sartre fit partie du Comité d’épuration, qui décidait quel écrivain avait encore le droit de publier et quel autre devait être banni. André Malraux qui, lui, avait risqué sa vie dans la Résistance, ne se crut pas autorisé pour autant à faire partie de ce tribunal autoproclamé. » Michel Winock estime que « ce fut la rouerie de Sartre de transformer un échec théâtral en bénéfice politique ». La même année, il publie L’Être et le Néant (influencé par Heidegger), où il fait le point et approfondit les bases théoriques de son système de pensée. Il écrit de même en quelques jours une pièce de théâtre, Les Autres, qui deviendra Huis clos, joué en mai 1944 et qui, elle, rencontre un franc succès.

Vers la fin de la guerre, Sartre est recruté par Camus pour le réseau résistant Combat, il devient reporter dans le journal du même nom, et décrit dans les premières pages, la libération de Paris. Là commence sa renommée mondiale. Il est envoyé en janvier 1945 aux États-Unis pour écrire une série d’articles pour Le Figaro, et y est accueilli comme un héros de la résistance.

La guerre a donc doublement coupé sa vie en deux : auparavant anarchiste individualiste, peu concerné par les affaires du monde, Sartre se transforme en militant engagé et politiquement suractif. Professeur parisien connu dans le monde intellectuel, il devient après la guerre une sommité internationale.

Après la Libération, Sartre connaît un succès et une notoriété importante ; il va, pendant plus d’une dizaine d’années, régner sur les lettres françaises. Prônant l’engagement comme une fin en soi, la diffusion de ses idées se fera notamment au travers de la revue qu’il a fondée en 1945, Les Temps modernes. Sartre y partage sa plume, avec entre autres, Simone de Beauvoir, Merleau-Ponty et Raymond Aron. Dans le long éditorial du premier numéro, il pose le principe d’une responsabilité de l’intellectuel dans son temps et d’une littérature engagée. Pour lui, l’écrivain est dans le coup « quoi qu’il fasse, marqué, compromis jusque dans sa plus lointaine retraite (…) L’écrivain est en situation dans son époque. » Cette position sartrienne dominera tous les débats intellectuels de la deuxième moitié du XXe siècle. La revue est toujours considérée comme l’une des plus prestigieuses revues françaises au niveau international. Symbole de cette gloire surréaliste et de l’hégémonie intellectuelle de Saint-Germain-des-Prés sur le monde : sa célèbre conférence d’octobre 1945, où une foule immense tente d’entrer dans la petite salle qui a été réservée. Les gens se bousculent, des coups partent, des femmes s’évanouissent ou tombent en syncope. Sartre y présente un condensé de sa philosophie, l’existentialisme, qui sera retranscrite dans L’existentialisme est un humanisme. Sa publication, par l’éditeur Nagel, est faite à l’insu de Sartre qui juge la transcription ex abrupto, nécessairement simplificatrice, peu compatible avec l’écriture et le travail du sens que celle-ci implique. Sartre veut à l’époque se rapprocher des marxistes, qui rejettent une philosophie de la liberté radicale, susceptible d’affaiblir les certitudes indispensables au militant.

Tout le beau monde se veut maintenant « être » existentialiste, « vivre » existentialiste. Saint-Germain-des-Prés, lieu où habite Sartre, devient le quartier de l’existentialisme, en même temps qu’un haut lieu de vie culturelle et nocturne : on y fait la fête dans des caves enfumées, en écoutant du jazz, ou encore en allant au café-théâtre.

La philosophie de Sarrte

Les années qui ont suivi la Libération ont vu l’existentialisme dominer la pensée française, régner sur le roman et le théâtre, et tendre à jouer un rôle politique, soit en accord, soit en opposition avec le marxisme. L’influence de la philosophie sur la littérature n’est certes pas un fait nouveau mais elle est particulièrement frappante en l’occurrence, car la nature même de l’existentialisme l’amène à s’exprimer par l’œuvre d’art, roman ou drame, autant que par le traité théorique.

L’existentialisme met l’accent sur l’existence, opposée à l’essence qui serait illusoire, problématique, ou du moins aboutissement et non point de départ de la spéculation philosophique. La donnée immédiate, perçue d’ailleurs dans l’angoisse, est l’existence, l’absolu, s’il n’est pas simplement l’irréversible, serait à construire, à construire indéfiniment. Selon Sartre : « l’existence précède l’essence ». Les existentialistes français se recommandent du danois Soeren Kierkegaard (1813-1855) auteur du Concept d’angoisse, de doivent beaucoup aux philosophes allemands Heidegger, Jaspers et Husserl.
La phénoménologie de ce dernier, par un retour au concret, entend « dépasser l’opposition de l’idéalisme et du réalisme, affirmer à la fois la souveraineté de la conscience, et la présence du monde, tel qu’il se donne à nous » (in La Force de l’Age).

Cependant il existe plusieurs formes d’existentialisme. Ainsi, Alphonse Whaehlens en Belgique et, en France Gabriel Marcel ont tenté d’édifier un existentialisme chrétien. Les routes mêmes de Merleau-Ponty et de Sartre ont divergé, sans que cela s’explique seulement par des questions politiques ou des différences de tempérament.

Merleau-Ponty (1908-1961), disciple de Husserl, professa l’existentialisme à la Sorbonne et au Collège de France. Il a publié une Phénoménologie de la Perception (1945) et un « essai sur le problème communiste » Humanisme et terreur (entre autres). Pur philosophe il expose pour un public restreint une doctrine pour sereine que celle de Sartre et montré que l’existentialisme pouvait être le point de convergence de courants apparemment très divers de la pensée contemporaine.

Si ses ouvrages abstraits sont d’un abord difficile, Sartre a pourtant assuré à l’existentialisme une large diffusion grâce à son sens des formules frappantes et à l’illustration de sa philosophie qui passe par ses romans, son théâtre et ses essais.

L’existentialisme de Sartre repose sur un postulat qui lui apparaît comme une évidence : l’existence de l’homme exclut l’existence de Dieu. Il ne saurait être question d’une nature humaine préexistante de l’homme. Ce dernier est donc responsable, « condamné à être libre ».

En fait, le véritable postulat de Sartre est le mépris du lecteur : Sartre pense que celui-ci n’osera pas dire qu’il n’a rien compris et prétendra que "c’est très profond". Mais, en fait dans des œuvres comme "L’être et le néant" ou "La question juive", il n’y a rien à comprendre car le texte est vide de sens...
Cette philosophie annonce qu’hors de l’homme il n’existe rien !
Et l’homme n’existe que si son action le ramène à lui-même…
Pas étonnant qu’il ait eu du succès dans la coterie de Saint-germain des près !

