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Faim, pauvreté, chômage de masse et insécurité sociale s’installent pour durer aux Etats-Unis

vendredi 29 avril 2011, par Robert Paris

Les six principaux établissements bancaires américains ont provisionné 112 milliards de dollars pour les augmentations de salaires et de bonus de leurs employés.

Le montant final pour 2009 pourrait être supérieur aux 164 milliards versés en 2007, juste avant que l’éclatement de la bulle financière ne réduise à néant l’épargne et l’emploi de millions d’Américains.

Les banques et autres institutions financières ont reçu au total 700 milliards de dollars d’aide publique venant du contribuable, alors que le niveau moyen des salaires aux Etats-Unis n’a jamais été aussi bas depuis 19 ans.

De tels chiffres ont provoqué un ressentiment durable des populations envers les élites. Une étude publiée cet été par deux politologues, Benjamin Page et Lawrence Jacobs, montre que 28% des Américains, pourtant imprégnés de la culture de la réussite, estiment que la redistribution actuelle des richesses est inéquitable.

Aux États-Unis il est permis sans que cela soit un scandale national que les enfants n’aient pas suffisamment à manger. Le programme national de télévision de CBS News, 60 Minutes, a récemment montré les visages et les histoires de familles sans toit, dont les enfants ont dit ce qu’ils ressentent quand ils ne mangent pas suffisamment. Plus de 16 millions de mineurs vivent dans la pauvreté 2 millions de plus qu’avant la crise économique qui a éclaté en 2007 et on constate que c’est l’écroulement le plus rapide de la classe moyenne jamais arrivé depuis que le gouvernement a commencé à les mesurer, il y a demi-siècle, explique CBS News.

Qu’est qu’on ressent quand on a faim ? demande le journaliste aux enfants d’une école primaire de Floride. « C’ est difficile. Tu ne peux pas dormir. Tu attends seulement, tu t’endors cinq minutes et tu te réveilles à nouveau. Tu as a mal à estomac et pense : ’ je ne peux pas dormir, je vais essayer de dormir, je vais essayer de dormir’, mais tu ne peux pas parce que tu as trop mal à l’estomac. Et c’est parce que tu n’as pas de nourriture dans toi », répond un enfant.

De nombreuses de familles racontent à CBS qu’elles n’ont jamais imaginé rester sans toit ou ne pas pouvoir nourrir suffisamment leurs enfants, puisqu’ils jouissaient d’une vie de classe moyenne. Avec la crise, tout a basculé.

Une partie du reportage de CBS fut réalisée dans la même zone que celle qui se proclame comme « le lieu le plus heureux du monde », c’est à dire, les comtés autour de Disney World, à Orlando, en Floride. Là CBS a détecté environ 67 motels où logent plus de 500 enfants sans domicile. Là, tout près des écoles du comté de Seminole, mille étudiants ont récemment perdu leurs logements. Le gouvernement loge des milliers de familles sans toit dans des motels dans tout le pays pendant des mois. CBS remarque que « la ’génération motel’ aux États-Unis grandit rapidement ».

16.6% des étasuniens soit, plus d’un sur six a souffert « d’insécurité alimentaire » au cours de 2009, selon les chiffres les plus récents du recensement analysés par Feeding América, la plus grande organisation du pays dédiée à appuyer les personnes touchées par cette situation dans son rapport récent « Map the Meal Gap ». En fait, cette organisation explique qu’aujourd’hui elle offre ses services de soutien à 37 millions d’étasuniens, dont 14 millions d’enfants, une augmentation de 46 % comparée avec 2006.

Même dans la capitale du pays le plus puissant du monde il y a de plus en plus de faim. Dans la zone métropolitaine de Washington et ses comtés limitrophes, plus de 400 000 habitants ont souffert de la faim pendant la récession, selon le rapport récent de Feeding America et son analyse par le Washington Post. Des millions encore dans chaque partie du pays, tant dans des zones riches que marginales, on a enregistré des chiffres croissants de faim. « La majorité serait surprise de savoir les dimensions de la faim dans ses communautés. Les gens tendent à penser qu’on souffre de la faim « là-bas » , dans un autre lieu, mais pas ici même, non pas dans mon coin. Mais ce rapport démontre que ce n’est pas vrai : la faim est partout dans notre pays en ce moment », a commenté Vicki Escarra, directrice de Feeding America, au Washington Post.

