Accueil > 03 - Livre Trois : HISTOIRE > 4ème chapitre : Révolutions prolétariennes jusqu’à la deuxième guerre mondiale > Quand le courant communiste était révolutionnaire, il était en tête des (...)

Quand le courant communiste était révolutionnaire, il était en tête des luttes d’indépendance au Maghreb

mardi 3 mai 2011, par Robert Paris

C’est le courant communiste de Lénine et de Trotsky, dans la foulée de la révolution russe, qui a été le premier à lancer le mot d’ordre d’indépendance des colonies, bien avant les bourgeoisies et petites bourgeoisies nationalistes.

A l’époque le courant communiste en France ne s’appelait pas PCF mais SFIC : section française de l’Internationale communiste...

Comment Lénine voyait les tâches des partis communistes sur la question coloniale en 1922

IV° Congrès

Internationale Communiste

Thèses générales sur la question d’Orient

I. La croissance du mouvement ouvrier en Orient

Se fondant sur l’expérience de l’édification soviétique en Orient et sur la croissance des mouvements nationalistes révolutionnaires aux colonies, le 2° Congrès de l’Internationale Communiste a fixé la position principale de l’ensemble de la question nationale et coloniale à une époque de lutte à longue échéance entre l’impérialisme et la dictature prolétarienne.

Depuis, la lutte contre le joug impérialiste dans les pays coloniaux et semi-coloniaux s’est considérablement intensifiée sur le terrain de l’aggravation de la crise politique et économique d’après-guerre de l’impérialisme.

Les faits suivants le prouvent :

1. la faillite du traité de Sèvres, qui avait pour objet le démembrement de la Turquie, et la restauration de l’autonomie nationale et politique de celle-ci ;
2. une forte recrudescence du mouvement nationaliste révolutionnaire aux Indes, en Mésopotamie, en Egypte, au Maroc, en Chine et en Corée ;
3. la crise intérieure sans issue où se trouve engagé l’impérialisme japonais, crise qui a provoqué l’accroissement rapide des éléments de la révolution bourgeoise démocratique et le passage du prolétariat japonais à une lutte de classe autonome ;
4. l’éveil du mouvement ouvrier dans tous les pays orientaux et la formation, dans presque tous ces pays, de partis communistes.

Les faits précités sont l’indice d’une modification survenue à la base sociale du mouvement révolutionnaire des colonies ; cette modification provoque une intensification de la lutte anti-impérialiste dont, de cette façon, la direction n’appartient plus exclusivement aux éléments féodaux et à la bourgeoisie nationaliste qui sont prêts à des compromis avec l’impérialisme.

La guerre impérialiste de 1914-18 et la longue crise du capitalisme, surtout du capitalisme européen, qui s’ensuivit, ont débilité la tutelle économique des métropoles sur les colonies.

D’un autre côté, les mêmes circonstances qui ont eu pour résultat un rétrécissement de la base économique et de la sphère d’influence politique du capitalisme mondial ont accentué encore davantage les compétitions capitalistes autour des colonies, d’où une rupture d’équilibre dans l’ensemble du système du capitalisme mondial (lutte pour le pétrole, conflit anglo-français en Asie Mineure, rivalité américano-japonaise pour la domination sur l’océan Pacifique, etc.).

C’est précisément cet affaiblissement de l’ascendant capitaliste sur les colonies, en même temps que la rivalité croissante des divers groupes impérialistes, qui a facilité le développement du capitalisme indigène dans les pays coloniaux et semi-coloniaux ; ce capitalisme a déjà débordé et continue à déborder le cadre étroit et gênant de la domination impérialiste des métropoles. Jusqu’à présent, le capital des métropoles persistant à vouloir monopoliser la plus-value de l’exploitation commerciale, industrielle et fiscale des pays arriérés, tâchait d’isoler ces derniers de la circulation économique du reste du monde. La revendication d’une autonomie nationale et économique arborée par le mouvement nationaliste colonial est l’expression du besoin de développement bourgeois éprouvé par ces pays. Le progrès constant des forces productrices indigènes aux colonies se trouve ainsi en contradiction irréductible avec les intérêts du capitalisme mondial, car l’essence même de l’impérialisme comporte l’utilisation de la différence de niveau qui existe dans le développement des forces productrices des divers secteurs de l’économie mondiale, dans le but de s’assurer la totalité de la plus-value monopolisée.
II. Les conditions de la lutte

Le caractère retardataire des colonies s’accuse dans la diversité des mouvements nationalistes révolutionnaires dirigés contre l’impérialisme et reflète les divers niveaux de transition entre les corrélations féodales et féodalo-patriarcales et le capitalisme. Cette diversité prête un aspect particulier à l’idéologie de ces mouvements.

Dans ces pays, le capitalisme surgit et se développe sur une base féodale ; il prend des formes incomplètes, transitoires et bâtardes qui laissent la prépondérance, avant tout, au capital commercial et usuraire (Orient musulman, Chine). Aussi la démocratie bourgeoise prend-elle, pour se différencier des éléments féodalo-bureaucratiques et féodalo-agrariens, une voie détournée et embrouillée. Tel est le principal obstacle au succès de la lutte contre le joug impérialiste, car l’impérialisme étranger ne se fait pas faute de transformer dans tous les pays arriérés la couche supérieure féodale (et en partie semi-féodale, semi-bourgeoise) de la société indigène en instrument de sa domination (gouverneurs militaires, ou toukoiuns en Chine, bureaucratie et aristocratie en Perse, fermiers de l’impôt foncier, zémindars et taloukdars aux Indes, planteurs de formation capitaliste en Egypte, etc.).

Ainsi les classes dirigeantes des pays coloniaux et semi-coloniaux n’ont-elles ni la capacité ni le désir de diriger la lutte contre l’impérialisme, à mesure que cette lutte se transforme en un mouvement révolutionnaire de masses. Là seulement où le régime féodalo-patriarcal ne s’est pas suffisamment décomposé pour séparer complètement les hautes couches indigènes des masses du peuple, comme par exemple chez les nomades et semi-nomades, les représentants de ces hautes couches peuvent jouer le rôle de guides actifs dans la lutte contre l’oppression capitaliste (Mésopotamie, Mongolie, Maroc).

Dans les pays musulmans, le mouvement national trouve tout d’abord son idéologie dans les mots d’ordre politico-religieux du panislamisme, ce qui permet aux fonctionnaires et aux diplomates des métropoles de se servir des préjugés et de l’ignorance des multitudes populaires pour combattre ce mouvement (c’est ainsi que les Anglais jouent au panislamisme et au panarabisme, déclarant vouloir transporter le Khalifat aux Indes, etc., et l’impérialisme français spécule sur les « sympathies musulmanes »). Cependant, à mesure que s’élargit et mûrit le mouvement d’émancipation nationale, les mots d’ordre politico-religieux du panislamisme sont évincés par des revendications politiques concrètes. Ce qui le confirme, c’est la lutte commencée dernièrement en Turquie pour enlever au Khalifat son pouvoir temporel.

La tâche fondamentale, commune à tous les mouvements nationaux-révolutionnaires, consiste à réaliser l’unité nationale et l’autonomie politique. La solution réelle et logique de cette tâche dépend de l’importance des masses travailleuses que tel ou tel mouvement national saura entraîner dans son cours, après avoir rompu toutes relations avec les éléments féodaux et réactionnaires et incarné dans son programme les revendications sociales de ces masses.

