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Tous tunisiens, tous égyptiens, tous des révolutionnaires en puissance ?... Alors que la grève s’étend encore en Egypte, que les manifestations de chômeurs et de démunis se multiplient en Tunisie, que les deux peuples veulent dégager le pouvoir en place de Tantaoui ou de Ghannouchi et leurs acolytes locaux, le mouvement de révolution du Maghreb et du monde arabe continue de prendre de l’ampleur : Kadhafi est menacé en Libye, Ahmadinedjad et Khamenei en Iran, Saleh au Yémen, le roi Al Khalifa au Bahrein, Bouteflika en Algérie et Mohamed VI au Maroc...

jeudi 17 février 2011, par Robert Paris

« L’histoire de la révolution est pour nous, avant tout, le récit de l’irruption violente des masses dans le domaine où se règlent leurs propres destinées. »
Léon Trotsky
dans Préface à l’« Histoire de la révolution russe »

Les révolutions sont comme des tempêtes naturelles : non programmées par personne, imprédictibles, incontrôlables, et inattendues dans leurs effets et dans leur durée...

Nous ne cherchons nullement à faire des prédictions mais à comprendre...

Il ne faut pas seulement observer mais se sentir partie prenante de ce qui est la première révolution sociale internationale contre le système qui domine le monde et nul ne sait où il s’arrêtera... Peut-être demain frappera-t-il la porte des pays riches d’Europe et d’Amérique...

Car les révolutions ont une philosophie bien à elles. Ce n’est pas la philosophie du monde que nous connaissions avant, pas la même logique...

"Les révolutions seules savent détruire les institutions depuis longtemps condamnées. En temps de calme, on ne peut se résoudre à frapper, lors même que ce qu’on frappe n’a plus de raison d’être. Ceux qui croient que la rénovation qui avait été nécessitée par tout le travail intellectuel du 18ème siècle eût pu se faire pacifiquement se trompent. On eût cherché à pactiser, on se fût arrêté à mille considérations personnelles, qui en temps de calme sont fort prisées ; on n’eût osé détruire franchement ni les privilèges ni les ordres religieux, ni tant d’autres abus. La tempête s’en charge." Renan

Et d’abord, le fait que la révolution s’étende à un aussi grand nombre de pays, touche même l’Afrique noire suffirait à prouver ce que nous venons de dire. Qui l’aurait deviné ? Personne !

Dans chacun de ces pays, tout le monde hier encore aurait dit que son pays n’est pas le même et ne serait pas influencé par ce qui se passe ailleurs. Hier encore... Mais plus aujourd’hui !

Les révolutions, c’est un monde à part et il convient d’en étudier les lois si on ne veut pas que ces lois se retournent contre nous.

Et ce n’est pas évident car aucun d’entre nous n’a encore vécu de révolution.

"Dans une société prise de révolution, les classes sont en lutte. Il est pourtant tout à fait évident que les transformations qui se produisent entre le début et la fin d’une révolution, dans les bases économiques de la société et dans le substratum social des classes, ne suffisent pas du tout à expliquer la marche de la révolution même, laquelle, en un bref laps de temps, jette à bas des institutions séculaires, en crée de nouvelles et les renverse encore. La dynamique des événements révolutionnaires est directement déterminée par de rapides, intensives et passionnées conversions psychologiques des classes constituées avant la révolution.

C’est qu’en effet une société ne modifie pas ses institutions au fur et à mesure du besoin, comme un artisan renouvelle son outillage. Au contraire : pratiquement, la société considère les institutions qui la surplombent comme une chose à jamais établie. Durant des dizaines d’années, la critique d’opposition ne sert que de soupape au mécontentement des masses et elle est la condition de la stabilité du régime social : telle est, par exemple, en principe, la valeur acquise par la critique social-démocrate. Il faut des circonstances absolument exceptionnelles, indépendantes de la volonté des individus ou des partis, pour libérer les mécontents des gênes de l’esprit conservateur et amener les masses à l’insurrection.

Les rapides changements d’opinion et d’humeur des masses, en temps de révolution, proviennent, par conséquent, non de la souplesse et de la mobilité du psychique humain, mais bien de son profond conservatisme. Les idées et les rapports sociaux restant chroniquement en retard sur les nouvelles circonstances objectives, jusqu’au moment où celles-ci s’abattent en cataclysme, il en résulte, en temps de révolution, des soubresauts d’idées et de passions que des cerveaux de policiers se représentent tout simplement comme l’œuvre de " démagogues ".

Les masses se mettent en révolution non point avec un plan tout fait de transformation sociale, mais dans l’âpre sentiment de ne pouvoir tolérer plus longtemps l’ancien régime. C’est seulement le milieu dirigeant de leur classe qui possède un programme politique, lequel a pourtant besoin d’être vérifié par les événements et approuvé par les masses. Le processus politique essentiel d’une révolution est précisément en ceci que la classe prend conscience des problèmes posés par la crise sociale, et que les masses s’orientent activement d’après la méthode des approximations successives. Les diverses étapes du processus révolutionnaire, consolidées par la substitution à tels partis d’autres toujours plus extrémistes, traduisent la poussée constamment renforcée des masses vers la gauche, aussi longtemps que cet élan ne se brise pas contre des obstacles objectifs. Alors commence la réaction : désenchantement dans certains milieux de la classe révolutionnaire, multiplication des indifférents, et, par suite, consolidation des forces contre-révolutionnaires. Tel est du moins le schéma des anciennes révolutions.

C’est seulement par l’étude des processus politiques dans les masses que l’on peut comprendre le rôle des partis et des leaders que nous ne sommes pas le moins du monde enclin à ignorer. Ils constituent un élément non autonome, mais très important du processus. Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatiliserait comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. Cependant le mouvement ne vient ni du cylindre ni du piston, mais de la vapeur.

Les difficultés que l’on rencontre dans l’étude des modifications de la conscience des masses en temps de révolution sont absolument évidentes. Les classes opprimées font de l’histoire dans les usines, dans les casernes, dans les campagnes, et, en ville, dans la rue. Mais elles n’ont guère l’habitude de noter par écrit ce qu’elles font. Les périodes où les passions sociales atteignent leur plus haute tension ne laissent en générai que peu de place à la contemplation et aux descriptions. Toutes les Muses, même la Muse plébéienne du journalisme, bien qu’elle ait les flancs solides, ont du mal à vivre en temps de révolution. Et pourtant la situation de l’historien n’est nullement désespérée. Les notes prises sont incomplètes, disparates, fortuites. Mais, à la lumière des événements, ces fragments permettent souvent de deviner la direction et le rythme du processus sous-jacent. Bien ou mal, c’est en appréciant les modifications de la conscience des masses qu’un parti révolutionnaire base sa tactique. La voie historique du bolchevisme témoigne que cette estimation, du moins en gros, était réalisable. Pourquoi donc ce qui est accessible à un politique révolutionnaire, dans les remous de la lutte, ne serait-il pas accessible à un historien rétrospectivement ?" Léon Trotsky

Malcolm X :

"Et d’abord, qu’est-ce qu’une révolution ? Parfois je suis enclin à croire qu’un grand nombre des nôtres utilisent le mot « révolution » sans se soucier de précision, sans prendre comme il convient en considération la signification réelle du mot et ses caractéristiques historiques. Lorsqu’on étudie la nature historique des révolutions, le motif d’une révolution, l’objectif d’une révolution, le résultat d’une révolution, et les méthodes utilisées dans une révolution, il est possible de transformer les mots. (…) De toutes les études auxquelles nous nous consacrons, celle de l’histoire est la mieux à même de récompenser notre recherche. Et lorsque vous vous apercevez que vous avez des problèmes, vous n’avez tout simplement qu’à étudier la méthode historique utilisée dans le monde entier par d’autres qui ont des problèmes identiques aux nôtres. (...) je vous rappelle ces révolutions, mes frères et mes sœurs, pour vous montrer qu’il n’existe pas de révolution pacifique. Il n’existe pas de révolution où on tende l’autre joue. Une révolution non-violente, ça n’existe pas."

