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Elections, Préval, Martelly, Aristide, bourgeoisie, "démocratie", occupation des forces armées internationales, misère, reconstruction, choléra : quoi de neuf en Haïti ?

dimanche 15 mai 2011, par Robert Paris

A BAS L’OCCUPATION ÉTRANGÈRE IMPÉRIALISTE !!!!

A BAS LES EXPLOITEURS D’HAITI !!!

VIVE LE PEUPLE RÉVOLUTIONNAIRE D’HAITI ET SES SURSAUTS EXPLOSIFS, SEUL AVENIR POUR LE PEUPLE TRAVAILLEUR !!!

Choléra, misère, reconstruction, chômage, rien n’est réglé

Ce pays, autrefois appelé "la perle des Antilles" est devenu est un des plus pauvres du monde après des années de corruption et de pillages de ses richesses par sa bourgeoisie internationalisée, sans que jamais les haïtiens ne voient une "gourde" (la monnaie du pays) des bénéfices réalisés.

Sur plus d’un million qui se sont réfugiées, ici et là, après le séisme, 680 mille personnes vivent aujourd’hui (en mars 2011) dans les camps. Un nombre non recensé a défini ses propres solutions de relogement, lesquelles sont, dans beaucoup de cas, tout aussi alarmantes que les conditions dans les centres d’hébergement.

Les rues de Port-au-Prince sont encore jonchées de débris.

Environ une année après la conférence (31 mars 2010) des bailleurs de fonds à New York, autour des perspectives de reconstruction en Haïti après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, la population déplore le peu d’avancées constatées dans le processus de reconstruction.

L’agriculture est exsangue, la quasi totalité des arbres de l’ile ont été coupés par les habitants pour faire du feu. L’élan de rassemblement de la société civile de la révolution contre Béb Doc a été étouffé dans l’oeuf par l’intervention Franco-Américaine, renvoyant chacun aux clivages et aux divisions qui sont depuis sa création le plus gros handicap de ce pays.

Sur les 5 milliards de dollars américains, promis pour l’année 2010 - lors de la conférence des donateurs du 31 mars -, seuls 30% ont été déboursés, d’après le site de l’envoyé spécial des Nations Unies, William Jefferson (Bill) Clinton.

Les promesses ont été faites dans le souci de renforcer le contrôle de certains pays et institutions internationales, et définir les politiques publiques en Haïti, analyse la Papda.

Depuis, « c’est clair : rien n’a avancé ».

« A cause de la crise du capitalisme, c’est une utopie de croire qu’on va débloquer 11 milliards de dollars pour faire la reconstruction ».

« Il n’y a aucune façon pour que cela se produise »., pronostique la Papda.

Au plan politique, il en va de même...

Les haïtiennes et les haïtiens n’ont eu aucune emprise ni stratégique ni technique ni financière sur ce processus électoral dominé de bout en bout par la MINUSTAH et les impérialismes de tous bords. Le processus électoral, boudé par la grande majorité de l’électorat (+/- 70% d’abstention sans compter les votes blancs), contrôlé de l’extérieur dans tous les aspects stratégiques (listes électorales, transport du matériel sensible, validation et comptabilisation des résultats), dominé par un vide total de propositions et de débats sur les questions prioritaires concernant l’avenir de la nation, ne saurait conduire qu’à l’accélération du processus de déstructuration institutionnelle et de régression économique et sociale de notre pays.

Il faut rappeler que la MINUSTAH, qui n’a jamais respecté ses engagements proclamés de protéger la population haïtienne, ne saurait devenir un allié de votre cause. En ce sens il convient de dénoncer vigoureusement le rôle actif des troupes d’occupation de la MINUSTAH qui constituent un élément central du processus de recolonisation de notre pays.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Haïti, dans le scénario le plus optimiste, estime qu’en 2012 au moins un demi-million de personnes vivront encore dans les camps de tentes de la capitale Port-au-Prince.

74% de la population déplacée d’Haïti vit dans des camps sur des terrains privés (écoles, centres commerciaux etc...) le rythme rapide des expulsions affectent la diminution du nombre de personnes dans les camps de personnes déplacées, qui, selon la matrice de suivi des déplacements a diminué de 1,5 million l’an dernier à 680,000 aujourd’hui [-50%].

25% des personnes déplacées l’on été suite à des expulsions, près des deux tiers de celles qui ont quitté les camps ont regagné leurs anciens quartiers et moins de la moitié d’entre elles, sont de retour dans une maison en « bon état » [±30%].

233,941 personnes ont été menacées d’expulsion depuis juin dernier. Beaucoup d’autres ont été chassées sans avoir de lieu sûr où aller, juste avant la saison des pluies. Certains sont de retour dans des maisons qui doivent être réparées ou dans des abris de fortune ou des tentes sur leur propriété. D’autres ont trouvé de nouveaux refuges, dans des maisons ou des appartements, ou chez des amis ou des parents. La misère des camps se déplace, mais la misère demeure...

165,977 personnes sont toujours dans la médiation avec un résultat encore incertain pour les familles touchées. « En outre, beaucoup de ceux qui ont déjà quitté les camps peuvent ne pas avoir trouvé une solution de logement durable, mais simplement un lieu de vie avec famille et amis, ou dans d’autres tentes dans leur quartier » a ajouté Monsieur. Luca Dall’Oglio, Chef de la mission OIM en Haïti.

Le gouvernement haïtien a la responsabilité principale de gérer le processus des expulsions, mais dans les faits, les organismes internationaux sont invités à aider à la médiation et à la gestion des conflits. La seule solution durable à la crise d’expulsion est d’accélérer la réparation et la reconstruction des quartiers, ou de mettre en place de nouvelles locations durables... Mais avec un taux d’expulsion qui dépasse la capacité des autorités haïtiennes et des travailleurs humanitaires à fournir des logements, la situation semble sans solution...

Place Saint-Pierre, à Pétion ville, des centaines de personnes ont bouclées leurs tentes et pliées leurs bâches, incités par les autorités locales à quitter les lieux moyennant 500 $ américain par famille. Des autorités locales qui ne veulent pas savoir où ces familles vont reconstruire leur vie avec cette somme...

Un quart des sinistrés vivant actuellement dans les camps sont menacés d’expulsion, selon les dernières informations fournies par l’Organisation Internationale de la Migration (OIM).

Près de la moitié des personnes qui s’étaient refugiées dans des centres d’hébergement après le séisme du 12 janvier sont parties suivant des options de relogement variées. Au mois de mars, 680 mille sinistrés sont recensés par l’OIM, contre 1,5 millions au lendemain de la catastrophe.

L’organisation a indiqué le 5 avril que 166 mille parmi les sinistrés qui vivent encore dans les camps ont été invités à partir par les propriétaires des terrains qu’ils occupent, au risque d’être expulsés.

