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Révolutions de Méso-amérique antique

dimanche 17 janvier 2010, par Robert Paris

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de C.W.Ceram

« Le secret des villes désertées

« Quand on eut éclairci quelques points essentiels de la chronologie maya, les résultats obtenus firent apparaître l’un des phénomènes les plus mystérieux de l’histoire d’un grand peuple, le secret des villes désertées. (…) Cela mérite d’être parce qu’on fait ainsi revivre pour nous le dernier chapitre de l’histoire maya et cela nous ramène par un détour au secret des villes mortes. (…) En 1441, les opprimés se groupèrent pour former une fronde (…) Mayapan fut conquise, sa chute entraîna non seulement celle de la ligue (entre les villes du Nouvel Empire), mais aussi celle de l’empire Maya. Les Xiu fondèrent encore la ville de Mani ; d’après certains, ce nom signifierait « tout est fini ». (…)

Nous allons poser quelques questions aux spécialistes de la chronologie maya.

Mayapan, Chichen et Uxmal sont les villes principales du Nouvel Empire (maya). Pourquoi appelez-vous Nouvel Empire les colonies fondées dans le Nord du Yucatan ?

Réponse : parce que ces villes furent fondées très tard, entre le 7ème et le 10ème siècle de notre ère ; et parce que, dans ses manifestations principales, aussi bien en architecture, dans les arts plastiques, que dans la forme de son calendrier, le Nouvel Empire est directement issu de l’Ancien.

Dans ce cas, qu’appelle-t-on colonies ? En règle générale, une nouvelle forme d’empire devait naître de l’ancienne.

Réponse : les choses ne se sont pas passées de la façon courante du fait que le Nouvel Empire fut effectivement fondé en terre vierge, c’est-à-dire que l’on construisit des villes entièrement neuves. L’Ancien Empire s’étendait au sud de la péninsule du Yucatan, sur le territoire actuel du Honduras, du Guatemala, du Chiapas et du Tabasco.

Faut-il donc considérer le Nouvel Empire comme une colonie de l’Ancien Empire, fondée par des pionniers ?

Réponse : au contraire, il fut l’œuvre du peuple tout entier.

Prétendez-vous qu’u beau jour, tout le peuple des Mayas abandonné son empire puissant, ses villes fortifiées, et qu’il affronta tous les dangers d’une terre inconnue afin de fonder un nouvel Empire dans le nord ?

Les savants répondent en souriant : c’est bien ce que nous voulons dire. Nous savons que cela paraît incroyable, néanmoins c’est un fait puisque …
Et ils citent une série de dates. (…) Quand ils édifiaient un nouveau bâtiment, ils indiquaient dessus sa date de construction. (…) Si donc nous voyons l’activité constructrice s’interrompre dans une ville à une certaine date, pour commencer dans une autre ville vers la même époque, nous n’en pouvons tirer qu’une seule déduction : à savoir que la population abandonna subitement la première ville pour en fonder une nouvelle.

Bien qu’il soulève toute une série de questions, on pourrait néanmoins expliquer un événement de cet ordre sur le plan local, mais le phénomène qui eut lieu vers 600 après J.-C. défie toutes les interprétations.
En effet, un peuple entier, un peuple de citadins, plia bagages, abandonna ses maisons, ses rues et ses places, ses temples et ses palais pour émigrer dans le Nord sauvage et lointain. Aucun des émigrants ne revint jamais. Les villes désertées furent la proie de la jungle, les mauvaises herbes envahirent les perrons, les semences de la forêt s’implantèrent dans les joints que le vent remplit de parcelles de terre, des pousses grandirent et brisèrent les murailles. Nul homme ne posa plus le pied sur le dallage des cours, nul ne gravit plus les degrés des pyramides.

Dès que ces faits furent connus, les interrogations affluèrent. Le plus simple eût été de prétendre que des envahisseurs étrangers avaient chassé les Mayas. Mais qui pouvaient être ces envahisseurs ? A l’époque de leur splendeur, aucun peuple n’aurait pu affronter la puissance militaire des Mayas. L’explication est en outre insuffisante. Dans les villes désertées, on ne trouva pas trace de conquérants.

Une catastrophe naturelle aurait-elle provoqué l’émigration ? Mais on se demande une fois de plus comment le prouver et quelle catastrophe pourrait amener un peuple à bâtir un nouvel Empire au lieu de revenir sur les lieux du sinistre ?

Peut-être une épidémie a-t-elle ravagé la population ? Rien ne porte à croire que le grand voyage fut entrepris par un peuple décimé. Au contraire, le peuple qui construisit des villes comme Chichen Itza était un peuple fort.

Le climat aurait-il subitement changé et rendu la vie impossible ? Quatre cents kilomètres seulement, à vol d’oiseau, séparent le centre de l’Ancien Empire du centre du nouveau. Si un bouleversement du climat (que rien ne confirme à nos yeux) avait affecté à tel point la structure d’un empire, il ne serait pas demeuré sans effet quatre cent kilomètres plus loin. (…)

Les Mayas étaient des citadins. Ils l’étaient dans un sens aussi restreint que le furent depuis cinq cents ans tous les peuples d’Europe : les classes dirigeantes, noblesse et clergé, habitaient les villes, centre du pouvoir comme de la culture, de la vie intellectuelle et du plus grand raffinement. Cependant toutes ces villes n’auraient pas été viables sans le paysan, sans les fruits de la terre, et surtout sans l’aliment essentiel qui, pour nous, fut toujours le blé, et pour les peuples d’Amérique centrale, une autre céréale, l’ « Indian corn », le maïs.
Le maïs nourrissait les villes et les classes dirigeantes. La civilisation ne pouvait se maintenir que par lui. C’est lui qui détermina l’emplacement des premières cités bâties en pleine jungle, sur le sol brûlé des anciens champs de maïs.
L’ordre social des Mayas présentait des contrastes plus frappants que partout ailleurs. Il suffit, pour le caractériser de comparer une ville européenne moderne avec une ville maya. Dans le complexe de la ville moderne, les différences sociales des habitants apparaissent clairement, mais d’innombrables nuances intermédiaires ménagent des rapports et des transitions. Au contraire, la ville maya affichait les contrastes entre ses habitants. Les temples et les palais de la noblesse et du clergé s’élevaient en général sur une colline ; ils formaient un bloc semblable à une forteresse (sans doute durent-ils souvent en jouer le rôle). Sans aucune transition, les huttes et les cabanes du menu peuple se pressaient autour de la « City » de pierre. Le peuple maya était partagé en un très petit nombre de Seigneurs et une masse immense d’opprimés.

On imagine mal quel abîme séparait ces deux classes. Il semble que chez les Mayas, la classe intermédiaire de la bourgeoisie ait fait totalement défaut. La Noblesse était une caste fermée ; elle se nommait « almehenoob » - c’est-à-dire « ceux qui ont père et mère », ceux qui ont un arbre généalogique.

On y choisissait les prêtres, ainsi que le prince héréditaire, le « halach uinic », l’ « homme vrai ». Et pour ces hommes qui « avaient père et mère » le peuple entier travaillait. Le paysan donnait un tiers de sa récolte à la noblesse, un tiers au clergé, il ne pouvait garder que le troisième. Entre l’époque des semailles et celle de la moisson, il rejoignait les esclaves affectés à la construction. Les blocs de pierre étaient amenés sans chariots ni bêtes de somme. Les outils qui servirent à ciseler les sculptures et les bas-reliefs admirables n’étaient ni en fer ni en cuivre, ni en bronze, mais uniquement en pierre. Or l’œuvre des ouvriers mayas n’est pas inférieure à celle des bâtisseurs des pyramides ; peut-être même la dépasse-t-elle.

Bien qu’elle se soit maintenue pendant mille ans, une organisation sociale aussi rigide portait en elle le germe de sa ruine. (…)

Les maîtres de Tula étaient aussi des sages (…) Leur empire aurait duré cinq siècles ; puis il y eut des famines, des guerres civiles, des querelles dynastiques. »

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163 AP J.C. Palenque abandonnée
262 AP J.C. Ixkùn, Menché, Copan et Piedras Negras abandonnées
281 AP J.C. Uaxactùn et Quiriguà abandonnées
301 AP J.C. Naranjo abandonnée
321 AP J.C. Benque Viejo abandonnée
340 AV J.C. Tikal, Seibal et Flores abandonnées
DE 610 AV J.C. au milieu du Xème siècle : les Mayas abandonnent les villes
1441 Chute de Mayapan et de l’empire

(chronologie selon C.W.Ceram)

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Pas plus en Méso-amérique que dans le reste du monde, la civilisation n’est un produit de l’Etat.
On entend pourtant dire que ce serait l’Etat égyptien, indien ou mésopotamien qui auraient organisé le défrichement des fleuves et l’irrigation, qui auraient fondé la culture, l’élevage, le commerce, l’artisat et l’art. Voilà une affirmation qui traîne aussi à propos des civilisations de Méso-amérique. Citons un exemple de cette thèse tout à fait classique : l’ouvrage « Maya » d’Henri Stierlin : « Il a fallu que les Mayas de l’époque préclassique aménagent – au prix d’efforts considérables – le milieu dans lequel ils implantent leur agriculture (...) : des réseaux de drainage. (...) Cet équipement de territoire révèle un prodigieux travail collectif. Celui-ci n’aurait jamais pu s’accomplir sans des structures sociales hiérarchisées et sans une organisation politique dont les origines remontent au-delà du préclassique maya (900 à 300 avant JC) . » Pourtant, le même auteur souligne que ce n’est pas l’Etat mais le grand commerce qui marque la naissance de la civilisation avec les villes, centres de commerce et d’artisanat : « Il existait entre les villes disséminées dans la forêt pluviale des liens puissants fondés sur des échanges et un commerce actif. » Et ce, bien avant la naissance de l’Etat et de ses constructions architecturales massives : « Les réalisations architecturales datent de la fin de l’époque préclassique (300 avant JC à 300 après JC) ». La civilisation maya est donc largement antécédente à la fondation d’un Etat central maya qui n’a pas pu voir le jour et en est restée aux tentatives fédératives. Elle est issue d’une révolution de la société civile et non d’un changement de pouvoir politique. ]].

L’étude des plus anciennes villes d’Amérique latine a permis aux ethnologues de réfléchir à l’origine de la civilisation. La question se posait en effet : qu’est-ce qui a poussé les hommes à accepter d’abandonner l’ancienne structure familiale et tribale et l’ancien mode de travail, plus proche des gens, pour la domination politique d’un pouvoir central ? La question est elle-même entachée d’erreur puisqu’elle suppose que le passage à la civilisation serait simultanée à la fondation de l’Etat, ce dernier étant même considéré comme fondateur de la civilisation. On parle à tort de civilisation de l’empire chinois ou de civilisation des Pharaons. Cela sous-entend que la civilisation serait née en Egypte avec les rois et se serait manifestée d’emblée par leurs réalisations écrasantes : les pyramides. Selon cette thèse, le but de ce style impressionnant du pouvoir royal, l’architecture monumentale, serait de protéger la population contre des adversaires extérieurs, avancent nombre d’historiens de l’Antiquité qui n’attribuent la chute de l’Etat qu’à des agressions guerrières extérieures. Selon l’ethnologue Jonathan Haas, la civilisation avait pour origine, pour force créatrice, la guerre. Selon cette thèse, la guerre de tous contre chacun datant du fond des âges n’aurait été interrompue que par le choix de la collectivité de se tenir sous la protection d’un chef, le roi, et de son armée. Cela supposait que l’on allait trouver des armées aux origines même de la civilisation. Ce serait elle qui aurait amené les hommes à accepter une autorité supérieure pour mieux se défendre des attaques armées. Pour lui, la civilisation était synonyme de l’Etat, organisme de peur, dont on retrouve la puissance dans les réalisations monumentales comme les pyramides de Caral (Pérou) et l’Etat était lié essentiellement à la guerre [23]. Tel était le point de vue défendu dans de nombreux ouvrages par Jonathan Haas et Winifred Creamer avant qu’ils ne soient invités par la chercheuse péruvienne Ruth Shady à venir examiner la plus ancienne ville retrouvée dans un désert du Pérou, la cité perdue de Caral (-2600 av JC) datée grâce à des roseaux servant à transporter des pierres. On remarque, dans la vaste cité, une organisation centralisée avec un forum et des pyramides. Il s’agit en fait du centre d’une grande civilisation qui a dominé toute la région. Jonathan Haas rapporte qu’il cherchait à vérifier son hypothèse : la première civilisation née de la guerre. Il va se convaincre du contraire en étudiant Caral : la civilisation est née des villes et elles-mêmes du grand commerce. En effet, l’ethnologue cherche des remparts autour de Caral et découvre qu’il n’y en a pas. Caral n’a à se défendre d’aucune agression. Il cherche en vain des armes de guerre, des remparts militaires et des représentations de scènes de bataille sur les murs de la ville. Caral s’avère être une cité qui commerce avec une vaste région mais n’a pas d’activité militaire. Sa domination est commerciale. Cette cité commerçante échangeait les légumes produits à Caral grâce à l’irrigation contre les poissons pêchés sur la côte. La civilisation n’est pas née avec l’Etat, de la peur et de la guerre, mais du développement économique, l’agriculture ayant permis la formation d’un surplus, d’une classe dirigeante, et les villes étant nées du développement du grand commerce. Voilà les conclusions des ethnologues Haas et Sharida. Leurs études dans la ville péruvienne de Caral n’a pas confirmé une thèse préétablie mais, au contraire, les a amenés à des conclusions opposées : ce n’est pas l’unité causée par la peur des adversaires guerriers qui a fondé les villes. Il n’y avait pas d’armées et pas d’Etat aux origines de la civilisation ! Des classes sociales, oui, des inégalités aussi mais pas la peur d’une attaque extérieure. Alors, l’Etat qui vient beaucoup plus tard n’est pas né de ce risque d’attaque extérieure mais du risque intérieur, social. Les pyramides, symbole de la domination du pouvoir politique central, ne sont pas nées avec la civilisation mais bien après. L’Etat, cette bande d’hommes en armes ne provient pas de la guerre. Il faut se faire craindre aussi à Caral alors qu’il n’y a aucun risque externe (par de fortification). C’est que le danger est intérieur. La guerre intérieure, c’est la lutte des classes. Caral, société riche et développée sans Etat, a disparu sans laisser de traces, mais elle n’a pas été détruite par une armée. Elle s’est sans doute effondrée sous le poids de ses propres contradictions, du développement des inégalités et des luttes entre riches et pauvres, avant que la ville ne soit complètement abandonnée et que le mode d’existence qu’elle représentait ne disparaisse complètement. Plus on étudie le passé, plus il devient clair que les révolutions qui ont fait chuter une ville sont légion. Peu de traces de ces révolutions ne nous sont parvenues. On n’a de relation des révolutions qu’à partir du moment où celles-ci se sont attaquées à des Etats dont le rôle de conservation a été jusqu’à conserver les récits de leur propre destabilisation.

Il y a très peu d’histoire des révolutions et d’autant moins quand les régimes en question ont été détruits, cédant la place au chaos et à la destruction de la civilisation. Ce qui nous condamne à étudier les légendes.

La légende, dite des « deux frères, enfants du soleil », est reprise par les Indiens d’Amérique du nord, par exemple les Hopis, empruntée aux légendes mayas. On la retrouve également chez les Aztèques, dans la légende Quetzalcoatl-Tezcatlipoca, qui raconte les diverses étapes de la civilisation. Elle en compte quatre, figurées par quatre soulèvements figurés par des sorties de la caverne, vers une caverne supérieure, pour «  délivrer l’humanité des ténèbres dans laquelle elle est plongée ». Dans la légende d’origine aztèque, Tezcatlipoca détruit la civilisation dont Quetzalcoatl avait été le souverain. Il fait boire le roi puis pousse la fille du roi à se marier à un mendiant. Le peuple gronde, se révolte et détruit le régime : « Enfin la catastrophe se produisit. (...) Alors, on vit une chose étonnante et terrible. Du crépuscule jusqu’à minuit, le battement des innombrables pieds se précipita de plus en plus ; le bruit du tambour devint un roulement continu ; le chant, monotone d’abord, s’enfla sauvagement et éclata en grondements. L’assemblée devint bruyante et houleuse ; les gens commencèrent à se pousser et à se bousculer ; bientôt la panique s’empara d’eux ; (les gens) se piétinaient, s’écrasaient et se précipitaient dans l’abîme. (...) Ceux qui en réchappèrent ne se rendirent pas compte que c’était Tezcatlipoca qui par ses sorcelleries avait causé la catastrophe. » La légende, qui explique la fin d’un « âge d’or », est indispensable car le sens réel des événements, celui d’une révolution sociale, est incroyable. Le mythe présente les acteurs de la révolution, les masses populaires, saisis et étonnés par leurs propres actes, comme le jouet des dieux, ce qui peut sembler bien plus crédible. La révolution, phénomène bouleversant, brutal et saisissant, étonne et fait peur. Les opprimés ne savent pas comment ils ont été amenés à un tel changement de leur état d’esprit à des actes aussi audacieux, car ce phénomène dépasse les buts individuels et les calculs des participants.