En 1936, il sympathise, certes, avec le Front populaire, mais se contente d’en regarder les
manifestations depuis le trottoir. Sur la capitulation de Munich, il avoue son incertitude : « J’ai
été pris entre munichois et antimunichois et je dois avouer ici que je n’ai jamais eu le courage
intellectuel d’être ni l’un ni l’autre. Les munichois me dégoûtaient parce qu’ils étaient tous
bourgeois et lâches, craignant pour leurs peaux, leurs capitaux ou leur capitalisme. Mais les
antimunichois me paraissaient effrayants parce qu’ils voulaient la guerre. »
Pacifiste, mais sans militer pour la paix, l’antimilitariste Sartre assume alors la guerre sans
hésiter. Par intérêt personnel, écrit-il : obéir à l’ordre de mobilisation servait mieux son « but
individuel » que le risque d’une insoumission. Mais il ajoute, en d’autres pages de ses Carnets,
une explication morale : il doit assumer la guerre, parce qu’il n’a pas « su ou voulu » l’éviter.
Accepter cette contingence arrivée, l’endurer, la comprendre : il fait alors toute une théorie sur
son acceptation stoïque de la guerre.
Mais ce sont des motivations morales qu’il expose, et non politiques. Quand il se demande
contre quoi la France se bat, l’antifascisme, la lutte contre le nazisme, ne l’inspirent guère : les
Soviétiques ne sont-ils pas du côté de l’Axe ? Et si c’est pour défendre la Pologne, pourquoi la
guerre contre l’Allemagne et non contre la Russie qui s’est partagé la Pologne avec le Reich ?
Est-ce alors pour défendre la démocratie ? Mais, « il n’y en a plus », écrit Sartre. Le plus léger
n’est pas arrivé : quand Sartre se demande si c’est pour défendre la France contre l’Allemagne, il
a ce mot qui n’est pas de la plus grande lucidité : « Mais Hitler a dit cent fois qu’il ne voulait pas
attaquer la France » (20 octobre 1939).
Guerrier appliqué (sans excès, il est dans la météo), Sartre accepte la guerre sans savoir à quoi
elle sert, sinon à sa propre édification : « La guerre […] est une ordure qui doit être refusée. Mais
refuser quand on est en paix (tout faire pour l’éviter), non pas quand on est en guerre. Survientelle,
il faut s’y plonger, car elle permet de vivre existentiel. Elle est un mode de réalisation de
l’existentiel. »
Pour se représenter la position individualiste de Sartre à ce moment-là, il n’est que se reporter à
un autre Journal de guerre, celui de Georges Friedman, de trois ans son aîné, normalien et agrégé
de philosophie comme lui, marxiste et antistalinien, qui écrit : « Comment les communistes
staliniens […] peuvent-ils oublier que l’avenir de la classe ouvrière est lié à la victoire des
démocraties bourgeoises d’Occident sur l’hitlérisme (ce qu’ils nous ont si longtemps répété) ? »
(4 février 1940).
Même décalage si l’on se réfère aux attitudes de son ancien « petit camarade » de la Rue
d’Ulm, Paul Nizan, qui a rompu publiquement avec le PCF après l’invasion de la Pologne par
l’URSS, et qui mourra le 23 mai 1940 près de Dunkerque. Il faut en convenir, la conscience
politique de Sartre n’est pas précoce.

« Me comprendra-t-on si je dis à la fois qu’elle [l’horreur de
l’Occupation] était intolérable et que nous nous en accommodions fort bien. »
« Mais Hitler a dit cent fois qu’il ne voulait pas
attaquer la France » (20 octobre 1939).
« J’ai
été pris entre munichois et antimunichois et je dois avouer ici que je n’ai jamais eu le courage
intellectuel d’être ni l’un ni l’autre. Les munichois me dégoûtaient parce qu’ils étaient tous
bourgeois et lâches, craignant pour leurs peaux, leurs capitaux ou leur capitalisme. Mais les
antimunichois me paraissaient effrayants parce qu’ils voulaient la guerre. »
« La guerre […] est une ordure qui doit être refusée. Mais
refuser quand on est en paix (tout faire pour l’éviter), non pas quand on est en guerre. Survientelle,
il faut s’y plonger, car elle permet de vivre existentiel. Elle est un mode de réalisation de
l’existentiel. »

Voilà tout Sartre

Donnons un exemple des platitudes, absurdités et inepties prétendument philosophiques de Sartre : son texte « réflexions sur la question juive » datant de 1954 que nous citons ici n’est pas du racisme ni de l’anti-racisme mais de la bêtise :

« Je ne nierai pas qu’il y ait une race juive. (…) Ce que j’appellerai, faute de mieux, caractère ethniques, ce sont certaines conformations physiques héritées qu’on rencontre plus fréquemment chez les Juifs que chez les non-Juifs. (…) Nous envisageons donc les caractères somatiques et héréditaires du Juif comme un facteur parmi d’autres de sa situation, non comme une condition déterminante de sa nature. (…) Le Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif : voilà la vérité simple d’où il faut partir. (…) Si l’on convient avec nous que l’homme est une liberté en situation, on concevra facilement que cette liberté puisse se définir comme authentique ou comme inauthentique, selon le choix qu’elle fait d’elle-même dans la situation où elle surgit. (…) Le Juif authentique est celui qui se revendique dans et par le mépris qu’on lui porte. (…) Aussi beaucoup de Juifs inauthentiques jouent-ils à n’être pas Juifs. (…) Le Juif, comme le timide, comme le scrupuleux, ne se contente point d’agir ou de penser : il se voit agir, il se voit penser. (…) Seulement, par une dialectique propre à l’inauthenticité juive, ce recours à l’intériorité, cet effort pour constituer une immanence juive, dans laquelle chaque Juif, au lieu d’être le témoin des autres, se fondrait dans une subjectivité collective, et pour éliminer le chrétien comme regard, toutes ces ruses de fuite sont réduites à néant par la présence universelle et constante du non-Juif. (…) Ainsi, quoiqu’il fasse, le Juif inauthentique est habité par la conscience d’être juif. (…) Certes, il faut bien voir que ce masochisme a aussi d’autres causes. Dans un admirable et cruel passage d’Antigone, Sophocle écrit : « Tu as trop de fierté pour quelqu’un qui est dans le malheur. » (…) On rappelle ce portrait du philosophe que Platon trace dans le Phédon : comment le réveil à la raison est chez lui la mort au corps, aux particularités du caractère, comment le philosophe désincarné, pur amant de la vérité abstraite et universelle, perd tous ses traits singuliers pour devenir regard universel. C’est exactement cette désincarnation que recherchent certains Israélites. Le moyen de ne plus se sentir Juif, c’est de raisonner, car le raisonnement est valable pour tous et peut être refait par tous. (…) C’est pourquoi il est à la fois vrai et faux que le Juif soit « plus intelligent que le chrétien ». Il faut plutôt dire qu’il a le goût de l’intelligence pure, qu’il aime l’exercer à propos de tout et de rien. (…) Et c’est bien, en effet, le goût de l’abstraction qui permet de comprendre le rapport spécial du Juif avec l’argent. (…) Souvent l’argent prend pour lui la forme abstraite d’actions, de chèques ou de comptes en banque. Ce n’est donc pas à sa figuration sensible qu’il s’attache mais à sa forme abstraite. (…) Ces indications devraient nous permettre de tracer les traits principaux de la sensibilité juive. Celle-ci, on s’en doute, est profondément marquée par le choix que le Juif fait de lui-même et du sens de sa situation. (…) Les remarques que nous venons de faire ne prétendent pas, bien entendu, conduire à une solution du problème juif. (…) C’est l’antisémite qui crée le Juif. Le phénomène premier est donc l’antisémitisme., structure sociale régressive et conception du monde prélogique. Ceci posé, que veut-on ? (…) Depuis son émancipation, c’est-à-dire depuis un siècle et demi environ, le Juif s’ingénie à se faire accepter par une société qui le repousse. Il serait donc vain d’agir sur lui pour hâter cette intégration qui recule toujours devant lui : tant qu’il y aura un antisémitisme, l’assimilation ne pourra pas être réalisée. (…) C’est une solution paresseuse de se reposer sur la révolution future du soin de liquider la question juive. (…) On m’apprend qu’une ligue juive contre l’antisémitisme vient de renaître. J’en suis enchanté : cela prouve que le sens de l’authenticité se développe chez les Israélites. »
On notera que, mis à part la bêtise des propos, dans ce texte où, par ailleurs, Sartre prétend proclamer à sa manière – toujours aussi fausse - que la révolution seule en finira avec le racisme, il n’imagine pas une minute que le racisme a un rapport avec les classes sociales et leur lutte, pas une seconde que le racisme et la xénophobie ont un rapport notamment avec la crise de la société capitaliste et les intérêts de la classe dirigeante en lutte contre la classe prolétaire. Ensuite, il n’envisage nullement d’étudier la question de manière historique, c’est-à-dire dans une situation donnée avec des combats réels des classes en lutte. D’autre part, Sartre considère que la réalité est dans la tête des hommes. Par conséquent, pour Sartre, ce n’est pas la situation matérielle, économique, sociale et politique qui expliquerait les situations qu’ont connu les Juifs mais leur pensée sur eux-mêmes et la pensée des antisémites sur eux… Conception qui l’amène a des absurdités sans nombre !
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Jean-Paul Sartre n’était pas l’écrivain et le philosophe engagé qu’il prétendait être 8 septembre 2010 19:26, par Robert Paris
"Chaque instant se détache de moi comme une feuille morte"
Sartre dans "Carnets de la drôle de guerre".
Le philosophe Jean Birnbaum commente ainsi ce texte :
"D’où ce paradoxe : dans notre imaginaire collectif, Sartre apparaît comme la figure de l’intellectuel rebelle, du révolté permanent, dont toute l’existence serait tendue au long d’un fil qui s’appelle engagement ; or, au cœur de sa morale, il y a l’obsession de trahir. Tourner le dos au passé changer de peau, se jeter en avant : la liberté qui fait l’homme, disait-il, c’est celle de déserter. Chez le penseur existentialiste, cette obsession est partout. Dans son plus beau texte autobiographique, "Les Mots", il en fait une vocation d’enfance : "Je devins traître et je le suis resté. (...) Je me trahis déjà, en pleine passion, par le pressentiment joyeux de ma trahison future."