« Il est manifeste que beaucoup de personnes quittent les camps sous la contrainte et que les expulsions forcées jouent un rôle de plus en plus important dans le retrait des populations des camps », souligne l’OIM, ajoutant que l’accroissement des expulsions surpasse la capacité du gouvernement et des organisations humanitaires à offrir des solutions de logement.

Entre juin et décembre 2010, 179 camps étaient concernés par des expulsions forcées. Mais depuis janvier 2011, dans 68 camps les sinistrés sont devenus indésirables.

Selon l’OIM, 67% des 166 mille personnes concernées par la menace vivent sur des terrains privés et 8% sur des terrains appartenant à l’Etat. Les autres, soit 25%, occupent des terrains dont la propriété reste indéterminée.

La commune la plus affectée par les expulsions est Delmas (secteur nord), suivie de Pétion Ville (périphérie est), Carrefour (périphérie sud) et Cité Soleil (périphérie nord).

Par ailleurs, sur 450 familles logées depuis le12 janvier dans l’enceinte du Stade Sylvio Cator, à Port-au-Prince, et menacées d’expulsion, 50 ont pu obtenir un abri transitionnel, les autres risquent de se retrouver totalement à la rue, informe l’OIM.

Depuis que les premières expulsions ont été signalées dans les camps, en juin 2010, 234 mille sinistrés dans 247 sites de10 communes, ont été touchés.

La population des différents sites du camp d’hébergement Tabarre Issa, souhaite que les élections législatives et présidentielles du 20 mars 2011, apporte un changement effectif en général pour le pays et, en particulier, pour ceux qui vivent depuis plus d’un an sous des tentes.

Le Camp Tabarre Issa est situé à Galette Gréffin, une localité de la commune de Tabarre (périphérie Nord). Il a accueilli au lendemain du séisme de janvier 2010, plus de 250 000 personnes, selon Concerne worldwide, l’ONG en charge du camp. Ces sinistrés sont repartis en divers sites dénommés Refugiés, Saint-Louis, Bénédiction, Accra, Canaan et CCC.

« Les élections sont bonnes pour le pays, elles nous permettront d’avoir un nouveau président, qui se penchera sur notre condition de vie précaire », espèrent l’un des déplacés du site Bénédiction, l’un des « plus méprisés du camp », ajoute-il.

Laissés pour compte, la population du camp affirme n’avoir jamais reçu la visite d’un des protagonistes du 2e tour des dernières présidentielles et législatives.

La population du Camp Tabarre Issa, appelle les candidats qui sortiront de ces élections à assumer pleinement leurs responsabilités afin de trouver des solutions aux innombrables problèmes que confronte le pays.

Le Camp Tabarre Issa est l’un des exemples de l’échec de la solution de relocalisation envisagée suite à la catastrophe par les responsables. Plus d’un an après, les sinistrés n’ont toujours pas tous été relogés dans des abris de transition.

Sur les 5 à 6 sites du camp, seule la population du site ‘’Saint-Louis’’, a obtenu des logements de transition (T-Shelter) et bénéficie de certains services de base dont l’eau potable. Le reste de la population croupit dans la misère la plus abjecte. [mm kft gp apr 23/03/2011 09 :00]

La Fédération des Groupement de Planteurs de Belle-Fontaine (FGPB), commune de Croix-des-Bouquets (Ouest) annonce une nouvelle poussée de l’épidémie de choléra dans la région et déplore une absence de structures sanitaires publiques dans la zone.

« Depuis ce jeudi 31 mars, le choléra frappe à nouveau les habitants de Belle-fontaine », déclare Edmond Jean Paul, coordonateur général de la fédération.

En 8 jours, 62 personnes ont été infectées et un mort a été enregistré, ajoute t-il.

Une nette baisse de l’épidémie a pourtant été observée dans la localité depuis la fin du mois de décembre, lorsque 26 personnes ont été atteintes et 8 d’entre elles tuées.

Selon les explications d’Edmond Jean Paul, les personnes infectées sont soignées dans les locaux de la fédération par 4 infirmières venues de Port-au-Prince.

Ces professionnelles de la santé travaillent pour le compte d’une organisation non gouvernementale internationale.

Edmond Jean Paul critique, par ailleurs, l’absence d’institutions étatiques dans cette région située à 12 kilomètres de la capitale haitienne.

« L’État est absent sous toutes ses formes à Belle-fontaine. Il n’y a même pas une clinique publique », s’indigne Jean Paul.

Le recours au vaccin contre le cholera en Haïti a été discuté très tôt au début de l’épidémie de choléra en Haïti par la Pan American Health Organization (PAHO) et des échos de ces discussions avaient été rapportés dans le New-York Times dès le 25 octobre 2010.

Plus récemment le docteur Gérard Chevallier enquêtant en Haïti avec le professeur Renaud Piarroux et les autorités haïtiennes jugeait que l’épidémie est "inhabituelle et sévère". Il soulignait que "Les notifications sont imparfaites, et qu’il il y a des zones où des personnes meurent et personne ne le sait". (voir journal Le Monde du 21 novembre 2010).

Beaucoup s’interrogent encore sur l’absence d’un programme de vaccination pouvant contribuer à prévenir l’extension d’une épidémie que l’OMS prédit catastrophique avec des centaines de milliers de victimes.

Existence de vaccins efficaces :

Des vaccins contre le cholera existent qui pourraient être utilisés en Haïti. Le mieux testé et le seul déjà validé par l’OMS est le Dukoral®. Il est constitué d’une part de Vibrio cholerae O1 (biotype classique et El Tor, serotypes Inaba et Ogawa tués) et de la sous-unité B de la toxine cholérique obtenue par recombinaison génétique. La souche isolée en Haïti est du serotype Ogawa, et donc couverte par le Dukoral. Trois essais cliniques ont établi l’efficacité de la protection à 85% et elle se maintient au-delà de 2 ans pour les adultes et les enfants de plus de 6 mois. Dukoral a été agréé dans 60 pays, et a été utilisé dans les camps de réfugiés de l’Indonésie, du Soudan, de l’Ouganda et dans les bidonvilles du Mozambique. Le vaccin se donne par voie orale en 2 prises espacées de 7 jours. Le fabriquant est SBL Vaccin AB. Ce vaccin offre l’intérêt d’une protection supplémentaire contre un agent très fréquent de diarrhée sévère, l’Escherichia coli entérotoxicogénique.

Un autre vaccin oral le Sanchol® a été mis au point en Corée du Sud et il est produit en Inde par une filiale de Sanofi-Aventis, la Shanta Bioethics. Il est constitué de Vibrio cholerae O1 et ne protège pas contre E.coli. Utilisé au Vietnam ce vaccin se donne aussi par voie orale en 2 ou 3 prises et a une efficacité de 66%. Il est en attente de validation par l’OMS.