« Une révolution est un phénomène purement naturel qui obéit davantage à des lois physiques qu’aux règles qui déterminent en temps ordinaire l’évolution de la société. Ou plutôt, ces règles prennent dans la révolution un caractère qui les rapproche beaucoup plus des lois de la physique, la force matérielle de la nécessité se manifeste avec plus de violence. » Friedrich Engels Extrait d’une lettre à Karl Marx du 13 février 1851

« L’histoire en général, et plus particulièrement l’histoire des révolutions, est toujours plus riche de contenu, plus variée, plus multiforme, plus vivante, « plus ingénieuse » que ne le pensent les meilleurs partis, les avant-gardes les plus conscientes des classes les plus avancées. Et cela se conçoit, puisque les meilleures avant-gardes expriment la conscience, la volonté, la passion, l’imagination de dizaines de milliers d’hommes, tandis que la révolution est … l’œuvre de la conscience, de la volonté, de la passion et de l’imagination de dizaines de millions d’hommes aiguillonnés par la plus âpre lutte des classes. » Lénine
dans « La maladie infantile du communisme » "La loi fondamentale de la révolution (...), la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. Cette vérité s’exprime autrement en ces termes : la révolution est impossible sans une crise nationale (affectant exploités et exploiteurs)."

Lénine, "La maladie infantile du communisme", 1920

« La théorie et l’histoire enseignent que la substitution d’un régime social à un autre suppose la forme la plus élevée de la lutte des classes, c’est-à-dire la révolution. Même l’esclavage n’a pu être aboli aux Etats-Unis sans une guerre civile. La force est l’accoucheuse de toute vieille société grosse d’une nouvelle. Personne n’a encore été capable de réfuter ce principe énoncé par Marx de la sociologie des sociétés de classe. Seule la révolution socialiste peut ouvrir la voie au socialisme. »
Léon Trotsky
dans « Le marxisme et notre époque »

"Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant‑garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant‑garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non‑communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste."

Lénine dans "Le matérialisme militant"

Dans le sillage des révolutions égyptienne et tunisienne, les contestations populaires ont gagné de nouveaux pays : l’Iran, Bahreïn et la Libye notamment.

Les « jours de colère » se répandent comme une traînée de poudre en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Après la Tunisie, l’Egypte, le Yémen, ou encore la Jordanie, le Bahreïn entame sa troisième journée de révolte ce mercredi, tandis que l’Iran et la Libye tentent tant bien que mal de dire aussi leur colère contre les régime ultra-répressif d’Ahmadinejad et de Kadhafi.

BAHREIN

Des milliers de personnes étaient rassemblées mercredi sur une place de Manama pour réclamer des réformes dans ce petit royaume du Golfe, où l’opposition chiite a appelé à une "véritable" monarchie constitutionnelle.

Le ministre de l’Intérieur, cheikh Rached ben Abdallah al-Khalifa, a présenté des excuses à la population après la mort de deux jeunes chiites dans la dispersion de manifestations lundi et mardi, et annoncé l’arrestation des responsables présumés de leur mort au sein de la police.

Les Etats-Unis se sont dits "très préoccupés" par la violence lors des protestations dans le royaume, siège de la Ve flotte, appelant à la retenue, alors que des appels ont été lancés pour des manifestations vendredi et samedi.

Le mouvement de contestation a été déclenché lundi à l’initiative d’internautes qui ont appelé sur Facebook à des manifestations pour réclamer des réformes politiques et sociales, dans la foulée des soulèvements en Tunisie et en Egypte.

C’est surtout la minorité chiite dans cet archipel de 741 km2 gouverné par une dynastie sunnite, qui s’estime discriminée au niveau de l’emploi, des services sociaux comme l’habitat et des services publics fournis à leurs villages.

Sur la place de la Perle, dans le centre de Manama, des milliers de personnes ont rejoint après leur travail dans l’après-midi des centaines de manifestants qui y avaient passé la nuit dans des tentes érigées à la hâte.

La place a été rebaptisée "Place Tahrir" (Libération), à l’instar de celle du Caire qui a été l’épicentre du soulèvement populaire qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak.

"J’ai passé la nuit ici, je vais aller à l’école et revenir y camper jusqu’à la réalisation de nos demandes", a affirmé Amer Abdallah, un lycéen de 14 ans.

"Nous réclamons la libération des détenus et la démission du Premier ministre", membre de la dynastie régnante des Al Khalifa, a affirmé Hussein Attiya, 29 ans, un autre manifestant ayant dormi sur la place.

Selon des images de la télévision officielle, des partisans du régime ont parallèlement défilé à Manama.

A Mahouz, une banlieue chiite de Manama, plus de 2.000 personnes, certaines scandant "le peuple veut la chute du régime", ont participé aux funérailles de Fadel Salman Matrouk, tué par balle lors de la dispersion d’un rassemblement mardi lors des obsèques de l’autre manifestant mort la veille.

Le roi, cheikh Hamad ben Issa Al Khalifa, a déploré ces morts et annoncé une commission d’enquête.

Lors d’une conférence de presse, le chef de l’opposition chiite, cheikh Ali Salmane, a réclamé "un Etat démocratique, une monarchie constitutionnelle dans laquelle le gouvernement serait élu par le peuple", mais assuré ne pas vouloir la chute du régime ni l’instauration d’un Etat religieux sur le modèle iranien.

Le chef du mouvement Al-Wefaq (18 élus sur 40 sièges à l’Assemblée) qui avait annoncé la veille son boycott du Parlement, a annoncé que sept groupes de l’opposition chiite, libérale et de gauche organiseraient samedi à Manama "une marche de soutien" avec les protestataires campant place de la Perle.

Avant eux, les internautes ont appelé à une journée de manifestations vendredi, après la prière hebdomadaire.

Cheikh Salmane a invité le gouvernement à "engager le dialogue" avec l’opposition sur des réformes à réaliser "selon un calendrier précis".

L’ONU et des ONG ont appelé Manama à renoncer à un "usage excessif de la force" contre les manifestants pacifiques.

Bahreïn (1,2 million d’habitants dont 54% d’étrangers) fait figure de parent pauvre à côté des autres monarchies pétrolières de la région, ses réserves de pétrole s’étant pratiquement taries. Entre 1994 et 1999, il a été le théâtre de violences animées par des chiites qui avaient fait une quarantaine de morts.

Le Bahreïn entame sa troisième journée de contestation. Les manifestations de la « journée de la rage », lundi 14 février, organisées sur Facebook et Twitter et apparemment inspirées par les troubles en Égypte et en Tunisie, se sont déroulées principalement dans des villages chiites aux abords de Manama, la capitale. Les manifestants, majoritairement chiites, réclament la démission du Premier ministre, le cheikh Khalifa ben Salman al Khalifa, qui gouverne le pays depuis son indépendance en 1971. Oncle du roi, il est perçu par la majorité chiite comme le symbole de la richesse de la famille régnante, sunnite, et donc des discriminations dont leur communauté serait victime -dans l’accès au logement, aux soins et aux emplois dans la fonction publique. Les protestataires exigent aussi la libération des prisonniers politiques, ce que le gouvernement a accepté, et l’adoption d’une nouvelle Constitution –mesure qui avait endigué, avec l’organisation d’élections législatives, la précédente vague insurrectionnelle, qui avait duré plusieurs années, jusqu’en 2002. Ils demandent en outre des mesures contre la pauvreté et le chômage.

Ce mercredi, des milliers de manifestants chiites (10 000 personnes selon Amnesty International) se sont réunis dans le centre Manama, pour rendre un dernier hommage à l’un des leurs tués la veille lors d’affrontements avec les forces de l’ordre. « Fadhel Ali Matrook se trouvait parmi la foule de personnes portant le deuil d’Ali Abdulhadi Mushaima (22 ans, ndlr) -tué la veille lors d’affrontements entre manifestants et policiers- lorsqu’il a lui-même été abattu par la police à Manama », raconte l’ONG de défense des droits de l’Homme. « Les policiers antiémeutes auraient ouvert le feu sur la foule sans sommation pendant les funérailles », déplore l’organisation. « Les déclarations faites à Amnesty International par des témoins oculaires qui étaient présents lorsque les coups de feu ont été tirés mardi 15 février donnent fortement à penser que la mort de Fadhel Ali Matrook résulte d’un recours excessif à la force, auquel cas les policiers responsables doivent être traduits en justice », lit-on encore. Dans une allocution télévisée, le roi Hamad ben Isa al Khalifa a présenté ses condoléances aux familles des deux victimes, « deux de nos fils précieux », et promis qu’une commission ferait le jour sur les circonstances de leur décès.