« Il y a eu des moments où je n’ai pas mangé pour que mes enfants aient plus à manger. Je suis adulte, je peux le faire. Je peux boire de l’eau ou manger un morceau de pain. Mais on ne veut pas que ses enfants arrivent à dire : maman, j’ai faim, une heure après qu’ils aient mangé », a expliqué au Washington Post, Anette Emerson, mère célibataire de 46 ans. Ces histoires se répètent dans tout le pays.

Et quelle est la réponse du gouvernement ? Proposer de réduire l’assistance alimentaire aux nécessiteux, provoquer plus de coupes dans les dépenses sociales et réduire les taux d’imposition sur les revenus des millionnaires.

Mark Bittman, critique de gastronomie du New York Times ( Why We’re Fasting ), a annoncé lundi dernier qu’il se joignait à un jeûne d’une semaine avec environ 4 000 personnes dans tout le pays, dont l’intention est d’attirer l’attention publique sur les propositions du Congrès pour réduire sévèrement les programmes d’assistance pour les pauvres et pour ceux qui souffrent de faim dans ce pays. « Ces coupes faites soit disant pour réduire le déficit à peine serait ce une miette causeront en vérité que plus de personnes meurent de faim, aillent au lit avec la faim ou vivent plus misérablement que maintenant. Et la proposition de loi augmentera la dépense pour la défense », a-t-il expliqué. Cela dit, devant quelques ironies : en 2010, les profits des entreprises ont augmenté avec le taux le plus rapide depuis 1950, tandis que le record de nombre de personnes qui dépendent de l’assistance fédérale pour manger a été atteint. Il a ajouté que les 400 étasuniens les plus riches ont plus richesse que la moitié des foyers du pays, tandis que 45 % des étasuniens dépensent un tiers de leurs revenus en nourriture et cependant n’y arrivent pas, et un enfant sur quatre dort en ayant faim dans ce pays, au moins sur certaines périodes.

Bittman affirme : « nous avons besoin de nous rassembler et d’insister sur le fait que nos ressources collectives soient utilisées pour le bien-être collectif, pas pour mille, ni pour un million d’étasuniens les plus riches, mais pour la vaste majorité de nous tous aux États-Unis et, en fait, pour les citoyens du monde qui ont les difficultés à satisfaire leurs premières nécessités. Ou pour nourrir leurs enfants ».

Mais, apparemment, la faim n’est pas parmi les priorités de la classe dirigeante politique ou économique de ce pays. Apparemment, « l’insécurité alimentaire » n’est pas un sujet qui est considéré de « sécurité nationale » .

Un article, paru dans l’édition de dimanche du New York Times, décrit l’explosion du recours aux coupons alimentaires et trace un portrait bien différent des États-Unis à la fin de l’année 2009 que celui que présentent les promesses complaisantes de « reprise » économique de Wall Street et de l’administration Obama.

Le Times a mené une enquête statistique sur l’utilisation de coupons alimentaires par comté dans le but d’établir un portrait social plus détaillé des 36 millions de personnes qui bénéficient actuellement des coupons alimentaires. « On retrouve parmi ces gens des mères monoparentales et des couples mariés, des nouveaux chômeurs et des pauvres, des bénéficiaires de longue date de l’aide sociale et des ouvriers dont le garde-manger a été vidé par une réduction du nombre d’heures de travail ou du salaire », souligne l’article.
Parmi les statistiques les plus significatives :

* Dans 239 comtés, plus d’un quart de la population reçoit des coupons alimentaires.
* Dans plus de 750 comtés, au moins un Afro-américain sur trois reçoit des coupons alimentaires.
* Dans plus de 800 comtés, plus du tiers de tous les enfants dépendent des coupons alimentaires.
* Dans 62 comtés, le nombre de gens ayant recours aux coupons alimentaires a doublé au cours des deux dernières années.
* Dans 205 comtés, le nombre de personnes dépendant des coupons alimentaires a augmenté de deux tiers.