Accès réaliste à la vaccination cholérique par les haïtiens ?

Une question vient à l’esprit : pourquoi mettre au point des vaccins si c’est pour les garder en tiroirs ou les réserver aux seules organisations humanitaires capables de payer et ne pas les utiliser quand une épidémie se développe ?

L’un des arguments pour ne pas lancer en octobre un programme en Haïti était qu’il était déjà trop tard pour une campagne de vaccination puisque la protection n’intervient, au mieux, que 3 semaines après le début de la vaccination. Deux autres arguments semblent avoir paralysé la PAHO : la lourdeur connue des campagnes de mobilisation vaccinale de masse et surtout, le prix « prohibitif » des vaccins : US$ 40,00 à 60,00 pour les 2 doses de Dukoral et US$ 1,00 à 2,00 pour le Sanchol. Selon le Dr Chevallier "Une campagne de vaccins nécessiterait d’importantes infrastructures et trois fois 12 millions de doses. Cela prendrait des mois avant d’avoir des résultats et retarderait la réponse sanitaire". Il faudrait donc se replier sur le renforcement des mesures d’hygiène préventive et la prise en charge la plus précoce possible des patients déshydratés.

Il est pourtant évident que le gigantesque déficit de sanitation en Haïti va persister pendant des années et que l’adduction d’eau potable dans les villages totalement négligés par les dirigeants d’Haïti ne sera pas comblée de sitôt. Les recommandations d’hygiène et d’utilisation du chlore pour désinfecter l’eau sont difficilement à portée des villages reculés dont la seule source d’eau potable et pour la toilette restera pour longtemps encore constituée par le cours d’eau du voisinage. Et si dans un camp de personnes déplacées dans le plateau central on ne dispose que de 200 latrines pour 51.000 personnes, cela signifie que ces camps relativement épargnés jusqu’ici restent à haut risque au moindre écart de gestion d’eau potable. De nombreuses contaminations continueront à se faire après la prise en charge en phase aigue des plus de 400.000 personnes qui vont être touchées selon la PAHO et la sanitation est une exigence nationale et un challenge surtout pour le futur.

On est au prime abord choqué par le renoncement à un outil capable d’empêcher des décès massifs parce que cela serait trop coûteux. Mais ceux qui côtoient les décideurs de santé publique savent bien que des vaccins contre l’hépatite B ou contre la Typhoïde (autre épidémie attendue en Haïti, liée au péril fécal), les vaccins contre la méningite (redoutée dans les camps), voire encore les nouveaux vaccins contre le cancer du col ne sont pas à la portée de la majorité des pays à ressources limitées qui en auraient besoin.

Mais voilà que des voix d’experts se lèvent en face du drame haïtien pour appeler à un assouplissement du dogme de la PAHO.

D’abord trois experts, dans l’édition du 24 novembre 2010 du New England Medical Journal ont exprimé leurs regrets face à la non disponibilité des vaccins pour la population. Ils évoquent les bénéfices énormes qu’aurait offert la vaccination, y compris dans la prévention d’une extension aux bidonvilles de Santo Domingo et un apaisement de la tension à la frontière des 2 pays voisins. L’extension à d’autres pays fait que le cholera est déjà une préoccupation régionale et non plus uniquement haïtienne.

Puis les études de la souche haïtienne du vibrion publiées le 9 décembre et le rapport d’enquête épidémiologique du Professeur Piarroux ont souligné le caractère explosif de l’épidémie haïtienne et l’hypervirulence de la souche importée d’Asie. Sous la pression, une réunion d’experts s’est tenue à Washington le 17 décembre sous les hospices de la PAHO et celle-ci envisage désormais de procéder à un essai de vaccination en Haïti vers mars et avril, car ils ont découvert que les stocks de vaccins Sanchol disponibles sont plus importants qu’on ne l’avait cru. Selon le Dr Ciro de Quadros de l’Institut Sabin de vaccination, à eux deux les fabricants actuels pourraient produire 2 à 3 millions de dose de vaccin contre le cholera par an.

Pour des raisons logistiques incontournables et vu le retard pris il est donc impossible d’envisager dans l’immédiat une vaccination à grande échelle pour protéger les populations exposées. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faudrait y renoncer pour les zones les plus à risques comme les bidonvilles. Contrairement au Sanchol, le Dukoral a déjà subi plusieurs essais cliniques et il est déjà agréé par l’OMS, faudra-t-il obligatoirement attendre les essais du Sanchol en Haïti pour une l’adoption d’un programme vaccinal ? On ne peut pas dire qu’une accélération de production soit hors de portée de l’industrie pharmaceutique après l’impressionnante démonstration de ses capacités de créer et produire massivement un nouveau vaccin contre le virus H1N1 responsable de la dernière épidémie de grippe….Question de coûts ? Certes, on se heurte à la brutale réalité économique d’une Haïti devenue totalement dépendante de l’aide externe. La responsabilité de militaires de l’ONU déplacés d’une zone d’épidémie vers Haïti et de possibles négligences de génie sanitaire ont été incriminés dans l’origine de l’explosion épidémique dans la Caraïbe. Une demande des autorités haïtiennes pour un engagement de l’Organisation dans un programme vaccinal pourrait avoir un accueil d’autant plus favorable que l’enquête ouverte par les Nations Unies elles-mêmes mettra du temps avant une conclusion ferme. Enfin seule une organisation d’envergure a la capacité de négocier à la baisse les prix des vaccins avec les fabriquants.

Objectifs réalistes à court et moyen terme : Si la vaccination de masse reste problématique, rien n’empêche de se pencher sur des catégories particulièrement vulnérables qui devraient pouvoir bénéficier des stocks de vaccins déjà disponibles chez les fabricants.

1. Les travailleurs de santé haïtiens et étrangers qui s’occupent des patients dans les Centres de Traitement du cholera (CTC) et qui sont malgré les précautions sanitaires plus exposés aux éclaboussures d’ excreta humains. Certains infectiologues considèrent que des contacts secondaires avec des patients en phase diarrhéique aigue pouvaient être infectants malgré un inoculum faible. Une telle contamination secondaire a probablement eu lieu pour le premier patient diarrhéique rapatrié d’Haïti en Martinique et trouvé porteur de cholera.

2. Les personnes fragilisées par une autre pathologie apportant un risque supplémentaire d’évolution sévère : patients ayant une basse acidité gastrique soit pathologique soit entretenue par médicaments anti-acides, patients VIH et ceux atteints d’autres pathologies graves.