Le mythe relate parfois avec réalisme politique et social des combats sociaux qui n’ont cessé de menacer le pouvoir de la classe dirigeante. Le retour de Quetzalcóatl est celui de la révolution des villes et de la menace que constitue la bourgeoisie, battue, surveillée, mais toujours plus dangereuse par son pouvoir économique et son rôle dirigeant des villes face à la Cour royale, aux chefs et à la noblesse militaire et au pouvoir des prêtres. Les dieux représentent symboliquement cette opposition sans cesse menaçante. La peur de la fin du monde, la fin du Soleil-pouvoir, que cultive le régime, signifie que le peuple doit être sans cesse convaincu que si le pouvoir est menacé l’univers s’écroule et le soleil s’éteindra. Il est certes difficile d’interpréter les mythes antiques transmis par la civilisation aztèque des années 1500. Voyons l’interprétation qu’en donne le récit imaginaire d’Alain Gerber dans « Le jade et l’obsidienne », récit inspiré des ouvrages scientifiques sur les Aztèques : ceux de Jacques Soustelle, José Lopez Portillo et bien d’autres. Jacques Soustelle écrit en préface : « Ce qu’apporte le récit d’Alain Gerber, si pénétré d’une intime connaissance, c’est sans doute la clé, ou en tout cas l’une des clés, de ce monde si gracieux et si violent : la tension permanente entre deux pôles que symbolisent le Serpent à Plumes Quetzalcoatl, héros civilisateur, inventeur des arts et de la sagesse, et le ténébreux Tezcatlipoca, divinité astrale et guerrière. » Alain Gerber dévoile en effet cette lutte mythifiée une lutte bien réelle, celle des classes sociale, non seulement entre exploités et exploiteurs, mais également entre nobles guerriers et bourgeois des villes. La civilisation n’y est pas attribuée aux guerriers, mais à l’art et au commerce des villes. La mort des Soleils est la fin des régimes. La menace permanente de la fin du monde est celle de la révolution qui peut éclater parmi les classes des villes. Alain Gerber écrit ainsi : « Tezcatlipoca étale son manteau ténébreux sur la terre, Tezcatlipoca le Noir et le Guerrier, Celui qui détrôna Quetzalcóatl et mit le sacrifice en haut du temple de Tula. (...) Quatre soleils ont précédé le nôtre : tous ont péri. (...) Notre cinquième soleil, est lui aussi voué à disparaître. (...) Voilà ce qu’enseigne un autre livre : nous, les hommes du peuple, nous avons été créés spécialement pour prendre la relève des dieux dans l’abreuvage du Soleil. Toujours et encore, il nous faut entretenir son mouvement par des festins et par des libations. (...) Le monde ne continuera qu’à ce prix. Comme le quatrième Soleil était mort, et comme le nôtre n’était pas encore dressé, il se passa deux fois treize ans. Quetzalcóatl et Tezcatlipoca unirent leurs efforts pour relever le ciel qui s’était effondré. La huitième année furent créés les hommes du peuple, ceux qui jamais ne se divertissent, mais qui travaillent toujours. Ils furent inventés parce que le soleil futur allait avoir besoin de vivres. (...) « Il faut que dans la nation, quelques uns seulement connaissent les écritures. Il n’est pas bon que cette connaissance soit trop répandue. Car ceux qui obéissent pourraient se corrompre, le trône serait alors menacé, le pays connaîtrait de mauvaises heures. » (...) Quand Quetzalcóatl partit de Tula, tous les oiseaux chatoyants s’égaillèrent dans le ciel et abandonnèrent la ville, signe du mécontentement des dieux primordiaux (...) Mais le Serpent à Plumes recouvra toute sa gloire. Il devint le seigneur de la Maison. (...) Quetzalcóatl est celui qui revient toujours : craint-le énormément ! (...) Les plus grands entasseurs de marchandises doivent le respect au plus insignifiant des officiers ou des dignitaires. Ils doivent paraître en public dans une mise humble, couverts de manteaux rapiécés. Ils parlent aux nobles en courbant la nuque. Si un guerrier fameux les humilie, ils sont contraints d’avaler cette humiliation, et de dire encore merci, car de se rebiffer, ou même d’afficher un sourire insolent, pourrait leur coûter fort cher. Et c’est pourquoi ils redoutent la renommée et toutes les distinctions honorifiques : ce sont autant d’occasions d’attirer sur eux le courroux et la rancœur des chevaliers qui ne les en estiment pas dignes. (...) Pour eux, l’idéal est de se fondre dans l’ombre et dans une apparente médiocrité. As-tu déjà rencontré, après le crépuscule, un négociant menant à ses hangars quelque ballot soigneusement clos de coton, de caoutchouc, d’or, de cacao, de jade ou de plumes de quetzal ? Tu l’arrêtes pour lui demander ce qu’il transporte. Il décoche des sourires mielleux, te regardant par en dessous. « Ce n’est là que du poisson séché mon bon monsieur ». (...) Lorsqu’il doit faire séjourner ses marchandises dans un entrepôt public, il donne en s’inscrivant le nom d’une tierce personne. Il sait que s’il tirait le moindre orgueil de son état et de sa réussite, ce serait le commencement de sa perte. (...) Le pochtecatl (négociant) (...) a non seulement son rituel et son dieu – Yiacatecuhtli, celui-qui-va-en-avant – mais sa hiérarchie autonome et ses tribunaux ! (...) A l’abri de leurs manteaux troués, camouflés derrière un épais rideau de courbettes et d’humilité feinte, ils n’ont cessé de prendre de l’importance, non seulement dans les affaires de choses mais dans les affaires d’hommes – je parle du gouvernement (...) Leurs enfants ont été autorisés à fréquenter le collège religieux qui, en principe, est réservé aux rejetons des seigneurs. Se transmettant de père en fils leur profession et se mariant le plus souvent entre eux, ils ont bientôt formé une caste tout à fait à part du reste de la société, tandis que l’aristocratie du glaive et la prêtrise restaient ouvertes aux enfants du peuple, dans la mesure de leurs mérites. (...) A leur manière hypocrite, les pochteca, oeuvrant dans l’ombre et en silence, réduisent peu à peu le fossé qui les sépare de la chevalerie. Insensiblement, ils se rendent indispensables, et ceci de deux façons. Premièrement en se faisant les éclaireurs, les espions et les auxiliaires des armées (...). Secondement, en donnant aux nobles, par l’étalage des denrées précieuses et des merveilleux produits que ramènent leurs caravanes, le goût amollissant du luxe et des produits futiles (...) Chez ceux qui détiennent le pouvoir officiel, le pochtecatl fait naître de nouveaux besoins (...). Ainsi la richesse est-elle un pouvoir. Et quant aux honneurs, tu verras d’ici quelques années qu’ils vont suivre tout naturellement. Déjà les dignitaires, tout en faisant la fine bouche et en affichant beaucoup de contrariété, consentent à s’asseoir aux banquets du négoce. (Description de la vie à Tenochtitlan, capitale aztèque en 1500 après J.-C). (...) Ils sont exploités par les nobles : chacun peut voir cela. Mais (...), à l’abri de tous les regards, c’est l’inverse qui se produit. Ce sont eux qui exploitent l’aristocratie. (...) Délibérément, les marchands fournissent les nobles en objets de luxe. Sans le savoir et à leur corps défendant, les nobles fournissent les marchands en influence dans le gouvernement de la nation (...) Quetzalcóatl, le premier, comprit que le pouvoir s’interpose entre l’homme et la justice parfaite (...). Chassé de Tula, il n’est pus assez puissant pour défaire de lui-même cette autorité et ces mirages que Tezcatlipoca protège de son autorité (...). Il reviendra (...) contraignant les pouvoirs à se démettre et à s’humilier devant lui. (...) Quetzalcóatl qui déjà était né sur la terre, chez les Toltèques, (...) cet évènement faisait dire que le dieu, peut-être, était en partie un homme. (...) Ils sont beaucoup, de plus en plus nombreux, ceux qui aspirent à une vie aimable et douce. (...) Le luxe et l’élégance ont multiplié leurs adeptes. (...) Plus nous prônerons la douceur de vivre et les mœurs aimables, plus nous nous révolterons, plus les rites sanglants seront sollicités (par la classe dirigeante). »

La lutte des bourgeois et des guerriers des civilisations méso-américaines est représentée symboliquement par le combat entre les dieux. Cela est authentifié par les archéologues, notamment dans le cas des Toltèques. Dans cette civilisation, les guerriers l’ont emporté sur les prêtres et les commerçants. L’Etat guerrier toltèque peut très bien être un produit des leçons tirées par la classe dirigeante de l’échec de Teotihuacàn. La caste des prêtres de cette grande ville avait été incapable, ne disposant d’aucune armée permanente, de sauvegarder le pouvoir face à la révolution sociale. Comme le relevait Norman Bancroft Hunt dans son « Atlas historique de la Méso-Amérique », « Les fouilles archéologiques révèlent que Tula fut fondée vers 900 après J.-C, durant la période postclassique, et qu’elle présentait des analogies architecturales avec Teotihuacàn. Il se peut que Tula ait été construite par les réfugiés venus de Teotihuacàn qui auraient fui leur ville lors de sa destruction en 750 (après J.-C). » La fin de la ville de Teotihuacàn, l’incendie après la révolution, puis celle de Tula, détruite et entièrement brûlée, est racontée de manière mythique par les Aztèques qui s’attribuent la descendance des seigneurs de Tula et même de Teotihuacan [1]. Dans leur conception, c’est une victoire du dieu Tezcatlipoca contre le dieu Quetzalcoatl dans les combats ayant eu lieu dans ces deux villes. « En 1156 après J.-C, les Aztèques attaquèrent Tula et la détruisirent (...) Pour justifier cet acte de destruction gratuit – la ville tout entière fut brûlée et ses monuments endommagés -, les Aztèques déclarèrent qu’une bataille cosmique s’était déroulée entre leur divinité tutélaire Tezcatlipoca et Quetzalcoatl. (...) Selon (les mythes aztèques), Tezcatlipoca, effrayé par la promesse faite par Quetzalcoatl de se venger de la destruction de Teotihuacàn, décida de conquérir et de tuer son rival avant qu’il ne puisse mettre ses menaces à exécution. Il attaqua et détruisit Tula, obligeant Quetzalcoatl à fuir encore une fois. » Le combat n’a pas seulement un caractère de lutte entre deux forces politiques, mais entre deux classes : « Dans le programme de réformes pacifiques de Quetzalcoatl figuraient des liens commerciaux avec ses voisins. Les marchands toltèques voyageaient au loin. Ils donnaient et empruntaient toutes sortes de choses aux peuples avec lesquels ils entraient en contact, ce qui leur permit de créer une culture hybride qui leur était propre et qui comprenait des éléments venus d’un peu partout. (...) Les Toltèques étaient ouverts aux idées nouvelles et désiraient embraser les idéologies de leurs partenaires commerciaux. Selon ce schéma, Tula aurait été construite sur la base d’un grand empire commercial qui intégrait toutes les réussites des cultures méso-américaines. » Si Tula était à l’origine la capitale connue d’un empire commercial pacifique, elle était en fait devenue le centre politique et militaire (avec une armée permanente) d’un Etat guerrier. Ayant privilégié la guerre au commerce, les Toltèques auraient détrôné dans leur capitale, Tula, le dieu de paix Quetzalcoatl (considéré comme le dieu de Teotihuacan, fondateur de la ville de Tula) au profit du dieu de guerre Tezcatlipoca (démon de la mort par le feu, des sacrifices humains et dieu de la guerre) au profit duquel se pratiquaient de nombreux sacrifices humains, alors que les sacrifices à Quetzalcoatl sont constitués de fruits, de fleurs et de papillons. « L’autorité des prêtres semble avoir été remplacée, du moins partiellement, par une bureaucratie composée principalement de chefs militaires. (...) Un autre facteur est certainement le commerce. Depuis le temps de Teotihuacàn, le sud avait toujours exercé une certaine fascination sur le nord, et les Toltèques ouvrirent et développèrent les routes commerciales qui avaient été autrefois utilisées par les habitants de Teotihuacàn. Les plumes, le coton et surtout le cacao, produits très recherchés, ne se trouvaient que dans les régions du sud. (...) Une force armée était, cependant, essentielle pour maintenir le contrôle des divers Etats fondés par les Toltèques. En plus du Mexique central dirigé à partir de Tula, les Toltèques possédaient des Etats au Yucatàn, à Tabasco et au Guatemala. (...) L’histoire des Toltèques est presque entièrement légendaire. (...) Selon ces récits, les Toltèques venus du nord établirent leur cité dans un labyrinthe de grottes à Culhuacàn. Le roi Acatl Topilzin aurait construit à Tula des habitations d’argent, de coquillages blancs et colorés, de turquoise et de riches plumes. Son royaume était vraiment stupéfiant avec des plantations de coton, de maïs et de cacao. (...) Ils étaient pacifiques et vivaient en bonne intelligence avec leurs voisins. (...) Topilzin-Quetzalcoatl eut pour successeurs une série de rois. Pendant leur règne, le déclin de Tula s’amorça. Il y eu des sécheresses et des vers dévorèrent le maïs, le feu tomba du ciel. Le dernier roi, Huermac, fut enfin victime des machinations de Tezcatlipoca. (Un magicien fit épouser à la fille du roi un colporteur de poivre vert, donc d’une classe inférieure). Bien que la plus grande part de ces récits relèvent de l’imagination, (...) les données archéologiques emblent confirmer les dissensions internes qui déchirèrent Tula. L’opposition entre les cultes des prêtres représentés par Quetzalcoatl et ceux des chefs militaires sous l’autorité de Tezcatlipoca, fournit les fondements des conflits idéologiques qui surviendront plus tard dans la capitale Aztèque de Tenochtitlan. (...) Tenochtitlan occupait une série de petites îles et de terres amendées dans le lac de Texcoco qui étaient parcourues par un réseau complexe de canaux et reliées à la terre ferme par cinq grandes chaussées. Sa superficie représentait environ 1200 hectares. (...) Le commerce avait une grande importance dans l’économie de Tenochtitlan dont il assurait la survie. Les anciens Mexicas avaient retourné à leur avantage ce qui à l’origine représentait un environnement inhospitalier, pour créer un empire dont la population finit par atteindre peut-être dix millions d’habitants. A Tenochtitlan (...) il y avait au moins 150.000 personnes, chiffre qui a sans doute été largement dépassé. (...) En l’absence de puissants fondements économiques, il est douteux que les Aztèques auraient fait de Tenochtitlan autre chose qu’un village lacustre et qu’ils auraient pu se rendre maîtres d’un si vaste empire. L’économie aztèque reposait sur trois piliers : un système agricole fondé sur les chinampas (champs surélevés), le commerce fondé sur l’activité des pachteca et la levée des taxes chez les Etats asujettis. »
« Tlatelolco était un centre commercial de Tenochtitlan. C’était là que la guilde des pochteca, les marchands, exerçait son activité, à savoir rechercher des produits et des matériaux de base pour répondre à la forte demande des nobles aztèques, activité qui fut partiellement la cause de la rupture à venir. Par leur commerce, les pachteca étaient devenus incroyablement riches, à tel point que la fortune de certains d’entre eux dépassait celle de bien des notables qui n’avaient pas d’autre possibilité que de passer par eux pour obtenir les marchandises qu’ils désiraient. Nombre d’entre eux étaient donc devenus des jouets entre les mains des pachteca dont les opinions finirent par peser un poids disproportionné dans beaucoup de réunions du conseil. (...) A côté de son rôle commercial, Tlaleco était aussi un forum permanent où s’exprimaient les revendications et les critiques envers les décisions du Conseil aztèque et le comportement de la classe dirigeante. »

Paul Radin estime qu’ « il convient donc de ne pas rejeter ces récits légendaires relatifs au grand héros venu d’une région lointaine pour apporter la civilisation, car il se peut que beaucoup de faits historiques soient insérés dans ces mythes. » On remarque que les résistances à la civilisation, c’est-à-dire à la société de classe, sont également racontées dans des légendes des anciens Indiens du Mexique. « Les Natchez (ont une) organisation sociale qui présente les affinités les plus nettes avec celles des anciens Mexicains, et c’est là un fait qu’il importe d’avoir présent à l’esprit lorsqu’on étudie la diffusion de la civilisation au nord du golfe du Mexique. Les tribus (qui n’étaient pas en contact avec les Natchez) adoptèrent une organisation sociale nettement démocratique, sans nulle trace de castes. Au contraire, celles qui entrèrent en contact avec les Natchez et leurs parents développèrent un type de gouvernement plus aristocratique, avec une division en classes assez marquée. (...) Les Natchez se divisaient en deux castes : la noblesse et les gens du peuple. Ces derniers étaient désignés du terme bizarre de Puants et parlaient un langage tout différent de celui des nobles auxquels ils étaient complètement soumis. Les nobles se divisaient en Soleils, Nobles et Considérés. » La société de classe des Natchez se battait contre des sociétés moins « civilisées » mais qui parvenaient à se défendre : « Les Natchez étaient surtout des guerriers. (...) Ils symbolisèrent la résistance qui leur fut opposée dans un rituel fort curieux dont Du Pratz nous a laissé une excellent description. »

De la société sans classe à la société de classe et à l’Etat, il n’y a pas qu’un seul saut mais il n’y a pas continuité ni progressivité. Malgré un très fort a priori contraire, il faut se rendre à la réalité : la mise en place de l’Etat, son mode de conservation/transformation (les sauts de son histoire) et sa chute résultent d’un développement par bonds, radicaux et brutaux. L’Etat a été imposé par la violence à des populations qui ne connaissaient pas l’exploitation, étaient organisées collectivement en tribus et vivaient beaucoup plus démocratiquement auparavant. Ce qui a rendu son apparition inévitable, c’est la destruction de l’ordre ancien par le développement des inégalités. Ce sont les révoltes des pauvres qui ont convaincu les riches de s’en remettre pour leur sécurité à des guerriers et à un pouvoir central, malgré la perte de pouvoir et de revenus que cela représentait pour ces grandes familles. Par contre, pour les peuples voisins, l’Etat est apparu comme une force extérieure, de pure oppression, et a été combattu par l’ancienne société plus égalitaire et dirigée collectivement. L’Etat n’est nullement une apparition évidente aux côtés de la civilisation. Il y a eu souvent des centaines ou des milliers d’années entre l’apparition d’une civilisation (villes, culture, artisanat et grand commerce) et celle de l’Etat. Examinons cette apparition de l’Etat en Méso-Amérique. La civilisation olmèque date au moins de 1500 avant J.-C, alors que le pouvoir Olmèque (espèce de pré-Etat) s’est établi à San Lorenzo entre 1200 avant J.-C et 400 avant J.-C. La civilisation Maya débute au moins à partir de 200 après J.-C, alors que les premiers débuts d’Etat maya datent de 300 après J.-C et dure jusqu’à 900 après J.-C. On ne connaît pas les dates de la formation de la civilisation toltèque. Cependant les histoires propagées par les mythes affirment que la société toltèque était commerciale et pacifique, qu’elle a connu un développement très important sous cette forme avant d’avoir un Etat guerrier. Certaines sociétés très développées avec des classes commerçantes et artisanales riches et puissantes, comme la civilisation de Teotihuacàn, n’ont pas connu l’Etat. Teotihuacan dirigeait un immense empire commerçant et artisanal mais n’a jamais connu d’armée permanente et la ville n’avait aucune fortification militaire. Cette cité s’est effondrée sous les coups de la révolution sociale en 725 après J.-C, sans que les classes possédantes soient capables de l’empêcher, car elles ne disposaient d’aucune force de répression.