Vendredi, dans l’espoir d’apaiser les tensions, le roi avait déjà annoncé le versement d’une allocation de 1000 dinars (2000 euros environ) à chaque famille, et le déblocage d’une enveloppe de 417 millions de dollars pour financer des dépenses sociales, dont des subventions sur les produits de première nécessité. Il a également promis de libérer des adolescents mineurs arrêtés l’an dernier. Le Wefaq, principal bloc d’opposition chiite, qui a suspendu ses activités parlementaires, a annoncé qu’il devait rencontrer le gouvernement aujourd’hui pour discuter d’une sortie de crise. Ce mercredi qui devait être plus calme qu’hier -mardi était férié, pour célébrer l’anniversaire de la naissance du prophète Mahomet-, s’annonce tout aussi mouvementé. Un correspondant d’Al Jazeera a fait état de milliers de personnes sur le Rond-point Pearl/Lulu, dont les Bahreïniens comptent faire leur « place Tahrir ».

IRAN

Certains rapports font état, depuis hier, de violentes manifestations dans la ville de Benghazi qui, selon des témoins, auraient éclaté suite à l’arrestation d’un avocat, célèbre opposant au gouvernement.

Cet avocat a beau avoir été relâché un peu plus tard, les manifestations se sont poursuivies avec encore plus de virulence.

Les centaines de personnes présentes ont crié des slogans à l’encontre du gouvernement ; ces chants furent repris par une foule de plus en plus nombreuse. Malgré le pacifisme affiché par les manifestants, des accrochages auraient eu lieu avec les forces de sécurité qui ont réussi à disperser la foule à l’aide de canons à eau.

Durant la nuit, de violents incidents auraient éclaté au cours desquels plusieurs centaines de personnes auraient affronté des policiers, selon plusieurs témoins et médias locaux.

Par ailleurs, la chaîne Al Arabiya évoque le nombre de trente-huit personnes blessées suite aux affrontements des manifestants avec les forces de l’ordre. Ce qui a indéniablement augmenté la colère des libyens qui préparent pour demain une grande journée de manifestation appelée "la journée de la colère".

Comble de l’ironie, la télévision publique libyenne, à l’instar de sa voisine tunisienne, fait état de rassemblements de soutien au dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, à travers le pays.

Iran : Heurts aux funérailles

Malgré le dispositif de sécurité déployé par le régime de Mahmoud Ahmadinejad, la « vague verte », née de la contestation post-électorale de 2009 et ressuscitée lundi, continue de s’élever sur Téhéran. De nouveaux affrontements ont opposé partisans du pouvoir et opposants, ce mercredi, en marge des funérailles de Sani Zhaled, un étudiant tué par balles la veille lors d’un rassemblement dans la capitale, dans des circonstances encore floues. En effet, alors que les loyalistes du président iranien assurent qu’il appartenait aux bassidji, (littéralement, « mobilisation » ; miliciens pro-Ahmadinejad *), et qu’il a été abattu par les opposants, ces derniers affirment le contraire. « Des étudiants et des gens qui participaient à la cérémonie funèbre à la mémoire de l’étudiant martyr Sani Zhaleh se sont heurtés à un nombre limité de personnes apparemment liées au mouvement séditieux [ainsi sont appelés les partisans de l’opposition, ndlr] et les ont repoussées en lançant des slogans appelant à la mort des monafeghines » (« hypocrites », désignant les moudjahidines du peuple, principale organisation de lutte armée contre le régime), écrit ainsi la télévision publique IRIB sur son site internet. Zhaleh était « pro-(Mihrossein) Moussavi [candidat déchu du dernier scrutin et ne reconnaissant pas ces résultats, ndlr] et un membre du Mouvement vert », dit au contraire le site d’opposition Rahesabz.net. « Sa famille est sous pression pour dire qu’il est Basiji et pro-gouvernemental », précise-t-il.

Interdites par les autorités, les manifestations de lundi, en soutien aux soulèvements en Egypte et en Tunisie, étaient les premières organisées par l’opposition iranienne depuis plus d’un an. Elles ont été un succès pour les chefs de l’opposition iranienne Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, tandis que le chef adjoint de la police de Téhéran, Ahmadreza Radan, a évalué à seulement 150 le nombre de participants. « Le rassemblement glorieux du 25 Bahman [la date du 14 février dans le calendrier persan, ndlr] est une grande réussite pour le grand peuple d’une grande nation et pour le Mouvement Vert », s’est ainsi félicité le premier, sur son site internet Kaleme. « Soyons en alerte avant qu’il ne soit trop tard, ouvrez vos oreilles et entendez la voix du peuple, a de son côté lancé l’ancien président réformateur du Parlement Karoubi sur son site Internet Sahamnews.org. La répression violente et l’opposition aux volontés du peuple ne durera qu’un temps », a-t-il ajouté. De leur côté, des députés ont appelé à la peine de mort pour ces deux dissidents hier. « Moussavi et Karoubi doivent être exécuté ! Mort à Moussavi, Karroubi et Khatami ! », ont-il scandé au Parlement, selon les propos rapportés par Al Jazeera. Ils ont également accusé les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël d’avoir orchestré ces manifestations, comme à chaque velléité de rébellion du peuple. Le bilan officiel de la journée d’action de lundi est de deux morts et huit blessés, tous victimes de tirs à l’arme à feu.

* Ces miliciens chiites sont liés aux pasdarans (Gardiens de la révolution), qui ont joué un grand rôle dans la répression des grandes manifestations de l’opposition après la réélection controversées de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence en juin 2009. À l’époque, des millions d’Iraniens, qui avaient fait de la couleur verte leur signe de ralliement, avait fini par être muselés, après plusieurs mois d’acharnement du régime.

LIBYE

Pendant ce temps, des émeutes ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi dans la ville libyenne de Benghaz (Nord-Est), où 500 à 600 personnes ont manifesté leur colère, dans la nuit de mardi à mercredi, scandant des slogans tels que « la corruption est l’ennemi de Dieu », ou « il n’y d’autre Dieu que Dieu », comme en témoigne des vidéos postées sur You Tube.

Alors que les appels à manifester contre le régime se multiplient sur les réseaux sociaux en Libye, de violents heurts ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi entre manifestants et forces de l’ordre dans la ville de Benghazi. Des manifestations qui interviennent à la veille de la « journée de colère » prévue jeudi dans plusieurs villes.

La Libye touchée par la contestation. Quatorze personnes ont été blessées mardi dans des heurts à Benghazi, deuxième ville du pays, à 1 000 km à l’est de Tripoli, entre des manifestants et les forces de l’ordre, a rapporté mercredi un journal libyen. Ces manifestants s’étaient rassemblés pour réclamer la libération d’un avocat, Fethi Tarbel, représentant des familles de prisonniers tués en 1996 dans une fusillade dans la prison d’Abou Salim à Tripoli. L’avocat a été libéré, selon le site du journal Qurina, mais la foule n’a pas quitté les lieux et d’autres personnes se sont jointes à la manifestation. Peu après, des centaines de partisans du régime ont défilé à Benghazi, Syrte (est), Sebha (sud) et Tripoli, en brandissant des drapeaux et des photos du colonel Kadhafi, selon des images de la chaîne al-Jamahiriya, la télévision d’Etat.

Ces manifestations interviennent à la veille de la « journée de colère » prévue jeudi dans plusieurs villes. Sous le slogan « Révolte du 17 février 2011 : pour en faire une journée de colère en Libye », un groupe Facebook appelle à un soulèvement contre le régime de Mouammar Kadhafi. Le groupe est passé de 4 400 membres lundi, à 9 600 mercredi matin.