Se rendant fort bien compte que dans diverses conditions historiques les éléments les plus variés peuvent être les porte-parole de l’autonomie politique, l’Internationale Communiste soutient tout mouvement national-révolutionnaire dirigé contre l’impérialisme. Toutefois, elle ne perd pas de vue en même temps que, seule, une ligne révolutionnaire conséquente, basée sur la participation des grandes masses à la lutte active et la rupture sans réserve avec tous les partisans de la collaboration avec l’impérialisme peut amener les masses opprimées à la victoire. La liaison qui existe entre la bourgeoisie indigène et les éléments féodalo-réactionnaires permet aux impérialistes de tirer largement parti de l’anarchie féodale, de la rivalité qui règne entre les divers clans et tribus, de l’antagonisme entre la ville et les campagnes, de la lutte entre castes et sectes nationalo-religieuses pour désorganiser le mouvement populaire (Chine, Perse, Kurdistan, Mésopotamie).
III. La question agraire

Dans la plupart des pays d’Orient (Inde, Perse, Egypte, Syrie, Mésopotamie), la question agraire présente une importance de premier ordre dans la lutte pour l’affranchissement du joug du despotisme métropolitain. En exploitant et en ruinant la majorité paysanne des pays arriérés, l’impérialisme la prive des moyens élémentaires d’existence, cependant que l’industrie peu développée, disséminée sur divers points du pays, est incapable d’absorber l’excédent de population rurale qui, en outre, ne peut même pas émigrer. Les paysans pauvres restés sur leur sol se transforment en serfs. Si, dans les pays civilisés, les crises industrielles d’avant-guerre jouaient le rôle de régulateur de la production sociale, ce rôle régulateur est rempli dans les colonies par les famines. L’impérialisme, ayant un intérêt vital à recevoir le plus de bénéfices avec le moins de dépenses, soutient jusqu’à la dernière extrémité dans les pays arriérés les formes féodales et usuraires d’exploitation de la main-d’œuvre. Dans certains pays, comme par exemple aux Indes, il s’attribue le monopole, appartenant à l’Etat féodal indigène, de la jouissance des terres et transforme l’impôt foncier en une redevance qui doit être versée au capital métropolitain et à ses commis, les « zémindaram » et « taloukdar ». Dans d’autres pays, l’impérialisme se saisit de la rente foncière en se servant pour cela de l’organisation indigène de la grosse propriété foncière (Perse, Maroc, Egypte, etc.). Il s’ensuit que la lutte pour la suppression des barrières et des redevances féodales qui restent sur le sol revêt le caractère d’une lutte d’émancipation nationale contre l’impérialisme et la grande propriété foncière féodale. On peut prendre pour exemple le soulèvement des Moplahs contre les propriétaires fonciers et les Anglais, en automne 1921, aux Indes, et le soulèvement des Sikhs, en 1922. Seule, une révolution agraire ayant pour objet l’expropriation de la grosse propriété féodale est capable de soulever les multitudes paysannes et d’acquérir une influence décisive dans la lutte contre l’impérialisme. Les nationalistes bourgeois ont peur des mots d’ordre agraires et les rognent tant qu’ils peuvent (Indes, Perse, Egypte), ce qui prouve l’étroite liaison qui existe entre la bourgeoisie indigène et la grande propriété foncière féodale et féodalo-bourgeoise ; cela prouve aussi qu’idéologiquement et politiquement les nationalistes dépendent de la propriété foncière. Ces hésitations et ces incertitudes doivent être utilisées par les éléments révolutionnaires pour une critique systématique et divulgatrice de la politique hybride des dirigeants bourgeois du mouvement nationaliste. C’est précisément cette politique hybride qui empêche l’organisation et la cohésion des masses travailleuses, comme le prouve la faillite de la tactique de la résistance passive aux Indes (non-coopération).

Le mouvement révolutionnaire dans les pays arriérés d’Orient ne peut être couronné de succès que s’il est basé sur l’action des multitudes paysannes. C’est pourquoi les partis révolutionnaires de tous les pays d’Orient doivent nettement déterminer leur programme agraire et exiger la suppression totale du féodalisme et de ses survivances qui trouvent leur expression dans la grande propriété foncière et dans l’exemption de l’impôt foncier. Aux fins d’une participation active des masses paysannes à la lutte pour l’affranchissement national, il est indispensable de proclamer une modification radicale du système de jouissance du sol. De même, il est indispensable de forcer les partis bourgeois nationalistes à adopter la plus grande partie possible de ce programme agraire révolutionnaire.
IV. Le mouvement ouvrier en Orient

Le jeune mouvement ouvrier oriental est un produit du développement du capitalisme indigène de ces derniers temps. Jusqu’à présent, la classe ouvrière indigène, si même on prend son noyau fondamental, se trouve traverser une époque transitoire, s’acheminant du petit atelier corporatif à la fabrique du grand type capitaliste. Pour autant que les intellectuels bourgeois nationalistes entraînent dans le mouvement révolutionnaire la classe ouvrière pour lutter contre l’impérialisme, leurs représentants assument tout d’abord un rôle directeur dans l’action et l’organisation professionnelle embryonnaire. Au début, l’action de la classe ouvrière ne dépasse pas le cadre des intérêts « communs à toutes les nations » de démocratie bourgeoise (grèves contre la bureaucratie et l’administration impérialiste en Chine et aux Indes). Bien souvent, comme l’a indiqué le 2° Congrès de l’Internationale Communiste, les représentants du nationalisme bourgeois, exploitant l’autorité politique et morale de la Russie des Soviets et s’adaptant à l’instinct de classe des ouvriers, drapent leurs aspirations démocratico-bourgeoises dans du « socialisme » et du « communisme » pour détourner ainsi, parfois sans s’en rendre compte, les premiers organes embryonnaires du prolétariat de leurs devoirs d’organisation de classe (tel le Parti Behill Ardou en Turquie, qui a repeint le panturquisme en rouge, et le « socialisme d’Etat » préconisé par certains représentants du parti Kuomintang).

Malgré cela, le mouvement professionnel et politique de la classe ouvrière des pays arriérés a grandement progressé dans ces dernières années. La formation de partis autonomes de la classe prolétarienne dans presque tous les pays orientaux est un fait symptomatique, bien que la majorité écrasante de ces partis doive faire encore un grand travail intérieur pour se libérer de l’esprit de coterie et de beaucoup d’autres défauts. L’Internationale Communiste a, dès le début, apprécié à sa juste valeur l’importance potentielle du mouvement ouvrier en Orient, et cela prouve bien que les prolétaires du monde entier sont unifiés internationalement sous le drapeau du Communisme. Les Internationales II et 2 1/2 n’ont, jusqu’à présent, trouvé de partisans dans aucun des pays arriérés, parce qu’elles se bornent à jouer un « rôle auxiliaire » en face de l’impérialisme européen et américain.
V. Les objectifs généraux des partis communistes de l’ Orient

Les nationalistes bourgeois apprécient le mouvement ouvrier selon l’importance qu’il peut avoir pour leur victoire. Le prolétariat international apprécie le mouvement ouvrier oriental au point de vue de son avenir révolutionnaire. Sous le régime capitaliste, les pays arriérés ne peuvent pas prendre part aux conquêtes de la science et de la culture contemporaine sans payer un énorme tribut à l’exploitation et à l’oppression barbares du capital métropolitain. L’alliance avec les prolétariats des pays hautement civilisés leur sera avantageuse, non seulement parce qu’elle correspond aux intérêts de leur lutte commune contre l’impérialisme, mais aussi parce que c’est seulement après avoir triomphé que le prolétariat des pays civilisés pourra fournir aux ouvriers de l’Orient un secours désintéressé pour le développement de leurs forces productrices arriérées. L’alliance avec le prolétariat occidental fraie la voie vers une fédération internationale des républiques soviétiques. Le régime soviétique offre aux peuples retardataires le moyen le plus facile pour passer de leurs conditions d’existence élémentaires à la haute culture du Communisme, qui est destinée à supplanter dans l’économie mondiale le régime capitaliste de production et de répartition. Le meilleur témoignage en est l’expérience de l’édification soviétique dans les colonies affranchies de l’ex-Empire Russe. Seule, une forme d’administration soviétique est à même d’assurer le couronnement logique de la révolution agraire paysanne. Les conditions spécifiques de l’économie agricole dans une certaine partie des pays orientaux (irrigation artificielle), entretenues jadis par une organisation originale de collaboration collective sur une base féodale et patriarcale et compromises actuellement par la piraterie capitaliste, exigent également une organisation politique capable de servir systématiquement les besoins sociaux. Par suite de conditions climatiques, sociales et historiques particulières, un rôle important appartient généralement en Orient, dans la période transitoire, à la coopération des petits producteurs.