L’Etat, concentration de moyens de répression, de direction de la société et de moyens matériels, a d’abord eu comme fonction d’imposer la soumission aux populations agitées du fait de la croissance des inégalités. En Méso-Amérique, le roi-jaguar joue le même rôle que le sphinx en Egypte, celui de dieu-roi représenté en animal féroce provoquant la peur du peuple. Le roi-sphynx est appelé par les paysans égyptiens « le père de la terreur ». Il s’agit surtout de construire cette peur sur la croyance dans la capacité des rois d’être les intermédiaires entre les dieux et les hommes, afin d’assurer la survie des hommes par des pluies et des cultures suffisantes. « Nous savons maintenant que ces têtes colossales sont le travail des Olmèques et qu’elles remontent aux environs de 1200 avant J.-C. (...) On pense de plus en plus qu’il s’agit des têtes de chefs olmèques. En effet, les visages sont si délicatement sculptés que les traits des individus peuvent être reconnus. Le symbole du jaguar dans les masques sculptés suggère la lignée de ces individus. (...) On trouve (les blocs de basalte) sur les pentes des volcans en activité, où ils ont été lancés par la force du feu des entrailles de la terre. L’hypothèse est que, peut-être, en transformant ces blocs en représentations de leurs chefs, les Olmèques représentaient leur relation avec les sources du pouvoir surnaturel. En même temps, ils démontraient que leurs chefs pouvaient contrôler ces forces et tissaient un lien spirituel avec la création, le cosmos et le cycle de la vie. (...) Il est impossible d’étudier le développement olmèque sans prendre en considération les idées sociales, politiques et rituelles qui se sont développées au cours de cette période. L’existence d’inégalités sociales est évidente. Une vaste population de paysans était réquisitionnée pour travailler, sans doute avec son accord, durant les périodes de faible activité agricole. Etant donné que les Olmèques n’avaient pas d’armées permanentes ni d’une autre manière de faire pression sur la population, autant qu’on le sache, pourquoi les paysans auraient-ils donné librement de leur temps pour contribuer à l’élévation du statut social d’une très faible proportion de la population ? De grands changements sociaux et politiques se sont produits lors du passage de l’état de chasseurs-cueilleurs à celui d’agriculteurs sédentaires ou de population semi-urbaine. (...) A mesure que les groupes se réunissaient pour pratiquer l’agriculture puis pour former des communautés semi-urbaines, les ressources devenaient plus abondantes et les populations augmentaient. Mais cela nécessitait des efforts de coopération plus grands (...) . »

Bien avant l’apparition de l’Etat, la civilisation des villes, par exemple celle des Olmèques, s’est sans cesse heurtée aux révoltes, de plus ou moins grande ampleur, des bourgeoisies (artisans et commerçants) et des pauvres des villes, des masses paysannes, des peuples voisins. Même si peu de ces révoltes ont été popularisées dans des écrits ou dans des récits oraux de la tradition, il est facile de deviner que la violence contre la population affichée par les Etats de Méso-Amérique, suscitant la terreur dans le peuple et la haine des classes dirigeantes, ont pour origine les réactions des peuples. Paul Radin rapporte, à propos des Aztèques, le caractère terroriste de l’Etat contre les exploités : « La technique de meurtre rituel atteignit la perfection et les variétés s’en multiplièrent, témoignant d’une véritable virtuosité. (...) Les anciens mexicains (...) vivaient dans une atmosphère de terreur (...). L’horrible est indubitablement la note dominante dans les figurations de divinités et dans les cérémonies qui s’y rattachaient. S’il fut jamais un panthéon de terreur, ce fut celui des Aztèques. (...) Enfin, nous avons Mictlantecutli, le maître de la mort et du monde souterrain, (...) un squelette dont les bras et les jambes sont peints de diverses couleurs, à l’imitation d’un homme qu’on vient d’écorcher (...). La terre inhospitalière sur laquelle régnait Mictlantecutli n’avait ni lumière ni fenêtres. Cette terrible épreuve n’était pas imposée à tous les Aztèques mais seulement aux classes pauvres (...). Ce qui avait été primitivement un simple système agraire se modifia par l’application de nombreuses mesures tendant toutes à attacher plus étroitement le travailleur au sol tout en limitant sa liberté d’action et son droit de propriété sur ses récoltes. » L’auteur cite un texte de Montézuma, roi aztèque expliquant à ses nobles qu’aucun non-noble ne doit approcher du palais : « Tu n’ignores pas à quel point diffère l’existence des nobles de celle des gens du commun. (...) Il n’est ni juste, ni décent que les paroles des rois et des princes, qui sont autant de joyaux et de pierres précieuses, passent par des intermédiaires aussi viles que les bouches des hommes de basse naissance. (...) Ces gens du peuple ne peuvent qu’attirer la haine sur nous (...). » En ce qui concerne les Incas, l’auteur écrit : « Le plus célèbre de tous les temples péruviens, celui du Cuzco, fut dédié au soleil-dieu. Les divers souverains qui régnèrent l’avaient enrichi à tel point que les Inka eux-mêmes l’appelaient « le lieu en or ». (...) Le culte du soleil avait pénétré à tel point jusqu’à l’essence de leur vie que les Inka faisaient remonter à lui tout ce qui était beau et utile dans l’Univers : (...) « Je suis un bienfait pour l’univers entier, répandant la lumière pour que les hommes voient et accomplissent leur tâche. (...) Je vous ai envoyés sur terre, ô mes enfants, uniquement pour le bonheur et l’instruction de ces hommes qui vivent comme des bêtes, et, à partir de ce moment, je vous nomme rois et maîtres de toutes ces tribus, afin que vous leur enseigniez la raison et le bon gouvernement. »

Les régimes, oppressifs et avides de richesses, suscitaient donc la peur des exploités, mais sans doute aussi leur haine. D’où les multiples effondrements de la domination de la classe dirigeante, de la ville à la région et même au sommet du régime. Bien sûr, selon la thèse dominante, pour les Mayas comme pour les autres civilisations, le progrès graduel sur les plans technologique, économique, culturel aurait amené, progressivement aussi, le progrès dans l’organisation politique et social : l’apparition de l’Etat. Cette conception, non-dialectique, suppose qu’il n’y ait aucune contradiction au sein de ce développement, conçu tout en positif. On le retrouve dans la revue « Science et vie » d’août 2006 où on peut lire : « Il y a bien longtemps, l’Ile de Pâques était un paradis. Ses habitants construisaient des grandes statues pour honorer leurs ancêtres. » Il ne s’agit pas là d’une étude scientifique mais d’une publicité pour EDF selon laquelle ce sont les défauts d’énergie, en l’occurrence de bois, qui auraient détruit la civilisation, consacrée par cette classe dirigeante dont ont retrouve les statues. Plusieurs mensonges dans cette thèse. Premièrement, dans l’Ile de paques comme ailleurs, il s’agit de monuments aux morts de la classe dirigeante et non à l’ensemble des morts. Loin d’être des régimes qui représentaient un progrès pour la population, celle-ci subissait une dictature féroce dont les grands travaux étaient l’une des manifestations et qui était fondée sur des sacrifices humains. Politiquement, la société est passée de l’organisation tribale avec décision collective, modifiée par l’apparition des familles riches, à l’Etat, un pouvoir se plaçant au-dessus de toutes les classes, pour imposer l’ordre social à la classe exploitée. D’une vie organisée en fonction de besoins collectifs, on est passé à une société d’exploitation. Et l’Etat a défendu férocement cet ordre. Il est apparu parce que les inégalités sociales s’étaient accrues jusqu’au point de rupture, menaçant et même renversant, déjà, les classes dominantes. Il a aggravé la terreur exercée par celles-ci. L’Etat est le produit des contradictions de classe arrivées à un stade de rupture. Il est une cristallisation brutale de ces rapports de force atteignant un seuil. L’Etat, ses buts, son apparition comme sa destruction, n’est pas synonyme de développement progressif mais de révolution. Il contient en son sein toutes les contradictions sociales que le développement accroît jusqu’à la rupture.

Nombre d’auteurs ont compris, avec la thèse de la continuité de la civilisation, que la mort de celle-ci devenait alors une énigme non résolue qui permettait toutes les supputations. « (…) Cook Thompson se fit le champion d’une autre thèse, celle des jacqueries paysannes. Pour lui, les exigences croissantes des élites, toujours en quête d’affirmation de leur prestige par de coûteuses réalisations, auraient débouché sur une révolte des populations qu’elles contrôlaient jusque-là et qui les auraient éliminées. (...) L’effondrement classique maya est paradoxal à plus d’un égard. (...) Le phénomène semble partout brutal. D’un autre côté, si quelques sites et secteurs disparaissent dans un type de circonstances bien individualisé (des guerres), les indices archéologiques d’opérations militaires rayant de la carte tel ou tel lieu ne sont pas si fréquents. (...) A la fin du 8e siècle, au moment même où elle semble parvenir à son apogée (la date la plus célébrée dans les inscriptions correspond à l’année 790), la civilisation maya des Basses Terres centrales était en réalité profondément quoique inégalement fragilisée. » explique l’historienne Dominique Michelet dans « Comment meurt une civilisation », article du Hors-série du « Figaro » de décembre 2006 intitulé « Les Mayas, les mystères d’un monde perdu »

Le sujet des effondrements de sociétés revient périodiquement dans les média. Le numéro spécial du « Nouvel Observateur » de juin 2006 intitulé « Le mystère des civilisations oubliées » : « Pourquoi les civilisations disparaissent ? Les catastrophes matérielles, économiques ou les invasions n’expliquent pas tout. (...) Comment cette culture brillante (celle des Mayas), la plus sophistiquée de tout le monde précolombien, a-t-elle pu s’écrouler au point que plus de 90% (plusieurs dizaines de millions d’habitants) disparaissent en quelques décennies, emportant dans l’oubli ses dynasties, ses calendriers, son astronomie, son urbanisme ? (...) « Les sociétés les plus évoluées et les plus créatives peuvent aussi s’effondrer observe Jared Diamond, physiologiste, biologiste de l’évolution et géographe (dans son ouvrage intitulé « Effondrement – Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ») (...) Entre 250 et 850, la population maya explose, atteignant une densité digne des pays actuels les plus peuplés. Soutenue par des techniques d’irrigation complexes cette expansion coïncide avec une véritable fièvre bâtisseuse. (...) Une terrible famine décime une partie de la population maya, le reste s’entretuant pour des ressources de plus en plus maigres. » Même s’il rapporte que la population maya a subi une violente guerre civile due à des causes sociales qui a décimé sa population, Jared Diamond recherche la raison de la disparition de la civilisation maya dans une catastrophe écologique liée à la surexploitation des ressources agricoles. Le spécialiste en géophysique Larry Peterson a relu attentivement l’ouvrage de Jared Diamond et note dans la revue « Pour la science » que les causes climatiques et environnementales n’enlèvent pas la possibilité d’autres événements : « des guerres intestines en augmentation et une classe dirigeante sans vision à long terme ». Il rajoute « Néanmoins, J. Diamond avance que le changement climatique, en l’occurrence les sécheresses, a pu amener la société maya à son point de rupture en déclenchant une série d’événements déstabilisants. (...) D’autres changements climatiques ont semble-t-il été responsables d’événements importants dans l’histoire humaine. L’effondrement de l’empire akkadien en Mésopotamie, il y a environ 4200 ans, le déclin de la culture mochica sur les côtes du Pérou il y a environ 1500 ans, et la fin de la culture tivanaku sur l’altiplano bolivien-péruvien il y a environ 1000 ans, sont tous associés à des sécheresses régionales persistantes. » A l’explication des guerres et des invasions, on rajoute donc les causes climatiques. Mais cela ne devrait nullement effacer les révolutions. On pourrait dire ainsi que les conditions climatiques qui ont précédé 1789 ont déterminé la révolution ! Bien des causes ont pu déstabiliser des régimes, mais nous savons parfaitement qu’un régime d’exploitation et d’oppression, qu’une structure sociale, ne chute pas toute seule. On peut lire : « Une série d’événements déstabilisants », « La société maya à son point de rupture », « Des guerres intestines » ou encore « Une classe dirigeante sans vision à long terme ». On croirait qu’il s’agit de l’Ancien Régime de Louis XVI avant sa chute, mais c’est du régime maya qu’il est question ! Mais le mot « révolution » n’est pas prononcé, en ce qui concerne la chute des Mayas… Un régime économique, un régime social et un régime politique au bout du rouleau, des guerres civiles qui déstabilisent un pouvoir. Rien ne peut cacher que, pour renverser le pouvoir maya, il a fallu que les masses entrent en lutte, d’où le caractère radical du changement. D’où aussi la disparition complète non seulement d’un régime, mais d’un mode d’existence, de tout un peuple.

Il convient de lire plus en détail l’ouvrage de Jared Diamond que ne m’ont fait les média qui le présentent seulement comme une thèse écologiste. Même si c’est effectivement sa thèse centrale, l’auteur ne s’en est pas contenté. Il a été amené à relever que les sociétés ont changé, ou sont disparues, du fait de révolutions. S’il débute en résumant sa thèse en expliquant que : « L’histoire de l’île de Pâques nous rapproche aussi près que possible d’un cas « pur » d’effondrement dû à des facteurs écologistes – ici la déforestation totale qui conduisit à la guerre, au renversement des élites, ainsi qu’à la disparition massive de la population. », on y trouve déjà l’idée d’un « renversement des élites » Il la développe ensuite : « Dans ses flancs à ciel ouvert, s’offrent à la vue les carrières dans lesquelles ont été taillées les célèbres statues de pierre géantes de l’Ile de Pâques. (…) Eparpillées sur les flancs intérieurs et extérieurs (du volcan Rano Raraku) se trouvent 397 statues de pierre représentant de façon stylisée un torse humain masculin aux longues oreilles ; la plupart d’entre elles sont hautes de quatre mètres cinquante à six mètres, mais la plus grande mesure un peu plus de vingt et un mètres et pèsent de 10 à 270 tonnes. On distingue encore les traces d’un chemin ayant servi à les transporter. (…) Le long de ces voies se trouvent 97 autres statues, qui semblent avoir été abandonnées au cours de leur transport depuis la carrière. Le long de la côte, (…) toutes n’étaient pas érigées à la verticale mais renversées, et beaucoup d’entre elles l’avaient été de manière à délibérément les briser au niveau du cou. (…) Les statues encore visibles sur la carrière présentent tous les stades d’avancement. Certaines sont encore attachées à la roche dans laquelle elles ont été taillées, on en voit les contours mais les mains et les oreilles ne sont pas achevées, détachées et reposent sur les flancs du cratère, en contrebas de la niche dans laquelle elles ont été taillées. D’autres encore ont érigées dans le cratère. L’impression troublante que j’ai ressentie en arrivant devant la carrière tenait au fait que j’avais le sentiment de me trouver dans une usine dont tous les ouvriers avaient soudainement fui pour des raisons mystérieuses, en abandonnant leurs outils et en laissant chaque statue dans l’état où elle se trouvait à ce moment précis. Sur le sol de la carrière sont éparpillés les pics, les forets et les marteaux de pierre, avec lesquels les statues étaient sculptées. (…) Certaines statues dans le cratère semblent avoir été délibérément brisées ou défigurées. (…) Comme ailleurs en Polynésie, la société traditionnelle de l’île de Pâques se divisait entre les chefs et le peuple. Les archéologues d’aujourd’hui confirment cette distinction à partir des vestiges des différentes maisons appartenant aux deux groupes. Les chefs et les membres de l’aristocratie vivaient dans des bâtiments appelés « hare puenga », qui avaient la forme allongée et étroite d’une pirogue renversée (…). Les hare puenga étaient construites sur la bande côtière d’une largeur de 200 mètres, il y en avait six à dix sur chaque site important, érigées immédiatement derrière la plateforme du site portant les statues. Par opposition, les habitations des gens du peuple étaient reléguées plus à l’intérieur des terres, elles étaient plus petites et possédaient chacune son poulailler, son four, son potager, encerclé de pierres, et sa fosse à ordures, structures utilitaires qui étaient toutes interdites par le tapu religieux sur la zone côtière où étaient édifiées les plates-formes et les magnifiques hare puenga. (…) Tout ce travail de construction de statues et de plates-formes fut certainement très coûteux en termes de ressources alimentaires, dont le stockage, le transport et la distribution devaient être assurés par les chefs commanditaires des statues. (…) Le travail nécessaire à leur construction fit augmenter les besoins alimentaires de la population de l’île de Pâques d’environ 25% au cours des 300 ans correspondant à la période intensive de construction. (…) Les chefs et les prêtres de l’île de Pâques justifiaient leur statut aristocratique en prétendant qu’ils communiquaient avec les dieux et en promettant d’assurer la prospérité de l’île et des récoltes abondantes. Ils étayaient cette idéologie par une architecture monumentale et des cérémonies destinées à impressionner les masses et rendues possibles par des excédents de nourriture obtenus par le travail du peuple. A mesure que leurs promesses étaient discréditées, les chefs et les prêtres perdirent leur pouvoir et furent renversés vers 1680 par les chefs militaires, les matatoa. La société, autrefois complexe et unifiée, sombra dans des guerres civiles endémiques. (…) Les gens du peuple construisaient désormais leurs huttes sur la zone côtière, qui autrefois était réservée aux résidences (hare puanga) de l’aristocratie. L’échec, au crépuscule de la civilisation de l’île de Pâques, n’était pas seulement celui de l’ancienne idéologie politique mais aussi celui de l’ancienne religion, qui fut rejetée en même temps que le pouvoir des chefs. La tradition orale relate que le dernier ahu et les derniers moaï furent érigés vers 1620 et que Paro (le plus grand mégalithe) fut l’un des derniers. Les plantations des hautes terres dont la production contrôlée par l’aristocratie nourrissait les équipes travaillant aux statues furent progressivement abandonnées entre 1600 et 1680. Le fait que la taille des statues ait augmenté traduit non seulement les rivalités entre les chefs mais aussi les appels de plus en plus pressants lancés aux ancêtres dans une situation de crise environnementale croissante. (…) Lorsque Jo Ann Van Tilburg, Claudio Cristino, Sonia Aboa, Barry Rolett et moi-même avons fait le tour de l’île de Pâques et que nous avons vu défiler un ahu après l’autre réduit à l’état de tas de pierres avec ses statues brisées, que nous avons pu songer au travail gigantesque qui avait été consacré pendant des siècles à la construction des ahu, au transport et à l’érection des moaï, puis que nous nous sommes souvenus que c’était les Pascuans eux-mêmes qui avaient détruit l’œuvre de leurs propres ancêtres, nous n’avons pu y voir qu’une immense tragédie. Les Pascuans devaient depuis longtemps nourrir une colère contenue contre leurs dirigeants (…). Combien de statues furent renversées une par une et par intervalle (…) et combien furent renversées dans une brusque explosion de colère et de désillusion (…). »

L’auteur de l’ouvrage « Effondrement » étudie ensuite d’autres effondrements de civilisations comme celles des peuples d’une région allant du Mexique au Colorado. Jared Diamond dit : « Remarquons surtout que nous n’avons pas affaire à un seul effondrement, mais à plusieurs. Parmi les peuples de cette région qui connurent des effondrements locaux, des réorganisations radicales ou des abandons de cités en divers lieux et à différentes époques, on peut citer les Mimbres, vers 1130 après J.-C, les habitants de Chaco Canyon, de North Black Mesa et les Anasazis qui vécurent dans les plaines alluviales de la Virgin River au milieu ou à la fin du 12e siècle ; les habitants de Mesa Verde et les Anasazis de Kayenta vers 1300 ; le peuple de Mogollon vers 1400 ; et, peut-être aussi tardivement qu’au 15e siècle, les Hohokams, réputés pour leur système élaboré d’agriculture irriguée. (…) Pour quelles raisons tant de civilisations voisines ont-elles aussi souvent périclité et été affectées par autant de changements brutaux ? (…) Le cas d’abandon d’un site qui a été le plus souvent étudié est celui du Chaco Canyon, le plus spectaculaire et le plus vaste, qui rassemble un ensemble de villages anasazis, au nord-ouest du Nouveau-Mexique. La société anasazi de Chaco Canyon apparut vers l’an 600 après J.-C et perdura pendant plus de cinq siècles, jusqu’à sa disparition que l’on situe entre 1150 et 1200. Cette société était basée sur une organisation complexe, elle s’étendait sur une vaste zone géographique et elle s’était parfaitement adaptée à son environnement. Elle érigea les constructions les plus imposantes de l’Amérique du Nord précolombienne. (…) L’existence d’une population importante est prouvée non seulement par les fameuses « grandes maisons » (comme Pueblo Bonito) séparées d’environ un kilomètre et demi sur le versant nord du Chaco Canyon, mais aussi par la présence de trous creusés dans la falaise nord, et destinés à recevoir des poutres de charpente. Il existait donc une rangée continue d’habitations au pied des falaises entre les grandes maisons. (…) Cette importante population n’était plus en mesure de subvenir à ses propres besoins et elle était approvisionnée par des communautés satellites éloignées, construites dans des styles architecturaux similaires et reliées à Chaco Canyon par un réseau régional constitué de centaines de kilomètres de routes encore visibles aujourd’hui et dont Chaco Canyon était le centre. (…) Chaco Canyon devint un trou noir où des produits importés étaient engloutis mais duquel rien de tangible n’était exporté. (…) La société du Chaco Canyon se transforma en un petit empire, divisé en une aristocratie bien nourrie vivant dans le luxe et une paysannerie moins bien nourrie, chargée de travaux et de la production de nourriture. (…) Les grandes maisons se distinguaient par une architecture plus raffinée (…) beaucoup plus d’objets de luxe importés (…). La dernière construction mise à jour à Pueblo Bonito, et qui remonte à la décennie précédant l’an 1110, est un complexe d’habitations cernant la partie sud de la place centrale, qui auparavant était ouverte vers l’extérieur. Cette disposition de défense peut suggérer des conflits. (…) Sur d’autres sites anasazis, on trouve de plus nombreuses traces de conflits. (…) Sur ces sites du sud-ouest qui survécurent à Chaco Canyon (les colonies anaszis de Kayenta), jusqu’à une date postérieure à l’an 1250, de violents combats se déroulèrent, ainsi que le prouvent un grand nombre de murs défensifs, de douves et de tours, des amoncellements de petits casques (…) des villages brûlés, (…) des corps qui n’avaient pas été enterrés (…). Ces conflits résultent de l’instabilité politique générée par les problèmes environnementaux et démographiques. (…) On peut imaginer que les colonies qui avaient auparavant approvisionné les centres politiques et religieux de Chaco Canyon perdirent leur foi dans les prêtres du Chaco Canyon dont les prières pour la pluie demeuraient sans effet. Refusèrent-elles de livrer des produits alimentaires ? Un exemple peut éclairer la fin de l’occupation anasazi du Chaco Canyon : la révolte des indiens du Pueblo contre les Espagnols en 1680. A l’instar des centres anaszis du Chaco Canyon, les Espagnols obligeaient les fermiers locaux à leur fournir de la nourriture. Ces prélèvements de produits alimentaires durent acceptés jusqu’à ce qu’une sécheresse prive les paysans eux-mêmes de toute ressource alimentaire, et les pousse à se révolter. »