Des appels à manifester jeudi contre la corruption et le népotisme en Libye ont été lancés depuis quelques semaines sur Facebook. L’un des groupes appelle le peuple libyen à descendre dans la rue pour « une journée de colère contre la corruption et le népotisme », en commémoration de la mort d’au moins quatorze personnes lors de manifestations à Benghazi le 17 février 2006. Ce jour-là, de violents heurts avaient opposé les forces de l’ordre à des manifestants qui avaient attaqué le consulat d’Italie pour protester contre la publication de caricatures du prophète Mohamed.

Coincé entre deux révolutions populaires, en Tunisie et en Egypte, le régime libyen a pris ces dernières semaines des mesures préventives pour calmer la population. Les autorités de ce riche pays pétrolier ont ainsi rétabli des subventions sur des biens de première nécessité et facilité l’accès de la population à des crédits sans garantie et sans intérêts.

Des émeutes ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi dans la ville libyenne de Benghazi, où plusieurs centaines de personnes ont affronté des policiers soutenus par des partisans pro-gouvernementaux, rapportent des témoins et des médias locaux. La télévision publique libyenne fait état, pour sa part, de rassemblements de soutien au dirigeant libyen, le colonel Muammar Kadhafi, dans différentes villes du pays. La chaîne a diffusé des images d’une manifestation pro-Kadhafi dans les rues de Tripoli.

"Trente-huit personnes ont été admises à l’hôpital pour des blessures", a-t-on indiqué de source hospitalière, précisant que toutes les blessures étaient légères et résultaient de "bagarres entre manifestants qui en étaient venus aux mains". Un précédent bilan donné par le journal libyen Quryna faisait état de 14 blessés à Benghazi, deuxième ville du pays située à 1.000 km à l’est de Tripoli.

L’arrestation d’un militant des droits de l’homme a servi de déclencheur aux violences. Selon l’édition en ligne du quotidien local Kourina, les émeutiers réclamant sa libération étaient armés de bombes incendiaires et ont jeté des pierres en direction des forces de l’ordre. Plusieurs véhicules ont été incendiés. Le journal précise que le calme est revenu dans la ville et que les partisans de l’opposition ont repris aux premières heures de la journée la place Chajara, où les émeutiers s’étaient regroupés dans la nuit. Le bilan avancé par le quotidien libyen est de quatorze blessés, dont dix policiers. Aucun ne serait dans un état grave.

Benghazi, une ville particulière

D’après un habitant de la ville, 500 à 600 personnes ont manifesté leur colère. "Ils sont allés au comité révolutionnaire (cellule de base du pouvoir, NDLR), dans le quartier de Sabri, puis ont tenté de se rendre au comité révolutionnaire central", a-t-il raconté. "Le calme est revenu maintenant", a-t-il confirmé. Il est impossible à ce stade de prédire les conséquences de ces événements, même si les exemples en Tunisie et en Égypte, deux pays voisins de la Libye, ont incité des opposants libyens en exil à tenter de mobiliser, en utilisant notamment les réseaux sociaux. Le gouvernement libyen a adopté pour sa part une série de mesures visant, entre autres, à réduire les prix des produits de première nécessité.

Le régime de Tripoli s’apprêterait en outre à libérer 110 militants incarcérés, du Groupe islamique libyen de combat, une organisation interdite par les autorités. Selon Mohamed Ternich, président de l’Association libyenne des droits de l’homme, ce sont les derniers membres de cette organisation toujours détenus à la prison Abou Salim de Tripoli.

Fethi Tarbel, le militant dont l’arrestation a déclenché les émeutes de Benghazi, a travaillé avec les familles des détenus de la prison d’Abou Salim, où le pouvoir incarcère opposants et islamistes. La plupart des analystes s’accordent à penser qu’un scénario à l’égyptienne ou à la tunisienne est peu probable dans la Jamahiriya libyenne, qui dispose d’importantes ressources financières susceptibles d’être utilisées pour calmer les esprits. En outre, la société libyenne est structurée sur un système de liens tribaux et familiaux. Dans ce cadre, s’il devait y avoir contestation du régime de Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, elle se développerait plutôt en coulisses que dans les rues. La ville de Benghazi, située à un millier de kilomètres à l’est de Tripoli, occupe une place particulière dans l’histoire libyenne. Nombre des opposants à Kadhafi en sont originaires et la ville a été écartée des principaux projets de développement économique, renforçant son particularisme.

YEMEN

Le Yémen a déployé 2.000 policiers dans les rues de la capitale Sanaa mercredi alors que des milliers de Yéménites manifestaient pour le sixième jour consécutif contre le président Ali Abdullah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.

Une personne a été tuée et cinq autres ont été blessées lors d’affrontements entre policiers et protestataires, à Aden, un port du sud du pays, a-t-on appris auprès de représentants des services de sécurité et médicaux.

Dans la capitale, les policiers ont tiré des coups de feu en l’air et empêché plusieurs milliers d’étudiants de l’université de rejoindre des milliers d’autres manifestants dans la capitale. Des témoins ont raconté que la police avait fermé les accès de l’université avec des chaînes pour empêcher les étudiants de sortir.

A Aden, la police a fait usage de balles réelles, de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes contre plusieurs centaines de manifestants. Selon un agent des services de sécurité, un protestataire âgé de 23 ans a été tué d’une balle dans la tête. Un responsable des services médicaux a de son côté fait état de cinq autres personnes blessées, dont au moins une grièvement.

Inspirés par les révolutions tunisienne et égyptienne, les manifestants yéménites se plaignent de la pauvreté, du chômage et de la corruption et demandent des réformes politiques et le départ du président Saleh.

Le chef de l’Etat yéménite a tenté de désamorcer la contestation en annonçant qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2013 et ne chercherait pas à ce que son fils lui succède. Les manifestants ont toutefois scandé des slogans hostiles à son fils, Ahmed, mercredi.

IRAK

Débordement de la colère populaire en Irak

David Walsh

L’éruption de la révolution égyptienne, à la suite des événements de Tunisie, est une inspiration pour les populations du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

Les protestations sur la question des conditions sociales se sont propagées à l’Irak cette semaine, où des manifestations se sont déroulées dans de nombreuses villes. Entre temps, un rassemblement de masse était prévu à Alger samedi. En Tunisie même, la population est toujours en ébullition, les mêmes structures de pouvoir restant toujours en place malgré la fuite de Zine El Abidine Ben Ali. La Jordanie, le Yémen et le Maroc sont aussi la scène de protestations.

La population irakienne commence à manifester ouvertement son opposition aux conditions misérables qui ont été crées par huit années d’occupation américaine et alliée, ainsi qu’un conflit sectaire acharné.

Le week-end dernier, des manifestants ont ont pris d’assaut des bâtiments gouvernementaux et un poste de police à Hamza, communauté défavorisée à forte proportion shiite du sud de l’Irak, pour protester contre des pénuries d’électricité, de nourriture et d’emplois et contre la corruption politique. Des représentants de la sécurité auraient ouvert le feu sur les manifestants, en tuant un et en blessant quatre autres.

Le National, des Emirats arabes unis, a cité le commentaire de Abu Ali qui aurait aidé à organiser la manifestation : « Il y aura une révolution des affamés et des chômeurs, comme cela s’est produit en Egypte, » a-t-il dit. « C’était une marche de chômeurs, de ceux qui ont perdu espoir et qui voient Nouri al Maliki [le premier ministre] et le nouveau gouvernement se transformer en une nouvelle dictature. »

Le 10 février, des protestations de taille variée se sont produites à Bagdad, Basra, Mosul, Karbala, Diwaniyah, Kut, Ramadi, Samawah et Amara. A Sadr City, dans Bagdad, des manifestants sont descendus dans la rue pour protester contre le manque de services publics, le chômage et la corruption gouvernementale. Des employés du secteur public ont rejoint les résidents. Un groupe d’employés du ministère de l’Industrie a dénoncé la décision de réduire de 20 pour cent leur salaire.