Les tâches objectives de la révolution coloniale dépassent le cadre de la démocratie bourgeoise. En effet, sa victoire décisive est incompatible avec la domination de l’impérialisme mondial. Au début, la bourgeoisie indigène et les intellectuels indigènes assument le rôle de pionniers des mouvements révolutionnaires coloniaux ; mais dès que les masses prolétariennes et paysannes s’incorporent à ces mouvements, les éléments de la grosse bourgeoisie et de la bourgeoisie foncière s’en écartent, laissant le premier pas aux intérêts sociaux des couches inférieures du peuple. Une longue lutte, qui durera toute une époque historique,. attend le jeune prolétariat des colonies, lutte contre l’exploitation impérialiste et contre les classes dominantes indigènes qui aspirent à monopoliser tous les bénéfices du développement industriel et intellectuel et veulent que les masses restent comme par le passé dans une situation « préhistorique ».

Cette lutte pour l’influence sur les masses paysannes doit préparer le prolétariat indigène au rôle d’avant-garde politique. Ce n’est qu’après s’être soumis à ce travail préparatoire et après lui avoir soumis les couches sociales adjacentes que le prolétariat indigène se trouvera en mesure de faire face à la démocratie bourgeoise orientale, qui porte un caractère de formalisme encore plus hypocrite que la bourgeoisie d’Occident.

Le refus des communistes des colonies de prendre part à la lutte contre l’oppression impérialiste sous le prétexte de « défense » exclusive des intérêts de classe, est le fait d’un opportunisme du plus mauvais aloi qui ne peut que discréditer la révolution prolétarienne en Orient. Non moins nocive est la tentative de se mettre à l’écart de la lutte pour les intérêts quotidiens et immédiats de la classe ouvrière au nom d’une « unification nationale » ou d’une « paix sociale » avec les démocrates bourgeois. Deux tâches confondues en une seule incombent aux partis communistes coloniaux et semi-coloniaux : d’une part, ils luttent pour une solution radicale des problèmes de la révolution démocratique-bourgeoise ayant pour objet la conquête de l’indépendance politique ; d’autre part, ils organisent les masses ouvrières et paysannes pour leur permettre de lutter pour les intérêts particuliers de leur classe et utilisent à cet effet toutes les contradictions du régime nationaliste démocratique-bourgeoise. En formulant des revendications sociales, ils stimulent et libèrent l’énergie révolutionnaire qui ne se trouvait point d’issue dans les revendications libérales bourgeoises. La classe ouvrière des colonies et semi-colonies doit savoir fermement que, seules, l’extension et l’intensification de la lutte contre le joug impérialiste des métropoles peuvent lui donner un rôle directeur dans la révolution, et que, seules, l’organisation économique et politique et l’éducation politique de la classe ouvrière et des éléments semi-prolétariens peuvent augmenter l’amplitude révolutionnaire du combat contre l’impérialisme.

Les partis communistes des pays coloniaux et semi-coloniaux d’Orient, qui sont encore dans un état plus ou moins embryonnaire, doivent participer à tout mouvement apte à leur ouvrir un accès aux masses. Mais ils doivent mener une lutte énergique contre les préjugés patriarco-corporatifs et contre l’influence bourgeoise dans les organisations ouvrières pour défendre ces formes embryonnaires d’organisations professionnelles contre les tendances réformistes et les transformer en organes combatifs des masses. Ils doivent s’employer de toutes leurs forces à organiser les nombreux journaliers et journalières ruraux, de même que les apprentis des deux sexes sur le terrain de la défense de leurs intérêts quotidiens.
VI. Le front anti-impérialiste unique

Dans les pays occidentaux qui traversent une période transitoire caractérisée par une accumulation organisée des forces, a été lancé le mot d’ordre du front prolétarien unique ; dans les colonies orientales, il est indispensable, à l’heure présente, de lancer le mot d’ordre du front anti-impérialiste unique. L’opportunité de ce mot d’ordre est conditionnée par la perspective d’une lutte à longue échéance contre l’impérialisme mondial, lutte exigeant la mobilisation de toutes les forces révolutionnaires. Cette lutte est d’autant plus nécessaire que les classes dirigeantes indigènes sont enclines à des compromis avec le capital étranger et que ces compromis portent atteinte aux intérêts primordiaux des masses populaires. De même que le mot d’ordre du front prolétarien unique a contribué et contribue encore en Occident à démasquer la trahison, par les social-démocrates, des intérêts du prolétariat, de même le mot d’ordre du front anti-impérialiste unique contribuera à démasquer les hésitations et les incertitudes des divers groupes du nationalisme bourgeois. D’autre part, ce mot d’ordre aidera au développement de la volonté révolutionnaire et à la clarification de la conscience de classe des travailleurs en les incitant à lutter au premier rang. non seulement contre l’impérialisme, mais encore contre toute espèce de survivance du féodalisme.

Le mouvement ouvrier des pays coloniaux et semi-coloniaux doit, avant tout, conquérir une position de facteur révolutionnaire autonome dans le front anti-impérialiste commun. Ce n’est que si on lui reconnaît cette importance autonome et s’il conserve sa pleine indépendance politique que des accords temporaires avec la démocratie bourgeoise sont admissibles et même indispensables. Le prolétariat soutient et arbore des revendications partielles, comme par exemple la république démocratique indépendante, l’octroi aux femmes des droits dont elles sont frustrées, etc., tant que la corrélation des forces qui existe à présent ne lui permet pas de mettre à l’ordre du jour la réalisation de son programme soviétique. En même temps, il essaye de lancer des mots d’ordre susceptibles de contribuer à la fusion politique des masses paysannes et semi-prolétariennes avec le mouvement ouvrier. Le front anti-impérialiste unique est lié indissolublement à l’orientation vers la Russie des Soviets.

Expliquer aux multitudes travailleuses la nécessité de leur alliance avec le prolétariat international et avec les républiques soviétiques, voilà l’un des principaux points de la tactique anti-impérialiste unique. La révolution coloniale ne peut triompher qu’avec la révolution prolétarienne dans les pays occidentaux.

Le danger d’une entente entre le nationalisme bourgeois et une ou plusieurs puissances impérialistes hostiles, aux dépens des masses du peuple, est beaucoup moins grand dans les pays coloniaux que dans les pays semi-coloniaux (Chine, Perse) ou bien dans les pays qui luttent pour l’autonomie politique en exploitant à cet effet les rivalités impérialistes (Turquie).

Reconnaissant que des compromis partiels et provisoires peuvent être admissibles et indispensables quand il s’agit de prendre un répit dans la lutte d’émancipation révolutionnaire menée contre l’impérialisme, la classe ouvrière doit s’opposer avec intransigeance à toute tentative d’un partage de pouvoir entre l’impérialisme et les classes dirigeantes indigènes, que ce partage soit fait ouvertement ou sous une forme déguisée, car il a pour but de conserver leurs privilèges aux dirigeants. La revendication d’une alliance étroite avec la République prolétarienne des Soviets est la bannière du front anti-impérialiste unique. Après l’avoir élaborée, il faut mener une lutte décisive pour la démocratisation maximum du régime politique, afin de priver de tout soutien les éléments socialement et politiquement les plus réactionnaires et afin d’assurer aux travailleurs la liberté d’organisation leur permettant de lutter pour leurs intérêts de classe (revendications de la république démocratique, réforme agraire, réforme des impositions foncières, organisation d’un appareil administratif basé sur le principe d’un large self-government, législation ouvrière, protection du travail, des enfants, protection de la maternité, de l’enfance, etc.). Même sur le territoire de la Turquie indépendante la classe ouvrière ne jouit pas de la liberté de coalition, ce qui peut servir d’indice caractéristique de l’attitude adoptée par les nationalistes bourgeois à l’égard du prolétariat.
VII. - Les tâches du prolétariat des pays du Pacifique

La nécessité de l’organisation d’un front anti-impérialiste est dictée en outre par la croissance permanente et ininterrompue des rivalités impérialistes. Ces rivalités revêtent actuellement une telle acuité qu’une nouvelle guerre mondiale, dont l’Océan Pacifique sera l’arène, est inévitable, si la révolution internationale ne la prévient.