Jared Diamond étudie également les causes « des effondrements de Mayas » et, comme dans toutes les chutes de civilisations étudiées dans l’ouvrage, il y voit essentiellement des causes environnementales. « L’histoire des Mayas présente plusieurs avantages pour tous ceux d’entre nous qui s’intéressent aux effondrements préhistoriques. Les récits écrits des Mayas qui nous sont parvenus, même s’ils sont incomplets, peuvent nous aider à reconstruire l’histoire bien plus en détail que l’examen des anneaux des arbres ou des détritus animaux ou humains ne le permet dans le cas du Groenland et des Anasazis. (…) Les Mayas nous prouvent que les sociétés les plus avancées et les plus créatives peuvent aussi s’effondrer. (…) Chez les Mayas, les pluies sont imprévisibles en quantité selon les années (…). Dans les zones côtières peu élevées du nord dépourvues de réservoirs, les Mayas sont parvenus à descendre jusqu’à la nappe en creusant des puits atteignant parfois deux cent mètres de profondeur. (…) Les Mayas creusaient des dépressions, (…) plâtraient le fond des dépressions afin de créer des citernes et des réservoirs. Par exemple, les réservoirs de la ville maya de Tikal contenaient assez d’eau pour couvrir les besoins en eau potable de dix mille personnes pendant dix-huit mois. (…) Ces questions d’approvisionnement alimentaire pourraient contribuer à expliquer pourquoi la société maya est restée divisée en petits royaumes (…) qui ne se sont jamais unifiés pour devenir de vastes empires comme l’empire aztèque de la vallée du Mexique (nourri grâce à ses chipanas et autres formes d’agriculture intensive) ou l’empire inca des Andes (nourri grâce à diverses cultures transportées par des lamas sur des routes bien construites). Les armées et les bureaucraties mayas sont restées réduites et incapables de monter de longues campagnes sur de longues distances. (…) De nombreux ingrédients de la civilisation maya venaient d’ailleurs en Mésoamérique. Par exemple, l’agriculture mésoaméricaine, les villes et l’écriture étaient apparus hors du territoire maya, dans les vallées et les plaines côtières de l’Ouest et du Sud-ouest, où le maïs, les pois et les agrumes avaient été domestiqués et étaient devenus des composantes importantes de l’alimentation quotidienne vers 3000 avant J.-C ; où la poterie était apparue aux environs de 2500 avant J.-C ; les villages vers 1500 avant J.-C ; les villes vers 1200 avant J.-C chez les Olmèques ; l’écriture chez les Zatopèques d’Oaxaca aux environs de 600 avant J.-C ou plus tard et les premiers Etats vers 300 avant J.-C. (…) Sur le territoire maya, les villages et la poterie sont apparus aux environs de 1000 avant J.-C ou plus tard , les constructions importantes vers 500 avant J.-C et l’écriture aux environs de 400 avant J.-C. (…) La période dite classique de la civilisation maya commence aux environs de 250 avant J.-C, lorsqu’apparurent des preuves de premiers rois et dynasties. (…) Dans la société maya, le roi faisait également fonction de grand prêtre ; il avait la responsabilité des rituels astronomiques et des calendriers, c’est-à-dire d’apporter la pluie et la prospérité, qu’il affirmait avoir le pouvoir surnaturel d’offrir en vertu de ses relations familiales prétendues avec les dieux. (…) A partir de 250 après J.-C, la population maya, le nombre de monuments et de bâtiments (…) ont augmenté de façon quasi exponentielle pour culminer au 8e siècle après J.-C. (…) La dernière date connue sur un monument est l’an 909 après J.-C. (…) C’est ce que l’on appelle l’effondrement des Mayas classiques. (…) La dernière mention d’un roi à Copan date de 822 après J.-C et le palais royal a été incendié aux environs de 850. (…) Il n’y a pas eu seulement cet effondrement classique mais au moins deux plus limités sur certains sites, l’un autour de l’an 150 après J.-C, lorsqu’El Mirador et quelques autres villes mayas se sont effondrées (l’effondrement du préclassique), l’autre (ce qu’on appelle le hiatus maya) à la fin du 6e siècle et au début du 7e (…). Il y a eu aussi des effondrements postclassiques dans des régions dont la population avait survécu à l’effondrement classique ou augmenté par la suite – comme la chute de Chichen Itza vers 1250 et de Mayapan vers 1450. (…) Ce qui s’est effondré vite pendant l’effondrement classique, c’est l’institution de la royauté et du calendrier. (…) Chichen Itza s’est développée après 850 après J.-C et était le principal centre du nord vers 1000, avant d’être détruite par une guerre civile vers 1250. (…) »

Comme on l’a compris, dans les causes possibles de ces effondrements, c’est l’hypothèse de la sécheresse due à une surexploitation du territoire qui est privilégiée par Jared Diamond  : « A partir des études au carbone des couches de sédiments lacustres, les climatologues et les paléo-écologues concluent sur le territoire maya (…) à une sécheresse de 125 à 250 après J.-C associée à l’effondrement préclassique d’El Mirador et autres sites (…) une sécheresse vers 600, ce qui correspond au déclin de Tikal et d’autres sites. Enfin, vers 760 commence la pire sécheresse (…) qui culmine vers 800, associée, pense-t-on, à l’effondrement classique. (…) Les climatologues ont remarqué que certains autres effondrements célèbres de civilisations préhistoriques éloignées du territoire maya semblent coïncider avec les maxima de cycles de sécheresse, comme l’effondrement du premier empire au monde (l’Empire accadien de Mésopotamie) aux environs de 2170 avant J.-C, celui de la civilisation Moche IV sur la côte péruvienne vers 600 après J.-C et celui de la civilisation de Tiahuanaco dans les Andes vers 1100 après J.-C . » Il conclue : « Si certaines sociétés réussissent tandis que d’autres échouent, la raison en est évidemment dans les différences entre les environnements plutôt qu’entre les sociétés. » Cependant, Jared Diamond relie ces crises environnementales aux décisions des gouvernants, ce qui lui permet d’expliquer qu’il se produise également des effondrements politiques et sociaux des régimes : « Les pays qui subissent une pression environnementale ou démographique, ou les deux, sont menacés d’avoir à subir une pression politique et de voir leur gouvernement s’effondrer. Des populations découragées, mal nourries, sans espoir, se retournent contre leur gouvernement (…) mènent des guerres civiles, persuadées qu’elles n’ont plus rien à perdre. On sait ce qui en résulte ; des génocides, des guerres civiles et des révolutions. » La révolution sociale n’apparaît ici que comme conséquence de choix environnementaux des classes dirigeantes. Les climatologues et paléo-écologues sont loin d’être les seuls à minimiser l’importance des luttes de classes et le rôle des révolutions sociales dans l’histoire des civilisations antiques d’Amérique centrale. Il est aussi minimisé par un grand nombre de préhistoriens, d’historiens, ou d’archéologues. L’archéologue Eric S. Thompson est certainement peu suspect de théoriser exagérément le rôle et l’importance de la révolution sociale dans l’Histoire, en particulier dans celle des Mayas fondée sur l’agriculture. Dans son ouvrage « Grandeur et décadence de la civilisation maya », il cite John Masefield : « Les Etats ne sont ni fabriqués ni assemblés. Ils croissent très lentement à travers des siècles de peine. Et en général, il croissent correctement » L’auteur est plutôt un admirateur de la société antique maya : « L’autorité, je pense, devait être très bienveillante, en dehors de l’appel constant de main-d’œuvre pour construire des temples, des pyramides et des palais plus grands et plus beaux. (...) La civilisation maya : la modération en toutes choses, l’attitude de vivre et de laisser vivre (...) » Et pourtant, cet historien est amené à combattre les thèses du déclin de la civilisation maya à la fin du 9ème siècle : « Les activités s’arrêtèrent dans les diverses villes, on n’érigea plus de stèles, on ne construisit plus de temples ni d’édifices. Dans quelques cas particuliers, le travail cessa si brusquement que des plates-formes déjà bâties ne reçurent jamais leur couronnement, tandis qu’à Uaxactun, on n’achevait même pas les murs du dernier bâtiment. (...) Pendant longtemps on a cru que, pour une raison ou pour une autre, les Mayas de la zone centrale abandonnèrent leurs villes pour émigrer au nord (...) L’erreur fondamentale, à mon avis, a consisté à supposer que toute la région fut abandonnée parce que l’activité avait cessé dans les grands centres cérémoniels. (...) On peut sans illogisme supposer l’existence d’une série de révoltes paysannes contre la minorité théocratique des prêtres et des nobles, provoquée par des abus dans les demandes de main-d’œuvre ou par la nécessité de nourrir un nombre de non-producteurs sans cesse croissant. » On retrouvera ce même type de motivations dans la révolution sociale qui s’est produite en -2260 ans avant J.-C contre les pharaons constructeurs de pyramides qui imposaient qu’un nombre croissant de champs servent à nourrir les prêtres chargés d’entretenir le ka, cette force vitale des nobles morts. Après la révolution égyptienne, la coutume change et l’entretien des morts consiste seulement à fournir des représentations de nourriture ou, même, seulement à les évoquer oralement en passant devant le temple. Comme on le voit, si nombre d’auteurs se sont enthousiasmé sur la religion égyptienne qui leur paraissait la clef de cette civilisation, les rites religieux sont eux-mêmes dépendants des aléas de la lute des classes !

A l’appui de l’idée d’une révolution ayant renversé la civilisation maya, Eric S. Thompson cite un grand nombre d’arguments : « Il est significatif que le culte des stèles a commencé à s’effondrer à la base de la presqu’île du Yucatan, région la plus facilement accessible aux idées révolutionnaires (...) A Uaxactun, les fouilles ont révélé que les sépultures se poursuivirent dans la ville après l’abandon des édifices. On enterra un corps dans les décombres d’une chambre écroulée, un autre se trouve dans un amas de gravats, un coin d’une cour, un troisième (celui d’un enfant) gisait sur une estrade ou un banc, parmi quelques pierres et beaucoup de bois carbonisé, recouvert par des gravats du toit. (...) On a découvert d’autres sépultures effectuées dans des chambres effondrées, en d’autres sites, notamment à Copàn (...) les sites furent visités après leur abandon, des tentatives de les remettre en service en bloquant les portes ouvertes, notamment pour des sacrifices humains. On peut justement, je crois, attribuer ces activités à la population paysanne après le massacre ou l’expulsion de la classe dirigeante. (...) A Piedras Negras, une magnifique estrade a été délibérément détruite et écrasée. On peut y voir l’œuvre d’envahisseurs mais, mieux encore, un acte de vengeance ou de malveillance de la part des paysans révoltés, cette estrade étant le siège de l’autorité détestée – une prise de la Bastille en quelque sorte ! (...) Le fait que les images des dieux des stèles de Piedras Negras n’aient pas été semblablement détruites indique peut-être que les dommages infligés au trône provinrent non d’envahisseurs ou d’indiens superstitieux, mais de paysans révoltés qui s’attaquèrent aux symboles de leur servitude, mais respectèrent les représentations de leurs dieux. (...) La plupart des cités maya du Yucatan et du Campêche furent, semble-t-il, abandonnées au même moment que celles de la zone centrale, ou peu longtemps après. (...) Dans la région centrale, l’effondrement se propagea d’une cité à l’autre (...) le renversement de l’ancien régime peut s’être effectué par la résistance passive ou par le massacre de la classe dirigeante. » En 2005, l’archéologue Arthur Demarest analysait la découverte d’une quarantaine de corps massacrés dans la cité royale maya de Cancùn, expédition financée par la National Geographic Society. Selon lui, ces personnes porteuses d’objets et de bijoux de luxes seraient de la haute aristocratie maya et pourraient être la famille royale. Selon « Science et avenir » de janvier 2006 qui rapportait la découverte, « A la suite du carnage, la cité aurait été entièrement abandonnée ainsi que la plupart des villes situées en aval de la rivière qu’elle bordait. Dix ans après la chute de Cancùn, toutes les cités étaient désertées. »

Le physicien des particules Murray Gell-Mann, qui considère que les systèmes auto-organisés vont de la matière à la société humaine, dans « Le quark et le jaguar », commente la chute de l’empire maya : « L’effondrement de la civilisation maya classique il y a plus d’un millénaire a suscité des hypothèses en abondance, mais la cause demeure un mystère et une source de controverse aujourd’hui encore. Le petit peuple en a-t-il eu assez de travailler sous le joug des dirigeants et de l’aristocratie ? Les gens ont-ils perdu la foi dans le complexe système religieux qui assurait le pouvoir de l’élite en maintenant la cohésion de l’édifice social ? »
La revue « Sciences et avenir » de janvier 2007 propose par exemple un dossier intitulé « La chute de l’empire maya » qui, sous la plume de Bernadette Arnaud, rappelle comment cette civilisation avait théorisé la fin du monde, vivant sans cesse dans la hantise de l’effondrement du système : « Les Mayas sont la seule civilisation à avoir inscrit son histoire dans un cadre de ce genre : leur angoisse, c’est la succession des différents cycles. Ils redoutent, par-dessus tout, les ruptures, les passages d’un cycle à un autre. « Ils étaient convaincus que le monde actuel avait été précédé par d’autres, et que chaque création était suivie d’une destruction. » raconte Claude Baudez. » (...) Ils s’attendaient, par exemple, à la répétition des mêmes événements dans chaque katun du même nom (...) » Si une calamité s’était produite lors du précédent katun – ce qui pouvait être vérifié dans les registres – une autre catastrophe était à prévoir au suivant. (...) Pour des raisons longtemps qualifiées de mystérieuses (...) les cités mayas qui parsèment le centre de la péninsule du Yucatan se vident en effet de leurs habitants. (...) Longtemps restée sans réponse, l’énigme de la chute des Mayas donne aujourd’hui lieu à d’intéressantes hypothèses puisant des arguments dans les récentes découvertes archéologiques et climatologiques. Trois pistes sont évoquées. Tout d’abord l’effondrement politique. (...) Le pouvoir semble s’être réparti entre plusieurs lignages. « L’absence d’hégémonie va être compensée par des particularismes régionaux. (...) » conclue Claude Baudez. Deuxième hypothèse pour expliquer le déclin brutal : les conflits armés. Les Mayas ne sont pas un peuple pacifique. Ils sont fréquemment en guerre. (...) Mais, est-ce que cela suffit à expliquer l’ampleur des combats ? Des archéologues américains ont mis en évidence dans les années 1980-1990 des événements d’une violence considérable qui se seraient déroulés à partir de 760, dans le secteur du Petexbatin, autour de l’antique cité de Seibal, dans le Petén. (...) Ces guerres ont surtout engendré instabilité, insécurité et fragilité. Reste à comprendre leur soudaine multiplication à la fin du 8ème siècle. Une hypothèse séduit de plus en plus les scientifiques : des désordres d’origine climatique auraient pu exercer une influence décisive. C’est la troisième piste suivie par les chercheurs. (...) Des géologues de l’université de Floride ont pu démontrer l’existence de très graves problèmes climatiques, en particulier d’une forte sécheresse globale au cours de l’intervalle 800-1000. (...) Leurs conséquences sur l’agriculture maya auront été catastrophiques. (...) Les crises se répétant, de nombreux dirigeants se sont vraisemblablement révélés incapables de faire face : « Certains d’entre eux ont dû momentanément passer au travers de la contestation, car tout le monde ne saute pas dès la première crise de 760. Dès 810, en revanche, beaucoup commencent à être affectés. En 860 plus encore. Et en 910, pratiquement tout le monde. » poursuit Dominique Michelet, directeur de la mission archéologique franco-mexicaine de Rio Bec, au Yucatan. « Cet effondrement ne résulte donc pas seulement d’un phénomène de rejet et d’aporie du système politique, mais vraiment d’une situation qui affecte les populations. Celles-ci abandonnent des zones entières. » A la fin du 9ème siècle, Tikal perd ainsi 90% de sa population. (...) « J’aurais même tendance à dire que ce n’était pas la dégradation anthropique de l’environnement qui a été le responsable de l’effondrement des Mayas. Tout le monde oublie qu’en dehors d’eux, il y a eu d’autres disparitions en Méso-Amérique. La culture Teotihuacàn, par exemple (plus grande concentration urbaine du continent américain au moment de son apogée en 200-500 après J.-C.) ou bien encore celle des Olmèques… » rétorque Dominique Michelet. Ce que l’on désigne traditionnellement comme « l’effondrement de la civilisation classique maya » (c’est-à-dire la disparition d’un grand nombre de sites, entre 800 et 900 de notre ère) serait dû à un ensemble de phénomènes dispersés dans le temps et l’espace, et très divers dans leur ampleur. Certains affectent des régions entières, d’autres seulement les cités. Ils atteignent d’abord les groupes dirigeants, avant que les cités se vident entièrement de leurs habitants autour de l’an 1000. Plus tard, lors de ce que l’on appelle « l’effondrement post-classique », les deux ultimes cités majeures du monde maya préhispanique, Chichén Itza (1221) puis Mayapán (1450) seront abandonnées à leur tour. »