Messages

  • Pour exister autrement que comme intellectuel de l’institution, Sartre a choisi, consciemment, de s’attacher à la galère du stalinisme. Lors de discussions avec Camus, Monatte avait caractérisé les adeptes de Sartre de « papillons qui sont attirés par la lampe russe ». La rupture entre Sartre et Camus se fera justement parce que Camus dénonçait les goulags staliniens. Sartre détournera le coup en dénonçant les idées de Camus et le faisant passer pour un faux philosophe et un intellectuel pas engagé. Ce qui est très exactement une description de Sartre lui-même.

  • Quelques salmigondis de philo sartrienne :

    « La pensée moderne a réalisé un progrès considérable en réduisant l’existant à la série des apparitions qui le manifestent. (…) Nous ne sommes nous qu’aux yeux des autres et c’est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes. (…) Etre homme, c’est tendre à être Dieu ; ou, si l’on préfère, l’homme est fondamentalement désir d’être Dieu. (…) L’homme est une passion inutile. (…) Ce n’est jamais quand des yeux vous regardent qu’on peut les trouver beaux ou laids, qu’on peut remarquer leur couleur. (…) Etre mort, c’est être en proie aux vivants.(…) Sans doute, ce qui manifeste le plus souvent un regard, c’est la convergence vers moi de deux globes oculaires. (…)Etre une conscience c’est s’éclater vers le monde. (…) Choix et conscience sont une seule et même chose. »
    Jean-Paul Sartre - Extrait de L’Etre et le néant

  • Comparer les déclarations creuses de Sartre à celle-ci de Camus :

    "Les gouvernements, par définition, n’ont pas de conscience. Le monde où je vis me répugne, mais je me sens solidaire des hommes qui souffrent. "

  • Le monde où je vis me répugne, mais je me sens solidaire des hommes qui souffrent. "

  • Que signifie la phrase de Sartre "le marxisme est la philosophie indépassable de notre temps" ?

  • Cela signifie : je veux transformer le marxisme en icône religieuse inoffensive.

    Si le marxisme est indépassable, c’est qu’il n’est plus vivant.

    voir ici

    Elle pourrait sembler être celle de quelqu’un qui est adepte indéfectible de Marx et veut dire, au contraire, que Marx n’aura pas de suivants, que Marx est une impasse, tout en suggérant que toutes les grandes philosophies en font de même. Elles s’arrêtent là où elles ont commencé, du moins pour Sartre.
    Sartre est le meilleur exemple de philosophe éclectique moderne.

    Voir ici sur l’éclectisme

    Le texte d’où est tirée ta phrase commence par affirmer que la philosophie n’existe pas et qu’il n’y a que des philosophes...

    voir ici

    Le marxisme n’a été pour lui qu’un affichage parmi d’autres pour faire semblant d’être dans un camp où il n’était nullement.

    C’est derrière le stalinisme qu’il a caché son appartenance à un camp réactionnaire de la bourgeoisie.

    voir ici sur Sartre

  • cette phrase est un peu elliptique : "si le marxisme est indépassable, c’est qu’il n’est plus vivant."

    en quoi une philosophie qu’on peut dépasser est vivante ?

    ça me fait penser à Popper : si une science ne peut être objectée, c’est qu’elle n’est pas une science.
    ces formules n’expliquent pas grand chose.
    j’ai lu les articles que tu me donne à lire, mais ça ne répond pas à ma question.

  • Cela te fait penser à Popper mais cela n’a rien à voir. Cela a plutôt à voir avec la dialectique : ce qui est vivant et dynamique est ce qui peut être dépassé.

    Si le marxisme de Marx ne peut être dépassé, cela veut dire qu’il va s’arrêter à Marx. C’est en cela qu’il n’évolue plus, qu’il est mort.

    pas de dépassement signifie qu’il échappe à la dynamique de la dialectique.

    Quand Sartre affirme que la philosophie n’existe pas, et qu’il n’existe que des philosophes, on comprend que, pour lui, il n’y a pas une évolution de la philosophie comme il y a une évolution des sciences. C’est en cela qu’il n’accorde pas vie au marxisme, il le juge éternel comme on peut prétendre que le christianisme est éternel...

  • Quelques lancers de pierres sont utiles puisque tu argumentes excellemment.

    Pourtant... il me semble bien que la philosophie de Marx permet de donner des outils pour comprendre le monde d’aujourd’hui, celle de Hegel aussi.

    Cela veut-il dire que la philosophie de Marx aura besoin un jour d’être dépassée ? peut-être, mais personne ne peut prédire l’avenir. Cependant, ta réponse me mène à me demander ce que peut bien ou pourrait bien constituer un dépassement de la pensée ou de la philosophie de Marx.

    Si on parle de dépasser le marxisme de Marx, n’est-ce pas que cela signifierait la fin, ou la mort de cette philosophie ?

    Autrement dit, dépassement et non-dépassement mèneraient tous les deux à la mort de la philosophie de Marx.