La conférence de Washington était une tentative faite pour parer à ce danger, mais en réalité elle n’a fait qu’approfondir et qu’exaspérer les contradictions de l’impérialisme. La lutte qui a eu lieu dernièrement entre Hu-Peï-Fu et Djan-So-Lin en Chine, est la conséquence directe de l’échec du capitalisme japonais et du capitalisme anglo-américain dans leur tentative d’accorder leurs intérêts à Washington. La nouvelle guerre qui menace le monde entraînera non seulement le Japon, l’Amérique et l’Angleterre, mais aussi les autres puissances capitalistes, telles que la France et la Hollande, et tout laisse prévoir qu’elle sera encore plus dévastatrice que la guerre de 1914-18.

La tâche des partis communistes coloniaux et semi-coloniaux des pays riverains de l’Océan Pacifique consiste à mener une propagande énergique ayant pour but d’expliquer aux masses le danger qui les attend et de les appeler à une lutte active pour l’affranchissement national et à insister pour qu’elles s’orientent vers la Russie des Soviets, soutien de tous les opprimés et de tous les exploités.

Les partis communistes des pays impérialistes tels que l’Amérique, le Japon, l’Angleterre, l’Australie et le Canada ont le devoir, vu le danger imminent, de ne pas se borner à une propagande contre la guerre, mais de s’efforcer par tous les moyens d’écarter les facteurs capables de désorganiser le mouvement ouvrier de ces pays et de faciliter l’utilisation par les capitalistes des antagonismes de nationalités et de races.

Ces facteurs sont : la question de l’émigration et celle du bon marché de la main-d’œuvre de couleur.

Le système des contrats reste jusqu’à présent le principal moyen de recrutement des ouvriers de couleur pour les plantations sucrières des pays du sud du Pacifique où les ouvriers sont importés de Chine et des Indes. Ce fait a déterminé les ouvriers des pays impérialistes à exiger la mise en vigueur de lois prohibant l’immigration et l’emploi de la main-d’œuvre de couleur, aussi bien en Amérique qu’en Australie. Ces lois prohibitives accusent l’antagonisme qui existe entre les ouvriers blancs et les ouvriers de couleur, divisent et affaiblissent l’unité du mouvement ouvrier.

Les partis communistes des Etats-Unis, du Canada et d’Australie doivent entreprendre une campagne énergique contre les lois prohibitives et montrer aux masses prolétariennes de ces pays que des lois de ce genre, excitant les inimitiés de races, se retournent en fin de compte contre les travailleurs des pays prohibitionnistes.

D’un autre côté, les capitalistes suspendent les lois prohibitives pour faciliter l’immigration de la main-d’œuvre de couleur, qui travaille à meilleur marché, et pour diminuer ainsi le salaire des ouvriers blancs. Cette intention manifestée par les capitalistes de passer à l’offensive peut être déjouée efficacement si les ouvriers immigrés entrent dans les syndicats où sont organisés les ouvriers blancs. Simultanément, doit être revendiquée une augmentation des salaires de la main-d’œuvre de couleur, de façon à les rendre égaux à ceux des ouvriers blancs. Une telle mesure prise par les partis communistes démasquera les intentions capitalistes et en même temps montrera avec évidence aux ouvriers de couleur que le prolétariat international est étranger aux préjugés de race.

Pour réaliser les mesures ci-dessus indiquées, les représentants du prolétariat révolutionnaire des pays du Pacifique doivent convoquer une conférence des pays du Pacifique qui élaborera la tactique à suivre et trouvera les formes d’organisation pour l’unification effective du prolétariat de toutes les races des pays du Pacifique.
VIII. Les tâches coloniales des pays métropolitains

L’importance primordiale du mouvement révolutionnaire aux colonies pour la révolution prolétarienne internationale exige une intensification de l’action aux colonies des partis communistes des puissances impérialistes.

L’impérialisme français compte, pour la répression des forces de la révolution prolétarienne en France et en Europe, sur les indigènes des colonies qui, dans sa pensée, serviront de réserves à la contre-révolution.

Les impérialismes anglais et américain continuent, comme par le passé, à diviser le mouvement ouvrier en attirant à leurs côtés l’aristocratie ouvrière par la promesse de lui octroyer une partie de la plus-value provenant de l’exploitation coloniale.

Chacun des partis communistes des pays possédant un domaine colonial doit se charger d’organiser systématiquement une aide matérielle et morale au mouvement révolutionnaire ouvrier des colonies. Il faut, à tout prix, combattre opiniâtrement et sans merci les tendances colonisatrices de certaines catégories d’ouvriers européens bien payés, travaillant dans les colonies. Les ouvriers communistes européens des colonies doivent s’efforcer de rallier les prolétaires indigènes en gagnant leur confiance par des revendications économiques concrètes (hausse des salaires indigènes jusqu’au niveau des salaires des ouvriers européens, protection du travail, etc.). La création, aux colonies (Egypte et Algérie), d’organisations communistes européennes isolées n’est qu’une forme déguisée de la tendance colonisatrice et un soutien des intérêts impérialistes. Construire des organisations communistes d’après le principe national, c’est se mettre en contradiction avec les principes de l’internationalisme prolétarien. Tous les partis de l’Internationale Communiste doivent constamment expliquer aux multitudes travailleuses l’importance extrême de la lutte contre la domination impérialiste dans les pays arriérés. Les partis communistes agissant dans les pays métropolitains doivent former auprès de leurs comités directeurs des commissions coloniales permanentes qui travailleront aux fins indiquées ci-dessus. L’Internationale Communiste doit aider les partis communistes de l’Orient, au premier chef, en leur donnant son aide pour l’organisation de la presse, l’édition périodique de journaux rédigés dans les idiomes locaux. Une attention particulière doit être accordée à l’action parmi les organisations ouvrières européennes et parmi les troupes d’occupation coloniales. Les partis communistes des métropoles doivent profiter de toutes les occasions qui se présentent à eux pour divulguer le banditisme de la politique coloniale de leurs gouvernements impérialistes ainsi que de leurs partis bourgeois et réformistes.

janvier 1925

PARTI COMMUNISTE

Le Parti Communiste et la question coloniale

EL DJAZAIRI

La grande guerre a détraqué l’économie européenne. Par leurs
appétits déchaînés, les impérialistes qui avaient jeté le monde dans le
cataclysme pour s’arracher le marché colonial, ont fait sombrer leur
économie nationale, désorganisé la production, aggravé la situation
matérielle de leur classe ouvrière.

Malgré toutes leurs tentatives d’arbitrage, leur marchandage, leurs
conférences diplomatiques, les Etats capitalistes européens ne
peuvent renflouer l’économie. Dans tous les pays, la misère s’est
accrue, aiguisant les antagonismes de classes, dressant chaque
prolétariat contre sa bourgeoisie.

Les Etats européens épuisés, criblés de dettes, livrés à la finance
américaine, se débattent dans le chaos et tâchent de faire reculer la
faillite qui les menace. Et le prolétariat, martyrisé, écrasé par un
redoublement d’exploitation, malgré la répression, malgré les
boniments de la social-démocratie, ne peut, ne veut supporter les
frais de cette faillite. Alors, les visées capitalistes se tournent vers les
colonies.

La France qui avait leurré sa classe ouvrière par la formule « Le
Boche paiera ! » se rejette maintenant sur son empire colonial. La
guerre qui n’a profité qu’aux Etats-Unis, ne lui a laissé aucune chance
de soutirer un liard à l’Allemagne colonisée par les financiers du
Wall Street.