A Karbala, des résidents ont aussi demandé une amélioration des services municipaux et une enquête sur le gouvernement local. Sur une pancarte on pouvait lire, « Nous n’avons rien. Nous avons besoin de tout. La solution : Nous immoler par le feu, » en référence au suicide d’un jeune homme, qui a embrasé le soulèvement en Tunisie. A Najaf, des fermiers ont demandé davantage d’aide de la part du gouvernement et la démission du chef du gouvernement local. Des manifestants à Basra ont expliqué que les changements concernant la politique des rations de nourriture avaient laissé des familles dans l’incapacité d’acheter suffisamment de nourriture car le prix des denrées alimentaires de base avait presque doublé ces derniers mois.

Une des protestations les plus importantes a fait descendre quelque 3 000 avocats dans les rues d’un quartier musulman sunnite de Bagdad ouest. Ils ont appelé à la fin de la corruption judiciaire et du mauvais traitement des prisonniers dans les prisons irakiennes. La presse canadienne a cité le commentaire de Kadhim al-Zubaidi, porte-parole du syndicat d’avocats de Bagdad : « C’est en solidarité avec le peuple irakien... Nous voulons que le gouvernement renvoie les juges corrompus. » Il a ajouté, « Nous demandons aussi que les ministères de l’Intérieur et de la Défense nous autorisent à entrer dans les prisons secrètes [dont l’existence a été récemment révélée]... Nous voulons obtenir des informations sur ces prisons. »

A Karbala, le chef de l’association locale des avocats a ridiculisé la pitance que le gouvernement donne chaque mois au lieu des rations qui comprenaient de l’huile, du riz, de la farine et du sucre. « Nous rejetons ce montant d’argent, » a dit Rabia al-Masaudi, et il a ajouté à l’Agence France Presse (AFP), que « les députés sont payés 11 000 dollars par mois, alors que les nombreuses familles, parmi les six millions que compte le pays, dépendant des rations du gouvernement, recevaient à présent 12 dollars par mois au lieu de leurs provisions. »

Vendredi, d’autres manifestations se sont produites de par l’Irak. Une des manifestations de Bagdad est allée jusqu’à la zone verte où se trouvent les bâtiments du gouvernement et les ambassades, revendiquant une amélioration des services de base. Selon Reuters il y avait des pancartes portant des messages variés, comme « Où sont vos promesses électorales, les rations de nourriture et les services de base ? » et « Place Tahrir n°2 », en référence aux événements du Caire.

A Bab-al-Sham, quartier défavorisé de Bagdad, dimanche dernier un manifestant, ingénieur de profession, a dit aux médias, « C’est une tragédie. Même au Moyen-Age les gens ne vivaient pas dans cette situation. » Reuters a fait remarquer, « Près de huit ans après l’invasion conduite par les Etats-Unis, l’infrastructure irakienne reste gravement endommagée. Le pays souffre de pénurie chronique d’eau, l’approvisionnement en électricité est intermittent et les eaux usées ne s’écoulent pas. »

En Algérie, l’appareil de sécurité se prépare à une importante manifestation, peut-être autour de dizaines de milliers de personnes prévue pour le 12 février par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), groupement de défenseurs des droits de l’Homme, de syndicats et de partis « d’opposition » officiels tolérés par le régime du président Abdelaziz Bouteflika.

Le gouvernement a officiellement interdit la manifestation et devrait déployer quelque 30 000 agents de police pour bloquer la manifestation. Un porte-parole de l’opposition, Said Sadi a dit aux médias que le régime avait mis un cordon de sécurité autour de la capitale pour empêcher les gens de participer. « Les trains ont été arrêtés et les autres transports en commun seront arrêtés aussi, » a-t-il dit.

L’AFP rapporte : « De grandes quantités de grenades lacrymogènes ont été importées, a ajouté [Sadi]. On a vu des véhicules anti-émeute garés non loin de la place d’où le rassemblement est censé partir samedi, et la police en uniforme patrouille les rues adjacentes.

Des protestations ont eu lieu dans un certain nombre de villes algériennes le 8 février. Dans la ville d’Annaba, 600 kms à l’est d’Alger, une centaines de jeunes hommes au chômage ont manifesté devant la préfecture de la ville et dans les rues. Dans un acte particulièrement désespéré, dans la ville voisine de Sidi Ammar, sept hommes sans emplois se sont infligés des blessures à l’arme blanche et ont menacé de se suicider en masse devant la mairie.

Un journal algérien rapporte que dans la même région, les résidents du village de Raffour sont aussi descendus dans la rue. Ces dernières semaines, près de 20 personnes ont tenté de s’immoler par le feu. Trois sont morts des suites de leurs blessures.

En Tunisie où Mohammed Bouazizi, 26 ans, s’est immolé par le feu à la mi-décembre et a contribué à lancer les protestations de masse, une femme a tenté de s’immoler par le feu jeudi devant les bureaux gouvernementaux de Monastir, lieu de naissance du dictateur en place depuis longtemps, Habib Bourguiba. La femme, originaire de Sfax, seconde plus grande ville de Tunisie, a entrepris cette action du fait de difficultés à obtenir un médicament pour son époux souffrant de cancer. Son état reste « sérieux » avec des brûlures au troisième degré.

Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes tunisiennes cette semaine, exigeant la démission des officiels associés au régime Ben Ali. A Kasserine, à 250 kms au sud ouest de Tunis des centaines de gens ont bloqué une artère principale pour attirer l’attention sur leurs problèmes sociaux. A Gafsa aussi mardi des manifestants ont réclamé la démission du nouveau gouverneur.

Au Yémen, deux manifestations ont eu lieu vendredi dans la capitale de San’a et dans le port d’Aden en solidarité avec la révolution égyptienne. Des centaines de jeunes manifestants se sont rassemblés dans l’après-midi à Aden. Selon le Wall Street Journal, « Selon des témoins, il y a eu des échauffourées entre la police et des manifestants et une dizaine de manifestants ont été arrêtés. Un agent de la sécurité d’Aden a dit que la police prenait des mesures pour assurer la sécurité dans la ville. »

Des étudiants de San’a ont aussi organisé une protestation, fermant l’accès aux artères principales pendant près de trois heures vendredi. Ils ont terminé leur manifestation devant l’ambassade d’Egypte. La manifestation a exprimé son soutien au peuple égyptien mais a aussi appelé le dictateur Ali Abdullah Saleh, qui jouit du soutien des Etats-Unis, à démissionner. Les manifestants ont dénoncé les mauvais traitements et la torture infligés aux détenus dans le quartier général de la police secrète.

Au sud Yémen, plusieurs milliers de personnes ont manifesté vendredi en faveur de la sécession et exigé aussi le départ de Saleh. Des tanks de l’armée, dit Reuters, « sont entrés dans Zinjibar, capitale d’Abyan, où des militants soupçonnés de faire partie d’Al Qaida sont actifs, et plus d’un millier de manifestants se sont rassemblés vendredi. Des centaines d’hommes se sont assis devant la maison d’un ancien dirigeant du sud Yémen, portant des linceuls blancs, symbolise de leur volonté de combattre jusqu’à la mort.

Ils scandaient, « Ali, Ali, rattrape Ben Ali, » impliquant par là que Saleh devrait suivre l’ancien président tunisien Zine al-Abidine Ben Ali en exil en Arabie saoudite.

A Amman en Jordanie, deux manifestations ont eu lieu, l’une (organisée par des organisations de gauche) exigeant la démission du nouveau premier ministre Marouf al-Bakhit, et la seconde en soutien à la lutte pour renverser Moubarak. Lors de celle-ci, organisée par des islamistes, Hamzeh Mansour, secrétaire général du Front islamique d’action, le bras armé du mouvement des Frères musulmans, a dit à la foule, « Les dirigeants arabes devraient écouter la voix de leur peuple et cesser de parier sur les Etats-Unis. »

Le syndicat des agriculteurs jordaniens a organisé une protestation vendredi, lançant des cageots de tomates sr l’autoroute Karak-Aqaba pour protester contre la chute des prix.