On peut citer un grand nombre d’autres auteurs qui relèvent le caractère révolutionnaire des transformations étatiques de la civilisation maya. C’est le cas, par exemple, de d’Henri Stierlin dans son ouvrage intitulé « Maya ». « Après 534 de notre ère, les archéologues constatent une sorte de « hiatus » dans la chronologie : les inscriptions – qui se succèdent par ailleurs de manière continue – disparaissent complètement. Simultanément, les grands travaux se raréfient. » Citons le chapitre intitulé « Le déclin des cités maya » : « L’agonie des métropoles édifiées dans les régions de Petén, du Belize, du Honduras et du Chiapas se reflète dans l’arrêt subit des inscriptions : la datation des monuments cesse progressivement sur différents sites, sans que l’on comprenne pourquoi. (...) En un peu plus d’un siècle, la brillante mécanique culturelle des Mayas s’enraye. Les traditions tombent dans l’oubli. Les tribus entrent l’une après l’autre en décadence. Que s’est-il produit ? A cette question, les archéologues et historiens ont cherché à répondre en invoquant tantôt des épidémies, des désordres populaires, des inondations ou l’irrésistible envahissement de la forêt. Ils ont postulé des changements climatiques l’abandon des terres et le défaut d’entretien des canaux de drainage, provoquant des attaques massives de malaria… Ils mentionnent aussi de véritables révolutions, suite à la surexploitation de la main d’œuvre. »

En Amérique centrale, la civilisation Maya est loin d’être la seule à s’être fort probablement effondrée au cours de révolutions sociales contre la noblesse dirigeante, ses rois et ses prêtres. En témoigne le fait que toute la culture Maya (en particulier ses mythes) est marquée, sur le plan idéologique, par la succession de renversement de sociétés qui l’ont précédée en Amérique centrale, avant même la fondation de leur empire. Il en découle une philosophie dans laquelle le temps est considéré comme l’élément marquant du monde et les jalons de ce temps sont des catastrophes impressionnantes : les destructions et reconstructions de l’univers [2]. D’autres révolutions l’ont précédé et suivi comme celle des Toltèques (effondrement de Tula en 1168 après J.-C). Bien avant elle, il y a eu la révolution qui a bâti la civilisation Olmèque puis celle qui l’a détruite, dans l’antiquité méso-américaine. Cette société est notamment racontée par l’ethnologue Jacques Soustelle dans son ouvrage « Les Olmèques » : « Contrairement à ce qu’on avait tendance à croire, ce n’est pas le maïs qui a été la première plante cultivée par les Indiens. (...) Dès 6500 avant notre ère, la calebasse était déjà domestiquée, suivie par la courge, le haricot et le piment, l’avocat et le coton. Ensuite, il apparaît que la phase décisive qui a conduit à la domestication du maïs a duré, dans la vallée de Tehuacàn, de 5000 à 3500 environ avant notre ère. (...) A partir de la seconde moitié du IVe millénaire, l’agriculture fournit assez de nourriture, avec une régularité suffisante pour que se créent des hameaux, groupes de huttes circulaires dans la vallée. (...) Une évolution similaire a eu lieu dans l’ensemble de l’aire méso-américaine. (...) Aux limites du Mexique et de Guatemala actuels, la culture des tubercules, de la patate douce, du manioc, semble avoir précédé le maïs, d’abord confiné au milieu semi-aride. Ce qui est évident, c’est qu’à partir de moins 1500 et jusqu’au début de notre ère, un certain mode de vie se généralise à travers la Méso-Amérique. Il est caractérisé par un accroissement rapide de la population, la création de villages de plus en plus nombreux, la diversification des ressources végétales et animales.  » L’auteur rompt avec la notion d’un progrès continu, civilisationnel et technique, couramment invoquée en histoire comme en archéologie. L’émergence d’une civilisation est une discontinuité fondamentale : « Si donc l’on s’en tenait à ce qui vient d’être exposé, on retracerait l’Antiquité méso-américaine sous la forme simple d’une ligne continue qui relierait les chasseurs-cueilleurs archaïques aux civilisés classiques. Un développement constant, souvent insensible, mais s’accélérant à mesure que s’approche le début de notre ère, passerait par la domestication des plantes nourricières et la fixation au sol de l’habitat humain. Chaque phase de ce développement prendrait sa source dans la phase précédente et préparerait la suivante : rien de plus clair, rien de plus rationnel. Et c’est ici qu’interviennent les Olmèques ! Une haute civilisation au style inimitable, dont on ne trouve les racines nulle part, qui passe comme une météore à l’horizon pré-classique (...) qui disparaît aussi inexplicablement qu’elle a surgi, mais non sans laisser derrière elle un héritage qui sera transmis d’âge en âge jusqu’à la chute des Aztèques et des Mayas (...) Leur irruption (des Olmèques) dans l’Antiquité autochtone a fait l’effet d’un de ces ouragans dévastateurs que leur pays subit quelquefois : les schémas admis ont été jetés à terre. Il a fallu les réviser, les repenser – non sans réticences. Face au spectacle étonnant d’une civilisation qui donne l’impression de surgir soudainement avec toute son originalité se détachant sur un fond indifférencié de culture paysanne, on se pose naturellement la question de savoir si ce « bond » ne doit pas s’expliquer par une influence extérieure, par l’enracinement dans le sol américain d’une haute civilisation venue d’ailleurs. David C. Grove a eu raison de mettre en doute la vue simpliste ou l’illusion d’optique, qui nous fait croire que la civilisation olmèque a pour ainsi dire explosé, ex nihilo, sans passer par une phase formative. Elle ne peut être considérée comme étant demeurée homogène, immobile et semblable à elle-même durant toute sa durée. Le travail du jade n’apparaît qu’à partir de – 900. L’écriture et le calendrier ont été tardifs. » Il y a bien eu une discontinuité de la transformation sociale qui a un caractère explosif. Les Olmèques (dérivé de Olmeca, pays du caoutchouc) ont développé leur société dans des sites situés dans l’actuel Mexique (surtout dans l’Etat de Veracruz) comme le plateau de San Lorenzo, sur le rio Chiquito (à partir de 1200 avant J.-C), l’île de La Venta entourée de marécages, (de -1200 à -400 avant J.-C), ou le site de Tres Zapotes. Jacques Soustelle montre qu’à la base de la société olmèque, on trouve une vaste zone métropolitaine urbanisée [3] allant de Cerro de la Mesas au regroupement San Lorenzo – Tenochtitlan – Potrero nuevo au sud et à Chinameca au nord. La Venta et San Lorenzo sont les principaux centres de la civilisation olmèque, telle qu’elle nous est réapparue, caractérisée notamment par les têtes colossales et impressionnantes de dirigeants. « Nous nous trouvons devant des portraits, ceux de personnages suffisamment puissants et vénérés pour que d’immenses efforts aient été consentis afin de tailler ces énormes blocs dans la Sierra (...) » C’est cette civilisation qui va connaître un effondrement spectaculaire, révolutionnaire, comme le rapporte Jacques Soustelle : « Que s’est-il passé quatre siècles avant notre ère ? La fin de la civilisation de La Venta demeure ensevelie dans le mystère. Ce que nous constatons, c’est qu’entre 450 et 325 avant J.-C toute activité a cessé dans l’île. (...) L’élite dirigeante a disparu : chassée, exterminée ou simplement partie en exil ? (...) Des monuments sont alors brisés, des statues décapitées, des stèles martelées. (...) La catastrophe qui a mis fin à la civilisation de San Lorenzo nous est démontrée par les traces de l’acharnement inouï qui s’est déchaîné contre les monuments sculptés. Les têtes colossales ont résisté – sauf une – mais n’en ont pas moins été marquées de trous circulaires. D’autres pièces ont été martelées, brisées. Il a fallu sans doute hisser de lourds blocs au-dessus de certains monuments et les faire retomber d’assez haut pour obtenir l’effet d’un marteau-pilon. Un énorme labeur a dû être consacré à cette tâche de destruction. Après quoi les statues mutilées, les débris de sculptures, ont été ensevelies sous d’épaisses couches de terre. (...) Laguna de Los Cerros a occupé dans le développement de la civilisation olmèque une place comparable à celle des grands sites décrits précédemment. Vingt-huit monuments de pierre sculptée y ont été relevés. La plupart sont mutilés – là encore une vague de vandalisme est passée (...). Le caractère généralement pacifique de la civilisation olmèque n’empêche pas que des périodes d’extrême violence aient mis fin à la floraison de San Lorenzo (...). »

La civilisation de la capitale Teotihuacàn ne fait pas exception à la règle, comme en témoigne sa chute que Maria Longhena retrace dans « Mexique ancien » : « Vers 725 après J.-C, la grande métropole mexicaine de Teotihuacàn fut incendiée et ravagée, peut-être envahie, par une bande dont on ignore l’identité, ou bien à la suite d’événements complètement inconnus. » On l’ignore donc mais cela ne l’empêche pas de retenir uniquement l’hypothèse d’une attaque guerrière extérieure : « La métropole du haut plateau fut mise à sac et détruite peut-être par des tribus chichimèques venues du nord (...). » Le même auteur, dans le même ouvrage, reconnaît : « Encore insuffisantes, les sources archéologiques n’expliquent pas pourquoi cette puissante métropole qui, pendant des siècles, domina l’altiplano mexicain, a été ainsi désertée. » Car, loin de conquérir le pouvoir et l’exercer dans cette cité extrêmement riche et développée, les vainqueurs et toute la population l’ont abandonnée définitivement. A chaque chute de civilisation, les villes sont complètement abandonnées par leurs habitants, généralement de façon définitive. Et ces populations abandonnent en fait le mode de vie, le mode de relations, le mode de production, la culture, la religion, tout l’édifice social et idéologique. Maria Longhena décrit la chute : « Le rayonnement politique et culturel des villes mayas a commencé à décliner vers 900 après J.-C, au début du Postclassique. Peu à peu, la plupart de grands centres de Basses Terres ont été abandonnés (...) De nombreuses hypothèses ont été avancées pour tenter de d’expliquer cette décadence. Des mauvaises récoltes auraient entraîné des disettes, des crises de dénatalité et l’interruption des échanges commerciaux. A cela se seraient rajoutés les luttes intestines de plus en plus violentes provoquées par les ambitions territoriales des différentes dynasties. » Cette description ne peut être interprétée comme une destruction causée par une invasion militaire. Lorsque des guerriers ont conquis ou pillé des grandes villes très riches, ils ont gardé la mainmise sur leurs conquêtes ou les ont laissé détruites mais susceptibles d’être reconstruites. Les populations ne sont pas non plus coutumières de quitter une zone d’où elles tiraient leur subsistance, d’abandonner complètement cette activité économique, à cause d’une guerre ou d’un pillage. Et encore moins d’abandonner un mode de vie et une croyance. Ce qui empêche les auteurs de chercher les causes de la chute dans la crise de la société civile, c’est qu’ils ne veulent pas voir une base de la société dans les relations contradictoires entre les classes. Pourtant, dans le même ouvrage, on constate que l’Etat, l’armée, les fonctionnaires ou les seigneurs ne sont ni présents ni dominants dans la société à Teotihuacàn : « Les marchands et les prêtres – vraisemblablement, les deux classes sociales les plus prestigieuses – constituaient les principaux vecteurs de la culture matérielle et de l’idéologie teotihuacane. » C’est la société civile de ces commerçants et de ces artisans des villes qui caractérise la civilisation. C’est dans la crise qui s’est développée en son sein que réside la clef des effondrements de villes comme de la mise en place plus tardive de l’Etat. Avec l’effondrement des civilisations, on a assisté fondamentalement à une chute des classes dominantes, renversées par des classes opprimées, même si les événements historiques sont beaucoup plus complexes qu’un heurt frontal et direct entre deux classes. Souvent, ce sont seulement les quartiers riches qui ont été détruits. Quand c’est un Etat qui a été attaqué, il est fréquent que les attributs du pouvoir aient été détruits avec rage et sans vol, ce qui ne correspond pas à l’action d’une armée extérieure, mais s’explique par contre très bien s’il s’agit d’une révolte contre un régime social détesté.

En Amérique centrale, on a constaté que se sont succédées diverses civilisations comme les Olmèques, les Mayas, les Zatopèques, Teotihuacàn, les Toltèques et les Aztèques. Il y a eu entre elles une influence, culturelle, religieuse, technique, sociale et politique, mais il n’y a pas de continuité, ces sociétés ne s’étant nullement passé le relais. Plus tard, c’est un peuple voisin, jusque là plus arriéré, qui profite de cette chute pour établir sa propre domination et élever une nouvelle société. D’où cette apparence de succession. Les régimes, les systèmes de domination sociale sont tombés, usés et affaiblis pour de multiples raisons (climatiques, politiques, sociales, commerciales), mais leur chute à nécessité les coups des révoltes populaires internes ou des révoltes des peuples voisins opprimés. On commence à reconstituer sommairement la chronologie suivante des révolutions sociales :
900 avant J.-C : San Lorenzo est détruite et abandonnée
400 avant J.-C : La Venta est détruite et abandonnée
A partir de 400 avant J.-C : chute des villes olmèques
Entre 50 et 250 après J.-C : période d’instabilité sociale dans le territoire maya et chute de villes comme El Mirador, Komchén et Cerros.
280 après J.-C : face aux troubles, mise en place des Etats-cités mayas
500 après J.-C : fin de la culture mochica sur les côtes du Pérou
620 après J.-C : début de l’effondrement de l’ensemble des villes mayas
725 après J.-C : révolution sociale à Teotihuacàn, capitale brûlée et détruite
800 après J.-C : massacre de la famille royale maya à Cancuen (Guatemala) puis de la capitale maya de Tikal
900 après J.-C : effondrement de la société maya en 20 ans
980 après J.-C : guerre civile chez les Toltèques entre le régime et les adversaires des sacrifices humains, prêtres et commerçants, donnant naissance à la légende de la guerre des dieux Tezcatlipoca et Quetzalcoatl
1000 après J.-C : fin de la culture tivanaku au Pérou
1165 après J.-C : la capitale toltèque, Tula, est brûlée et abandonnée
1224 après J.-C : chute de Chichén Itza (capitale du nouveau royaume maya) et des villes maya du Yucatan
1450 après J.-C : chute de Mayapan, dernière tentative de relance du royaume maya. Elle est complètement détruite, pillée et abandonnée par sa population.
Cette liste contient certainement erreurs et lacunes. Elle vise seulement à souligner le mécanisme de disparition des civilisations indiennes d’Amérique.

La naissance des structures sociales et politiques a un caractère tout aussi violent. Rappelons quelques une des transformations révolutionnaires les plus marquantes des sociétés méso-américaines :
8000 avant J.-C : révolution agraire des villages dans les vallées de Mexico et de Tehuacàn
5000 avant J.-C : culture du maïs
2000 avant J.-C : révolution urbaine olmèque (artisanat, commerce, stratification sociale)
1500 avant J.-C : révolution proto-urbaine menant à la Civilisation olmèque
1200 avant J.-C : révolution politique et sociale menant au Pouvoir Olmèque (pré-Etat) à San Lorenzo
600 avant J.-C : révolution urbaine des Zapotèques à Monte Alban
400 avant J.-C : révolution politique et sociale renversant le pouvoir olmèque
100 avant J.-C : révolution urbaine à Tikal qui va mener à la civilisation maya
200 après J.-C : civilisation maya
300 après J.-C : création de l’Etat maya
900 après J.-C : chute de l’Etat maya
100 avant J.-C : révolution urbaine à Teotihuacan
300 après J.-C : création du pouvoir politique de Teotihuacan
725 après J.-C : révolution sociale renversant le pouvoir à Teotihuacàn
Révolution urbaine des Toltèques à Tula menant plus tard à l’Etat toltèque
1200 après J.-C : révolution urbaine des Aztèques à Tenochtitlan, menant à l’Etat aztèque.