Les colonies, jusqu’ici délaissées, reviennent à l’ordre du jour.
En effet, l’immense empire colonial français, avec ses 60 millions
d’habitants, doit tirer la métropole du marasme où elle s’est enfoncée.
Avant la guerre, le capitalisme français, par l’état arriéré de sa
technique, ne puisait dans ses colonies que la matière première
facilement exploitable pour sa petite production.

L’Allemagne, l’Autriche, l’Angleterre bénéficiaient autrement de leur
domaine colonial elles y exploitaient les mines, y exportaient leurs
machines agricoles, les produits manufacturés de leurs grandes
industries, créaient des ports pour leurs lignes de navigation.
Depuis, la guerre a révolutionné la technique de la production
française et par là les visées de l’impérialisme français. Pour la
fabrication d’engins de mort, pour l’importation du matériel humain
de combat et de production, pour se procurer la nourriture pour
l’armée et la population, les capitalistes français prétendent puiser
dans les colonies une partie essentielle des éléments nécessaires pour
les prochaines guerres.

Tous les industriels, toutes les banques ou consortiums, les
économistes, les militaristes, ne parlent que de la mise en valeur du
domaine colonial français. De vastes plans d’exploitation sont
élaborés, des banques coloniales se constituent, offrant d’alléchants
dividendes pour attirer les capitaux, les publications sur la
colonisation foisonnent : ouvrages, revues techniques, économiques,
politiques et financières, jusqu’à la grande presse qui réserve une
place importante à cette question.

Il faut, maintenant, comme le disait l’esclavagiste Albert Sarraut,
mettre les colonies à même de fournir au redressement de la patrie
les ressources considérables dont elles peuvent disposer.
Tout ce plan gigantesque d’exploitation pose le problème du sort des
peuples indigènes qui habitent les immenses territoires conquis : 60
millions d’hommes opprimés, tyrannisés, réduits à l’esclavage.
Le sort de ces indigènes est étroitement lié à celui du prolétariat de
France. Chaque mouvement social qui s’opère dans l’un des deux
éléments a sa répercussion sur l’autre.

Sur cette question vitale, le Parti Communiste, avant-garde de la
classe ouvrière, doit porter sa plus grande attention. Chacun de ses
membres, doit suivre au jour le jour, non seulement le mouvement
révolutionnaire des ouvriers d’Europe, mais celui qui fermente dans
les masses coloniales.

Ce serait une erreur de croire qu’il faut attendre la révolution
communiste en Europe pour libérer la masse des peuples coloniaux
du joug impérialiste. Ces peuples colonisés, exploités odieusement,
ne demandent qu’à chasser immédiatement l’envahisseur.
Leur mouvement, nous n’avons aucune illusion sur ce point, n’est pas
un mouvement prolétarien proprement dit, il est en ce moment mené
par une bourgeoisie nationaliste qui, à la faveur de la guerre, s’est
considérablement développée.

Tout en constatant que le mouvement des peuples coloniaux est un
mouvement nationaliste, il ne faut pas oublier que ce nationalisme
n’a nullement le caractère réactionnaire comme le nationalisme des
Daudet, Millerand et consorts.

La partie militante de la bourgeoisie indigène est révolutionnaire. En
plus de cela - et ceci est pour nous l’essentiel - la lutte des peuples
coloniaux pour leur indépendance affaiblit considérablement
l’impérialisme et facilite la lutte émancipatrice du prolétariat
européen.

Les colonies étant une base essentielle de l’économie des états
capitalistes : l’indépendance des colonies favorisera le capital
indigène et la crise économique qui en résultera pour l’impérialisme
conquérant ne peut que hâter la révolution prolétarienne.
Jusqu’au commencement de ce siècle, la question coloniale a été
traitée par les gens de la IIè Internationale sous l’angle d’un
humanitarisme hypocrite. Ils justifiaient la conquête des colonies
sous le prétexte mensonger de « civilisation ». Dans cette période de
prospérité capitaliste, la démagogie avait une grande emprise sur les
cerveaux des ouvriers blancs, aristocrates ouvriers d’alors !
Mais les colonies, comme l’Inde, l’Egypte, l’Indochine, acquièrent un
tel développement économique que non seulement elles se passent de
la production métropolitaine, mais la concurrencent.

Par exemple, l’usine métallurgique de Tata dans l’Inde, emploie à elle
seule plus de 60.000 ouvriers. Et les salaires des coolies (1 franc par
jour) expliquent aussi la concurrence qui se produit sur le marché du
travail mondial. Le chiffre énorme des chômeurs en Angleterre en est
une preuve éclatante.

En dépit de sa phraséologie radicale, le gouvernement Herriot
poursuit dans les colonies la même politique esclavagiste que ses
prédécesseurs. C’est que l’accumulation capitaliste l’exige. Les
armements se multiplient, les expéditions violentes. (Maroc, Syrie,
etc.) se poursuivent : et mettront bientôt de nouveau aux prises les
capitalistes.

Pour réprimer les révoltes, l’armée et les navires anglais terrorisent
l’Egypte et les Indes. Demain ce sera le tour de la Tunisie ou de
l’Indochine. Alors, quelle sera l’attitude du prolétariat européen, du
prolétariat français ? Peut-il se désintéresser du mouvement
effectivement révolutionnaire des peuples, coloniaux ? Cette
indifférence équivaudrait à son suicide.

Le prolétariat européen doit favoriser par tous les moyens tout
mouvement des, peuples coloniaux pour leur indépendance.

Les tâches de Parti français

Même après le quatrième Congrès mondial, le parti français, encore
empoisonné par l’idéologie de l’ancien parti socialiste, conservait une
attitude passive devant le problème colonial.

De justes critiques avaient été faites au sujet de l’inactivité du Parti
dans ce domaine, alors qu’il suffisait de peu d’effort pour s’attirer la
sympathie des masses coloniales.

En attendant la réalisation de la revendication maximum de
l’indépendance des colonies, le Parti Communiste doit mener
l’agitation pour soutenir des revendications économiques et
politiques des indigènes.

La candidature coloniale présentée par le Parti aux élections
législatives avait remué les indigènes d’Algérie pour qui le droit de
représentation parlementaire est une. réforme capitale.
En soutenant l’émir Khaled et même son programme de
revendications démocratiques, le Parti s’est attiré la sympathie des
Nord-Africains et les réunions syndicales ou politiques organisées
pour ces travailleurs ont depuis le plus grand succès.

L’Internationale, dans son cinquième Congrès mondial s’est occupée
sérieusement de la question coloniale et a tracé des directives
précises à sa section française. Pour en assurer le succès, une étude
approfondie doit être faite au sujet de chaque colonie et de l’action à
y mener.

Les quelques pas déjà faits par le Parti ont donné des résultats si
étonnants que la bourgeoisie en est épouvantée. Sa presse jette
l’alarme à cause du danger bolchevique aux colonies.

Le télégramme que le P.C. a envoyé à Abdel Krim pour le féliciter de
son succès sur Primo de Rivera, nos tracts de propagande, nos
réunions, notre congrès des travailleurs nord-africains de la région
parisienne, notre action, syndicale, notre soutien des Destouriens
tunisiens et notre appui apporté aux réprimés de la Guadeloupe, nous
attirent les foudres de la bourgeoisie qui comprend la puissance et la
portée de notre action. Aussi devons-nous l’intensifier : 50% des
efforts des militants doivent être consacrés à poursuivre l’action si
bien commencée.

Notre politique devra être souple et adaptée aux conditions,
techniques, idéologiques et économiques des peuples coloniaux.
Certains mouvements révolutionnaires des colonies se cachent sous
des revendications immédiates, (abolition de l’indigénat, liberté
d’association, de presse, de parole, représentation parlementaire). Le
parti doit en prendre résolument la défense par sa presse et du haut
de la tribune de la Chambre.

Dans d’autres colonies où la bourgeoisie nationaliste est développée,
le parti doit soutenir la fraction dont l’avènement au pouvoir
répondra le mieux aux intérêts des masses.