    Le non-dépassement ou pus précisément le caractère indépassable affirmé par Sartre mènerait à une philosophie marxiste figée, intemporelle, imprégnée de la religiosité telle que celle que le stalinisme a fait des pensées de Marx et de Lénine.

    Mais qu’en serait-il du dépassement ? s’appuierait-il sur la philosophie de Marx pour la dépasser depuis le système de pensée philosophique de Marx lui-même ? ou bien s’appuierait-il ce dépassement sur une pensée construite à l’extérieur du système ? par exemple à partir d’une pensée de type logique moderne qui essaie (comme l’ont tenté les Frege, Russell, Wittgenstein, Carnap, etc. ) de rétablir la logique formelle contre la logique Hégélienne depuis près de 2 siècles ? Ou d’une philosophie quelconque mais qui serait une arme de combat contre la philosophie de Marx et ainsi extérieure au système de la philosophie de Marx ?

    Dans l’optique d’une pensée extérieure, cela signifierait la réfutation. Or, cette réfutation est utile pour faire avancer le marxisme, puisque une philosophie opposée est toujours utile pour faire avancer son opposé ; ainsi le matérialisme est utile à l’idéalisme et inversement, car toute tentative de réfutation est utile pour faire avancer le système qu’on tente de réfuter.

    Dans l’optique d’un dépassement de l’intérieur, est-ce que ce dépassement s’appuyant sur la pensée marxiste pour la dépasser ne la prolongerait pas tout en tentant de la dépasser ?

    J’ai du mal à concevoir même cette question, puisque je passe mon temps et je pense que nous passons du temps depuis des années à tenter de faire vivre les idées de Marx pour comprendre le monde... c’est à dire que nous concevons, ou du moins, je conçois, moi, que ma pratique s’inscrit non pas dans le dépassement de la philosophie de Marx, mais bien dans la tentative de continuer à faire vivre cette pensée.

    C’est pourquoi je n’arrive même pas à imaginer qu’on puisse s’inscrire dans la philosophie de Marx et arriver au dépassement de cette philosophie : et cela que l’on se donne comme but le dépassement ou non.

    • Tu dis :

      « Pourtant... il me semble bien que la philosophie de Marx permet de donner des outils pour comprendre le monde d’aujourd’hui, celle de Hegel aussi. »

      Le simple fait de se référer à Marx ou Hegel pour analyser le monde d’aujourd’hui est à la fois dépassement et réfutation de ces deux philosophes.

      On ne se contente pas de répéter des phrases de Marx ou Hegel quand on étudie un monde en changement radical.

      Marx ou Hegel ne décrivaient pas le monde actuel et, en les citant à son propos, on ne peut pas faire que se répéter. On dépasse ce qu’ils disaient ou on le contredit, même si on l’approuve...

  • Tu dis que tu ne vois pas comment nous passons notre temps à vouloir faire vivre des idées de Marx ou de Hegel et nous serions en train de les dépasser et de les contredire ?

    Eh bien, Marx lui-même était sans cesse en train de se dépasser et de se contredire.

    Par exemple, il dépasse sa notion de travail et développe celle de force de travail, bien différente. Il dépasse la notion de profit par celle de plus-value.

    Il n’est pas possible d’étudier un monde nouveau avec des anciennes idées sans "donner vie" à ces idées or donner vie aux idées d’auteurs morts, qu’est-ce d’autre que les dépasser ?

  • Nous ne nous contentons pas de rapporter le combat philosophique de Hegel ou Marx, nous sommes engagés dans un combat philosophique : voir ici

  • Sartre avait signé, au nom du pacifisme, ce manifeste d’intellectuels qui, refusaient toute préparation à une guerre préventive contre Hitler, et le nazisme. On pouvait lire dans ce manifeste que « mieux valait une France nazifiée, qu’une France en guerre » (sic).

    • A tout le monde ,intellectuel ,philosophe compris a le droit de se tromper
      b a l’époque qui pouvait prévoir avec certitude la folie nazie les gouvernements francais et anglais ne firent pas beaucoup mieux,en croyant a la paix
      c comme nombres d’intellectuel pacifistes Sartre ne voyait que les méfaits de la guerre

    • Le droit de se tromper ? Ou le droit de tromper les autres ?!!! C’est toute la distinction à faire.

      D’autre part, où est l’erreur quand le prétendu trompé passe d’une tromperie à une autre ?!!!

      Du fascisme au stalinisme puis au maoïsme ?!!!!

  • A la rentrée 1941, Sartre a pris son poste de prof de philo au lycée Condorcet parce que son titulaire Henri Dreyfus-Le Foyer avait été exclu de l’enseignement en application des lois raciales. Ce qui n’est effectivement pas à son honneur... Il signe la déclaration suivante : "Je soussigné Jean-Paul Sartre, professeur de philosophie, déclare sur l’honneur n’avoir jamais appartenu à l’une des organisations définies à l’article 1 de la loi du 13 août 1940 portant interdiction des associations secrètes. Je prends l’engagement de ne jamais adhérer à une telle organisation au cas où elle viendrait se reconstituer." Un document à analyser à la lumière des reproches adressés par Sartre à Beauvoir après qu’elle eut signé, comme tant d’autres, un papier confirmant qu’elle n’était ni juive ni franc-maçonne. Sous l’Occupation, on ne pouvait monter de pièce de théâtre sans confirmer sans qualité d’"aryen".

    Sympa en plus le Sartre !

  • Simone de Beauvoir et Sartre, la légende :

    1. Sartre & Beauvoir ont eu un coup de foudre

    Faux : Elle hésite avec son cousin et Maheu, déjà marié

    C’est seulement quand Jacques lui annonce son mariage qu’elle choisit Sartre.

    2. Sartre & Beauvoir conviennent ensemble d’un pacte
    qui permettra les amours nécessaires, eux, et les amours contingentes, les autres•

    Faux : Sartre impose sa polygamie à Beauvoir qui la subit de mauvaise grâce.

    3. Sartre & Beauvoir ont été antifascistes avant-guerre•

    Faux : Ils étaient favorables à Mussolini.

    4. Sartre s’est évadé du stalag où il avait été fait prisonnier•

    Faux : Libéré sur l’intervention de Pierre Drieu La Rochelle.

    5. Sartre & Beauvoir ont été résistants•

    Faux : Sartre a publié dans Comeodia, un journal de la presse collaborationniste.
    Beauvoir a travaillé à Radio-Vichy.

    6. Sartre le premier a dénoncé les camps soviétiques•

    Faux : Il a légitimé les camps soviétiques.
    Il s’est opposé à David Rousset, puis à Camus qui, eux, ont dénoncé le goulag parmi les premiers en France.
    Relations sexuelles détraquées :

    En septembre 1929 Simone écrivait déjà :
    « Jean-Paul, comme il faut que je vous aime pour vouloir malgré tout (sic) jouer avec
    vous les jeux qui vous plaisent » (Cahiers de jeunesse, 785)

    Beauvoir convient que, pour les autres, « ce n’était pas très agréable pour eux.
    Effectivement, ils ont parfois été lésés. Notre relation n’est donc pas, elle non plus, au-dessus de toute critique »…

    Sartre sur lui-même :

    Février 1940, à propos d’Olga :

    « Il me semble que jusqu’ici je me suis conduit en enfant vicieux dans les rapports
    physiques avec les gens ».