La dispersion géographique du besoin grandissant de nourriture est stupéfiante. Des régions traditionnellement pauvres, comme les Appalaches rurales ou les ghettos des quartiers urbains déshérités, jusqu’aux banlieues, ce manque s’est répandu dans les États du sud et de l’ouest dans les deux dernières décennies. La carte affichant les comtés où le recours aux coupons alimentaires croît le plus rapidement comprend les riches banlieues d’Atlanta, la majeure partie de la Floride, la majorité du Wisconsin, de l’ouest et du nord de l’Ohio, ainsi que la plus grande partie de l’ouest montagneux, dont de larges bandes du Nevada, de l’Utah, de l’Arizona, du Wyoming, du Colorado et de l’Idaho.

Bien que le chômage soit la principale raison de l’augmentation de l’utilisation des coupons alimentaires, la cause économique immédiate varie énormément, que ce soit l’effondrement de la bulle immobilière dans les États du sud-ouest et en Floride, l’effondrement de l’industrie automobile dans la région des Grands Lacs ou la vague de licenciements dans la fonction publique américaine alors que s’aggrave la récession.

Le Times a noté l’impact sur les banlieues riches, longtemps dominées par le Parti républicain, où l’utilisation des coupons alimentaires a plus que doublé depuis le début officiel de la récession en décembre 2007, comme Orange County en Californie et Forsyth County en Géorgie. L’utilisation des coupons alimentaires a crû plus lentement, en termes de pourcentage, dans des villes comme Détroit, Saint-Louis et la Nouvelle-Orléans, mais seulement parce qu’une bonne partie de leur population vivait déjà dans la pauvreté et recevait de l’aide alimentaire lorsque la récession a commencé.

Tous ces chiffres sous-estiment considérablement le niveau de destitution sociale. Environ 18 millions de personnes éligibles aux coupons alimentaires ne les reçoivent pas, en partie en raison de barrières institutionnelles comme des services de proximité inadéquats, particulièrement pour les communautés immigrantes — l’Etat de la Californie rejoint environ la moitié de ceux qui sont éligibles — et en partie en raison de la stigmatisation sociale reliée au fait de recevoir de l’aide de l’Etat, spécialement dans des zones banlieusardes où la pauvreté a été un évènement soudain et récent.

Selon une étude réalisée par Thomas A. Hirschl de l’université Cornell et Mark R. Rank de l’université Washington à Saint-Louis, la moitié des enfants aux États-Unis vont dépendre des coupons alimentaires à un certain moment durant leur enfance. Le chiffre grimpe à 90 pour cent pour les enfants noirs. L’étude a été publiée ce mois-ci dans Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine.

Vu qu’elle est basée sur une analyse de 29 années de données, cette dernière étude donne un portrait des niveaux de besoins sociaux pendant une période où le taux de chômage gravitait bien en dessous de la marque de 10,2 pour cent atteinte le mois dernier. Une période prolongée de chômage à plus de 10 pour cent — maintenant largement anticipée par la grande entreprise et les économistes du gouvernement — rendra de plus en plus d’enfants dépendant de l’aide fédérale pour satisfaire leurs besoins nutritionnels élémentaires.

Les résultats de ces deux études viennent confirmer les conclusions de l’enquête du département américain de l’Agriculture rendue publique le 16 novembre et qui a déterminé que 49 millions d’Américains, incluant 17 millions d’enfants, manquaient parfois de nourriture en 2008. La vaste majorité des 17 millions de familles qui luttent pour se nourrir suffisamment avaient au moins une personne en emploi dans le ménage, mais avec un salaire trop faible pour assurer les besoins de base. Le niveau d’insécurité alimentaire était à son plus haut depuis que le département a commencé à cumuler les données en 1995.

Ces données montrent que la réalité sociale que connaissent les travailleurs américains est la plus sombre depuis la Grande Dépression. Quelque 30 millions de personnes sont sans emploi ou n’ont qu’un emploi partiel. Près de 50 millions n’ont pas d’assurance-maladie. Près de 50 millions ont de la difficulté à nourrir leur famille ou se nourrir eux-mêmes. Quelque 40 millions vivent sous le seuil de pauvreté officiel et ce nombre atteindrait 80 millions si un budget familial réaliste servait d’étalon de mesure.

Ce sont les jeunes qui connaissent les plus grandes difficultés. Selon un rapport du Pew Research Center

Ces chiffres sont une condamnation du capitalisme américain et de son sabotage criminel des forces productives de la société. Comment est-il possible qu’il soit si difficile pour des dizaines de millions de personnes de se nourrir ou nourrir leur famille dans un pays où l’agriculture est tellement productive qu’elle peut littéralement nourrir la Terre entière ? S’il en est ainsi, c’est parce que la production et la distribution sont organisés pour maximiser le profit individuel et que nourrir les enfants qui ont faim rapporte beaucoup moins aux élites dirigeantes que la spéculation sur les marchés financiers.