Le parti doit aussi poursuivre l’éducation communiste du prolétariat
colonial, en France et aux colonies, dans les usines, dans l’armée, à la
campagne, réveiller en lui la conscience de classe, l’organiser, lier
son mouvement à celui du prolétariat métropolitain pour le préparer
aux combats qu’il aura à livrer contre le capitalisme français et contre
sa propre bourgeoisie.

Et ce n’est qu’en s’inspirant du léninisme pratique, en sachant tirer
profit des événements de plus en plus graves qui surviennent aux
colonies et qui offrent au parti mille occasions de démontrer aux
masses indigènes opprimées ce qu’est la IIIè Internationale : une
organisation de travailleurs de toutes races combattant pour
l’instauration d’une société d’où seront bannis l’exploitation et le
meurtre.

1926

ON CROIT SE BATTRE POUR LA PATRIE...
André Marty

2 avril 1926

Pourquoi les Fils des Travailleurs meurent au Maroc

Les ambitions (de l´Allemagne) se heurtent naturellement aux droits et aux intérêt acquis des autres puissantes…Le pangermanisme excite l´impérialisme anglais. – Français, troublés dans leur pénétration, dite pacifique, au Maroc, Belges menacés au Congo par les antennes du traités franco-allemand du 4 novembre 1911, Anglais inquiétés par Kiao-Tchéou en face de Weï-Haï par le Homs-Bagdad qui tend au golfe Persique, par le territoire allemand de l´Afrique orientale qui coupe la communication directe entre le Cap et l´Egypte… tous ces anciens colonisateurs frémissent devant le rush des tard-venus.

Contrairement à ce que pourrait croire le lecteur, ce n’est pas un journal révolutionnaire qui porte ces lignes ; c’est la revue nationaliste Le Mercure de France, dans son numéro du 15 janvier 1926, page 319.

Il est impossible de mieux marquer les causes de la grande guerre au cours de laquelle vingt millions de travailleurs se sont égorgés pour permettre aux gros industriels et aux gros agrariens de s’emparer des marchés de leurs voisins concurrents et de s’enivrer d’or. Le grand organe conservateur de la bourgeoisie française "Le Temps" écrivait d’ailleurs quelques jours après (le 8 février 1926) sous le titre « l’enjeu de la lutte » : « Que les braves gens qui se nourrissent de rêveries et se gargarisent d’idéal ne viennent pas nous reprocher d’avoir rapetissé à une question de gros sous une lutte de race et un conflit de civilisation. Derrière les grandes phrases et les beaux sentiments, il y a les questions économiques qui commandent aux événements. »

Ainsi les partis conservateurs sociaux reconnaissent comme exacte la belle phrase d’Anatole France : « On croit se battre pour la patrie, on meurt pour les industriels et les banquiers. »

La majorité cartelliste de la Chambre a beau chanter la paix sur l’air de Locarno, elle ne peut cacher que deux guerres existent au Maroc et en Syrie depuis huit mois, deux guerres qui broient les jeunes travailleurs et accroissent les impôts du pays uniquement pour étendre les monstrueuses exploitations coloniales en noyant dans le sang la révolte des peuples esclaves.

Cette courte brochure démasque les buts réels de ces guerres de brigandages, c’est pour cela qu’elle doit pénétrer partout aussi bien dans les usines où les ouvriers fabriquent les explosifs qui tueront leurs frères ou eux-mêmes un jour, que sur les bateaux qui transportent la chair à canon. Il faut qu’elle passe aussi les murs des prisons, des casernes, et qu’elle aille jusque dans les tranchées du Riff apprendre aux jeunes soldats « morts en sursis » qu’un grand parti lutte inlassablement malgré la répression contre les crimes impérialistes pour les sauver d’une mort qui enrichira les banquiers. Ainsi nous arriverons à éclairer l’opinion de la majorité des travailleurs et à déclancher le mouvement de protestation populaire, qui seul, pourra arrêter les bras couverts de sang de nos gouvernants.

Le 2 Avril 1926
André MARTY

ON CROIT SE BATTRE POUR LA PATRIE...

La presse, aussi bien la grande presse, dite d’information (Petit Parisien, Journal) que la presse de droite ou de gauche de l’Echo de Paris au Quotidien, cache la vérité sur l’expédition du Maroc et déverse un monceau de calomnies sur le Parti Communiste qui lutte contre la guerre.

Les ouvriers, les paysans, les soldats doivent savoir la vérité sur cette affaire : ils doivent savoir ce qu’on est allé faire au Maroc, pourquoi a éclaté la guerre du Riff, et qu’elle a été l’attitude véritable du Parti de leur classe. C’est ce que nous voulons expliquer ici.

I. POURQUOI SOMMES-NOUS AU MAROC ?

Au nom de quel droit sommes-nous allés conquérir le Maroc ?

Il est nécessaire de rappeler brièvement les origines de l’expédition pour établir clairement que nous n’avions aucun droit sur le Maroc, sinon le droit du plus fort.

La conquête du Maroc fut décidée, il y a 22 ans. L’Angleterre éprouvait des difficultés à soumettre le peuple égyptien qui menaçait de se révolter contre sa domination. Pour avoir les mains libres, il lui fallait donner une compensation à la France qui n’avait pas abandonné ses prétentions sur la Haute-Egypte et le Soudan. Elle fit donc cadeau à la France du Maroc – qui ne lui appartenait pas, en échange de quoi, la France lui laissa l’Egypte – qui ne lui appartenait pas davantage. Ce marché fut l’origine d’une série de conflits et de marchandages entre les brigands impérialistes qui voulaient leur part de gâteau. A plusieurs reprises, la guerre, fut sur le point d’éclater entre eux. L’Espagne obtint le Riff. L’Italie, parent pauvre, eut un os à ronger : la Tripolitaine. L’Allemagne qui, ayant peu de colonies, aspirait à en conquérir, obtint en fin de compte, une portion du Congo. Tout cela, sans que les peuples intéressés aient été le moins du monde consultés.

Les Marocains ont montré, pour leur compte, qu’ils n´acceptaient pas la domination française. Après 22 ans, dans un pays plus grand que la France, la zone pacifiée atteint à peu près la superficie d’une dizaine de départements français, celle où la sécurité est complète, encore moins !

L´ŒUVRE DE « CIVILISATION » AU MAROC

On nous a répété bien souvent que la France apportait aux nombreux peuples qu’elle a colonisés dans le monde les bienfaits de la civilisation. C’est à coups de fusil et de canon que la civilisation a pénétré au Maroc. Les colonnes françaises ont parcouru le pays, bombardant les villes, incendiant les douars, n’épargnant ni les femmes ni les enfants. Il a été prouvé – et le télégramme officiel a été publié – que le Général Colombat, commandant le territoire d’Ouezzan a donné l’ordre le 22 novembre et le 13 décembre 1925 de tirer sur les « laboureurs dissidents ensemençant dans le rayon d’action des postes ». Tous les moyens sont bons contre ceux qui ne reconnaissent pas la supériorité de la civilisation française !

Une fois le territoire « pacifié », on a chassé les Marocains des meilleures terres pour les remettre à des Européens : 400.000 hectares, la plus grande partie de la terre cultivable, ont été expropriés au profit des colons, grands et moyens.

L’indigène ainsi volé, n’a aucun moyen de protester : il serait immédiatement jeté en prison. Il est réduit à vendre sa force de travail, il devient un salarié que l’on fait travailler de longues journées pour de bas salaires (moins de cinq francs pour douze à quinze heures de travail) et que l’on frappe comme une bête, quand épuisé, il refuse de travailler plus longtemps. Il continue à loger dans un gourbi misérable, à côté des grands bâtiments qui s’élèvent tous les jours pour abriter les banques, les comptoirs, les sociétés industrielles.

Il est plus malheureux qu’avant la conquête.