3. Les personnes travaillant dans la restauration et dans la manipulation des aliments destinés à la commercialisation. La campagne erronée conduite contre la consommation des poissons et fruits de mer aura endommagé l’économie de plus de 300.000 familles vivant de la pêche en Haïti. Une fois bien cuits et non contaminés ensuite par de l’eau polluée ou par une personne porteuse de cholera, il n’y a pas plus de danger à consommer la viande que le poisson. Une vaccination prioritaire dans ces secteurs professionnels s’ajoutant à un resserrement des normes d’hygiène pourrait toutefois recréer la confiance des consommateurs et, en consultation au plus tôt avec les pays importateurs, prévenir d’éventuelles restrictions à l’exportation qui seraient catastrophiques.

4. Les personnes contraintes de vivre de façon prolongée à plus de 3 heures des centres de soins du cholera

Cela fait déjà beaucoup de candidats potentiels au vaccin... Il ne s’agit ici que de suggestions et de pistes non limitatives, la responsabilité et les choix relevant en dernière instance du MSPP. Mais on peut difficilement accepter que les vaccins contre un cholera qui tue ne restent accessibles qu’aux voyageurs, aux étrangers des organisations humanitaires ou encore aux missions diplomatiques et militaires en Haïti.

* Membre fondateur du GHESKIO et des Centres GHESKIO
Service des Maladies Infectieuses et Tropicales de Fort-de-France

C’est Michel Martelly, chanteur très populaire sous le pseudonyme de Sweet Micky, mais connu aussi pour avoir été compromis dans des affaires de drogue, qui devrait en principe succéder à René Préval au poste de président de la République d’Haïti.

Il est en effet arrivé largement en tête du deuxième tour des élections présidentielles qui se sont déroulées le 20 mars dernier, avec 67,57 % des suffrages exprimés, devant Mirlande Manigat (31,74 %), juriste et épouse de Leslie Manigat, qui a occupé pendant quelques mois en 1988 le fauteuil présidentiel, sous l’égide des militaires alors au pouvoir.

Les résultats définitifs doivent être annoncés le 16 avril, date à laquelle se termine le délai pour déposer des recours, et le nouveau président prendra ses fonctions le 14 mai. Mais déjà, ceux pour qui il représente l’espoir manifestent leur joie et leur soulagement, se disant prêts à sortir les armes pour défendre leur vote. Ils étaient des milliers à défiler dans les rues de Port-au-Prince le 4 avril au soir et le lendemain durant la journée.

Le premier tour des élections, le 28 novembre dernier, avait été marqué par des fraudes massives en faveur du candidat du pouvoir, Jude Célestin, beau-fils de René Préval, l’actuel président. L’annonce des résultats, en décembre, le qualifiant pour le second tour face à Mirlande Manigat, suscita à travers tout le pays un mouvement de révolte. Port-au-Prince, la capitale, fut paralysé pendant une semaine. Finalement, après une intervention de l’Organisation des États américains (OEA) dénonçant les fraudes dont il avait bénéficié, Jude Célestin fut écarté et Michel Martelly repêché pour le deuxième tour.

Ce dernier, pendant sa campagne, s’est présenté comme le « candidat de la rupture » avec « l’ancien système », le « candidat du changement », décidé à mettre en place un « module de sortie de crise post-séisme ». Il a promis du travail aux jeunes et une réforme agraire aux populations des campagnes. Le fait d’avoir été, de tous les candidats, le seul à n’avoir « jamais été impliqué dans la politique » est sans doute pour beaucoup dans son succès. Pourtant, au cours de sa campagne, il s’est aussi présenté comme partisan du consensus, prêt à « travailler avec tout le monde », sans exclusive, y compris, par exemple avec Jean-Claude Duvalier, ex-dictateur de retour en Haïti après vingt-cinq ans d’exil en France. Ce qui n’augure rien de bon pour la population pauvre d’Haïti, car c’est annoncer, d’avance, qu’il ne s’en prendra pas aux fauteurs de misère.

Haïti a connu, au cours des dernières décennies, toutes sortes de gouvernements. Sous des formes différentes, ils ont tous servi les intérêts de la minorité de riches, de profiteurs, qui pillent l’État et maintiennent la population dans la misère, avec la complicité des grandes puissances.

Plus d’un an après le séisme qui a détruit la capitale, des centaines de milliers de réfugiés continuent d’attendre, dans des logements de fortune et dans des conditions infra-humaines. Les promesses d’aide des pays impérialistes n’ont pas été suivies d’effet. Des dizaines de millions d’euros qui ont été collectés de par le monde pour leur venir en aide, les pauvres d’Haïti n’ont pas vu la couleur. Au total, plus de 5 000 d’entre eux ont été victimes de l’épidémie de choléra qui, faute de structures de soins, continue de faire des ravages dans bien des régions isolées.

Ce ne sont pas ces dernières élections, pas plus celles-là que les précédentes, réalisées sous le contrôle et avec les subsides des grandes puissances, qui permettront aux populations pauvres d’Haïti de changer leur sort.

Le diagnostic est cruel : l’aide internationale est à la fois nocive et incontournable. Elle nous "donne tout pour deux sous".

Quelques chiffres : le budget 2011 de la République se monte à 2,65 milliards de dollars, dont 1,85 milliard "seulement" affecté à l’investissement. Et 70% de ces sommes sont couvertes par de l’aide internationale budgétaire directe.

On est très loin des 10 milliards sur 5 ans de l’aide internationale publique au développement promise pour la reconstruction.

Cette dernière somme d’ailleurs elle-même dérisoire au regard des besoins. Et insignifiante en termes de macroéconomie au niveau mondial : songez que les seuls Français dépensent en jeux et en paris 6,5 mds USD par an, et que le seul deficit de l’assurance sociale en France s’est monté à 35 mds USD en 2010.

Comment desserrer la corde qui à la fois étrangle et maintient notre "pendu" économique ? Que se passerait-il si on coupe la corde ?

Aristide

Un quart de siècle après son départ précipité vers la France, l’ancien dictateur haïtien Jean-Claude « Baby Doc » Duvalier est revenu sans tambour ni trompette sur le lieu du crime. C’était comme si Adolf Hitler était encore vivant et était soudainement apparu à l’aéroport de Berlin, a commenté l’historien Georges Michel dans les colonnes de Time Magazine. À en croire Véronique Roy, la compagne du dictateur déchu, la venue de Baby Doc aurait plutôt un caractère humanitaire : « Il voulait venir voir ses parents, ses amis, ses sympathisants qui étaient dans la souffrance. » Avec ce retour inattendu, la terre d’Haïti risque de connaître cette année un séisme politique aux conséquences incalculables.

