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Editorial 24-08-2011 – Libye : Kadhafi est tombé mais la dictature n’est pas morte

mercredi 24 août 2011, par Robert Paris

Editorial 24-08-2011 – Libye : Kadhafi est tombé, mais la dictature n’est pas morte

Bien sûr, on ne pourrait que se féliciter de la chute de Kadhafi, un dictateur qui, comme tous les autres tyrans du Moyen-Orient et du Maghreb, opprimait son peuple, comme on s’est félicité des chutes successives de Ben Ali et Moubarak. Certes, le régime de Kadhafi, malgré une démagogie nationaliste et populiste, était un régime militaire issu d’un coup d’état, ce que couvrait mal un discours anti-impérialiste de façade.

D’ailleurs, ces dernières années, il s’était débarrassé de ce masque et réconcilié avec les dirigeants des grandes puissances, notamment les impérialisme US et français. Il avait suffi pour cela qu’il renonce au nucléaire. Sarkozy s’était félicité de ses bonnes relations avec Kadhafi.

Même si théoriquement la Jamahiriyah, littéralement « l’État des masses », est censée formaliser la gouvernance par le peuple à travers une hiérarchie de différentes enceintes de consultations, les Congrès du Peuple, la réalité est toute autre. La pléthore de ces instances de décision gérées par des fonctionnaires biberonnés à la bureaucratie n’a rien à voir avec les attributs d’une démocratie populaire. Mais davantage avec les ambitions d’un seul homme – le Guide – et de ses proches : sa famille et les hauts dirigeants du régime. Contrairement à la majorité de la population, contrainte dans le secteur public à exercer d’autres activités pour vivre ou soumis, dans le privé, à une administration peu encline à les laisser se développer, ces nouveaux enrichis sont les seuls vrais bénéficiaires de l’ouverture de la Libye à la communauté internationale. Les fils du Guide et ceux des notables bien en cour ont ainsi pu développer de lucratifs business. Aucun dirigeant occidental n’avait relevé que le sort de la population n’avait pas changé. Pourquoi l’auraient-ils fait, eux qui s’entendaient comme larrons en foire avec tous les Ben Ali et tous les Moubarak ? Pourquoi l’auraient-il fait alors qu’ils ont eux-mêmes mis en place des dictatures à l’époque des indépendances d’Afrique, d’Asie et du Maghreb ? Kadhafi trustait l’argent du pétrole, mais l’impérialisme en profitait au passage et autant qu’ailleurs ! Kadhafi avait même accepté que la Libye serve de pays d’internement dans des camps pour les sans papiers renvoyés d’Europe ! L’horreur de ces camps n’avait pas affolé les "démocraties occidentales"...

Aujourd’hui, ce sont les forces impérialistes qui sont intervenues militairement pour le renverser, mais cela ne signifie pas que le peuple libyen en sorte plus libre ou moins opprimé, pas plus que le peuple ivoirien hier, avec la chute de Gbagbo, et avant-hier les peuples panaméen avec la chute de Noriega, ni le peuple irakien après la chute de Saddam Hussein ou afghan après la chute de Mollah Omar. Jamais ses interventions militaires impérialistes n’ont eu pour but la libération des peuples et la fin des oppressions. Loin de sortir de la dépendance, de la misère et de la dictature, ces peuples sont tombés d’un enfer dans un enfer encore pire. Les horreurs continuent en Côte d’Ivoire, en Somalie, comme en Irak. L’intervention militaire impérialiste a même le but inverse, de faire taire le peuple révolté, comme on l’a vu en Haïti. Ces peuples n’ont fait que s’enfoncer encore davantage dans la violence et la misère. A Haïti, la dernière intervention militaire internationale en masse a eu officiellement lieu pour combattre... un tremblement de terre et les troupes occupent toujours le pays auquel elles ont notamment apporté le choléra !

Car l’impérialisme n’est en rien libérateur. C’est même lui qui est à la source de toutes les oppressions et de toutes les exploitations de la planète. Bien sûr, on vit mieux dans les pays riches et on laisse, plus ou moins, les opinions s’y exprimer dans des élections organisées régulièrement, dans la mesure où, en dehors des graves crises économiques et sociales, les classes dirigeantes savent que l’opinion des pays riches ne souhaitera pas de changer le régime social. Mais justement, nous sommes entrés dans ce type de crise du système qui avait amené les bourgeoisies, italienne, allemande ou française à remettre en cause la démocratie bourgeoise.

Et, dans les pays opprimés un peu partout dans le monde par l’impérialisme, c’est lui-même qui, quand il l’a pu, a mis en place la dictature politique et sociale. Alors pourquoi a-t-il pris le parti de soutenir cette fois-ci, en Libye, la révolution du monde arabe ? En effet, il lève à peine le ton contre la dictature syrienne qui massacre son peuple à coups de tanks, il soutient au Bahrein ou en Arabie saoudite ceux qui écrasent la révolution, il aide les dictatures marocaine ou algérienne. Tout d’abord, la déstabilisation d’un pays pétrolier important ne lui posait pas les mêmes problèmes. Le pétrole est l’un des piliers économiques du monde impérialiste. Intervenir directement était le moyen de ranger à son service l’opposition et de ne pas risquer qu’elle devienne véritablement révolutionnaire. Vis-à-vis des autres pays du Maghreb et du monde arabe qui savent, après l’Irak et l’Afghanistan , ce que signifie une intervention militaire impérialiste, c’était un moyen de faire reculer un peu une fraction de la révolte du monde arabe en la menaçant de telles interventions. Et, en Libye, le calcul des grandes puissances a marché : le CNT ou opposition officielle s’est rangé derrière les puissances impérialistes, donnant ainsi quelques garanties pour les intérêts pétroliers occidentaux. C’est aussi une garantie que le peuple libyen ne recevra nullement les bénéfices de sa révolution !

Le seul espoir pour le peuple libyen, comme pour les peuples égyptien ou tunisien et tous ceux qui ont commencé leur révolution, c’est de la porter jusqu’au bout, jusqu’à chasser les représentants bourgeois nationaux de l’impérialisme en portant au pouvoir le peuple travailleur.

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