    Puis : « Il me semble qu’il y a là quelque chose de très abîmé en moi ».

    Sartre se sent « un salaud de petite envergure, par-dessus le marché une espèce de
    sadique universitaire et de Don Juan fonctionnaire à faire vomir » ( Lettre au Castor, 94).

    Rompt en 40, car elle est juive. Beauvoir écrit de la jeune victime qu’elle : « hésite entre le camp de concentration et le suicide, avec préférence pour le suicide : elle appelle ça sentir sa destinée. Je me suis réjouie de votre rupture, car seule je suis drôlement plus libre devant elle » (Lettres à Sartre, 113).

  • Seul problème de ce vibrionnant ballet galant, révélé par les correspondances posthumes du couple et l’enquête de Hazel Rowley : amants et amantes de passage furent souvent des marionnettes manipulées par Beauvoir, qui craignait plus que tout de perdre le « Petit Homme » (Sartre). Et, on le sait aujourd’hui, plus d’un de ces partenaires très « contingents » de nos Valmont et Merteuil de Saint-Germain-des-Prés sombrèrent dans de lourdes dépressions, comme l’a révélé, en 1993, Bianca Lamblin dans ses Mémoires d’une jeune fille dérangée. « Il y a une question que nous avions étourdiment esquivée : comment le tiers s’accommoderait-il de notre arrangement ? » remarquera un Castor pas vraiment rongé par le remords...

    Castor-Beauvoir, trouve, en 1943, un emploi à Radio-Vichy. « Par je ne sais quel truchement », écrit-elle pudiquement dans ses Mémoires. Ingrid Galster a identifié ce « truchement » : il s’agit de René Delange, directeur de l’hebdomadaire culturel Comoedia, qui défendit, selon les historiens, un « collaborationnisme subtil » (sic). L’universitaire allemande a retrouvé le script complet des émissions écrites par Beauvoir. Il s’agit d’une inoffensive série sur le music-hall, mettant en scène des baladins du Moyen Age ou le brigand Cartouche. Plus gênants, en revanche, sont les programmes avec lesquels voisine la série, en 1944 : les diatribes haineuses de Philippe Henriot ou l’émission La milice française vous parle...

  • Sartre est la parfaite négation d’un quelconque caractère objectif de l’existence humaine :

    « L’homme est constamment hors de lui-même, c’est en se projetant et en se perdant hors de lui qu’il fait exister l’homme et, d’autre part, c’est en poursuivant des buts transcendants qu’il peut exister ; l’homme étant ce dépassement et ne saisissant les objets que par rapport à ce dépassement, est au coeur, au centre de ce dépassement.

    Il n’y a pas d’autre univers qu’un univers humain, l’univers de la subjectivité humaine.

    Cette liaison de la transcendance, comme constitutive de l’homme — non pas au sens où Dieu est transcendant, mais au sens de dépassement — et de la subjectivité, au sens où l’homme n’est pas enfermé en lui-même mais présent toujours dans un univers humain, c’est ce que nous appelons l’humanisme existentialiste.

    Humanisme, parce que nous rappelons à l’homme qu’il n’y a d’autre législateur que lui-même, et que c’est dans le délaissement qu’il décidera de lui-même ; et parce que nous montrons que ça n’est pas en se retournant vers lui, mais toujours en cherchant hors de lui un but qui est telle libération, telle réalisation particulière, que l’homme se réalisera précisément comme humain. »

    (Extrait de « L’existentialisme est un humanisme »)

  • Merleau-Ponty dans « Les aventures de la dialectique » : « On sent que, pour Sartre, la dialectique a toujours été une illusion, qu’elle fût maniée par Marx, par Trotski ou par d’autres. »

  • Sartre prend la succession de Raymond Aron à l’Institut français de Berlin en 1933 et 1934… Mais il ne sait rien du nazisme !!!!

    Pendant l’été 1933, Sartre, en compagnie de Simone de Beauvoir, visite l’Espagne et l’Italie ; le régime fasciste de Mussolini gêne peu ces deux parfaits touristes : "Nous avons vu Venise avec ce regard qu’on ne retrouve plus jamais : le premier. Pour la première fois nous avons contemplé la Crucifixion du Tintoret".

    En 1936 le cœur de la ville populaire de Naples fascine Sartre.

    Le fascisme italien ne lui suscite pas une ligne de critique…

    En 1943, Sartre fit partie en France du Comité d’épuration, qui décidait quel écrivain avait encore le droit de publier et quel autre devait être banni.

    Contrairement au mythe, aucune recherche n’a pu mettre en évidence une quelconque activité de résistance de ce mouvement, et en particulier de Sartre.

    Après la guerre, il fait l’éloge d’une résistance qu’il n’a pas connue : "Il n’est pas d’armée au monde où l’on trouve pareille égalité de risque pour le soldat et le généralissime. Et c’est pourquoi la Résistance fut une démocratie véritable : pour le soldat comme pour le chef, même danger, même responsabilité, même absolue liberté dans la discipline." (dans Situations II)

    Sartre se reconvertit au dernier moment. Juste avant la libération, Sartre est recruté par Camus pour le réseau résistant Combat, il devient reporter dans le journal du même nom, et décrit dans les premières pages, la libération de Paris.

    La guerre de Corée, puis la répression musclée d’une manifestation antimilitariste du PCF pousse Sartre à choisir son camp : Sartre voit alors dans le communisme une solution aux problèmes du prolétariat. Ce qui lui fait dire : « Si la classe ouvrière veut se détacher du Parti (PCF), elle ne dispose que d’un moyen : tomber en poussière. »

    Sartre devient un compagnon de route du Parti communiste entre les années 1952 et 1956. Dès lors, il participe à sa mouvance : il prend la présidence de l’Association France-URSS. En 1954, il déclare « Le citoyen soviétique possède, à mon avis, une entière liberté de critique ». Il devient membre du Conseil mondial de la paix.

    Le livre de Sartre, Les communistes et la paix, marque le début de l’alliance de Sartre avec le stalinisme…

    Commentant l’article de Lénine « Mieux vaut moins mais mieux », article contre la bureaucratie, Sarte écrit : « Je ne vois pas que Staline ait suivi d’autre politique ».

    Quand Sartre adhérait au PCF, il ne reculait pas devant des formules telles que « Tout anti-communiste est un chien », « En URSS la liberté de critique est totale », « Si la classe ouvrière veut se détacher du PCF elle ne dispose que d’un moyen : tomber en poussière ».