A Rabat, capitale marocaine, plus d’un milliers de manifestants s’est rassemblé vendredi pour exiger des emplois dans le secteur public. Un organisateur de la manifestation a dit aux médias qu’à une réunion le 24 janvier, le gouvernement avait appelé à une trêve du fait de l’agitation dans la région. La trêve a pris fin le 10 février, date butoir du gouvernement pour le recrutement de 4 500 diplômés hautement qualifiés. Le taux de chômage des diplômés de l’université est autour de 18 pour cent.

Selon le ministre de la Communication Khalid Naciri, au moins 21 manifestations ont lieu chaque jour au Maroc, nation assaillie par les inégalités sociale et la corruption gouvernementale.

SYRIE

Un appel est lancé sur internet à manifester en Syrie contre la "monocratie, la corruption et la tyrannie". Un groupe Facebook, qui avait réuni des milliers de membres, avait lancé un appel à manifester sous le slogan de "la Révolution syrienne 2011".
Il avait appelé à des protestations vendredi après la prière, "la première journée de la colère du peuple syrien et de rébellion civile dans toutes les villes syriennes". Il disait être "contre la monocratie, la corruption et la tyrannie".
Le site Facebook est bloqué par les autorités mais les internautes, grâce à certains programmes, peuvent contourner la censure.
Abdel Karim Rihaoui, président de la Ligue syrienne de défense des droits de l’Homme, a indiqué à l’AFP que "les opposants syriens (...) n’ont pas répondu à l’appel car ils sont persuadés de l’inefficacité des protestations dans les conditions actuelles". "Les appels sur Facebook ont été lancés de l’étranger".
Un sit-in de "solidarité avec les étudiants, employés, chômeurs et retraités désargentés", prévu jeudi devant le Parlement, n’a pas non plus eu lieu, selon l’AFP.
L’organisation Human Rights Watch (HRW) a demandé vendredi aux autorités syriennes de "respecter" le droit des Syriens à manifester et appelé à la libération d’un opposant ayant appelé à se mobiliser pour réclamer davantage de libertés.
Dans un communiqué, HRW ont demandé aux autorités syriennes de "libérer immédiatement Ghassan al-Najjar, responsable d’un petit groupe appelé le Courant démocratique islamique".
D’après l’organisation, les services de sécurité ont arrêté vendredi matin ce septuagénaire qui avait appelé les habitants d’Alep (nord) à manifester pour réclamer davantage de libertés.
Selon l’organisation, basée à New York, les services de sécurité ont "convoqué plus de 10 militants ces dernières 48 heures, pour faire pression sur eux afin qu’ils ne manifestent pas".
"Le gouvernement syrien doit cesser immédiatement ses intimidations contre les manifestants ayant exprimé leur solidarité avec les jeunes pro-démocratie en Egypte", a indiqué HRW dans un autre communiqué.
"Le président syrien Bachar al-Assad devrait (...) augmenter la liberté d’expression sur internet et dans la rue, et les services de sécurité cesser de réprimer les militants", a dit l’ONG.
Samedi dernier, les forces de l’ordre avaient déjà empêché un sit-in organisé par quelques jeunes près de l’ambassade d’Egypte à Damas.

ALGERIE

Après les premières victoires de la révolution en Tunisie et en Égypte, nombreux sont celles et ceux qui ont les yeux braqués sur l’Algérie.
Toutes les raisons objectives sont réunies. Grâce à la rente pétrolière et gazière, l’Algérie est un des rares pays à ne pas avoir de dette publique. Au contraire, après que les trusts pétroliers dont Elftotalfina, que les généraux et les divers niveaux de corruption se sont partagés la manne, il reste 155 milliards de dollars dans les cassettes de l’État algérien, dont le peuple est spolié.

La colère sociale couve : 10 500 émeutes ont été recensées en 2010. Pendant cinq jours en janvier, la révolte de la jeunesse a embrasé le pays. Ces dernières semaines, des dizaines de tentatives d’immolation expriment le refus désespéré de la misère et des humiliations. Les grèves se multiplient dans les grandes entreprises comme Arcelor Mittal Annaba, mais aussi dans de plus petites et le secteur public. Des jeunes chômeurs marchent, organisent des sit-in, affrontent la police pour exiger des emplois. De nouveaux logements sociaux à peine terminés sont squattés par centaines. Dans les universités, des grèves se développent, mêlant le refus de réformes universitaires et la revendication de droits démocratiques.

Un vent de révolte souffle sur l’ensemble du pays. Malgré une rente pétrolière de plusieurs milliards de dollars, l’Algérie ne décolle pas économiquement. Le chômage touchait, selon le site Internet du ministère du Travail, 11,8 % de la population active en 2007. Des chiffres qui se situeraient aujourd’hui entre 20 et 25 %, d’après Moncef Cheikh Rouhou, professeur de finance internationale à l’École des hautes études commerciales (HEC), à Paris.

Le secteur informel ne cesse de croître. La corruption fait des ravages. Elle touche tous les secteurs de l’État et de la société. Les projets ne sont pas menés à terme.

Les militaires continuent de diriger le pays d’une main de fer. Des émeutes éclatent régulièrement dans plusieurs localités du pays. Celles qui se sont déroulées début janvier à Bousmail, une ville côtière située à 50 kilomètres d’Alger, ont fait un mort et plusieurs blessés. Dans la commune de Naciria, dans le Nord, les manifestants ont attaqué, le 12 février, le commissariat de la ville à l’aide de cocktails Molotov et coupé durant plusieurs heures l’autoroute qui mène vers Alger.

Selon les chiffres fournis par la gendarmerie algérienne en mars 2010, le nombre des suicides est passé de 143 en 2008 à 203 en 2009. L’immolation tend à devenir, quant à elle, un nouveau moyen pour exprimer la misère sociale.

Il y a trois jours, d’autres émeutes ont éclaté à Annaba et sansl’intervention rapide des forces de l’ordre qui ont réussi à disperser les manifestants, la situation aurait dégénéré et la ville aurait été mise à sac. Ces jeunes, venus assister à une réunion initiée par les services de la wilaya à la salle Pax suite à l’annonce par les autorités de la création de près de 7 000 postes d’emploi, l’avaient quittée prématurément pour improviser une marche sur le cours de la Révolution. Les rangs des marcheurs grossissaient au fur et à mesure. De quelques dizaines, ils sont passés en moins d’une demi-heure à des centaines pour, ensuite, marcher sur le siège de la wilaya où des policiers antiémeute furent déployés. L’affrontement qui s’en est suivi - jets de projectiles, matraquages, empoignades, slogans hostiles et obscènes - a fait des blessés dans les deux camps. En même temps, une autre protesta aussi violente que celle réprimée avait éclaté à la cité Didouche-Mourad, au niveau du boulevard d’Afrique : casse, actes de malveillance, destruction de mobilier urbain, dégradation de véhicules de particuliers et autres scènes de dégradations avaient marqué cette journée. Les postes d’emploi distribués ou qui le seront dans le cadre des différents dispositifs élaborés représentent un pourcentage infime par rapport à la masse des demandeurs d’emploi qui se comptent par dizaines de milliers. L’Etat, qui s’efforce avec les moyens dont il dispose de faire face à cette marée de chômeurs en débloquant au niveau national 230 milliards de dinars, soit l’équivalent de près de 3 milliards de dollars, n’arrive pas à résorber la crise de l’emploi, les banques ne jouent pas le jeu et s’évertuent à exiger des jeunes porteurs de projets des garanties ou un apport d’au moins 10% avant de débloquer les crédits. « Ce n’est pas possible, nous déclare le jeune Ahcene de la Colonne, pour monter mon projet, il me faut près de 9 millions de dinars et on exige de moi près de 90 millions de centimes. Si je les avais, je ne serais pas ici à quémander cette somme, je les aurais investis et j’aurais travaillé directement. D’un côté, on nous dit que les portes sont ouvertes et que chaque jeune entrepreneur peut accéder à un crédit et, d’un autre côté, on exige de nous une somme faramineuse pour lancer un projet. C’est à y rien comprendre ! Ils se payent notre tête. Nos espoirs, nos rêves de construire notre vie, de réussir et de devenir des citoyens normaux s’évanouissent et donc il ne nous reste qu’à exprimer notre colère et notre mécontentement. Ces émeutes, ces manifestations de rue ne sont pas venues comme ça, c’est parce que tous ceux qui vivent la même situation que moi se retrouvent tous les jours dans les rues et les cafés populaires pour parler de ça. Les discussions débouchent inévitablement sur le rejet de cette situation et il suffit d’un petit déclic pour que des manifestations spontanées soient déclenchées. Et là, ce serait très difficile d’éviter la casse. Nous ne sommes pas contre l’Etat, nous ne sommes pas contre notre pays, nous voulons simplement qu’on s’occupe de nous. Qu’on nous donne du travail et l’on n’entendra plus jamais parler de manifestations. »