C’est un Duvalier affaibli et prématurément vieilli par le « razeurisme » et les affres de l’exil qui est revenu sur l’arène politique bouleversée de « l’amère patrie. » Agé aujourd’hui de 59 ans, Baby Doc ne semble pas s’être beaucoup épanoui sur le plan intellectuel pendant son long séjour dans la Ville-Lumière. Comme au bon vieux temps de la dictature, il évite tout échange spontané avec la presse. « Je suis venu pour aider. » Telle a été l’unique et laconique déclaration de Duvalier à l’aéroport international Toussaint Louverture qu’il a appelé dans un lapsus révélateur « aéroport François Duvalier. » Au cours de sa première conférence de presse, dans sa luxueuse résidence de Montagne Noire, Jean-Claude Duvalier a évidemment refusé de répondre aux questions des journalistes. Il s’est contenté de lire une déclaration concoctée dans la langue de bois du Jean-Claudisme.

Le visage hagard, la mine inquiète et les yeux fuyants, Baby Doc ne semble pas avoir compris le caractère suicidaire de ce retour dans un contexte politique extrêmement volatile. Dépouillé de son passeport diplomatique, il lui faudra maintenant « nager pour sortir » du pétrin de Préval. Il y aura, bien sûr, les éternels masochistes pour s’empresser de « pardonner » et d’essayer d’arrêter ainsi la roue de la Justice. Le pardon, c’est très beau et très gentil. Cependant, les crimes du Duvaliérisme vont au delà du pardon individuel pour prendre une dimension humanitaire et planétaire. C’est dans ce contexte, que des centaines de commentateurs étrangers qui n’ont jamais mis les pieds en Haïti et qui n’ont jamais vécu personnellement la répression politique réclament le jugement de l’ancien dictateur. Comme le disait Aimé Césaire : « Il n’y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre homme torturé en qui je ne sois assassiné et humilié. » On connaît le sort qui a été réservé à l’ex-empereur Bokassa à son retour en République Centre-Africaine après son exil en France. Il fut immédiatement arrêté à sa descente d’avion, jugé et condamné. Plus près de nous, l’ancien homme fort du Pérou, Alberto Fujimori, est en train de purger une peine de 25 ans pour les crimes politiques et financiers perpétrés pendant les dix longues années de son régime de fer.

Jean-Claude Duvalier est revenu en Haïti avec la certitude que le climat d’impunité et d’amnésie lui permettrait soit de reprendre le pouvoir, soit de repartir immédiatement vers les cieux très cléments de « l’Afrance. » Une France qui était devenue dans les années 80 la destination privilégiée des anciens « dictateurs satisfaits, confortablement installés sur des milliers de cadavres. » Une France qui a permis à Baby Doc d’échapper à la justice pendant 25 ans et de se gaver en toute quiétude des centaines de millions volés au peuple martyr d’Haïti. Ce qui est évident, c’est que Baby Doc a fait cette fois un très mauvais calcul. Moins de quarante-huit heures après son arrivée en Haïti, le gouvernement Préval a dû, bon gré mal gré, le traîner en justice et l’inculper de vol et d’association de malfaiteurs.


Après le tremblement de terre meurtrier qui a détruit Haïti il y a 15 mois, la plupart des Canadiens s’inquiétaient pour ceux qui étaient ensevelis sous les ruines, ceux qui n’avaient pas d’eau et qui avaient perdu leurs familles. Il semble que dans les allées du pouvoir les préoccupations aient été très différentes.

Selon des documents analysés par la presse canadienne la semaine dernière, les officiels canadiens craignaient que la vacance du pouvoir qui a suivi le tremblement de terre ne favorise "un soulèvement populaire". La législation sur l’accès à l’information a permis de prendre connaissance d’une note marquée "secret" qui dit : "La fragilité politique a accru le risque d’un soulèvement populaire et a nourri la rumeur du retour au pouvoir de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide en exil en Afrique du Sud". Le document insiste aussi sur l’importance de renforcer la capacité des autorités haïtiennes "à contenir les risques d’un soulèvement populaire."

Pour contrôler la population haïtienne traumatisée et souffrante, 2 000 soldats canadiens ont été déployés (en plus des 10 000 soldats étasuniens). Au même moment de nombreuses équipes spécialisées dans le sauvetage et la recherche en milieu urbain (HURT) se sont préparées dans les villes du pays mais ne sont jamais parties pour Haïti parce que, selon le ministre des affaires étrangères, "le gouvernement a préféré envoyer les forces armées canadiennes à leur place."

Les documents qui ont été publiés par la presse canadienne révèlent ce qui est au coeur (ou plutôt le manque de coeur) des décisions de politique étrangère canadiennes. Ce sont presque toujours des motivations stratégiques et non humanitaires qui sont derrière les décisions. Et pourtant il est difficile de trouver un événement capable de susciter plus de compassion que le tremblement de terre de Haïti.

Les documents nous disent aussi beaucoup de choses sur la nature des relations qu’Ottawa entretient avec la nation la plus pauvre de l’hémisphère : Les officiels canadiens considèrent que le pays leur appartient. Et ils ont raison.

Depuis qu’il a organisé la table ronde intitulée l’Initiative d’Ottawa pour Haïti en janvier 2003 le Canada a été un acteur capital de la vie d’Haïti. A cette réunion, les officiels étasuniens, canadiens et français ont discuté de l’opportunité de renverser le président élu Jean-Bertrand Aristide pour mettre le pays sous mandat international et ressusciter la terrible armée haïtienne. Treize mois après le meeting de l’Initiative d’Ottawa Aristide a été jeté dehors et depuis l’ONU a une sorte de mandat pour administrer le pays.

La Police nationale haïtienne a été lourdement militarisée et le vainqueur de la récente élection présidentielle projette d’utiliser une partie des maigres ressources de l’Ile pour reconstituer l’armée.

Le Canada a aidé le candidat de droite Martelly à gagner l’élection (avec 16% de votes favorables puisque l’élection a été largement boycottée). Le Canada a investi 6 millions de dollars dans des élections qui excluaient la participation du parti le plus populaire Fanmi Lavalas. Après le premier tour, nos représentants à la mission d’Organisation des Etats d’Amérique (OAS) ont aidé à faire pression sur Jude Celestin, le candidat qui était à la seconde place selon le conseil électoral, pour qu’il abandonne la course. Le centre de recherche politique et économique explique "La communauté internationale, menée par les USA, la France et le Canada, a accru la pression sur le gouvernement haïtien pour faciliter le passage au second tour de Michel Martelly au lieu de Jude Celestin [le candidat du parti au pouvoir]". Les visas étasuniens de quelques officiels haïtiens ont été abrogés et on a menacé Haïti de diminuer les aides si les recommandations de l’OAS pour augmenter le nombre total des votes en faveur de Martelly n’étaient pas suivies.

