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Mémoires militantes dans la classe ouvrière : cinq militants ouvriers de Renault

mercredi 21 mars 2012, par Robert Paris

Lire ici : Mémoires militantes dans la classe ouvrière : cinq militants ouvriers de Renault

Pierre Bois

Gil Devillard

André Lancteau

Daniel Bénard

et Daniel Mothé

cinq militants pour une conscience ouvrière socialiste chez Renault

Portfolio

Messages

  • Intervention de Dédé, militant ouvrier chez Renault, à l’occasion du congrès de Lutte Ouvrière de décembre 2005, diffusée en bulletin intérieur :

    Quand j’ai commencé à militer, des camarades comme Vic, comme Granier, comme Morny ont représenté pour moi des principes, une orientation de classe.

    Ces derniers temps, j’espère me tromper, mais j’ai le sentiment que cette boussole, on ne l’a plus.

    Je mettrais sur le même plan :

     le refus de s’adresser publiquement aux militants de la classe ouvrière

     le refus d’intervenir nationalement en dehors des campagnes électorales

     l’alignement sur le « non » au référendum

     l’absence de critiques claires des directions syndicales

     et finalement, la dernière position de l’organisation sur la révolte, je dis bien la révolte des banlieues

    Je ne sais pas à quel point ces refus sont profonds, car notre organisation cultive, comme une vertu, l’absence de discussion de la politique de la direction, ce qui ne permet pas de se rendre compte du point de vue réel des militants.

    Je dois dire qu’à propos des banlieues, prétendre que ces jeunes, futurs prolétaires ou prolétaires au chômage, que la société rejette, méprise, humilie, provoque et réprime, dire que ce n’est pas notre classe, comme on peut le lire dans l’éditorial de Lutte Ouvrière, cela fait mal, très mal pour des révolutionnaires…

    Dédé

  • Un exemple des interventions de Dédé, militant ouvrier révolutionnaire à Renault Billancourt puis Renault Rueil, aux congrès de Lutte Ouvrière : en décembre 2007

    Je ne suis pas d’accord avec le camarade qui vient de nous dire que nous avons toujours eu une casquette syndicale et que ce n’est pas nouveau qu’on doive payer le prix de l’image d’un Bernard Thibaut. Pour ma part, j’ai été militant syndicaliste mais je n’ai pas porté de casquette syndicale. Je ne suis pas militant de Barnard Thibaut pas plus que je n’ai été militant de Georges Séguy.

    Chers camarades, j’ai demandé la parole à ce congrès parce que j’estime de mon devoir, de notre devoir à tous qui avons milité pendant dix ans, vingt ans, ou trente ans auprès de nos camarades de travail, pour certaines conceptions, pour certains principes, pour un certain type de politique, de dire : attention danger ! Là, on franchit un cap. Nul ne peut dire où cela nous mènera.

    Je ne prétends pas le savoir mieux que d’autres vieux militants de Lutte Ouvrière. Je pense que tous les savent comme moi. Eh bien, je prétend moi que mon engagement, que leur engagement, a une signification complètement inverse de celle de l’orientation proposée par la direction, quand il s’agit de renier ce qui a fait tout notre combat pendant toutes ces années. Et c’est bien de cela qu’il s’agit.

    J’ai été amené à l’écrire avant ce congrès et, malheureusement, je dois dire que les trois nouveautés que ce congrès se propose non seulement le confirment mais aggravent considérablement les inquiétudes.

    Je parle de trois nouveautés :
    1) faire de nous la gauche de la gauche,
    2) devenir des syndicalistes classiques qui veulent seulement que les syndicats mènent « leur » politique,
    3) transformer l’organisation et la recentrer sur des activités extérieures aux entreprises.

    Je reviendrais sur ces trois points, qui ne sont pas indépendants, mais tracent une ligne nouvelle en vue de faire de Lutte Ouvrière une organisation tout à fait différente de celle que j’ai connue et pour laquelle j’ai milité.