L’Etat à lui seul, même s’il est le premier employeur du pays, ne peut éradiquer le chômage, les entreprises privées doivent y contribuer et créer des postes d’emploi. Mais celles-ci ne pensent qu’à leur rentabilité et aux gains qu’elles peuvent engranger sans se soucier de cette importante frange de la population qui vit un marasme et une détresse jamais égalés jusque-là. « Nous vivons, pour la plupart, en marge de la société, dira le jeune Rédha, surnommé “Zargou” pour la couleur de ses yeux. Nous vivons au jour le jour, de débrouillardise et d’expédients. On s’improvise gardiens de parking, revendeurs de n’importe quoi, pourvu qu’on gagne un peu d’argent. Cambiste, trabendiste ou hitiste, on est tous logés à la même enseigne et nous avons tous élu domicile dans la misère. Une misère qui nous unit et qui fait de nous une force pour casser et détruire, pour nous venger, alors que cette force est là normalement pour bâtir et construire. Notre place, comme vous dites, elle est du côté de Sidi Salem d’où les embarcations partent chaque jour, on prend la mer et on la défie juste pour fuir la misère, nous savons tous que c’est un coup de poker et que nous achetons notre mort à 10 millions. Mais il y a cet espoir, si infime soit-il, d’arriver de l’autre côté et de se débrouiller pour s’en sortir. L’Algérie ? Oui, c’est notre pays, nous ne la renions pas, elle est là en nous, nous la portons là où nous allons mais c’est surtout les horizons bouchés, la hogra, le fait de voir certains “veinards” profiter de ce qui nous revient de droit, de ce qui a été expressément élaboré pour nous et qui est détourné au profit d’autres qui n’en ont vraiment pas besoin. C’est surtout cela qui nourrit la haine à tel point qu’au moindre mouvement de jeunes, c’est l’explosion. On n’a rien à perdre parce que, tout simplement, nous n’avons rien. Il faut que ça change, ce n’est pas possible que cela puisse durer », conclut-il.

Dans les quartiers populaires, ce sont des centaines de jeunes désœuvrés, adossés aux murs, assis sur les bordures des trottoirs, ou debout au bord de la chaussée. Ils sont là, ils ne peuvent rester chez eux parce que c’est dur pour un homme dans la force de l’âge de rester cloîtré chez lui. « Je ne me sentirai pas homme au sens algérien du terme, si je reste à la maison, nous dit Mourad, un jeune universitaire au chômage. Il faut que je sorte parce que le regard des autres, je ne le supporte pas. Ils savent que je suis chômeur, donc sans avenir même avec mes diplômes et là c’est encore plus dur à admettre. Alors, je sors tôt le matin pour aller chercher du travail, et chaque jour je reviens le soir bredouille. Ma pauvre mère fait ce qu’elle peut pour me réconforter et m’encourager. A la longue, je ne pourrai plus tenir et j’achèterai un billet pour la Sardaigne, c’est un risque à prendre, je sais que c’est un suicide. Mais quand on est réduit à attendre que quelqu’un vous paye un café, vous sentez que quelque chose en vous commence à partir, je ne voudrais pas en arriver là. » Derrière chaque cas se cachent un drame, un désespoir et une détresse infinie. On ne croit plus en rien ni en personne, ni au discours politique, pas même religieux et encore moins au discours moralisateur. On est blasé. Aujourd’hui, l’Algérie risque de rater un rendez-vous important, un rendez-vous avec sa jeunesse, si des mesures urgentes ne sont pas prises pour restaurer la confiance perdue et rendre l’espoir à cette force de la nation qui ne demande qu’à vivre en paix.

Des centaines de chômeurs sont sortis dans la rue dimanche à Annaba et Bordj Menaiel pour réclamer leur embauche dans l’immédiat, dans le cadre du dispositif de formation insertion mis en place, rapporte lundi la presse algérienne.

A Annaba, chef-lieu de la wilaya du même nom, des frictions ont eu lieu entre les manifestants qui demandent du travail et la police antiémeutes, faisant des blessés légers dans les deux rangs et causant des dégâts matériels à l’agence principale d’Algérie Poste, selon des journaux locaux.

Les manifestations qui ont commencé au niveau de la salle de cinéma Pax, transformée pour la circonstance en guichet d’inscription au dispositif d’insertion professionnelle, ont regagné le centre-ville y provoquant un embouteillage monstre, dans lequel les automobilistes ont été pris en étau entre policiers et manifestants en colère, relate la presse locale, notant que nombre d’autres personnes non concernées par le dispositif de formation et d’insertion se sont jointes aux manifestants, poussées en cela par une rumeur selon laquelle une prime allait être accordée par l’Etat à tout demandeur d’emploi quel qu’en soit l’âge.

A Bordj Menaïel, dans la wilaya de Boumerdès, des centaines de chômeurs se sont rassemblés devant le siège de la direction des travaux publics, vers laquelle ils ont été orientés pour y être inscrits sur la liste des bénéficiaires de recrutement dans le cadre du dispositif de formation et d’insertion, mais les responsables sur place leur ont signifié qu’ils ne pouvaient recruter pour le moment qu’une centaine d’entre eux.

Cette réponse a provoqué la colère des jeunes qui ont commencé à scander des slogans dénonçant l’administration et n’ont quitté les lieux qu’après que la direction ait accepté de recevoir leurs demandes, selon la presse.

Hier, près de 300 chômeurs se sont déplacés jusqu’au siège de la direction des travaux publics (DTP) de la wilaya de Boumerdès pour exiger la signature des lettres d’orientation qui leur ont été délivrées, jeudi dernier, par les responsables de l’ANEM de Bordj Menaïel en vue de leur recrutement.

A leur arrivée sur place, les responsables de la DTP leur ont signifié qu’ils ne pouvaient « prendre » qu’une centaine d’entre eux. Indignés, les jeunes se sont mis à scander des slogans hostiles à l’administration et ont décidé de ne quitter les lieux qu’après la résolution de leur problème. La réaction des responsables de la DTP laisse penser qu’il n’y a aucune coordination entre les différentes directions de la wilaya. Sinon comment expliquer le fait d’envoyer plus de 300 chômeurs à une direction qui ne peut en recruter qu’une centaine ?

Les manifestants, encadrés par un important dispositif de sécurité, ont désigné une délégation qui a été reçue par un responsable de la direction de l’action sociale. Ce dernier leur a recommandé de constituer leur dossier et de revenir dimanche prochain en vue de leur embauche. Les protestataires se sont dispersés en fin d’après-midi dans le calme. Des centaines d’autres chômeurs de la même localité ont été orientés par l’ANEM vers les directions de l’OPGI, de l’hydraulique et la Conservation des forêts pour les faire travailler dans le cadre du CFI contre une rémunération de 12 000 DA/mois. A Mezaourou dans la wilaya de Sidi Bel Abbès, plus de 400 jeunes chômeurs ont par ailleurs, organisé, hier matin, un sit-in devant le siège de la Coopérative des céréales (CCLS) pour exiger leur recrutement au sein de cet organisme étatique.