CEUX QUI EN PROFITENT

Les partisans de la colonisation s’en consolent en racontant qu’elle est faite dans l’intérêt de tous les Français. C’est le plus impudent des mensonges. Seules 5 ou 6 grosses banques, qui ont accaparé la vie économique du Maroc, ont profité de la conquête. C’est le Crédit Foncier d’Algérie .et de Tunisie, c’est la Compagnie de Bordeaux, c´est la Banque de l´Union Parisienne, c’est surtout la Banque de Paris et des Pays-Bas. Elles ont monopolisé entre leurs mains les finances du pays, les voies de communication, la lumière, la force électrique, la force hydraulique, les exportations de viande, de farine, la construction des bâtisses, des usines, des ports, l’exploitation des terrains de grande colonisation. Jacques Doriot a démontré à la tribune de la Chambre que sur 483 millions de capitaux exportés dans le commerce et l’industrie au Maroc, 198 millions sont contrôlés directement par la Banque de Paris et des Pays-Bas et 48 millions indirectement, par l’intermédiaire de la Compagnie Générale du Maroc. Il n’est donc pas étonnant qu’à la dernière assemblée générale de la Banque, tenue le 23 mars 1926, Son président, M. Griolet, « ait fait observer que pour la première fois depuis sa création, la Banque de Paris et des Pays-Bas est en mesure de porter le dividende à 80 francs par action ».

En réalité, la conquête du Maroc rapporte :

AUX CAPITALISTES :

Pendant la guerre, des dividendes de 20 à 30 % par la vente des engins de mort (comme Citroën de 1914 à 1918) ;

Après la guerre, l’exploitation des mines et de toutes les richesses naturelles de la terre.

AUX TRAVAILLEURS :

Pendant la guerre, le sang de leurs enfants (car les riches font embusquer leurs gosses) : de 1907 à 1921 : 12.000 morts ;

Après la guerre, la note à payer : de 1907 à 1921 : 4 milliards ; du 1er avril au 1er octobre 1925 : 950.000.000.

II. QU’EST-CE QUE LE RIFF ?

La guerre du Riff a été la conséquence de la conquête du Maroc. On sait que le Riff avait été attribué à l’Espagne qui depuis des siècles cherchait à y prendre pied sans succès. Petit pays de 3 millions d’habitants aux montagnes riches en minerais de toutes sortes, le Riff est habité par des tribus extrêmement éprises de leur. indépendance, qui sous la conduite de leurs chefs, les deux Abd el Krim, l´un qui a suivi les grandes écoles françaises et espagnoles, l’autre qui est ingénieur de l’Ecole des Mines de Madrid, infligèrent aux Espagnols, défaites sur défaites. Au commencement de 1925, les Riffains étaient maîtres des trois quarts de la zone attribuée à l’Espagne. Celle-ci avait perdu dans l’aventure plus de 20.000 hommes, morts, blessés et disparus, et dépensé plus de 10 milliards de francs.

LES CAUSES DE LA GUERRE

Dans les premières semaines de la guerre, on disait qu’Abd el Krim avait attaqué par surprise les troupes françaises qui se bornaient à se défendre.

Il est maintenant prouvé par la fameuse lettre de Vatin-Pérignon chef du cabinet civil du Maréchal Lyautey, que l’avance des troupes français avait été décidée dès les premiers jours de mai 1924, Il est prouvé, également, qu’Abd el Krim avait demandé par trois fois, dans le courant de 1924, de négocier et qu´il n’a pas reçu de réponse, La volonté de guerre des impérialistes français est donc clair : il s’agissait de profiter des désastres espagnols pour mettre la main sur les richesses du Riff, et d’autre part, de détruire l’Etat riffain indépendant qui, par son exemple, est pour tous les peuples musulmans un appel permanent à la révolte contre l’impérialisme,

L’OFFENSIVE DE PRINTEMPS

Après un an, quelle est la situation ? On a envoyé là-bas les hommes par milliers : 160.000 officiellement, mais probablement davantage – on a accumulé les moyens de destruction les plus modernes : tanks, avions, gros canons, etc... – on a mobilisé tout le gratin du haut commandement : quarante généraux et un maréchal de France, et de cette lutte inégale, qui mettait aux prises la première armée du monde et un petit peuple de 3 millions d’habitants, c’est le petit peuple luttant pour son indépendance, qui est sorti vainqueur. La grande offensive d’automne échoua complètement, et Le Temps lui-même fut obligé de reconnaître qu’à la veille de l’hiver, Abd el Krim comptait sous ses étendards : 60.000 fusils, c’est-à-dire 25.000 de plus qu’à son entrée en campagne et qu’il fallait envisager la campagne d’hiver pour reprendre au printemps prochain l’initiative des opérations qui donneront la victoire. »

Ainsi banquiers, industriels, généraux assassins, toute la tourbe des profiteurs de la colonisation, veut sa revanche. Il s’agit de savoir si les ouvriers et les paysans de France les laisseront continuer leurs brigandages criminels ou s’ils sauront imposer la paix immédiate.

III. Le Parti Communiste dit aux travailleurs français :

Le Parti Communiste dit aux travailleurs français : Quel est ton ennemi ? C’est le patronat, l’Etat français, l’impérialisme français, dernière forme du capitalisme. Quel est l’ennemi du Riffains ? Le même. Donc, les travailleurs français doivent soutenir les Riffains et considérer les peuples coloniaux comme des frères de misère puisque comme eux, ils luttent contre le même ennemi et que tout coup qu’ils porteront aux banquiers et aux industriels, aux gros propriétaires et à leurs valets les ministres, affaiblira les maîtres des travailleurs de ce pays.

POUR L’INDEPENDANCE DU RIFF ET L’EVACUATION DU MAROC

C’est pourquoi nous voulons la paix immédiate et l’indépendance du Riff. Tous les marchandages des brigands impérialistes qui se sont partagé l’Afrique et le Maroc sans consulter les populations sont nuls et non avenus. Les Riffains veulent être indépendants : les travailleurs de France doivent les soutenir au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Ce n’est pas que nous donnions notre confiance aux phrases grandiloquentes des bavards de la Société des Nations. Le droit des peuples a trop souvent servi à justifier les pires annexions. Chaque impérialisme l’invoque pour servir ses intérêts : lorsque les Allemands s’emparent de l’Alsace-Lorraine, ce sont des criminels, et lorsque l’armée française envahit le Riff les criminels se sont les Riffains.

Quand nous affirmons qu´un peuple a le droit de disposer de lui-même, nous allons jusqu’au bout de notre pensée : nous reconnaissons à toute colonie ou à tout Etat assujetti, le droit de se séparer de l’Etat qui l’opprime, et cela s’il le faut par l’insurrection. C’est pour cela que nous sommes aussi pour l’évacuation du Maroc.

LE MOUVEMENT D’EMANCIPATION DES PEUPLES COLONIAUX

Le Riff et le Maroc ne sont d’ailleurs qu’une partie du grand problème que pose à l’heure actuelle le mouvement d’émancipation des peuples coloniaux. Le développement de l’impérialisme a divisé le monde, si l’on en excepte l’U.R.S.S., en deux camps : d’un côté, une minorité de nations, dites civilisées, qui exploite le reste de la population du globe ; de l’autre, les peuples opprimés et exploites des colonies et des Etats assujettis, qui sont l’immense majorité, et qui partout s’éveillent et revendiquent leur émancipation.

La question qui se pose est de savoir si à peine 200 millions d’européens pourront toujours imposer leur domination à plus d’un milliard d’êtres humains. A cela l’histoire répond : non. Elle nous montre les empires coloniaux s’écroulant inéluctablement sous la poussée libératrice des peuples qu’ils opprimaient : ainsi s’est écroulé l’immense empire colonial de l’Espagne, qui posséda autrefois toute l’Amérique du Sud. C’est de la même façon que les Etats-Unis, autrefois colonie anglaise, se sont détachés de leur métropole. C’est l’impérialisme lui-même qui prépare le renversement de sa propre domination, en enseignant à se servir des armes modernes aux noirs et aux jaunes qu’il enrôle dans ses armées coloniales !