La moitié du conseil électoral a accepté les modifications demandées pas l’OAS mais l’autre moitié a refusé. Le deuxième tour a été inconstitutionnel selon le journal Haïti liberté car "seulement quatre des huit membres du conseil électoral provisoire (CEP) ont voté le passage au second tour et donc il en manque un sur les cinq nécessaires. De plus les résultats du premier tout n’ont pas été publiés dans le journal officiel, Le Moniteur, et le président Préval n’a pas officiellement convoqué les Haïtiens à voter, deux choses qui sont obligatoires selon la constitution."

L’absurdité de toute cette affaire n’a pas empêché le gouvernement canadien de soutenir les élections et les observateurs canadiens officiels de l’élection ont approuvé cette mascarade de "démocratie". Le journal Haïti Progrès décrit la frauduleuse nature de l’élection en ces termes : "La sorte de démocratie que Washington, Paris et Ottawa veulent nous imposer est en train de devenir une réalité."

Une des raisons qui expliquent l’intense intérêt politique que le Canada porte à Haïti est a chercher du côté des investisseurs canadiens. Les banques canadiennes font partie du tout petit nombre d’opérateurs étrangers de Port au Prince et l’entreprise Gildan de Montréal, un des plus gros fabricants de t-shirts de la planète était le second employeur (après l’état) avant le tremblement de terre. Le secteur minier est presque entièrement canadien avec l’arrivée de beaucoup de nouvelles compagnies au cours des années dernières. Une firme de Vancouver, Eurasian Minerals, a acquis des permis d’exploitation sur environ 10% de la surface de Haïti.

Pour protéger ces investissements étrangers et le un pour cent d’Haïtiens qui possède la moitié de la richesse du pays, 10 000 soldats occupent le pays depuis sept ans. Ironie amère, ce sont les soldats d’un des pays les plus pauvres d’Asie, le Népal, qui ont contaminé Haïti avec une maladie qui se développe dans les pays misérables qui manquent d’installations sanitaires adéquates et de systèmes de santé. En octobre, un nouveau déploiement de troupes népalaises a amené à Haïti une épidémie de choléra qui a causé la mort de 5 000 personnes et il y a des centaines de milliers de personnes encore malades. Selon le journal médical anglais, the Lancet, environ 800 000 Haïtiens vont contracter la maladie cette année.

Les dessous de cette affaire n’ont pas fait l’objet d’articles dans les médias. L’entreprise responsable des déchets de la base de l’ONU, Sanco Enterprises S.A., a jeté les matières fécales des troupes népalaises dans des trous creusés trop près de la rivière Artibonite. Les Haïtiens ont bu l’eau de la rivière contaminée par ces matières fécales et c’est comme cela qu’ils ont attrapé le choléra.

On a du mal à imaginer une firme travaillant pour l’ONU au Canada qui se débarrasserait de cette manière de matières fécales, mais voilà, il se trouve que les forces d’occupation onusiennes n’accordent pas beaucoup de prix à la vie des Haïtiens. Et on peut en dire autant du gouvernement canadien.