    « L’URSS se trouve grosso modo située, dans l’équilibre des forces, du côté de celles qui luttent contre les formes d’exploitation de nous connues. »

    • Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty, Les Temps Modernes, janvier 1950

    « La liberté de critique est totale en URSS et le citoyen soviétique améliore sans cesse sa condition au sein d’une société en progression continuelle. »

    • Jean-Paul Sartre, de retour d’URSS, Libération, 15 juillet 1954

    « La faute la plus énorme a probablement été le rapport Khrouchtchev, car, à mon avis, la dénonciation publique et solennelle, l’exposition détaillée de tous les crimes d’un personnage sacré qui a représenté si longtemps le régime est une folie quand une telle franchise n’est pas rendue possible par une élévation préalable, et considérable, du niveau de vie de la population. [...] Le résultat a été de découvrir la vérité pour des masses qui n’étaient pas prêtes à la recevoir. »

    • Jean-Paul Sartre, après les révélations du rapport Khrouchtchev sur les crimes de Staline

    « Quand les paysans touchent des fusils, les vieux mythes pâlissent, les interdits sont un à un renversés : l’arme d’un combattant, c’est son humanité. Car, en ce premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous la plante de ses pieds. »

    • Jean-Paul Sartre, Préface de Les Damnés de la Terre, Frantz Fanon, Maspero, 1961

     : En 1972, dans une lettre à son ami John Gerassi, Sartre ira jusqu’à écrire :

    « Ce n’était pas un gars qui était fait pour tout ce qu’il a fait. C’était un petit truand d’Alger, très marrant, qui aurait pu écrire quelques livres mais plutôt de truand, au lieu de ça on a l’impression que la civilisation lui a été plaquée dessus et qu’il a fait ce qu’il a fait, c’est-à-dire rien ».

    Chez Sartre, le glauque le dispute au sale et au méprisable....

  • Dans la Cause du peuple, Sartre écrit : « Mao, contrairement à Staline, n’a commis aucune faute ».

  • Sartre : « S’il est nécessaire que je sois sous cette forme d’être-là, il est tout à fait contingent que je sois, car je ne suis pas le fondement de mon être ; d’autre part, s’il est nécessaire que je sois engagé dans tel ou tel point de vue, il est contingent que ce soit précisément dans celui-ci, à l’exclusion de tous les autres. » (« L’Etre et le Néant »)

    Et on continue à nous dire que Sartre était le symbole de l’intellectuel engagé !!!

  • Passons sur les coups d’encensoir en direction de Staline et de Mao ; passons sur le fait que, ayant succédé à son ennemi intime Raymond Aron à l’Institut français de Berlin, en 1933 et 1934, il n’ait pas vu en Allemagne le moindre nazi (pourtant, à cette époque...) et qu’il ait préféré piquer quelques idées au philosophe Husserl pour fabriquer sa philosophie de l’existentialisme ; passons sur le fait que, prisonnier de guerre dans le même pays en 1941, il aurait été libéré grâce à un faux certificat médical, ou que, selon une autre version, il l’aurait été sur l’intervention de Pierre Drieu La Rochelle, écrivain fascisant ; passons sur le fait qu’avant la guerre, il avait, au nom du pacifisme, signé un manifeste d’intellectuels qui refusaient toute préparation à une guerre préventive contre Hitler et le nazisme (« Mieux valait une France nazifiée, qu’une France en guerre ») ; passons sur cet autre fait que, durant l’Occupation de la France par les nazis, Sartre vécut tranquillement à Paris, fit jouer ses pièces Les mouches et Huis clos avec l’autorisation de la censure allemande et devant un parterre d’officiers de la Wehrmarcht, ne se découvrant « résistant » qu’à la Libération ; passons sur cette déclaration selon laquelle il ne fallait pas dire la vérité sur le régime stalinien pour « ne pas désespérer Billancourt », c’est-à-dire les travailleurs français, tous staliniens comme on sait ; passons sur sa conception de la décolonisation (« Dans le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort, et un homme libre » – on reconnaît l’ancien pacifiste) ; passons sur sa déclaration de 1965, « Tout anticommuniste est un chien » ; passons sur ses insultes envers De Gaulle : maquereau réac, merde, crétin pompeux, monstre, foutu salaud, porc (pas rancunier, De Gaulle ! qui refusa toujours qu’on lui fît le moindre ennui) ; passons sur l’élégant dénigrement de sa propre compagne Simone de Beauvoir, qui, selon lui, aurait écrit La Longue Marche, éloge de la Chine de Mao, surtout en bibliothèque, à partir de livres et d’articles ; passons sur son abstention au vote de 1936, quand se présentait le Front Populaire (qui gagna l’élection) ; passons sur son approbation du pacte germano-soviétique ou sur ses dix-huit articles favorables à Fidel Castro ; oublions son opinion sur son ancien camarade Raymond Aron (« De toute évidence, il est totalement, complètement, systématiquement de deuxième ordre, fondamentalement c’est un con et un imbécile ») ; mettons à la poubelle son avis sur le massacre des Jeux olympiques de Munich (« L’acte de terreur commis à Munich, ai-je dit, se justifiait à deux niveaux : d’abord, parce que tous les athlètes israéliens aux Jeux olympiques étaient des soldats, et ensuite, parce qu’il s’agissait d’une action destinée à un échange de prisonniers » – ce qui était complètement faux et ridiculement absurde) ; passons sur sa défense de Kim Il-sung, le dictateur nord-coréen...

    Passons, passons, passons vite sur Sartre, une véritable satire de l’intellectuel, un masque de l’homme engagé, une girouette politique, un faux philosophe, passons....

    Ce n’est pas seulement Sartre qui a fait Sartre. Une époque de menteurs, celle de la guerre et de l’après-guerre, cette bourgeoisie avait besoin de menteurs qui soient à sa hauteur et elle en a eu...

  • Sartre et Simone de Beauvoir n’ont pas été plus lucides au sujet de Che Guevara. Ils l’ont rencontré le 5 mars 1960, et, après sa mort, en 1967, Sartre a dit de lui : « Je pense, en effet, que cet homme n’a pas été seulement un intellectuel, mais l’homme le plus complet de son époque. Il a été le combattant, le théoricien qui a su extraire de son combat, de la lutte elle-même, de sa propre expérience, la théorie pour mettre en application cette lutte ».

    Rions : Guevara ne lui portait pas la même estime, il méprisait les intellectuels !

  • A tout ceci, il fallait ajouter l’ordure dans la vie privée. Sartre, le moins que l’on puisse dire, avait une certaine inclinaison pour la domination sexuelle des partenaires multiples, comme sa compagne Beauvoir. Et ils recrutaient parmi les élèves de la professeur Beauvoir, dominés par Sartre puis Beauvoir et parfois abandonnés ensuite au désespoir et contraints au silence... Une de leurs victimes, une petite juive nommée Bianca Lamblin, raconta dans sa biographie « Mémoires d’une jeune fille dérangée » comment elle était tombée dans les filets de ce couple de pervers : Beauvoir attirait de très jeunes lycéennes, ses élèves, qu’elle pressentait vierges. Sartre adorait déflorer les gamines. Une fois ces dernières quasiment violées et traumatisées, Simone de Beauvoir avait beau jeu ensuite de manipuler la gamine pour lui imposer une relation saphique. Notons que les Sartre eurent une attitude courageuse avec Bianca. Quand celle-ci leur demanda de l’aide sous l’Occupation, les deux « belles consciences » lui dirent d’aller se faire déporter ailleurs.

  • Sartre : (« La guerre m’avait enseigné qu’il fallait s’engager »)

    On remarquera que ce n’est pas la révolution espagnole ni les fascismes italien, allemand et espagnol qui l’y ont poussé !!! Et pas non plus ni la lutte des classes du front populaire, ni celle d’Espagne, ni le rejet des horreurs du colonialisme…

  • « Nous nous rangeons du côté de ceux qui veulent changer à la fois la condition sociale de l’homme et la conception qu’il a de lui-même. » disait Sartre. Changer mais dans quel sens ? !!!