Peut-on parler de révolutions sociales en Amérique centrale ? Citons l’« Atlas historique de la Méso-Amérique » de Norman Bancroft Hunt  : « Entre 400 et 100 avant J.-C, la culture olmèque s’éteint. Les raisons de ce déclin, comme les lieux sur lesquels partirent les Olmèques, restent un des grands mystères de la région. Différentes théories ont été avancées, dont celle qui, les poussant à migrer vers le sud-ouest, en ferait les ancêtres directs des Mayas. »
« San Lorenzo est le plus ancien site olmèque complètement exploré. (...) San Lorenzo est situé près d’un bras du Rio Coatzacoalcos dans la province de Veracruz. Il se trouve sur le haut d’un plateau (...) qui a été artificiellement nivelé (...). La culture du maïs sur les Basses Terres, le long de la rivière, permettait de faire vivre les habitants ; leur régime alimentaire comprenait également les tortues et les poissons. (...) Les Olmèques étaient d’habiles potiers. (...) Des systèmes de canalisation en pierre alimentaient en eau les bassins artificiels (...) Ces canalisations représentaient un exploit extraordinaire d’ingéniosité (...) En 900 avant J.-C, San Lorenzo fut touché par une soudaine catastrophe. Dans une folie destructrice, les monuments et les statues furent délibérément mutilés et défigurés. Les restes de ces orgueilleuses sculptures furent transportés à la main sur les flancs des montagnes environnantes où, après qu’on les eût alignés, on les enterra soigneusement. Puis le site fut abandonné. Alors que la disposition rituelle des monuments laisse penser à une désacralisation du site, les raisons de la destruction et de l’abandon de San Lorenzo sont toujours inconnues. »
« Située dans une île entourée de marécages, près de Toula, dans la province de Tabasco, La Venta a la particularité d’accueillir la plus grande pyramide olmèque. (...) Cet énorme monument était utilisé par les Olmèques comme un foyer cérémoniel et politique après l’abandon de San Lorenzo en 900 avant J.-C jusqu’à ce que La Venta soit à son tour détruite et abandonnée en 400 avant J.-C. Comme San Lorenzo, La Venta s’est construite en s’appuyant sur une agriculture extensive pratiquée par une nombreuse population rurale qui entretenait les fidèles itinérants et les pèlerins. (...) Il est évident que La Venta n’a fait que développer le réseau commercial créé à l’origine à San Lorenzo. En plus du basalte et de l’obsidienne, matières premières utilisées par les artisans de San Lorenzo, les commerçants de La Venta connaissaient des gisements de serpentine et de jade. (...) En tenant compte des pratiques agricole de l’époque, l’île ne pouvait supporter une population supérieure à 45 familles, et il est évident qu’une telle population ne pouvait, seule, ériger ces constructions gigantesques et faire venir les matériaux nécessaires à leur édification. La population rurale de la région, cependant, avoisinait les 18.000 personnes. L’agriculture étant une activité saisonnière, les hommes pouvaient être désignés par les prêtres et les nobles vivant à La Venta pour apporter leur force de travail. Les travaux devaient probablement être considérés comme une part de l’hommage qu’ils devaient rendre aux divinités (...). Comme San Lorenzo, La Venta subit un accès destructeur en 400 avant J.-C : 24 sculptures monumentales, y compris des têtes colossales, furent détériorées de manière identique. Ici encore de nombreuses théories tentent d’expliquer ce qui est arrivé. Dans le cas de La Venta, cependant, il semblerait que la population avait trop augmenté pour que les méthodes agricoles utilisées alors permettent de faire vivre ce surcroît d’habitants. »
« Ce qui prête à confusion et provoque la discussion parmi les chercheurs qui s’intéressent à l’histoire de l’Amérique centrale, c’est que beaucoup des grandes cités ont été brusquement désertées, souvent après avoir fait l’objet de tentatives apparentes de destruction. Les grands sites olmèques de San Lorenzo et de La Venta ont été détruits avant d’être abandonnés comme le seront plus tard les villes majeures de Teotihuacàn et de Tula. Bien que les indices de destruction y soient moins visibles, il en va de même pour de nombreux centres mayas. Ces abandons présentent la particularité de ne pas sembler faire suite à un quelconque déclin, mais de se produire brutalement et de façon catastrophique. Ils apparaissent au cours de périodes où les preuves archéologiques suggèrent à l’évidence qu’il s’agissait de centres prospères, sur le plan religieux et commercial. Diverses explications ont été avancées. Selon la plus communément admise, des pressions extérieures ont rendu ces sites intenables. D’après ces scénarios, des intrigues politiques entre cités rivales auraient entraîné des guerres qui auraient fait perdre aux souverains leur autorité et poussé les populations à l’exode. Selon une autre explication, des dissensions internes, dues à des soulèvements des communautés rurales contre les élites gouvernantes, se seraient terminées en guerres civiles. Une troisième hypothèse s’appuie sur une augmentation trop rapide des populations que n’auraient pas pu supporter les ressources locales. (...) La troisième hypothèse n’est pas applicable aux Olmèques qui n’ont jamais été assez nombreux pour épuiser les ressources de leur territoire. On peut aussi invoquer de violents bouleversements qui auraient pu être d’origine très diverses et dont le rôle aurait été déterminant. Ni à San Lorenzo, ni à La Venta n’apparaissent des indices permettant de prouver que les destructions ont été dues à une insurrection. Si des combats assez violents s’étaient déroulés pour chasser l’élite gouvernante en place, les vestiges archéologiques auraient été, tout au moins partiellement, détruits. C’est ce que l’on constate dans le site ultérieur de Tula que les Aztèques envahirent et brûlèrent. Les monuments ont été envahis avec une telle violence qu’ils ont été fracassés. A San Lorenzo et à La Venta, rien de tel : les destructions s’apparentent plus à des destructions systématiques qu’à un événement dramatique. Dans ces deux sites, les monuments jetés à terre ont été détériorés par des coups, des entailles, des éclats et des trous. (...) Des envahisseurs, ou même des insurgés, auraient laissé en place les vestiges mutilés au lieu de les disperser selon un ordre précis. Il n’est pas dans les usages des armées conquérantes ou des partisans d’une guerre civile de traiter les vestiges de leurs ennemis avec un tel respect. (...) Mais cette action pouvait être aussi une façon de les condamner au Royaume de la mort et de leur retirer ainsi rituellement leurs pouvoirs. »
« Teotihuacàn se situe dans la plaine bien irriguée du nord-est du bassin de Mexico, près de la ville moderne du même nom. La rivière San Juan et ses affluents se jettent dans le lac Texcoco ; d’éternels printemps et une irrigation intensive permettent de faire vivre une nombreuse population, raison pour laquelle, peut-être, les agriculteurs de la période de formation récente se réunirent dans cette région et établirent progressivement des relations commerciales avec les autres régions de Méso-Amérique. (...) Le centre religieux de Teotihuacàn attirait les étrangers et les pèlerins de régions éloignées, dont la plupart étaient pauvres. La population permanente et de passage de Teotihuacan augmenta trop rapidement pour que la ville puisse subvenir à l’ensemble des besoins : tandis que la noblesse abusait de nourriture et que des fêtes rituelles somptueuses se déroulaient toujours, les résidents et les étrangers les plus pauvres souffraient souvent de la faim. Teotihuacan s’effondra au cours du 8ème siècle. Comme ses principaux édifices ont été brûlés et détruits, on pense que les plus pauvres s’étaient soulevé contre la hiérarchie. (...) Une insurrection civile fait tomber Teotihuacàn. (...) Survint un événement dramatique. Des découvertes archéologiques ont mis en évidence l’existence de combats féroces qui se seraient déroulés dans le centre de la cité, des monuments abattus et détruits, des temples profanés. (...) La totalité du centre de Teotihuacàn fut incendiée. (...) Le déclin de l’architecture et des arts implique une catastrophe qui aurait mis fin au fonctionnement interne de la cité. Il est aussi possible que l’importance du commerce de Teotihuacàn ait minimisé le pouvoir des prêtres, la ville devenant alors plus un lieu de négoce qu’un centre rituel. Il est peut-être significatif que les combats les plus violents aient eu lieu au cœur même du centre cérémoniel. C’est là que se trouvent les signes de destruction délibérés, de profanation et d’incendie. Bien qu’il se fut agi d’une enceinte sacrée, c’est dans cette partie de Teotihuacàn que vivaient les notables et les prêtres et que se situaient les bâtiments administratifs importants. On ne trouve aucune trace de combat ou d’incendie dans les quartiers des artisans ou dans les faubourgs où habitait la plus grande partie de la population. Ces données archéologiques ont permis d’avancer que Teotihuacàn avait été le siège d’une brève mais désastreuse insurrection civile. (...) Alors que le commerce augmentait et, avec lui, le pouvoir que détenaient marchands et artisans, un ressentiment avait pu s’élever contre l’augmentation des impôts nécessitée par le financement des ambitieux programmes des notables, des prêtres et de la bureaucratie. L’arrêt des programmes de construction dans les dernières années de Teotihuacàn peut simplement être une conséquence de la volonté des commerçants d’exercer leurs droits et de refuser de répondre aux levées d’impôts. »

Les sociétés méso-américaines ont été détruites par des révolutions mais il ne faut pas oublier qu’elles ont également été construites face à des révolutions et par des révolutions. Le développement des inégalités a produit la nécessité de la structure sociale et politique oppressive que représente l’Etat. La révolution n’est pas une simple destruction de l’ordre ancien mais aussi la construction d’un nouvel ordre, ce qui suppose un processus qui relie l’agitation et la structuration. C’est ce qu’en physique ou en biologie, on appelle l’auto-organisation de la matière. La destruction rapide d’une structure peut provoquer l’apparition d’une nouvelle structure dotée de nouvelles lois. Le processus (ou, pour l’histoire des sociétés humaines, la classe sociale) qui détruit l’ancien ordre peut être porteur du nouvel ordre. Celui-ci est une conséquence nécessaire, sans pour autant que la suite des événements qui régit le changement soit linéaire et prédictible ni que le nouvel ordre ne soit que la suite d’un élément déjà développé de l’ancien ordre. Les causes de la révolution sont les contradictions internes du système. La révolution ne se manifeste pas seulement par la chute d’un régime, la destruction brutale d’une structure. C’est tout le fonctionnement du système qui en est marqué. La révolution, qu’elle triomphe ou pas, est présente partout au sein de la structure et marque son histoire. Sa seule menace détermine la politique de la classe dirigeante. Pour brève et rare qu’elle soit au cours de l’histoire, la révolution est cependant la préoccupation permanente du système ou de la structure sociale et politique, et marque, pour la classe dirigeante, la ligne rouge à ne pas franchir. La révolution est phénomène rare, si on examine une longue période de temps. Mais, comme elle est imprédictible, elle reste une préoccupation permanente de la classe dirigeante.

« Atlas historique de la Méso-Amérique » de Norman Bancroft Hunt :« Entre 400 et 100 avant J.-C, la culture olmèque s’éteint. Les raisons de ce déclin, comme les lieux sur lesquels partirent les Olmèques, restent un des grands mystères de la région. Différentes théories ont été avancées, dont celle qui, les poussant à migrer vers le sud-ouest, en ferait les ancêtres directs des Mayas. » [4]
« San Lorenzo est le plus ancien site olmèque complètement exploré. (...) San Lorenzo est situé près d’un bras du Rio Coatzacoalcos dans la province de Veracruz. Il se trouve sur le haut d’un plateau (...) qui a été artificiellement nivelé (...). La culture du maïs sur les Basses Terres, le long de la rivière, permettait de faire vivre les habitants ; leur régime alimentaire comprenait également les tortues et les poissons. (...) Les Olmèques étaient d’habiles potiers. (...) Des systèmes de canalisation en pierre alimentaient en eau les bassins artificiels (...) Ces canalisations représentaient un exploit extraordinaire d’ingéniosité (...) En 900 avant J.-C, San Lorenzo fut touché par une soudaine catastrophe. Dans une folie destructrice, les monuments et les statues furent délibérément mutilés et défigurés. Les restes de ces orgueilleuses sculptures furent transportés à la main sur les flancs des montagnes environnantes où, après qu’on les eût alignés, on les enterra soigneusement. Puis le site fut abandonné. Alors que la disposition rituelle des monuments laisse penser à une désacralisation du site, les raisons de la destruction et de l’abandon de San Lorenzo sont toujours inconnues. »
« Située dans une île entourée de marécages, près de Toula, dans la province de Tabasco, La Venta a la particularité d’accueillir la plus grande pyramide olmèque. (...) Cet énorme monument était utilisé par les Olmèques comme un foyer cérémoniel et politique après l’abandon de San Lorenzo en 900 avant J.-C jusqu’à ce que La Venta soit à son tour détruite et abandonnée en 400 avant J.-C. Comme San Lorenzo, La Venta s’est construite en s’appuyant sur une agriculture extensive pratiquée par une nombreuse population rurale qui entretenait les fidèles itinérants et les pèlerins. (...) Il est évident que La Venta n’a fait que développer le réseau commercial créé à l’origine à San Lorenzo. En plus du basalte et de l’obsidienne, matières premières utilisées par les artisans de San Lorenzo, les commerçants de La Venta connaissaient des gisements de serpentine et de jade. (...) En tenant compte des pratiques agricole de l’époque, l’île ne pouvait supporter une population supérieure à 45 familles, et il est évident qu’une telle population ne pouvait, seule, ériger ces constructions gigantesques et faire venir les matériaux nécessaires à leur édification. La population rurale de la région, cependant, avoisinait les 18.000 personnes. L’agriculture étant une activité saisonnière, les hommes pouvaient être désignés par les prêtres et les nobles vivant à La Venta pour apporter leur force de travail. Les travaux devaient probablement être considérés comme une part de l’hommage qu’ils devaient rendre aux divinités (...). Comme San Lorenzo, La Venta subit un accès destructeur en 400 avant J.-C : 24 sculptures monumentales, y compris des têtes colossales, furent détériorées de manière identique. Ici encore de nombreuses théories tentent d’expliquer ce qui est arrivé. Dans le cas de La Venta, cependant, il semblerait que la population avait trop augmenté pour que les méthodes agricoles utilisées alors permettent de faire vivre ce surcroît d’habitants. »
« Ce qui prête à confusion et provoque la discussion parmi les chercheurs qui s’intéressent à l’histoire de l’Amérique centrale, c’est que beaucoup des grandes cités ont été brusquement désertées, souvent après avoir fait l’objet de tentatives apparentes de destruction. Les grands sites olmèques de San Lorenzo et de La Venta ont été détruits avant d’être abandonnés comme le seront plus tard les villes majeures de Teotihuacàn et de Tula. Bien que les indices de destruction y soient moins visibles, il en va de même pour de nombreux centres mayas. Ces abandons présentent la particularité de ne pas sembler faire suite à un quelconque déclin, mais de se produire brutalement et de façon catastrophique. Ils apparaissent au cours de périodes où les preuves archéologiques suggèrent à l’évidence qu’il s’agissait de centres prospères, sur le plan religieux et commercial. Diverses explications ont été avancées. Selon la plus communément admise, des pressions extérieures ont rendu ces sites intenables. D’après ces scénarios, des intrigues politiques entre cités rivales auraient entraîné des guerres qui auraient fait perdre aux souverains leur autorité et poussé les populations à l’exode. Selon une autre explication, des dissensions internes, dues à des soulèvements des communautés rurales contre les élites gouvernantes, se seraient terminées en guerres civiles. Une troisième hypothèse s’appuie sur une augmentation trop rapide des populations que n’auraient pas pu supporter les ressources locales. (...) La troisième hypothèse n’est pas applicable aux Olmèques qui n’ont jamais été assez nombreux pour épuiser les ressources de leur territoire. On peut aussi invoquer de violents bouleversements qui auraient pu être d’origine très diverses et dont le rôle aurait été déterminant. Ni à San Lorenzo, ni à La Venta n’apparaissent des indices permettant de prouver que les destructions ont été dues à une insurrection. Si des combats assez violents s’étaient déroulés pour chasser l’élite gouvernante en place, les vestiges archéologiques auraient été, tout au moins partiellement, détruits. C’est ce que l’on constate dans le site ultérieur de Tula que les Aztèques envahirent et brûlèrent. Les monuments ont été envahis avec une telle violence qu’ils ont été fracassés. A San Lorenzo et à La Venta, rien de tel : les destructions s’apparentent plus à des destructions systématiques qu’à un événement dramatique. Dans ces deux sites, les monuments jetés à terre ont été détériorés par des coups, des entailles, des éclats et des trous. (...) Des envahisseurs, ou même des insurgés, auraient laissé en place les vestiges mutilés au lieu de les disperser selon un ordre précis. Il n’est pas dans les usages des armées conquérantes ou des partisans d’une guerre civile de traiter les vestiges de leurs ennemis avec un tel respect. (...) Mais cette action pouvait être aussi une façon de les condamner au Royaume de la mort et de leur retirer ainsi rituellement leurs pouvoirs. »
« Teotihuacàn se situe dans la plaine bien irriguée du nord-est du bassin de Mexico, près de la ville moderne du même nom. La rivière San Juan et ses affluents se jettent dans le lac Texcoco ; d’éternels printemps et une irrigation intensive permettent de faire vivre une nombreuse population, raison pour laquelle, peut-être, les agriculteurs de la période de formation récente se réunirent dans cette région et établirent progressivement des relations commerciales avec les autres régions de Méso-Amérique. (...) Le centre religieux de Teotihuacàn attirait les étrangers et les pèlerins de régions éloignées, dont la plupart étaient pauvres. La population permanente et de passage de Teotihuacan augmenta trop rapidement pour que la ville puisse subvenir à l’ensemble des besoins : tandis que la noblesse abusait de nourriture et que des fêtes rituelles somptueuses se déroulaient toujours, les résidents et les étrangers les plus pauvres souffraient souvent de la faim. Teotihuacan s’effondra au cours du 8ème siècle. Comme ses principaux édifices ont été brûlés et détruits, on pense que les plus pauvres s’étaient soulevé contre la hiérarchie. (...) Une insurrection civile fait tomber Teotihuacàn. (...) Survint un événement dramatique. Des découvertes archéologiques ont mis en évidence l’existence de combats féroces qui se seraient déroulés dans le centre de la cité, des monuments abattus et détruits, des temples profanés. (...) La totalité du centre de Teotihuacàn fut incendiée. (...) Le déclin de l’architecture et des arts implique une catastrophe qui aurait mis fin au fonctionnement interne de la cité. Il est aussi possible que l’importance du commerce de Teotihuacàn ait minimisé le pouvoir des prêtres, la ville devenant alors plus un lieu de négoce qu’un centre rituel. Il est peut-être significatif que les combats les plus violents aient eu lieu au cœur même du centre cérémoniel. C’est là que se trouvent les signes de destruction délibérés, de profanation et d’incendie. Bien qu’il se fût agi d’une enceinte sacrée, c’est dans cette partie de Teotihuacàn que vivaient les notables et les prêtres et que se situaient les bâtiments administratifs importants. On ne trouve aucune trace de combat ou d’incendie dans les quartiers des artisans ou dans les faubourgs où habitait la plus grande partie de la population. Ces données archéologiques ont permis d’avancer que Teotihuacàn avait été le siège d’une brève mais désastreuse insurrection civile. (...) Alors que le commerce augmentait et, avec lui, le pouvoir que détenaient marchands et artisans, un ressentiment avait pu s’élever contre l’augmentation des impôts nécessitée par le financement des ambitieux programmes des notables, des prêtres et de la bureaucratie. L’arrêt des programmes de construction dans les dernières années de Teotihuacàn peut simplement être une conséquence de la volonté des commerçants d’exercer leurs droits et de refuser de répondre aux levées d’impôts. »

Hors série « Le Figaro » de décembre 2006 intitulé « Les Mayas, les mystères d’un monde perdu » :
« Un jour, sans qu’on sache précisément quelles en furent les raisons, leurs artistes ont cessé de graver des inscriptions sur les murs de leurs temples. La splendeur des Mayas s’est éteinte mystérieusement, bien avant que Cortès pénètre au Yucatàn. »
Irine de Chirikoff écrit : « La nourriture vient à manquer. Des émeutes dressent le peuple contre ses élites. Parce que la plèbe pense que les nobles ont failli. Les descendants des plus anciennes familles briguent le pouvoir, ourdissent des complots. L’exemple de Tikal est connu de tous. La cité, jadis si prospère, n’a cessé de décliner après la défaite de son souverain face à Calakmul. (...) A la fin du 18e katun (cycle de 20 ans), plus de soixante royaumes coexistent en terre maya. Ce sont des cités-Etat. Les tentatives de confédérations, comme celle de Tikal ou de Calakmul, ont vécu. Elles sont toutes jalouses de leur indépendance. Chaque ville est dirigée par un roi. Une administration de plus en plus nombreuse l’aide à gérer sa principauté. Des notables collectent des impôts, assurent les fonctions régaliennes, police, justice, armée, organisent les grands travaux, surveillent les stocks de réserves. Les commerçants constituent désormais une caste qui vénère ses propres divinités. Les artisans et les artistes également. (...) Partout, l’urbanisme est conçu comme le reflet du monde cosmique dont l’équilibre est garanti par le roi, et l’architecture vise toujours à inspirer la crainte au peuple. (...) Au fil des siècles, la forêt humide, sombre, grouillante, a été humanisée par les Mayas. Des sacbeob, routes de pierre, relient non seulement des édifices mais plusieurs villes entre elles. Les marchands ont établi des comptoirs le long de ces chemins. L’habitat de ne cesse de s’étendre et les maisons sont souvent séparées par des jardins partiellement défrichés pour ne garder que les arbres fruitiers et les plantes utiles. Fortement hiérarchisée, l’organisation sociale est cependant fragile. Les techniques n’évoluent pas – les mayas ne connaîtront jamais ni la roue, ni la charrue, ni les bêtes de trait, et les ressources ‘amenuisent alors que la demande augmente. Surtout de la part des élites. Dépositaires du savoir, elles ne représentent que 5 à 10% de la population. (...) A partir du 9e siècle, les cités des Basses Terres vont s’effondrer les unes après les autres, comme un château de cartes. En 800, Copàn a cessé d’ériger des stèles. En 810, Quiriga et Piedras Negras n’existent plus que dans le souvenir, de plus en plus vague, de leurs habitants disséminés dans la forêt ou bien partis vers le nord, le Yucatàn (...). Nul ne peut retenir un peuple quand le poison du doute le saisit sur la légitimité de ses princes. Leur pouvoir tenait à la science des saisons, des temps de bonne récolte et à leur capacité de se concilier les forces surnaturelles. Mais les souverains et leur entourage ne songeaient plus qu’à faire la guerre. (...) Attaqués par les guerriers (...) les habitants (d’une cité) édifient en toute hâte des fortifications. Pour les construire, ils détruisent les bâtiments publics. Les combats sont sans merci entre assiégés et assiégeants. Ceux de Tamarindito réussissent à forcer les remparts de pierres. Ceux de Dos Pilas se réfugient dans une ville alliée, Aguateca, qui reprend le flambeau. (...) La caste régnante de Toninà est littéralement obsédée par la mort, le sang. (...) Au début du 10e siècle, un seigneur « Jaguar-Serpent » fait reconstruire plusieurs bâtiments. Plus simples. Plus austères. Sous son règne, Toninà résiste au déclin des cités mayas. Mais en 909, un raid d’une violence égale à celle d’un ouragan va s’abattre sur la ville. Il est conduit par des guerriers inconnus (Toltèques ?). Les statues sont mises à bas, brisées à coups de massues. L’aristocratie et les élites vont être exterminées. Des charniers essaiment la vallée. (...) Toninà, ultime cité de l’âge classique ne se relèvera jamais. (...) Les Mayas cessent d’être des Mayas et il est sans espoir d’adorer les dieux, puisqu’ils sont morts. (...) Uxmal, Chichen Itzà et Mayapàn sont les cités de la renaissance maya. (...) Ils vont faire de Chichen Itzà un véritable chantier et transformer la ville en métropole politique et religieuse qui s’étendra sur plus de 300 hectares. Revivifiée, la ville est vouée à Quetzalcoatl. (...) Dès 964, le pouvoir royal s’affaiblit, même si le souverain est toujours assimilé au soleil On ne le représente plus seul, ou rarement. Des dignitaires lui font cortège. Les prêtres, les guerriers et les commerçants participent à la gestion de la cité. (...) Dans le Yucatàn, les villes vassales de Mayapàn se révoltent une à une. Dans la cité elle-même, des populations pillent et massacrent. Elles font de Mayapàn un champ de ruines en 1441. (...) Au Yucatàn, dans les villes vassales de Mayapàn, plusieurs révoltes ont déjà éclaté. Et on signale des jacqueries dans les campagnes. (...) Dans leur palais les Cocom (famille régnante) se consultent, réunissent leurs partisans, songent à demander l’aide de Tenochtitlàn, mais l’émeute est lancée et la résidence investie. Un seul prince Cocom échappera au massacre. Il parvient à prendre la fuite, alerte Moctezuma qui lui promet son soutien et lui envoie même des renforts. A Mayapàn, la population se livre aux pillages, aux destructions. Rien ne parvient à apaiser sa colère. Des temples brûlent. Les statues sont renversées. Prêtres, commerçants, hauts fonctionnaires ne savent plus à quel dieu se vouer. Ils accepteront le retour de Cocom (...). A peine revenu, le prince meurt dans des circonstances mystérieuses. Son successeur, fort de l’appui des Aztèques, règne en despote, lève des tributs de plus en plus lourds et envoie toujours d’avantage d’esclaves vers le nord. En 1446, une nouvelle révolte va éclater. Cette fois, Mayapàn est mise à feu et à sang. La ligue est morte. Le dernier royaume maya a vécu. »