L’intérêt des travailleurs dans ce problème est clair. Les requins, gros banquiers, féodaux de l’industrie, généraux fascistes, qui raflent tous les profits de la colonisation, ce sont les mêmes qui dans la métropole cherchent à imposer aux ouvriers les bas salaires et les longues journées, qui les accablent d’impôts et qui soutiennent le fascisme. Il n’y a pas d’hésitation possible : ouvriers et paysans doivent fraterniser avec les peuples coloniaux et soutenir leurs revendications.

REPONSE A UNE PREMIERE OBJECTION

On objecte souvent à la thèse des communistes qu’il est impossible de laisser leur indépendance à des peuples barbares qui ont besoin de la tutelle des « nations civilisées ». Les bienfaits de la civilisation promise au Maroc nous les connaissons ; il est inutile d’insister. Mais il faut montrer par des faits qu’il n’y a pas une différence telle, entre les peuples dits civilisés et les peuples dits arriérés, qu’elle ne puisse être rapidement comblée. L’exemple du Japon est particulièrement typique : en 1868, le Japon était encore classé parmi les nations barbares, réfractaires à la civilisation occidentale. En 1905, il avait suffisamment de canons et de cuirassés pour vaincre les Russes et les chasser de la Mandchourie. Ainsi, en quelques années, ce peuple avait pu rattraper les nations « avancées ».

Telle est d’ailleurs l’ambition d’Abd el Krim, d’après le journaliste américain Scoot Mourer qui l’a approché de près :

« Abd el Krim est en train de créer un despotisme musulman, mais cependant moderne. Il projette des chemins de fer, des tramways, des mines, de hautes et élégantes maisons. Les vingt ou trente habitations de pierre et de boue qui composent sa capitale Adjir seront remplacées par une grande et belle ville « comme Londres et New-York ». Et il a transmis cette vision à son peuple, qui ne parle à son tour que des machines et des inventions merveilleuses dont il disposera dès que l’indépendance sera conquise. »

REPONSE A UNE DEUXIEME OBJECTION

Les socialistes font à notre thèse une autre objection qui n’est pas meilleure que la première. On ne peut, d’après eux, réclamer l’évacuation des colonies « parce qu’elles sont pourvues de richesses naturelles dont la collectivité humaine ne saurait être indéfiniment privée ». Sans doute répondrons-nous, le but que poursuit le mouvement ouvrier, la suppression des rivalités économiques, par la réalisation de l’unité de la production mondiale, d’après un plan, supposant l’utilisation rationnelle de toutes les richesses et suppose en particulier que les richesses des colonies ne restent pas improductives. Mais la fusion économique des nations n’est possible que sur les bases de la confiance mutuelle, et par de accords librement consentis : elle doit être précédée de la séparation des colonies d’avec leur métropole et par leur constitution en Etats indépendants. Les socialistes oublient simplement que les impérialistes sont, eux aussi, partisans que les richesses des colonies ne restent pas improductives. Ils oublient que faire une telle propagande, sans parler de l’évacuation des colonies, c’est se faire les auxiliaires de l’impérialisme.

Sans la propagande pour l’évacuation du Maroc et l’indépendance du Riff, il est impossible d’établir une solidarité effective entre les opprimés des colonies et les prolétaires de la métropole en lutte contre leur ennemi commun : l’impérialisme français.

POUR LA FRATERNISATION

Enfin, on dit que les communistes, en conseillant aux soldats de fraterniser avec les Riffains, sont des criminels qui tirent dans le dos de l’armée française et causent la mort des soldats !

Les partisans de la colonisation qui sèment ces calomnies, sont les mêmes qui envoient les fils des ouvriers et des paysans qui ont fait la guerre de 1914-1918 pour qu’elle soit la dernière, se faire tuer au Maroc, en Syrie, etc... pour grossir les dividendes des banquiers. La fraternisation dont les communistes sont partisans hâtera la paix. Si l’armée marche contre les Riffains, c’est l’entretien d’une armée d’occupation pendant des années, c’est la perspective de nouvelles reprises de coûteux combats. Si elle se retire devant les Riffains et fraternise avec eux, c’est la paix assurée, ce sont des milliers de vies humaines arabes et françaises de sauvées.

C’est pourquoi nous disons aux soldats français : « Fraternisez avec les Riffains ! » et aux ouvriers et paysans : « Dressez-vous pour soutenir la fraternisation des soldats ! »

CONCLUSION

La lutte sera longue et difficile. Mais le succès est au bout si la classe ouvrière sait comprendre l’étroite liaison de ses intérêts avec ceux des peuples coloniaux luttant pour leur indépendance, si surtout elle sait réaliser son unité d’action contre sa bourgeoisie impérialiste.

Il faut que les travailleurs socialistes répondent enfin à l’appel pour l’unité d’action que le Parti Communiste leur a adressé déjà bien des fois. Les communistes ne leur demandent pas de lutter pour tous les mots d’ordre qui viennent d’être expliqués ici. Sans rien abandonner de leur programme : indépendance du Riff, évacuation du Maroc, fraternisation, qu’ils continuent à propager, ils demandent à toutes les autres organisations de la classe ouvrière de lutter avec eux pour le point le plus immédiatement réalisable, le plus capable d’être compris par tous : LA PAIX IMMEDIATE AU MAROC ET EN SYRIE.

Face à la campagne de printemps qui va creuser de nouvelles tombes, mais qui ne terminera pas la guerre, il faut que tous les travailleurs, ouvriers, paysans, soldats, marins, coloniaux, qu’ils soient communistes, socialistes ou sans parti, fassent, pour réclamer la paix immédiate, UN FRONT UNIQUE DE CLASSE INEBRANLABLE !

Messali Hadj

1928

Fight Against French Imperialism !

Nearly a century ago, with the coup of the fan, French imperialism undertook the theft of our country.

There was the conquest. There was the massacre of women and children, the torching of villages and harvests, the theft of riches by an army avid for blood and pillage.

Stolen from the natives during the 15 years of the conquest were : 18 million lambs, three million oxen, almost a million dromedaries and, during the expedition in Kabylia, 300 villages were burned.

We only relate here a few facts among thousands.

But it must be noted that while the massacres are done, the work of brigandage continues with the ferocity characteristic of French imperialism. Since the conquest, 11 million hectares of the best lands have been stolen, while the natives are pushed to the arid south and are decimated by periodic famines. Collective fines hit entire villages, sequestrations complete the ruin of the Algerian people, which is plunged into poverty.

In a few words, these are the results of the conquest.

In order to prevent us from crying out : “Thief ! Assassin !” imperialism gags us with the Code de l’Indigénat, a vestige of the darkest barbarism. By virtue of this code, all the violence carried out on the natives by the colonists are legitimated in advance. Theft, torture, and murder are openly encouraged, and the guilty assured of impunity.

No political rights, no freedom to assemble or to speak.

Though 98 years separate us from the conquest, we remain the hostages of the war of 1830, and the freedom to travel is parsimoniously granted us. Even under the feudal regime — which imperialism claims to have abolished — this iniquity didn’t exist.

All of this under the hypocritical mask of civilization.

Imperialism enrolls us by force in its army.

In order to enrich a few European failures, it doesn’t hesitate to have us massacred in fratricidal struggles, we ourselves unconsciously contributing to the enslavement of our Moroccan and Syrian brothers and, through a fatal repercussion, in the reinforcement of our own oppression.

And in our own ranks this pro-slavery position finds supporters and propagators among the traitors and sell-outs. French imperialism, thanks to corruption, has known how to involve in its policies those elements through which it exercises its influence and domination. Alternatively, through the mouths of Bentami and Chekiken it allows us to hope for a so-called “generosity” of wolves towards the lambs.

Muslim ! Our conduct is laid out for us before so odious a regime.

Unite your efforts in order to improve our lot. For the suppression of the Code de l’Indigénat, for the freedom of the press and assembly, for the equality of military service, for the freedom of immigration, against the sending of native troops to foreign lands, against the war in Morocco ! Fight against French imperialism and for this :

JOIN EN MASSE L’ETOILE NORD-AFRICAINE !

LONG LIVE THE INDEPENDENCE OF ALGERIA !

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.