Les protestataires ont également bloqué la route principale reliant Mezaourou à la localité de Telagh à l’aide de pneus usagers et divers objets hétéroclites. Las des promesses jamais tenues par les responsables locaux, les chômeurs ont exigé la présence du wali après avoir refusé la médiation initiée, en début d’après-midi, par le chef de daïra. Selon des habitants de cette localité, les chômeurs dénoncent l’octroi de postes de travail au sein de la CCLS à des personnes issues de localités avoisinantes aux dépens des jeunes sans-emploi de Mezoaurou. Les jeunes chômeurs n’ont pas manqué de menacer, dans le cas où ils n’obtiennent pas gain de cause, de recourir à d’autres moyens pour se faire entendre.

Outre les émeutes spontanées que provoquent les jeunes dans plusieurs villes du pays, l’opposition politique, jusque-là divisée, cherche à s’unir pour imposer une alternative au régime en place. En janvier, les partis de l’opposition se sont regroupé au sein d’une structure appelée Coordination nationale pour la démocratie et le changement (CNDC).

Dans cette coalition figurent des formations d’horizons politiques divers : le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Saadi, le Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD) de Moulay Chentouf, le Comité citoyen pour la défense de la république (CCDR), dirigé par l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur Abdelhak Brerhi, ainsi que le Mouvement pour la démocratie sociale (MDS) de Hocine Ali.

D’autres partis d’opposition qui bénéficient d’un bon ancrage dans la société, comme le Front des forces socialistes dirigé par le leader historique Hocine Ait Ahmed, refusent, pour le moment, de rejoindre le mouvement.

Des associations comme la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADH), le Syndicat national du personnel de l’administration publique (SNAPAP) ou la Coordination des lycées d’Alger (CLA) font également partie de la CNDC. Le réseau Wassila, qui regroupe plusieurs associations féminines, le Collectif des jeunes chômeurs du Sud, le Mouvement citoyen de Kabylie, l’Association des disparus et le collectif Liberté de presse font également partie de la coalition.

La nouvelle stratégie du CNCD est de maintenir une pression permanente sur le régime, en organisant, chaque samedi, une marche pacifique dans Alger, la capitale. La CNDC a appelé à organiser des rassemblements similaires le même jour dans les principales villes du pays.

Parallèlement, la CNCD étudie la possibilité d’appeler à une grève générale sur tout le territoire national mais la date n’a pas encore été arrêtée.

Quelque peu ébranlé par les émeutes successives qui ont agité le pays, le régime commence à lâcher du lest. Le président Bouteflika, en poste depuis 1999, a promis de lever l’état d’urgence en vigueur depuis 19 ans, mais sans donner de date précise. Le chef de l’État a également promis de remanier le gouvernement et d’ouvrir le champ médiatique public, notamment la télévision et les radios, à l’opposition.

De son coté, le ministère de l’Intérieur a assuré qu’il ne s’opposera plus à la création de nouveaux partis politiques et de nouveaux journaux.

Sur le plan social, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a demandé aux préfets, aux maires et aux responsables de la police de répondre favorablement aux demandes des citoyens, en leur octroyant des logements sociaux et en leur versant des aides financières. Le nouveau chef de la police, Abdelghani Hamel, a donné comme instructions aux policiers de se montrer compréhensifs avec les jeunes et de ne pas les provoquer.

A titre d’exemple, les policiers n’empêchent plus les vendeurs à la sauvette d’écouler leurs marchandises sur les trottoirs d’Alger, et ne confisquent plus les permis de conduire, même en cas d’infractions graves au code de la route.

Or, pour les responsables de la CNCD et les simples citoyens, tout cela n’est pas suffisant. Le peuple demande un changement radical et une rupture historique avec les pratiques du passé. Selon Saïd Saadi, le leader du RCD, le régime essaye de gagner du temps, mais au regard des changements qui ont lieu dans le monde arabe, le système algérien vit ses derniers moments.

Officiellement, l’armée ne se mêle pas des affaires politiques du pays, mais dans la réalité, c’est elle qui contrôle tout. Elle est la colonne vertébrale du régime. Rien ne se fait sans elle. Les généraux sont accusés par la population de spolier les richesses du pays et de concentrer tous les pouvoirs.

Lors des rassemblements de 1988, à Alger, et dans les principales villes du pays, comme Oran, Blida ou Constantine, l’armée avait tiré sur les manifestants qui demandaient la fin du parti unique et l’ouverture du champ politique et médiatique. Bilan : environ 200 morts. Aujourd’hui, la question qui taraude les observateurs de la scène algérienne concerne l’attitude de la "grande muette". Va-t-elle se mettre du côté du peuple, comme ce fut le cas en Égypte et en Tunisie, ou continuer à soutenir le régime ?

TUNISIE : L’UGTT essaie encore de sauver le pouvoir face à la classe ouvrière...

La principale centrale syndicale de Tunisie a appelé jeudi le gouvernement à engager "rapidement" des négociations afin de résorber les tensions sociales qui secouent le pays depuis trois semaines, reconnaissant être désormais "débordée" par sa base.

"Il est de l’intérêt du gouvernement d’engager rapidement des négociations avec la centrale syndicale car la situation sociale est explosive", a dit à l’AFP un dirigeant de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT).

Abid Briki réagissait à la déclaration du président intérimaire, Foued Mebazaa, qui a annoncé mercredi soir l’ouverture "prochainement" de "négociations sociales à l’échelle nationale".

Des grèves organisées ou spontanées ont paralysé plusieurs secteurs économiques depuis la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier, et la grogne sociale continue de monter dans les catégories les plus défavorisées de la population.

Le gouvernement de transition de Mohamed Ghannouchi a multiplié les appels à la population, avertissant que le pays risquait de "s’écrouler" si les débrayages massifs et manifestations parfois émaillées de violences se poursuivaient.

"Il y a des réponses immédiates que le gouvernement peut apporter, à savoir la titularisation des centaines de milliers de contractuels qu’il faut intégrer dans les entreprises", a dit M. Briki qui a prôné également une réforme "radicale" de la législation du travail et un examen "sérieux" d’une vieille demande de la centrale syndicale pour la création d’une caisse de chômage.

"Nous n’encadrons pas tous les mouvements de grèves", a-t-il reconnu, interrogé sur l’ampleur de la contestation sociale auquel le pays est confronté.

Selon lui, l’UGTT est désormais "débordée face à l’agitation sociale".

Pour la centrale, l’enjeu est aussi de parvenir "à endiguer la grogne dans des secteurs ou entreprises où l’UGTT été chassée et remplacée par des cellules" du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali.

"Dans ces entreprises où des grèves spontanées ont été déclenchées, nous tentons d’organiser un retour en force de nos représentants et d’occuper le terrain", a-t-il déclaré.

Marginalisée et divisée sous Ben Ali, l’UGTT a retrouvé un rôle de premier plan lors de la révolte qui a conduit à la chute de l’ex-président. L’aile gauche du syndicat a encadré les manifestations à travers le pays et organisé des grèves tournantes dans les principales villes.

Mais sa direction est contestée par un courant de gauche qui organise épisodiquement des rassemblements devant ses locaux à Tunis pour réclamer son départ en l’accusant de "composer" avec le gouvernement transitoire et de "corruption".

Bouteflika n’est félicité que par l’impérialisme et les banquiers...

Alors que la contestation politique et sociale se développe sur le terrain (manifestations de 7 000 chômeurs à Annaba, universités en grève, multiples mouvements de grève, manifestations de l’opposition…), la Banque mondiale (BM) adresse un satisfecit aux autorités algériennes.

« Croissance soutenue », amélioration de « l’équité sociale par d’ambitieux programmes d’investissements publics », inversion de tendance « après deux décennies de stagnation économique », « gestion macroéconomique prudente », « amélioration des services sociaux et [de] l’aide aux personnes défavorisées », « réduction du chômage et de la pauvreté », l’institution de Btretton Woods ne tarit pas d’éloge, y compris sur le plan politique, à l’égard des pouvoirs publics qui ont réussi, selon elle, à rendre au pays sa stabilité, grâce au « processus de réconciliation nationale et l’augmentation des prix du pétrole ».

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