La société aztèque : Les classes sociales
Les maceualtin :
Un maceualli était un simple citoyen. Il était soumis à l’impôt et était "corvéable". A sa majorité, les maceulli recevait du chef de son calpulli un parcelle de terrain pour y construire sa maison et cultiver son champ et son jardin. Il avait le droit de transmettre cette parcelle à ses descendants (en général au fils aîné, mais ce dernier devait alors prendre soin des autres membres de la famille). Les parcelles étaient inaliénables : elles pouvaient être louées, empruntées, redistribuées mais jamais vendues à l’extérieur du calpulli.

La plupart de maceualli étaient occupés par les cultures qu’ils pratiquaient sur leur parcelle. Ils pouvaient toutefois exercer un métier en parallèle ( menuiserie, poterie, tissage,...) ou bien vivre de chasse et de pêche. Ils pouvaient aussi accéder à une des nombreuses charges administratives (scribe, huissier, messager,...) ou bien embrasser la carrière militaire ou la prêtrise.

Comme tout aztèque, le maceualli pouvait atteindre les plus hautes charges. La hiérarchie militaire était déterminé par les exploits de chacun : le guerrier qui avait réussi à capturer pour les sacrifier un nombre déterminé d’ adversaires accédait aux premiers grades. Distingué par ses chefs et par l’ empereur, il était admis dans un des deux ordres militaires : celui des chevaliers-aigles, soldat du soleil, ou celui des chevaliers-jaguar, guerriers de Tezcatlipoca. Un autre moyen pour un maceualli d’accéder à de hautes fonctions étaient de se consacrer au service des dieux.

Les artisans :
Chez les Aztèques, l’orfèvrerie, la joaillerie, la ciselure des pierres semi- précieuses ou encore la mosaïque de plume constituaient une activité importante et respectée. Tous les artisans vivaient entre eux, exerçant leur métiers de génération en génération dans les mêmes familles (leur femmes tissaient et brodaient). Ils travaillaient soit à domicile, soit dans des ateliers installés dans les palais des souverains ou des dignitaires. Il semble qu’ils étaient largement rémunérés. Ils payaient l’impôt mais n’étaient pas soumis aux corvées.

Les pochtecas :
Les pochtecas était les marchand de l’empire et y constituaient une classe à part, dont l’importance était de plus en plus grande. Dans chaque cité, ils avaient leur quartier, leur dieux propres et leurs fêtes particulières. Ils voyageaient à travers tout l’empire et ramenaient dans les villes essentiellement des produits de luxe.

Ces marchands, qui parcouraient sans cesse tout le territoire soumis à la domination aztèque, servaient aussi d’espions et d’agents provocateurs pour le compte de l’empereur. Ils constituaient, en quelques sorte, l’avant-garde de la conquête militaire aztèque.

Ils étaient soumis à l’impôt qu’ils payaient en marchandises mais pas aux corvées et leurs enfants pouvaient entrer au calmecac, collège supérieur en principe réservé à l’aristocratie. Le statut de la classe des marchands était en fait à mi-chemin entre celui du peuple et celui de la classe dirigeante.

Les prêtres :
Le clergé était fortement hiérarchisé, depuis les simples desservants de petits sanctuaires jusqu’aux grands prêtres des temples jumeaux du sanctuaire de Tenochtitlàn. Les prêtres ne payaient pas d’impôts. Ils étaient voué au célibat et avaient la charge de l’éducation des jeunes gens issus de l’aristocratie dans les calmecac.

Les tecuhtli :
A côté du clergé, au niveau le plus haut de l’échelle sociale, on trouve la classe des dignitaires, ni imposable, ni corvéable. Au départ, cette noblesse n’ était pas héréditaire et c’était par ses mérites, essentiellement au combat, qu’ un homme pouvait y accéder. Cependant, à l’époque de la conquête espagnole, cette classe tendait à se transformer en caste héréditaire : le fils d’un tecuhtli portait le titre de pilli (prince) et faisait ses études dans un calmecac. C’était parmi les pilli que le souverain choisissait ses ambassadeurs, ses gouverneurs et ses juges. Les tecuhtli exerçaient les hautes fonctions militaires et civiles.

Ils possédaient des terres cultivées pour eux par des gens du peuple, des métayers ou des esclaves. Ils bénéficiaient de la distribution du tribut, au prorata de leur grade. Les palais étaient construits et entretenus aux frais de l’empire et on leur assignait de nombreux serviteurs.

Les tlatlacotin :
Les esclaves avaient, dans l’empire aztèque, un statut très différents des esclaves de l’antiquité gréco-romaine. Ils étaient principalement des gens qui avaient tout perdu au jeu, ou bien qui avaient été condamné par la justice aztèque. Ils étaient en général bien traités car protégés par des lois. Ils pouvaient posséder des biens à titre personnel et les transmettre à leurs enfants qui, eux, naissaient libres. Un esclave pouvait épouser une femme libre. Ils accomplissaient des tâches domestiques : travaux des champs, portage, cuisine, couture ou tissage pour les femmes.

L’esclave n’était pas considéré par les Aztèque comme un être infâme, mais comme un être faible.

On distingue des tlatlacotin les mayegue ou tlamaitl, qui avaient un statut proche de celui des serfs et qui été très certainement des descendants de prisonniers de guerre.

Les révolutions transformées en mythes :

Les cinq soleils
Le monde aztèque avait déjà connu quatre soleils qui s’étaient tous achevés par de grandes catastrophes. Le cinquième soleil devait finir au terme d’un cycle de 52 années et ce devait être le dernier.

Naui-ocelotl
"Quatre-jaguar" ou Ocelotonatiuh ("Soleil du jaguar"). Les hommes furent dévorés par les jaguars, symboles de Tezcatlipoca.

Naui-eecatl
"Quatre-vent" ou Eecatonatiuh ("Soleil de vent"). Quetzalcoatl, dieu du vent et rival de Tezcatlipoca, fit souffler une tempête magique et les hommes furent métamorphosés en singes.

Naui-quiauitli
"Quatre-pluie" ou Quiauitonatiuh ("Soleil de pluie"). Tlaloc, dieu de la pluie bienfaisante mais aussi dieu terrible de la foudre, détruisit cet univers en le submergeant sous une pluie de feu.

Naui-atl
"Quatre-eau" ou Atonatiuh ("Soleil de feu"). Placé sous le signe de Chalchiuhtlicue, il s’acheva en un déluge de 52 ans. Un homme et une femme furent sauvés mais, ayant désobéit à Tezcatlipoca, ils furent transformés en singes.

Naui-ollin
"Quatre-tremblement de terre", est le cinquième et dernier soleil et il doit s’effondrer dans des séismes. Les Tzitzimime, monstres squelettiques qui hantent à l’occident les marches de l’univers, anéantiront l’humanité. Rien ne garantissait le retour du soleil et des saisons aussi la mission des Aztèques consistait a repousser l’assaut du néant. Ils fallait fournir au Soleil et aux autres divinités "l’eau précieuse".

Sur la civilisation de Caral :

NARRATOR (JOHN SHRAPNEL) : It is one of humanity’s epic journeys. Thousands of years ago people first came out of the wild and formed civilisation. They would build huge monuments, like the pyramids and all the great cities of the Ancient World, but why did they do it ? What forces gave birth to civilisation ? For years archaeologists have been trying to get back to when it all began to find the answer and now at last it seems they may have done it, for they are now exploring a lost city of pyramids in Peru. It is nearly five thousand years old and the story it tells about why we embarked on this great journey is more extraordinary than anyone had ever expected. Peru’s desert coast, trapped between the Andes mountains and the Pacific Ocean. Nothing survives out here. Explorers once hurried through in search of the gold and the treasures of the Incas hidden in the mountains beyond, but no one stopped, but then seven years ago somebody did. Ruth Shady had heard of some mysterious unexplained mounds and, alone, set off through the desert to find them and then right in the middle of this dead land she found this : a huge hill rising out of the desert.

DR RUTH SHADY (University of San Marcos, Lima) : When I first arrived in the valley in 1994 I was overwhelmed. This place is somewhere between the seat of the gods and the home of man. It is a very strange place.

NARRATOR : Then as she looked closer she thought she could see something hidden under the rubble and stones. In her mind’s eye she could make out the faintest outline of a pyramid and as she looked around she could she another and then another. Ruth Shady had stumbled on a lost city. It was a discovery that would stun the world of archaeology because it would finally begin to solve one of the great unanswered questions : why our ancestors abandoned a life of simplicity and started down the road to civilisation. Today’s modern city is the pinnacle of human civilisation. Millions of people choosing to live and work together. In a civilisation everyone has a specific task that helps towards a common goal. Workers, professionals, home-makers - they all come together to build the same society. Above them all, powerful rulers. They command who does what and when and where they do it, but it was not always like this. How this complex system came about has long been a huge puzzle to scientists.

PROF C.C. LAMBERG-KARLOVSKY (Harvard University) : For more than a century surely one of the most important questions addressed by archaeologists is also its biggest. What is the origin of civilisation ? This has been a central theme, a guiding post for virtually all archaeologists working on every continent of the world.

NARRATOR : Because civilisation was not inevitable. For more than a hundred thousand years there were neither rulers nor cities. Humanity either roamed the world in small family groupings, or lived in tiny villages. There was little planning, little leadership and no future. Just survival and then something happened. Six thousand years ago people started to move out of their villages and build huge cities. Archaeologists called this crossing the great divide. This happened in six places across the world - in Egypt, Mesopotamia, China and India - and in the New World in Peru and Central America. Without these pioneers crossing that great divide our modern world would not exist.

DR KEN FEDER (Central Connecticut State University) : And what’s exciting for us is that here we are in the 21st century living in societies that ultimately are, that ultimately result from that historical change, that historical divide.

NARRATOR : Archaeologists examined each early civilisation in turn searching for clues as to why they’d suddenly appeared and again and again they found they had many things in common.

C.C. LAMBERG-KARLOVSKY : For instance, numeracy, mathematics and calendrical systems. Writing.

KEN FEDER : Pottery. Metallurgy.

NARRATOR : But above all there was something else.

KEN FEDER : Monumental architecture.

NARRATOR : In every early civilisation it was the same. Huge, monumental structures. This was the ultimate sign of people coming together under rulers for a common goal. Pyramids marked the arrival of civilisation.

KEN FEDER : You can’t build a huge structure like that on the basis of consensus. You have to have leaders and followers, you have to have specialists, you have to have people who are in charge, people who can tell individual groups alright today you will be doing this, this group you’re going top be doing something different.

NARRATOR : But none of this explained why our ancestors crossed this historic divide. What had made us give up the simple life for the city ? That question still bewitches archaeologists because to explain it is to understand the very soul of modern humanity.

KEN FEDER : And that’s the key question : how does that happen, when does it happen and why does it happen ?

NARRATOR : There were, of course, plenty of theories. Some said it was irrigation, others trade, some claim even today it was aliens, but many said it was something else entirely, something terrifying : warfare. The theory was simple. Warfare forced groups of villages to huddle together for protection. This led to new ways of organising society. Powerful leaders emerged and these leaders became pharaohs and kings. They would assign tasks and organise lives. Complex society was born out of fear. For 20 years Jonathan Haas and Winifred Creamer have tested the warfare theory around the world. A husband and wife team of archaeologists, they’ve found the tell-tale signs of battle in every early civilisation.

JONATHAN HAAS (Field Museum, Chicago) : As you look at culture, as it becomes more complex, warfare seems to be everywhere, that these societies seem to be always at war, or war’s depicted in the art, war’s depicted in the architecture, you see a warrior class or you see standing armies, you see generals. When you get writing, writing is about warfare.

NARRATOR : While it is not universally accepted, many agree with Haas’s conclusions that warfare was a crucial driving force behind the birth of modern society.

C.C. LAMBERG-KARLOVSKY : I frankly find it difficult to conceive of the emergence of urbanisation complexity civilisation in the absence of degrees of conflict, or the presence of, of warfare.

NARRATOR : But it was only a theory. Archaeologists had no proof, so they spent years scouring the earth, hunting for a way of turning theory into fact. What they needed to find was what archaeologists call a mother city. This is the missing link of archaeology, the very first stage of civilisation, just as humanity crossed the great divide.

KEN FEDER : So if we could find one of these absolutely earliest stages of civilisation it would make an enormous contribution to our understanding of the process of the development of civilisation.

NARRATOR : If their theory was right, then the mother city should be filled with the signs of battle, but they always hit the same obstacle. Civilisations constantly build upon themselves. It means the earliest stages are all but wiped out.

KEN FEDER : Human beings reconstruct buildings, human beings recycle materials. It is very often difficult to be able to coax out of that mass of material sort of the base of that civilisation. What constitutes the original civilisation.

NARRATOR : After years of searching in the Old World they’d found little. They still needed to find the earliest stage that had not been built on, somewhere pristine and so the search for the mother city switched from the Old World to the New. Peru, home to one of the greatest of all civilisations - the Incas. Here high in the Andean mountains they ruled a mighty empire until destroyed by the Spaniards five hundred years ago, but the origins of this great civilisation stretch back thousands of years and its earliest stages remain shrouded in mystery and so the search for the mother city settled here, this time on the Peruvian coast where, thousands of years ago, it all began. Seven years ago the search to find that elusive first stage of civilisation arrived here, just 10 miles from the coast in the Casma Valley. Something truly spectacular was discovered, one of the biggest pyramids in the world. This pyramid is so huge that for a century explorers ignored it, convinced it could only be a hill. It is the rival of anything in Egypt.

DR TOM POZORSKI (University of Texas-Pan American) : This is a pyramid that ranks as one of the largest in the world, period. It’s one that covers on the surface of the mound it covers like 15 football fields. The volume of it is some, we calculate something like two million cubic metres of material.

NARRATOR : But the pyramid was only the beginning. The whole site spreads out over six miles and includes a host of lesser pyramids. In front of the main pyramid four plazas extend out for over a mile. Thousands of people could have met and done business here. The Casma Valley is one of the wonders of Peru and it is a site that reeks of civilisation.

TOM POZORSKI : Visitors of this valley, upon first seeing this pyramid, what is said this society that built it had its act together. This society’s very powerful, this society is, is a society that really is very highly organised.

NARRATOR : Tom Pozorski and his wife Sheila were about to make Casma into one of the sensations of archaeology because four years ago they unearthed some wooden poles inside the main pyramid. Wood can be carbon dated. The results showed it had been built in 1500 BC. It made Casma the oldest city ever discovered in the Americas and an instant candidate to be the mother city. Then they dug deeper and everywhere they found the tell-tale signs of a civilisation at its very earliest stage. There was pottery, but it was very simple and there was art, but again it was crude. Everything was at its most basic. It all seemed to point to one thing - Casma had to be the mother city, but the final question for the archaeologists was were there signs of battle, was it really true that the first civilisations were born out of warfare ? Then came the final breakthrough. It happened in one of the outlying pyramids. There they found some carvings.

TOM POZORSKI : We have warrior figures next to their victims who are cut up, they’re beheaded, their bodies cut in half.
JONATHAN HAAS : Heads have blood flowing from their eyes and blood flowing from their mouths and then you have body parts so you’ll have just the leg and you’ll have a torso or you’ll have feet and you’ll have crossed hands.

NARRATOR : For archaeologists like Jonathan Haas these carvings confirmed what they’d long suspected : warfare really did seem to be the force that gave birth to civilisation. It appeared the answer to why we’d crossed the great divide from the simple to the civilised had been found. Archaeology’s great quest seemed to have ended at Casma, the mother city, but Casma’s days as an archaeological sensation were numbered. Just as it was reaching the height of its fame, Ruth Shady found her mysterious hills and they would transform everything. Ruth went back to the site again and again and she took with her a team of students and archaeologists. Their first task : to get a rough idea of how old Caral, as the site was known, actually was. For this they needed to find pottery because archaeologists are skilled at dating sites just by the style of the pottery they find, but after weeks of searching they found nothing.

RUTH SHADY : For two months we looked for pottery. Every night we asked each other if anybody had found any, but nobody had. We were completely baffled.

NARRATOR : This was very puzzling. Every early civilisation is littered with pottery, even Casma, but not this one, so they looked for something else you’d expect to find in a civilisation : metal tools, but the only tools they found were made not of metal but stone. There was only one conclusion : this was a civilisation at an extraordinarily early stage.
RUTH SHADY : Little by little as we analysed our findings, we began to realise that this place was completely different to anything we had seen before and it was much older than we’d expected.