    Sartre le laisse entendre sans le dire ou le dit, en disant le contraire ensuite. Il se dit pour la révolution communiste mais la révoque aussi…

    Sartre affirmait en novembre 1972 : « je savais bien que mes objectifs n’étaient pas ceux du PC, mais je pensais que nous aurions pu faire un bout de chemin ensemble. »

    Donc il savait depuis le début qu’il n’était pas favorable au PC dès qu’il a commencé à militer avec. C’est bien le problème de la fausseté de l’engagement de Sartre. Il n’est jamais celui qu’il fait croire qu’il est. Il n’est pas plus fasciste que résistant, pas plus communiste qu’anti-communiste, maoïste que pas maoïste, existentialiste ou non, marxiste ou non…

  • Donnez moi un exemple de phrase creuse de Sartre, de phrase prétendûment profonde qui n’aurait absolument aucun contenu ?

  • Pour cela, le « mieux » est « L’Etre ou le Néant » qui est plein de belles affirmations profondes comme celle-ci :

    « En fait, l’être est opaque à lui-même précisément parce qu’il est rempli de lui-même. C’est ce que nous exprimerons mieux en disant que « l’être est ce qu’il est ». »

    On pourrait dire tout aussi bien que la matière est remplie d’elle-même et que, du coup, la matière ne peut pas interagir avec la matière et même pas percevoir sa propre existence ! Manque de chance, la matière ne cesse d’interagir avec elle-même, comme le démontre la Physique, bien qu’elle soit remplie d’elle-même !!! On s’excuse de répondre ainsi à une absurdité aussi grossière de Sartre qui se donne un grand air de profiondeur pour affirmer une bêtise aussi profonde que les abimes !!!

  • Pouvez-vous me donner un exemple de la conception détraquée de Sartre ?

  • C’est Simone de Beauvoir qui le cite dans une de ses lettres à Sartre où elle le cite écritvant à une des multiples jeunes lycéennes, élèves de Simone, draguées par Simone et courtisées par Sartre à laquelle il annonce brutalement qu’il ne la verra plus par courrier :

    « Je passerai sur le ventre du monde entier. »

  • Faut-il discréditer la philosophie de Sartre et Simone de Beauvoir, leur existentialisme, sous prétexte que leurs mœurs étaient légères, peut-être un peu libres pour l’époque ?

  • Mœurs légères, dis-tu ?

    Elle a fait coucher avec Sartre une bonne dizaine de ses conquêtes féminines : Olga, Wanda, Bianca, Sorokine, etc.

    Or celles-ci avaient été draguées dans les lycées où elle enseignait et elle a finalement été exclue de l’Education nationale. Quand elle a été réintégrée en tant que philosophe, elle n’avait plus le droit d’enseigner…

    « Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refiler, ou faut-il dire plus grossièrement encore, de la rabattre sur Sartre… Sartre et Simone de Beauvoir ne m’ont fait finalement que du mal. », écrira une de leurs victimes, Bianca, à soixante-dix ans passés, les yeux enfin dessillés.

  • Même l’homosexualité de Beauvoir n’a rien de sympathique : elle drague des élèves de son lycée dont elle est le professeur, des jeunes filles qu’elle déclare, sans ses courriers, mépriser et manipuler, elle jette en même temps dans des bras d’hommes comme Sartre ou son élève Bost, en « aime » plusieurs à la fois et écrit à Sartre qu’elles la dégoûtent, qu’elle se moque de ces jeunes filles, qu’elle les trouve bêtes et que c’est ça qui l’amuse, qui lui plait ainsi que le fait de pouvoir ensuite le raconter à Sartre qui se délecte de ces récits.

  • Par exemple, dans un courrier du 9 janvier 1940, où elle cite ces conquêtes féminines qu’elle a rencontré ce jour-là, Kos, Sorokine, Gros, Yvette, Védrine, elle rajoute :

    « Ce matin, lycée (ce qui signifie qu’elle a donné son cours) – ah ! j’ai rêvé que je faisais encore une conquête : la fille brune d’H IV (le lycée Henri IV où elle donne aussi des cours) qui m’avait remis une lettre en début d’année ; je méditais de tromper Sorokine avec elle, mais elle se mettait une perruque rousse après m’avoir parlé et on m’avertissait que c’était un faux jeton ; c’est plein d’enseignements, mais j’ai paresse de les tirer, je vous livre la matière brute. »

    Le faux jeton, c’est elle, madame de Beauvoir, à la sensibilité et à la mentalité détraquée, cultivée dans ses travers par le soi-disant intellectuel Sartre …

  • Cependant, l’auteur du « Deuxième sexe » est jalouse des conquêtes féminnes qu’elle a mises dans le lit de Sartre avec lequel elle ne couche plus :

    « Vous savez que le passage que vous citez de Védrine est soufflé et faux ; elle est loin de ne vivre que pour vous ; elle vit formidablement pour moi, et aussi pour son travail et mille petites volontés particulères ; il y a une tension abstraite dans ses rapports avec vous ; elle calcule : 6 mois que je le connais et 7 mois sans le voir, et c’est cette représentation de votre amour inutile qui lui est présente et pénible. Elle est profondément heureuse d’ailleurs en ce moment. Il n’y a aucun remords à avoir de ne pas la voir – ça serait affreux qu’elle sache ; ce n’est pas du tout affreux qu’elle ne vous voie pas. »

  • Les seuls commentaires bienveillants des courriers de Simone de Beauvoir concernent sa propre écriture :

    « J’ai relu mes 80 premières pages, vraiment je trouve que c’est bien fait, et riche et assez habile. », le 6 janvier 1940

  • Les expressions que Simone de Beauvoir emploie pour ses conquêtes féminines :

    « vermine », « folle, sourde et pleine de tics », « sale », « grossière » et autres gentillesses…

    Voilà comment elle raconte sa manière de se débarrasser de celles qu’elle n’aime plus :

    « en quelques mots secs, je l’ai traînée plus bas que terre. » (lettre du 14 juillet 1940)

    Et toujours un détachement froid :

    « Avec Sorokine, de tendres mais superficielles étreintes, rendues extrêmement plaisantes par le charme constant de cette petite personne. »

  • Ce qui frappe le plus dans la correspondance de Simone de Beauvoir à Sartre, qui a été éditée, c’est qu’elle y raconte seulement et par le menu sa vie de déçue petite-bourgeoise et n’aborde jamais, au grand jamais, une seule idée, ni philosophique, ni politique, ni rien !!!!

  • Une des rares remarques des lettres de Simone de Beauvoir à Sartre (le 8 janvier 1940) qui ait un caractère social et politique consiste à justifier le nationalisme de la manière la plus bête et la plus naïvement petite-bourgeoise qui soit :

    « Je ne sais pas s’il faut s’assumer comme Français, j’y réfléchirai d’ici demain ; en partie oui, certainement, il me semble qu’écrire « La Nausée », c’est en partie oui, s’assumer comme Français ; n’avons-nous pas parlé de ça chez « Rey » une fois ? qu’on ne pouvait pas se solidariser avec les juifs persécutés d’Allemagne comme on le ferait pour les juifs de France et que dans le fait d’être « en situation » il fallait compter les frontières ? J’y réfléchirai (mais il me semble que cette assomption n’entraîne pas plus de patriotisme que d’assumer la guerre n’entraîne le bellicisme ? Dans mon petit roman j’ai fait une conversation où Pierre s’assume comme Français précisément, en refusant l’idée de transporter son théâtre en Amérique. »

  • Sartre est à la philosophie ce que Gainsbourg est à la chanson : l’aigri dégoûté et qui réussit à se moquer du monde avec une production qui le dégoute mais qu’il réussit à faire passer pour du génie.