    Récemment, j’ai écrit un bulletin intérieur, auquel personne n’a malheureusement cru bon de répondre. J’ai écrit dans ce bulletin intérieur, et je redis, que cette campagne des élections présidentielles ne reflétait pas la politique que j’ai connue pendant plusieurs années, ni les conceptions pendant plusieurs dizaines d’années, ni les conceptions qui m’ont été apprises par une organisation qui s’appelait « Lutte Ouvrière ». Je sais que l’on n’a pas changé de nom mais, en politique, il ne faut jamais se fier aux étiquettes m’a-t-on aussi enseigné. Et on m’a aussi appris que, quand on change complètement d’orientation, le nom devient une simple étiquette. On a l’a assez reproché à juste titre à la LCR.

    Dans ce bulletin intérieur, je rappelai que la campagne de Lutte Ouvrière aux élections présidentielle me semblait avoir marqué une nouvelle étape dans la remise en cause de notre identité. Ce n’est pas la première fois que nous appelons à voter à gauche, mais c’est la première fois que nous cautionnons la gauche bourgeoise aux élections, non pas au deuxième tour mais au premier tour et avant le premier tour ! Avant même de commencer la précampagne des présidentielles, notre organisation avait donné le « la » en annonçant que les faux amis – traduisez la gauche » - étaient moins dangereux que nos vrais ennemis – traduisez la droite. En contradiction avec les leçons tirées par les révolutionnaires de décennies de trahison du mouvement ouvrier !
    La suite a confirmé avec un quatre pages qui développait ce qu’était paraît-il notre programme, une conception parfaitement réformiste, et dans deux brochures sur Royal et sur Sarkozy. Pour finir par demander à notre porte-parole de rencontrer Ségolène Royal entre deux tours. Pour lui enseigner le contenu du programme du Lutte Ouvrière ou pour quoi faire exactement ? Personne n’a su répondre à ma question…
    Ce congrès propose aux militants d’entériner un tournant très important pour notre organisation qui, s’il était accepté, mènerait à une rupture complète avec tout ce que nous avons cherché à défendre toutes ces années et pour lequel nous avons milité.
    Faire croire que dorénavant notre rayonnement politique ne sera plus essentiellement fondé sur la construction de groupes communistes dans les entreprises, signifie transformer l’organisation en un groupe de propagande hors des entreprises et à but d’intervention électoral et local.
    Le deuxième changement radical qui nous est proposé, sous couleur de tactique électorale pour avoir des élus, c’est de devenir un groupe de la gauche de la gauche. Je n’ai pas besoin de vous dire que c’est contre cela que nous nous sommes battus pendant tant d’années.

    Enfin, il s’agirait de renoncer à déborder les appareils syndicaux dans les luttes en organisant les travailleurs de manière indépendante et, dans le militantisme quotidien, de devenir de simples syndicalistes honnêtes au lieu, comme le définissait notre politique, de construire des noyaux communistes.

    Dans cette conception, le travail en entreprise est ramené à ce que la direction appelle une « presse d’entreprise ». Malgré les difficultés de ce travail, encore aujourd’hui, ce sont principalement des militants ouvriers qui représentent le rayonnement de Lutte Ouvrière même si la direction prétend que notre rayonnement provient de son intervention politique hors des entreprises, notamment lors des élections.

    Encore aujourd’hui la direction autonome des grèves par des comités de grève, des coordinations en rupture avec les bureaucraties syndicales est une tradition de notre organisation mais la politique nouvelle de la direction s’en détourne. N’en déplaise à la direction, l’existence de groupes communistes dans les entreprises, c’est là qu’il y a un avenir pour la classe ouvrière au cas où ses luttes devaient déborder le cadre où on voudrait l’enfermer.

    Quant au rôle de rayonnement des élus pour les idées et l’organisation révolutionnaires, la direction est encore loin d’en avoir fait la démonstration.

    Ce ne sont pas des simples tactiques un peu opportunistes et qui ne laisseront pas de traces comme le prétend la direction, mais ce sont des capitulations fondamentales qui en préparent d’autres.