Yves Engler


Après avoir éjecté Jacques Édouard Alexis juste à la veille de la désignation des candidats à la présidence, cet Alexis qui fut son Premier ministre, le président a choisi Jude Célestin, son beau-fils, son protégé, comme candidat à sa succession. C’est un auguste inconnu. Mais Préval voulait s’assurer qu’il allait continuer à diriger même après son départ. Bien avant, pour être sûr d’avoir la majorité aux deux Chambres, Préval avait pris le soin de corrompre ou mieux, d’acheter la majorité des députés et des sénateurs qui appartenaient à d’autres partis politiques, mais qui avaient une certaine popularité dans leurs circonscriptions électorales. Sa plate-forme politique INITE était ainsi montée avec des morceaux d’autres partis. Et pour garantir sa victoire à ces élections présidentielle et législatives, il a mobilisé une bonne partie des fonds publics, des ressources humaines et matérielles de l’État pour faire campagne. La presse parlée, écrite et télévisée est inondée de spots en faveur de Jude Célestin. Des posters géants, des banderoles, des véhicules à sonorisation mobile appelant à voter Jude Célestin sont déployés à travers tout le pays. Pour rassembler du monde dans les rares meetings qu’il a tenus, le pouvoir a offert entre 10 et 15 euros par personne et des sommes plus importantes à des responsables d’organisations ou d’associations bidon montées pour la circonstance et poussant comme des champignons, intervenant massivement dans la presse pour appeler à voter Jude Célestin. Des T-shirts et des photos à tout venant. Un avion a été affrété pendant une semaine pour faire le tour du pays, lâchant des tracts appelant à voter Jude Célestin. C’est peut-être la campagne électorale la plus coûteuse dans l’histoire d’Haïti, répète-t-on. D’autre part, l’organisme électoral, visiblement gagné à la cause du pouvoir, travaille de mèche avec celui-ci et est vertement critiqué par la majorité des formations politiques dans ou hors de la course électorale. L’appareil électoral est aussi contrôlé de pied en cap par le pouvoir en vue d’imposer à la population un candidat à la présidence très impopulaire. La majorité des membres des bureaux de vote et des responsables électoraux départementaux sont désignés par le pouvoir. La veille des élections, la machine électorale du pouvoir était fin prête pour l’opération et s’est mise en marche tôt à travers le pays. La plupart des membres de bureaux de vote à la solde du pouvoir ou de la plate-forme politique INITE ont dormi dans les locaux hébergeant les centres de vote et se sont employés à bourrer les urnes dans la soirée du 27 au 28 novembre. Si bien qu’à l’ouverture de ces bureaux à 6 heures, les premiers électeurs ont découvert des urnes déjà remplies à moitié ou plus. Dans d’autres centres de vote, à 9 h, soit trois heures après l’ouverture, les bulletins des candidats à la présidence notamment étaient déjà épuisés. Rupture de stocks due au bourrage des urnes. À midi, des journalistes alertaient l’organisme électoral sur la situation d’autres centres de vote où le matériel électoral n’était pas encore arrivé. Étant donné que les partis participant aux élections sont en surnombre, il était prévu une sorte de rotation entre les mandataires de partis au sein des centres de vote pour éviter d’avoir plus de mandataires que d’électeurs dans les bureaux. Dans beaucoup de centres de vote, l’accès n’était accordé qu’à des mandataires de INITE, la plate-forme politique du pouvoir. La force onusienne qui était chargée notamment de la logistique de ces élections, du transport du matériel électoral, a carrément oublié de desservir certaines communes où l’organisme électoral n’avait d’autre choix que d’annoncer en milieu de journée électorale le report des élections dans ces endroits. Ce n’est pas tout. Dans la capitale, à Port-au-Prince notamment, plus de 50 % des électeurs n’ont pas pu voter. Faisant le va-et-vient incessant d’un centre de vote à un autre parfois très distant l’un de l’autre, les noms de ces électeurs ne figuraient nulle part. En fait, c’était planifié pour faciliter la tâche aux bourreurs d’urnes en faveur du candidat de INITE à la présidence. La presse a dénoncé la fabrication de plus de 500 000 faux bulletins en République dominicaine, lesquels sont déjà remplis en faveur de Jude Célestin. Dans certaines régions comme dans le Sud, après avoir voté, des électeurs se sont rendu compte que les bulletins à remplir étaient revêtus d’un plastique à peine visible, lequel subterfuge consistait à enlever le plastique après et obtenir un bulletin vierge. On n’a pas besoin d’être experts en magouilles pour deviner facilement l’opération suivante. Il n’est quand même pas inutile de souligner que le pouvoir a aussi pris toutes les dispositions pour ne pas avoir une trop grande participation populaire aux élections, situation qui facilite les magouilles tant dans les urnes que dans les centres de saisie des données. La plupart des gens avaient perdu leurs cartes électorales lors du séisme du 12 janvier et des nouveaux électeurs qui ont atteint l’âge de la majorité souhaitaient aussi voter. Mais l’organisme responsable de la fabrication des cartes les faisait et les livrait au compte-gouttes. Six mois avant la date des élections, ce sont des files interminables de gens sous un soleil de plomb et en proie aux bâtons de policiers pour tenter en vain d’arracher une carte. À la télé, des gens ont témoigné s’y rendre sur rendez-vous tous les jours depuis six mois. En vain. Tout cela a participé à faire monter la colère de la population le jour du vote et le 7 décembre lors de la publication officielle des résultats préliminaires. Mais le pouvoir, dans la planification de ses manœuvres, n’avait pas prévu ce paramètre : des manifestations en cascade dans quasiment toutes les villes du pays pour dénoncer les fraudes orchestrées en faveur notamment du candidat à la présidence, Jude Célestin. C’était une véritable gifle pour le pouvoir qui a eu droit à un vote de rejet frappant particulièrement son candidat à la présidence, Jude Célestin, qui devrait être élu, selon les vœux de Préval, magouilles aidant, à 52 % dès le premier tour. De toute façon, même si Préval échoue dans son plan de faire avaler à la population son candidat impopulaire, Jude Célestin, sa plate-forme politique, INITE, est déjà bien positionnée pour avoir la majorité au prochain Parlement, c’est-à-dire bénéficier de la prérogative constitutionnelle de désigner le Premier ministre. Selon des sources combinées, le chef de l’État n’a pas caché sa volonté d’occuper cette fonction, de devenir ainsi le Poutine haïtien. La révélation dans cette campagne électorale est la fulgurante ascension – dans les sondages et le jour du scrutin – de Michel Martelly alias Sweet Micky, un chanteur d’un groupe Compas, très populaire pour son sens de l’humour, mais connu aussi comme dealer de drogue qui avait fait sa fortune pendant la dictature militaire de Cédras et de Michel François, et comme dépravé dans les mœurs. À l’annonce de sa candidature, on en riait dans la population. Personne n’y croyait. Étant donné qu’il est le seul ou l’un des rares parmi les 19 candidats à la présidence qui n’a jamais participé aux différents gouvernements qui se sont succédé depuis le départ de Duvalier jusqu’à cette date et qui a tiré à boulets rouges sur le pouvoir, une bonne partie de la population lui a accordé son vote. Et à Port-au-Prince, il a récupéré le mouvement de protestation déclenché le jour du vote en prenant la tête des manifestants déçus et en colère. Sa popularité continue de croître après la publication des résultats préliminaires l’excluant de la course au profit de Jude Célestin. Steven Benoit, le député qui avait initié le projet de loi sur le relèvement du salaire minimum et l’avait défendu jusqu’au bout, a été élu sénateur dès le premier tour et avec 61,85 % des voix. La majorité des travailleurs n’avait d’ailleurs pas caché sa volonté de voter pour lui. Lafanmi Lavalas d’Aristide a encore été exclu de ces élections présidentielles et législatives, mais il faut préciser que depuis plus d’un an le parti est scindé en plusieurs morceaux, presque autant de chefs que de fractions, dont quatre ont participé aux dernières joutes électorales. Mais Aristide n’a donné ouvertement sa bénédiction à aucune de ces fractions qui ont pris part aux élections. Celle qui est la plus importante, RENMEN AYITI, dirigée par Jean Henry Céant, notaire de l’ex-président Aristide, est arrivée en quatrième position dans les résultats préliminaires contestés avec 8,18 % des voix. De ce qui précède, on peut déduire que c’était tout sauf des élections, mais cette mascarade a quand même coûté près de 30 millions de dollars américains. Si on y ajoute uniquement le montant du budget de campagne de Jude Célestin, le candidat du pouvoir, on obtiendrait une somme astronomique dont une infime partie suffirait pour couper la chaîne de transmission de l’épidémie du choléra qui a déjà tué officiellement au moins 2 500 personnes en Haïti. Déclarée officiellement le 19 octobre, cela