Ces chiffres sont aussi une condamnation des représentants de la grande entreprise de l’administration Obama, du Parti démocrate et du Parti républicain. Il semble que la faim, tout comme le chômage d’ailleurs, ne soit considérée par Obama que comme un « indicateur retardataire », un phénomène que l’Américain ordinaire doit supporter et subir, mais pas une crise, même pas un motif pour lever le petit doigt.

Après avoir détourné des milliers de milliards de dollars vers le système financier, dans le but de permettre le retour à la profitabilité et aux bonus dans les dizaines de millions pour Wall Street et après avoir décidé d’intensifier la guerre en Afghanistan au coût non divulgué de dizaines de milliards, Obama déclare aujourd’hui que sa principale priorité au pays est la réduction du déficit. Après que Wall Street et la guerre aient obtenu tout l’argent dont ils avaient besoin, il ne reste que peu, et même rien, pour satisfaire aux besoins des enfants qui ont faim, ou de leurs parents.

Messages

  • Aux États-Unis il est permis sans que cela soit un scandale national que les enfants n’aient pas suffisamment à manger.

  • L’ONU estime dans un rapport publié cet été que 836 millions de personnes sont dans une situation d’extrême pauvreté dans le monde et que, dans les pays en développement, un habitant sur cinq vit avec moins de 1,25 dollar par jour, le seuil actuel de la Banque mondiale.

  • Barack Obama a rencontré mardi à la Maison Blanche Karen Weaver, maire de la ville de Flint (Michigan) au coeur d’un scandale sanitaire après la contamination de l’eau suite à des coupes budgétaires.

    Cette rencontre a permis au président américain de mieux comprendre comment les habitants de Flint font face à la crise sanitaire et "les défis auxquels sont confrontés la ville, ses habitants et les entreprises", selon les termes de l’exécutif.

    Ce n’est pas de manque de compassion que Flint et les villes ouvrières meurent, c’est du capitalisme !

  • Dans la ville de Flint, à une centaine de kilomètres de Detroit, les habitants ont consommé pendant plusieurs mois une eau chargée en plomb.

    Flint était l’un des berceaux de l’industrie automobile. Comme à Detroit, la ville s’est considérablement développée durant la première moitié du 20e siècle grâce à l’implantation de différentes manufactures de voitures. Puis la crise automobile est arrivée, emportant avec elle l’une après l’autre les usines de General Motors. Flint a changé de visage, devenant une ville sinistrée, acculée par le chômage, la criminalité, et où 42% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Le salaire médian annuel y est de 24.679 dollars.

    C’est dans ce contexte qu’en avril 2014, les autorités ont changé le système d’approvisionnement en eau par souci d’économie, en puisant dans la rivière locale, acide et polluée. L’eau corrosive a rongé les canalisations en plomb du réseau. A l’arrivée, l’eau du robinet était toxique, exposant les quelque 100.000 habitants de Flint au saturnisme.

    Ils se sont plaints alors de la couleur et du goût de l’eau. Certains souffraient de vomissements, de pertes de cheveux, d’éruptions cutanées, mais ce n’est qu’en septembre 2015 que la contamination a été reconnue par l’administration américaine.

    Les conduites d’eau contaminées n’ont toujours pas été remplacées en raison du coût : 55 millions de dollars.

    Jusqu’à maintenant, les premiers bilans font état de plus de 40 personnes souffrant de doses excessives de plomb. Au moins 87 sont atteintes de légionellose et dix sont décédées.

    C’est un bilan provisoire et très minimisé...

  • Et en France aussi, c’est pour durer...

    En 2013 déjà, plusieurs universitaires et chercheurs avaient pointé les limites du RSA à faire baisser la pauvreté dans une note du centre d’études de l’emploi (CEE).

    "Le RSA s’est révélé impuissant à réduire significativement la pauvreté. Faute de résultats probants, l’indicateur qui mesure la sortie de la pauvreté a d’ailleurs disparu, signant l’abandon de l’objectif initial."

    Dix ans après la crise, la France compte près de 9 millions de pauvres, chiffres officiels, en réalité au moins dix millions !!!

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