    Dédé, militant communiste ouvrier à Renault, le 27 novembre 2007

  • Daniel Bénard, ou Granier, ancien dirigeant de LO écrivait :

    « Ma lettre de rupture avec Lutte Ouvrière »

    Depuis plus de 25 ans, LO s’est impliqué systématiquement dans toutes les élections (une par an en moyenne dans ce pays) et ce qui sert de direction politique à l’organisation a fini par y croire. Au dernier Comité Central, la version officielle devient que « les élections en changent pas tout, mais ça change quand même... ». Finalement, le thermomètre fait quand même un peu monter la température du malade... pas jusqu’à 42°, mais un petit 38,5 quand même !
    On trouve moyen, dans l’édito du journal du 15 janvier, de conclure à propos du projet de licenciements de Danone : « Mais à défaut de suffire pour faire reculer le patronat, les prochaines élections municipales nous permettront de montrer aux politiciens... etc ». La référence à la lutte nécessaire dans le paragraphe précédent, c’est la feuille de vigne pour la bonne conscience ; parce que les élections ne suffisent pas. J’ai proposé au dernier Comité Central qu’on affirme clairement et publiquement que les élections ne changeront rien au sort de la classe ouvrière. On se retrouve avec une formule dans laquelle ça n’est simplement « pas suffisant » bien que « ça change quand même des choses ». La voie électorale pour le changement à petits pas ? Ce sont les révolutionnaires que nous étions qui ont changé ; pas le piège illusoire que sont les élections. (...) Un camarade, qui est intervenu au CLT [cercle Léon Trotsky] de la salle, a fait remarquer que vouloir remédier aux maux engendrés par le système sans démolir le système, cela s’appelle le réformisme. Je partage son intervention. Lutte Ouvrière par des tas d’aspects est devenue une organisation réformiste ; et les raisonnements gestionnaires ressortent à tout bout de champ (...).

    Depuis plus de trois ans, très officiellement, LO a initié cette politique opportuniste vis-à-vis du PCF, ses militants et ses dirigeants. Je me suis exprimé plusieurs fois là-dessus de vive voix et par écrit. Mais trois ans après, ça donne quoi, cette orientation ? Il y a eu l’épisode des manifestations unitaires PCF-LO-LCR de fin 1999 interdisant toute critique du gouvernement puisque le PCF était impliqué. Bilan ? Par un tout autre cheminement, LO extrême-gauche de la gauche de la gauche (...).
    A force d’abaisser le niveau de la propagande avec l’objectif officiel de se faire comprendre, LO et sa direction actuelle est très en dessous du trait. Les grandes déclarations de fidélité historique à la révolution et au communisme, pour nécessaires qu’elles soient, ne prémunissent absolument en rien contre le charme persistant du réformisme au jour le jour et l’électoralisme insidieux. Ainsi, la discussion sur la formule « interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits » (et pourquoi préciser celles-là), qui pouvait paraître anodine, le devient beaucoup moins quand Arlette est amenée à répondre à un journaliste qui pose la question : « Toujours en colère contre les patrons ? » « Je ne suis pas en colère contre les patrons. Je défends les travailleurs lorsqu’ils sont attaquées par les patrons, ce qui est malheureusement très souvent le cas. » Ce n’est plus le système qu’on dénonce, seulement ceux qui exagèrent en quelque sorte (...).

    Quant à la critique de classe des appareils syndicaux, alors là, il faut remonter loin dans le passé pour trouver dans les bulletins, en quoi les syndicats dans les entreprises participent au système d’exploitation et trahissent les intérêts des travailleurs. Même au plan général des confédérations, LO en arrive à écrire (édito des bulletins du 15 janvier) : « Et c’est par la lutte d’ensemble de toute la classe ouvrière, que les organisations syndicales devraient s’employer dès maintenant à préparer et à organiser... » Si ça n’est pas entretenir des illusions sur les syndicats, qu’est-ce que c’est ? Comme si les travailleurs pouvaient s’en remettre aux syndicats pour organiser la lutte d’ensemble ! ».

    Le 10 février 2001, Granier.

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