fait environ deux mois et quelques jours, l’épidémie du choléra a déjà fait 2 591 morts, selon le dernier bilan communiqué par le ministère haïtien de la Santé publique, daté du 21 décembre 2010 ; 48 personnes environ décèdent par jour de la maladie, chiffre très en dessous de la réalité. Même le plus naïf de la population ne prend pas au sérieux ces chiffres émanant des autorités sanitaires du pays qui visiblement ne font rien pour stopper l’épidémie du choléra, qui pourtant se traite aussi facilement qu’il tue. Sur 134 communes et 570 sections communales, on ne compte qu’une cinquantaine de centres de traitement du choléra. Des SOS viennent de tous les responsables des centres hospitaliers du pays pour alerter qu’ils sont dépassés, qu’ils n’ont pas assez de lits, pas de médicaments et surtout pas assez ou pas du tout de personnel soignant. Ils n’ont dans la plupart des cas même pas les moyens techniques pour faire des tests de dépistage rapides. L’écrasante majorité des communes du pays ne disposent pas de centres de traitement de choléra ; la situation est encore plus difficile dans les sections communales, où en général il n’y a même pas un dispensaire. Dans certaines villes du pays comme le Cap-Haïtien, dans le Nord, des cadavres de gens atteints du choléra sont restés pendant deux, trois jours le mois dernier sans être ramassés alors que les cadavres constituent aussi une source de transmission de la bactérie. Imaginez la situation dans les zones reculées du pays où il n’y a aucun centre de soins, où les gens ne mangent qu’avec la main, où le contact des mains avec la bouche, principale porte d’entrée de la bactérie, sont très fréquents ; où les gens considèrent en général les maladies comme un sort qui leur est jeté. « On a déjà dénombré au moins 45 personnes lynchées à mort en Haïti depuis le début de l’épidémie de choléra à la mi-octobre par des groupes les accusant de pratiquer la sorcellerie pour propager la maladie », a indiqué mercredi le ministère haïtien de la Communication et de la Culture. « Nous avons dénombré 40 morts dans le seul département de la Grand’Anse où les gens s’attaquent à des guérisseurs accusés de sorcellerie liée au choléra », a déclaré Moïse Fritz Evens, un responsable du ministère de la Communication. Dans d’autres régions d’Haïti, cinq personnes ont été tuées dans les mêmes circonstances, selon la même source. Les victimes, la plupart des prêtres vaudou, la religion populaire d’Haïti, sont battues à coups de machette et de pierre avant d’être brûlées dans la rue. Moins de trois semaines après le démarrage de l’épidémie, le gouvernement avait annoncé avoir le contrôle et la maîtrise de l’épidémie de choléra. On n’en était officiellement qu’à 300 décès. Au milieu du mois de décembre, le ministre de la Santé se targuait d’être en possession de beaucoup de médicaments, qu’il ne lui manquait que des entrepôts pour les stocker alors que dans tous les centres de traitement du choléra les médicaments manquent cruellement. Les autorités s’emploient à mentir à la population, à détourner les fonds publics et ne prennent aucune mesure appropriée en vue de stopper l’épidémie qui se propage à toute vitesse en tuant aussi vite qu’elle s’étend. À l’origine de cette épidémie de choléra, la contamination du plus grand fleuve du pays, celui de l’Artibonite. C’est du moins l’hypothèse la plus plausible et admise de tous, sauf de la force onusienne dont le contingent népalais est pointé du doigt. Deux études, l’une française et l’autre américaine, ont déjà privilégié la thèse selon laquelle les matières fécales des Népalais auraient contaminé le fleuve. Une chaîne de télévision française a rapporté qu’une épidémie de choléra a frappé Katmandou, la capitale du Népal, au mois de septembre 2010, et quinze jours après un contingent népalais a quitté cette ville en direction d’Haïti. Mais le plus révoltant dans cette histoire, c’est que des couches pauvres de la population des départements de l’Artibonite et du Centre en sont à consommer l’eau polluée, insalubre, du fleuve Artibonite pour se désaltérer. Et l’accès à l’eau potable est le problème de toute la population pauvre en Haïti. La CAMEP et le SNEP, les deux organismes responsables de la distribution de l’eau potable au niveau national, desservent moins de 2 % de la population et en eau non potable. Un rapport du ministère de l’Éducation nationale affirme que seulement 29 % des écoles sont pourvues d’eau potable sur les 15 682 fonctionnant dans le pays. Mais qui peut garantir que l’eau disponible dans ces 29 % d’écoles est vraiment potable ? La situation est d’autant plus alarmante que tous les facteurs sont réunis pour la propagation de cette épidémie de choléra : la misère, les bas salaires, l’ignorance, l’analphabétisme, la promiscuité, le non-accès à l’eau potable, les problèmes d’assainissement, de gestion des ordures et des excreta humains, l’insuffisance ou l’inexistence des fosses septiques pour la majorité de la population. Sans oublier les conditions révoltantes dans lesquelles les centaines de milliers de sinistrés survivent dans des camps dépourvus de sanitaires et d’eau potable pour la plupart, les conditions dans lesquelles des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses de la zone industrielle prennent leurs repas, sans parler de l’eau polluée qui leur est imposée par les patrons. Même dans les villes du pays, une bonne partie de la population des bidonvilles défèque à même le sol. Quatre Haïtiens sur cinq n’ont pas accès aux services d’assainissement. Même des latrines sont refusées à la majorité de la population au 21e siècle. Tous ces facteurs sont des bons compagnons d’une épidémie de choléra, et de surcroît avec un gouvernement plus préoccupé par les magouilles centrales aux élections pour favoriser ses candidats que par les nombreuses pertes en vies humaines déjà causées par le choléra. Au travers des déclarations des autorités et des spots de prévention, il ressort que la propagation de l’épidémie est due surtout au fait que les gens ne se lavent pas les mains. En clair, ce sont les victimes qui sont culpabilisées et les responsables, les classes possédantes et leurs valets au gouvernement, qui contraignent les masses pauvres à vivre dans la saleté, dans la crasse, par le chômage, les bas salaires, le non-accès aux services publics, sont dédouanés. Tandis qu’il est évident que le choléra, même s’il est freiné dans sa course – ce qui est loin d’être le cas –, restera sous forme endémique tant qu’on ne s’attaque pas à la situation sociale et économique des couches pauvres de la population et à la déconfiture des services publics, qui favorisent le développement et la multiplication de la bactérie du choléra. Le séisme du 12 janvier et la catastrophe sociale qui s’en est suivie avaient mis à nu la décomposition de l’État qui avait été incapable d’organiser le secours, d’apporter des soins aux dizaines de milliers de blessés dont la plupart ont succombé à leurs blessures faute de secours et de soins. L’épidémie de choléra affiche et confirme aujourd’hui la faillite des dirigeants politiques et économiques du pays. Les prochains jours s’annoncent sombres en fait de pertes en vies humaines au sein de la population pauvre. Au début du mois de décembre dernier, l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), la branche régionale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a alerté que les cas de contamination pourraient atteindre jusqu’à 400 000, au cours des douze prochains mois, dont la moitié au cours des trois mois à venir. La vie des dizaines de milliers de pauvres est en danger sans la mise en place d’une politique efficace de lutte contre le choléra, sans une mobilisation des classes pauvres pour porter les dirigeants et les ONG – qui avaient collecté des millions au nom des pauvres après le séisme – à mobiliser les fonds disponibles pour sauver la vie des gens, pour installer des centres de traitement du choléra partout dans le pays avec les médicaments bien sûr, pour former des étudiants en médecine dans le traitement du choléra, les mobiliser à renforcer les équipes soignantes, distribuer massivement des kits hygiéniques dans le pays, fournir l’eau potable à la population pauvre des villes et des campagnes. Face aux magouilles du chef de l’État, René Préval, pour imposer son poulain, Jude Célestin, comme président de la République, des couches pauvres ont su réagir spontanément le jour même du scrutin et aussi pendant environ une semaine après la publication officielle des résultats préliminaires le 7 décembre dernier. Pour porter le gouvernement, les ONG, les riches de ce pays à décaisser les sommes qu’il faut en vue de rompre la chaîne de transmission de l’épidémie, les classes pauvres des villes et des campagnes ont intérêt à étendre et à renforcer leur mobilisation dans les dix départements du pays. La force, la pression, c’est en effet le seul langage que comprennent ces dirigeants obtus et méprisants vis-à-vis des masses pauvres. 26 décembre 2010

OTR

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