NARRATOR : But how old ? They’d still found nothing they could date and so they decided to dig inside Caral’s biggest structures - the pyramids. This was a massive undertaking. The site was enormous and the pyramids huge. Ruth needed help, so she recruited the Army. In their way lay thousands of tons of sand, rubble and stones built up over millennia. It would have to be shifted and so as to avoid any damage to the original structures it could only be done one bucket at a time. Gradually they caught glimpses of what lay beneath : some of the original stones, traces of plaster, paint not seen for thousands of years, a series of staircases and the wall at the front of the pyramid. There was no doubt these pyramids would have required craftsmen, architects, a huge workforce and leaders, all the trappings of civilisation and then at last one of her team found what they were looking for. Sticking out of the foundations of one of the buildings were reeds. These reeds had been woven into what are called shicra bags and the bags clearly had been used to carry the stones from the mountains. It’s a technique found only in the very oldest buildings in Peru. Reeds can be carbon dated. it meant that at last Ruth could find out just how old Caral was, but she lacked the facilities to do it herself and so she sought help from abroad and so last year Jonathan Haas and Winifred Creamer were invited to the site. What they saw stunned them.

JONATHAN HAAS : It was the most incredible assemblage in the, of archaeological sites that we had ever seen anywhere in the world. it was literally one of those double-take moments when your mouth drops open and you go my God, I’ve never seen anything like that in my life.

NARRATOR : They had no doubt Caral was a site of potentially huge importance. It made their dating of the shicra bags all the more crucial. They took 12 samples to the University of Illinois for testing. If the bags were from about 1400 BC Caral would certainly be an important discovery, but younger than Casma. Dates around 2000 BC would make it the oldest city in the Americas. Dates any earlier seemed inconceivable. Three months later the results arrived.

DR WINIFRED CREAMER (Northern Illinois University) : I was at work and Jonathan called me and he said they are absolutely great, they’re all early.

NARRATOR : The bags were dated at 2600 BC. Caral was nearly five thousand years old, as old as the pyramids of Egypt, older than anyone had thought possible.

JONATHAN HAAS : I was virtually in hysterics for three days afterwards.

NARRATOR : Caral was a thousand years older than Casma. it meant Casma could not be the mother city. it had to be Caral. It was now Caral’s turn to be a sensation. The new mother city meant archaeologists could at last seek answers to their great question : why had civilisation begun ?

KEN FEDER : We’ve eliminated some of these false starts and blind alleys. We say OK, this is the point that wherever we look in the world where civilisation develops this happens and this allows for everything else.

C.C. LAMBERG-KARLOVSKY : In the context of archaeology worldwide it is of major significance. It allows us a new, independent laboratory. We can look here for all of those common questions that we ask of every civilisation.

JONATHAN HAAS : We have here a unique opportunity, historically an unique opportunity to look at the start, to look at that transition, to, to, we have our missing link, if you will.

NARRATOR : Ruth could now show the world what a society looked like at the very dawn of civilisation. Her work revealed that at the heart of Caral was six pyramids arranged around a massive central plaza. Alongside them an amphitheatre and temple, the religious heart of Caral. it contained a furnace which Ruth believes fired a flame that was meant to burn forever. In the centre of the plaza were houses, some ornate, some simple. Dominating everything the main pyramid, seat of the city’s rulers, and the symbol that the people of Caral had left behind the primitive life and discovered civilisation. This then is what modern society might have looked like at its very beginning, but why was the city here, why did civilisation start at Caral and that’s when the trouble started. It began when Jonathan Haas, the world’s expert on the warfare theory, paid another visit. He was searching for evidence to back it up. The first thing he thought he might find were battlements.

JONATHAN HAAS : I began walking and climbing all of the hillsides around Caral and it finally dawned on me that there weren’t any fortifications round these sites.

NARRATOR : Meanwhile, Ruth and her team were searching Caral for weapons, for depictions of warfare, anything, but again there was nothing.

RUTH SHADY : We found no sign of the sort of weapons you see in later periods of history, like stone cudgels. I don’t see any evidence of conflict. The city isn’t walled, its inhabitants did not feel under any treat of war, there are no weapons of war.

NARRATOR : Haas was now extremely puzzled, so he widened his search. He headed to the valley’s mouth through which any invaders would have had to pass.

JONATHAN HAAS : I was an approaching army that’s where I’d come and that’s where I should find defensive fortifications. There should be a wall going across it. They’re easy places to put walls across all of these access routes.

NARRATOR : But again nothing.

JONATHAN HAAS : There should be something to slow down the enemy and in fact there’s nothing. There are no fortifications round any of these sites.

NARRATOR : Jonathan Haas was now facing an uncomfortable truth. He had spent years pursuing the theory that warfare was the force that created civilisation and now it was falling apart in front of him.

JONATHAN HAAS : You seemed to really have the beginnings of that complex society and I’m able to look at it right at the start and I look for the conflict and I look for the warfare, I look for the armies and the fortifications and they’re not there. They should be here and they’re not and you have to change your whole mind-set about the role of warfare in these societies and so it’s demolishing our warfare hypothesis. The warfare hypothesis just doesn’t work.

NARRATOR : The message of Caral was clear : warfare had nothing to do with the creation of civilisation, here at least. The whole quest to find out why civilisation was formed would have to start again. The eyes of the world were now on Ruth. Everyone wanted to know what had been going on at Caral. If it wasn’t warfare what was it that brought these people to build their magnificent city ? What emerged was that Caral was a society that knew how to have fun. Near the main temple Ruth and her team found beautifully carved flutes made from the bones of condors.

RUTH SHADY : The flutes were the first things we found that showed people working as specialised craftsmen in Caral.

NARRATOR : But the people of Caral also enjoyed more worldly pleasures. back in the laboratory Ruth’s team unearthed fragments of the fruit of something called the achiote plant. Even today, it’s used by rainforest tribes as body paint and food colouring, but it has one other use : to enhance sexual performance. They also found the shells of a creature called the megabolinus snail. These were used as ornaments for necklaces and inside one of them they spotted traces of a mysterious white powder. It was lime. The team also found seeds from the coca plant at Caral and that meant drugs. The lime when mixed with the coca enhances the effects of the cocaine in the coca plant. It’s a powerful stimulant.

RUTH SHADY : There are indications that they used drugs because we have found little containers in which there was some lime. We also found inhalers made out of bone.

NARRATOR : The shamans, or holy men, among certain Amazon tribes use something similar even today. The effects are dramatic. During the trance they believe they’re possessed by animal spirits. Ruth believes this kind of thing could have been happening during festivals in Caral all those years ago.

RUTH SHADY : It’s probable that during the very frequent religious ceremonies in Caral there would have been some hallucinatory drug present.

NARRATOR : But these finds told Ruth even more about Caral. The plant, the snail and even the flutes were a clue to the basis of the whole civilisation because they had one other very special quality. They were entirely alien to the deserts surrounding Caral. They came either from high in the Andes, or the rainforest and that was two hundred miles away. All these goods had been brought to Caral from far away, but why ? The mystery deepened further. Ruth’s team found that Caral didn’t just import its pleasures. It also brought in the most basic commodity of all : food. It seemed the staple diet of Caral was completely bizarre for a city deep in the desert. It was fish. There were endless fish bones, mainly of sardines and anchovies. They could only have come from the Pacific coast more than 20 miles away. There was now a real puzzle. Goods of all kinds seemed to be flooding into Caral from all over Peru. Why ? What was happening at Caral that drew them there ? The mystery of Caral was now captivating Jonathan Haas and Winifred Creamer. Ever since the collapse of the warfare idea they’d roamed the valleys around Caral hunting for clues for an alternative theory. Their wanderings took them over the hills to the neighbouring valleys and it dawned on them all the valleys of Caral had one thing in common : rivers. Even today Caral is fed by rivers flowing down from the Andes to the sea. These rivers would be the key in unlocking the mystery of why civilisation first formed here at Caral because with rivers had come a huge technological advance : irrigation.

WINIFRED CREAMER : This is the simplest possible kind of irrigation system. All you needed to do was to take a hoe, or something like that, and scratch a little ditch from the river to a piece of land and you could tell that you were going at the right angle ’cos the water’d follow right in.

NARRATOR : The valleys near Caral are crisscrossed with ancient irrigation trenches and irrigation would have transformed the desert.
JONATHAN HAAS : Once I bring water off of that river to the Peruvian desert that desert blooms. Once I get water to it it just is the most productive land you could possibly hope for.

NARRATOR : Jonathan believed Caral was once a huge Garden of Eden. Here in the middle of the desert it would have been a vast oasis of fruit and vegetable fields. It would have made Caral one of the wonders of the Ancient World and irrigation led to something else, the thing that would turn out to be the crucial innovation behind the rise of civilisation at Caral. Ruth’s researchers had begun to look for the kinds of vegetables the people of Caral had been eating. In amongst all the beans and nuts they found cotton seeds, lots of them. In fact cotton seemed to be everywhere.

RUTH SHADY : Practically every building contained cotton seeds or cotton fibres or textiles. We were very surprised at the beginning at the sheer amount of cotton.

NARRATOR : Some of the cotton was used for clothes, but it had another use that had nothing to do with Caral : fishing nets. This net was found at the coast not far from Caral. It’s nearly 5,000 years old, as old as Caral itself. It was then that it all became clear to Ruth. Caral was engaged in trade. it made cotton nets for the fishermen who sent fish as payment.

RUTH SHADY : A trading link was established between the fishermen and the farmers. The farmers grew the cotton which the fishermen needed to make the nets and the fishermen gave them in exchange shellfish and dried fish.

NARRATOR : This was Ruth Shady’s great insight. Trade in cotton led to a huge, self-sustaining system. Caral made the cotton for the nets. With the nets the fishermen could catch more food. More food meant more people could live at Caral to grow more cotton and so Caral became a booming trading centre and the trade spread. Goods have been found from as far away as Ecuador, the Andes and of course the rainforests hundreds of miles away.

RUTH SHADY : There is trade with people in the mountains, the jungle and also with the coastal people from further away. There is a trading network which is far more widespread than just the internal trade within the valleys around Caral.

NARRATOR : It seemed then that they’d found the answer to that great archaeological quest. The driving force that led to the birth of civilisation at Caral five thousand years ago was not warfare. it seemed to be trade. Ruth Shady, the archaeologist from Peru, had cracked it.
JONATHAN HAAS : It looks like exchange is what’s unifying this system together and is kind of emerging as the most effective theory we have today to explain how this system developed.

NARRATOR : And amazingly this trade seems to have built a contented world. There were no battles, no fortresses. Civilisation in Peru appeared to have been born of a time of peace - or had it ? Just as everything seemed to be solved, Ruth’s team made a chance discovery that threatened to undermine everything. In one of the grander houses, perhaps home to one of the elite, they spotted something unusual.

RUTH SHADY : We thought we had finished work on this section. We looked at the floor and we didn’t think there was anything else there, but when we came back the following day we noticed that there was a slight dip in one section of the floor of the building.

NARRATOR : At first they thought they’d found a personal object, perhaps an ornament. When they looked closer they could see it was a reed basket. It had lain under the floor of a house for nearly five thousand years. When Ruth cleaned the dust away she found something much more disturbing inside : human bones. They’d stumbled upon the body of a small child, perhaps even a baby. Suddenly it raised the frightening possibility. Perhaps the people of Caral started a tradition which was to be common in later civilisations in the Americas : human sacrifice. Perhaps Caral was not a civilisation of peace and happiness after all, perhaps it was brutal and held together not by trade, but fear. It became vital to find out how this child had died. Was it really a victim of some barbaric practice ? The body was sent back to the labs for analysis and with it the objects found buried alongside. Ruth was surprised to see the baby had been placed in the foetal position before being buried and even more surprised to see the body had been carefully wrapped in several layers of fine cloth. Alongside the body were small stones. They’d been carefully polished and holes drilled through their centre. They had to be beads, perhaps of a necklace. Then they examined the bones. They were of a two month old baby and then, slowly, each bone was examined for signs of violence, but there were none. They suspected this child had died of natural causes. it had been lovingly prepared for burial. This first citizen of American civilisation was not a sacrifice, but a much loved child. Caral really had been a city of peace after all, so this is the real story of Caral. In the desert a city of pyramids arose built on riches gained peacefully through trade. It spawned a civilisation that lasted unbroken for more than four thousand years. It is a story that may yet contain the answer to archaeology’s greatest question : why human beings crossed the great divide from the simple to the civilised ?

RUTH SHADY : Caral was the first city with the first central government ever to be created. Caral changes all our current thinking about the origins of civilisation.

NARRATOR : Because it seems that five thousand years ago they had no need for warfare. Caral enjoyed a peace that lasted almost a millennium, an achievement unmatched in the modern world.

JONATHAN HAAS : That’s a period of a thousand years of peace. I can’t have a thousand years of peace if warfare’s natural to human beings. Warfare’s part of human nature. You don’t get a millennium of no war.

NARRATOR : Perhaps that is Caral’s real legacy. Human civilisation was not born in bloodshed and battle. Warfare was a later part of the human story. Great things can come from peace.

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[1On peut lire dans l’« Atlas historique de la Méso-Amérique » de Norman Bancroft Hunt : « Bien que les Aztèques se soient dits originaires de Teotihuacàn, la cité était depuis longtemps en ruines lors de la fondation de Tenochtitlan par les Aztèques, et il est peu probable que les Aztèques aient su beaucoup de choses à propos de ses fonctions administratives et bureaucratiques. »

[2Eric S.Thompson écrit : « Les Mayas, comme les Aztèques, croyaient semble-t-il, que le monde prendrait fin brusquement, probablement lorsqu’une combinaison écrasante de mauvaises influences marquerait la fin d’une période. (...) Les Aztèques croyaient que le monde avait été créé cinq fois et détruit quatre fois. »

[3« Les cités olmèques semblent faites d’un tissu à larges mailles. (...) des centres tels que Tres Zapotes, Laguna de Los Cerros, San Lorenzo, etc… ont été associés, probablement, sous l’influence prépondérante de La Venta, en une ligue ou confédération qui couvrait de son autorité le territoire dit « métropolitain » (Veracruz-Tabasco). » écrit Soustelle dans le même ouvrage. Il précise : « La notion de « masse critique » de population mérite d’être mentionnée ici. L’île de La Venta pouvait fournir un habitat à 18.000 personnes, la zone métropolitaine pouvait regrouper 350.000 âmes. »

[4Sauf que cette continuité pose un problème : il y a un trou de 600 ans entre la fin des Olmèques et le début des Mayas ! L’auteur qui relève cette thèse reconnaît cependant que « Bien que l’influence des Olmèques se fasse sentir dans la culture maya ancienne, le grand laps de temps qui sépare la disparition des Olmèques en 400 avant JC et l’apparition des Mayas au début de l’ère chrétienne rend impossible toute relation directe. » De même, la thèse de la continuité entre Teotihuacàn et les Aztèques ne peut expliquer un trou de 450 ans. (entre 750 après JC et 1200 après JC) Il s’agirait bien plus d’une continuité mythique affirmée par les classes dirigeantes qui souhaitaient se donner un passé ancien et glorieux pour se légitimer. L’auteur rappelle que « Au moment de la fondation de Tenochtitlan (par les Aztèques), la grande cité de Teotihuacàn était en ruine depuis plus de 600 ans. L’influence maya s’était éteinte depuis 400 ans et la capitale toltèque de Tula avait été rasée 100 ans auparavant. » Malgré des influences culturelles évidentes, la continuité politique n’apparaît pas probable. Ce sont les discontinuités de la civilisation méso-américaine qui rendent indispensables les mythologies. Celles-ci sont également rendues nécessaires par la volonté de la nouvelle société de justifier de son apparition. Mais l’absence de lien de continuité contraint à fabriquer une histoire partiellement imaginaire que ce soit des Mayas vers les sociétés précédentes, des Toltèques de Tula vers la civilisation de Teotihuacan, ou des Aztèques vers les Toltèques.

Messages

  • Dans les villes désertées, on ne trouva pas trace de conquérants.

  • Anciennes civilisations du Mexique

    « Des dieux, des tombeaux, des savants »

    de C.W.Ceram

    « Le secret des villes désertées

    « Quand on eut éclairci quelques points essentiels de la chronologie maya, les résultats obtenus firent apparaître l’un des phénomènes les plus mystérieux de l’histoire d’un grand peuple, le secret des villes désertées. (…) Cela mérite d’être parce qu’on fait ainsi revivre pour nous le dernier chapitre de l’histoire maya et cela nous ramène par un détour au secret des villes mortes. (…) En 1441, les opprimés se groupèrent pour former une fronde (…) Mayapan fut conquise, sa chute entraîna non seulement celle de la ligue (entre les villes du Nouvel Empire), mais aussi celle de l’empire Maya. Les Xiu fondèrent encore la ville de Mani ; d’après certains, ce nom signifierait « tout est fini ».

  • Selon une information de l’agence AP, une compagnie de construction a détruit l’une des plus grandes pyramides du Belize pour en extraire de la roche pour un projet routier.

    Situées dans le nord du Belize, la mise à sac des ruines de Nohmul aurait commencé au début du mois de mai, selon le directeur de l’Institut d’archéologie du Belize, James Awe cité par AP. Le salle de cérémonie située dans la pyramide date d’il y a au moins 2300 ans. Les ruines de Nohmul se trouvent dans le nord du Belize.

    Ces ruines mayas se trouvaient au milieu d’un champ de canne à sucre privatisé. Même s’il ne s’agissait pas de la pyramide la mieux conservée, James Awe doute fort que les constructeurs aient pu ne pas voir le sommet de la pyramide, qui culmine à près de 30 mètres de haut. L’emplacement des ruines était connu et le paysage de la région est naturellement plat.

    "Ils savaient qu’il s’agissait d’une structure ancienne. Ce n’est que de la paresse", a déclaré Awe. Le directeur déplore aussi qu’avec des outils modernes, il aurait été possible d’aller chercher ces pierres dans n’importe quelle carrière.

    La police du Belize dit enquêter sur l’affaire, la compagnie risque des poursuites. Selon la loi, toute ruine pré-hispanique est sous protection gouvernementale, qu’elle se trouve ou non sur un terrain privé. Ce n’est pas la première fois qu’un tel incident de ce genre survient au Belize, un petit État parsemé de ruines mayas.

  • « Le développement inégal ne se constate pas seulement à l’ère capitaliste mais aussi dans les sociétés précapitalistes, comme on peut l’étudier dans le cas de l’Indo-Amérique (précolombienne) en comparant l’état culturel des formations sociales inca et aztèque avec les communautés de chasseurs-cueilleurs et d’agro-artisans de cette même époque. »

    « Pour l’enrichissement de la théorie du développement inégal et combiné de Trotsky », de Luis Vitale

  • « Le développement inégal et combiné s’observe non seulement dans l’économie, mais aussi dans la formation et l’évolution des classes sociales, dont les segments s’entremêlent, particulièrement dans la classe dominante, au rythme du développement capitaliste et de la lutte pour l’hégémonie au sein du bloc au pouvoir. »

    Pour l’enrichissement de la théorie du développement inégal et combiné de Trotsky, de Luis Vitale

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