  • Camus prit des contacts avec les syndicalistes révolutionnaires réunis autour de Pierre Monatte. Lors de discussions avec Camus, Monatte avait caractérisé les adeptes de Sartre de « papillons qui sont attirés par la lampe russe ». Par cette formule, il avait clairement pris position pour Camus et contre Sartre.

  • Quelques citations de Jean-Paul Sartre, tirées « Situations, IV » donnent une certaine idée du personnage qui se cache derrière cet auteur :

    « Quand les opprimés, dûment convaincus d’être des créatures inférieures, tirent vanité de leur condition servile, l’artiste est à l’aise. » (dans « L’artiste et sa conscience »)

    « Bien sûr, si l’on admet que l’URSS est le Diable, on peut supposer que ses dirigeants éprouvent une joie mauvaise à faire des purges qui bouleversent et épuisent les artistes… Mais si nous osons soutenir un instant cette thèse paradoxale et neuve que les dirigeants soviétiques sont des hommes, des hommes en position difficile, quasi intenable, qui cherchent à réaliser ce qui leur paraît bon, que les événements dépassent souvent et qui parfois sont entraînés plus loin qu’ils ne le veulent, bref des hommes pareils à nous, alors tout change ; et nous pouvons penser qu’ils ne donnent pas de gaieté de cœur ces brusques coups de barre qui risquent de détraquer la machine. » (tiré du même article qu’au-dessus)

    « La Servitude ou la Terreur (note : Sartre appelle ainsi le monde capitaliste et le monde stalinien) : il est possible que notre époque n’offre pas d’autre alternative à l’artiste. S’il faut choisir, j’avoue que je préfère la Terreur : non pas pour elle-même mais, parce que, en ce temps de reflux, elle maintient les exigences proprement esthétiques de l’art et lui permet d’attendre sans trop de dommages une époque plus favorable. » (même source)

    « Je ne puis m’empêcher d’être troublé par certains passages de ce fameux discours de Jdanov (17 août 1934 au premier congrès des écrivains soviétiques) qui a inspiré toute la politique culturelle de l’URSS. Vous le savez comme moi : les communistes sont coupables parce qu’ils ont tort dans leur manière d’avoir raison et ils nous rendent coupables parce qu’ils ont raison dans leur manière d’avoir tort. » (même article)

    « L’expérience est en cours : il s’agit de savoir s’il existe un seul acte dans ce monde falsifié dont nous puissions dire tranquillement : je l’ai fait…. Je suis un autre dit la voix du Traître… Mes gestes les plus légers, mes engagements les plus sincères esquissent des figures inanimées ; je dois me glisser dans ces manèges et tourner dedans, comme un cheval de cirque, pour les faire tourner. » (dans « Des rats et des hommes »)

    « Réponse à Albert Camus » :

    « S’il faut parler comme vous, comme l’anticommuniste parle de l’URSS, hélas comme vous parlez, qu’avez-vous fait de votre Thermidor… mais j’ai peur que vous vous révoltiez plus facilement contre l’Etat communiste que contre vous-mêmes… Mais ce qu’on appréciera surtout, j’imagine, c’est le passage de votre lettre où vous invitez à passer aux aveux : « Je trouverai normal et presque courageux qu’abordant franchement le problème vous justifiez l’existence de ces camps. Ce qui est anormal et trahit votre embarras c’est que vous n’en parliez point. » Nous sommes quai des Orfèvres, le flic marche et ses souliers craquent comme dans les films : « On sait tout, je te dis. C’est ton silence qui est suspect. Tu les connaissais, ces camps ? Hein ? Dis-le. Ce sera fini. Et puis le tribunal tiendra comptte des aveux. » Mon Dieu ! Camus que vous êtes « sérieux » et, pour employer un de vos mots, que vous êtes frivole ! Et si vous vous étiez trompé ? Et si votre livre témoignait simplement de votre incompétence philosophique ? S’il était fait de connaissances ramassées à la hâte et de seconde main ? S’il ne faisait que donner une bonne conscience aux privilégiés… Si vos pensées étaient vagues et banales ? (…) L’existence de ces camps peut nous indigner, nous faire horreur ; il se peut que nous en soyons obsédés : mais pourquoi nous embarrasserait-elle ? (…) Soyons sérieux, Camus, et dites-moi, s’il vous plaît, quel sentiment les « révélations » de Rousset ont pu susciter dans un cœur d’anti-communiste ? Le désespoir ? L’affliction ? (…) Or cela, Camus, ne peut pas affecter l’anticommuniste, qui croyait déjà l’URSS capable de tout. Le seul sentiment qu’ont provoqué en lui ces informations, c’est – cela me coûte de le dire- de la joie. De la joie parce qu’il tenait enfin sa preuve et qu’on allait voir ce qu’on allait voir. (…) Ouvrait-on la bouche pour protester contre quelque exaction, on nous la fermait sur l’heure : « Et les camps ? » On sommait les gens de dénoncer les camps sous peine d’en être complices… Et si je pensais que l’Histoire fût une piscine pleine de boue et de sang, je ferais comme vous, j’imagine, et j’y regarderais à deux fois avant de l’y plonger… Celui qui adhère au contraire aux fins des hommes concrets, il lui sera imposé de choisir ses amis… Vous êtes devenu terroriste et violent quand l’Histoire – que vous rejetiez – vous a rejeté à son tour : c’est que vous n’étiez plus qu’une abstraction de révolté. »

    « Révolutionnaires, nous ? Allons donc ! La révolution ne semblait alors que le plus aimable des mythes : une idée kantienne, en quelque sorte ; je répétais le mot avec respect, je ne savais rien de la chose. Intellectuels modérés, la Résistance nous avait tiré à gauche ; pas assez, et puis elle était morte ; livrés à nous-mêmes, qu’étions nous, que pouvions-nous être sinon des réformistes… Issus des classes moyennes, nous tentâmes de faire le trait d’union entre la petite bourgeoisie intellectuelle et les intellectuels communistes (traduisez staliniens – note M et R)… Mais qu’eussions-nous dit, qu’eussions-nous fait si l’on nous eût démontré que le régime concentrationnaire était exigé par l’infrastructure ? Il eût fallu mieux connaître l’URSS et le régime de la production : j’y vins quelques années plus tard et je fus libéré de ces craintes à l’heure où les camps s’ouvraient… Choisir la morale, c’est trahir la politique. Allez vous débrouiller avec ça… Que faire ? Taper comme des sourds, à droite et à gauche, sur deux géants qui ne sentiraient même pas nos coups ? C’était la solution de misère…Merleau crut à la culpabilité de Staline parce qu’il devait y croire ; Je ne crus à rien, je nageai dans l’incertitude. Ce fut ma chance ; je n’eus même pas la tentation de penser qu’il fût minuit dans le siècle, ni que nous vivions en l’an mille ni que le rideau se levât sur l’Apocalypse : je regardais de loin ce foyer d’incendie et je n’y voyais que du feu. »

    (dans l’article « Merleau-Ponty »)

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