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Encore sur les révolutions dans l’Inde antique

vendredi 23 juillet 2010, par Robert Paris

Florence Leroy dans « La civilisation disparue de la Vallée de l’Indus » :

« Il y a cinq mille ans, apparut sur les rives de l’Indus une civilisation urbaine sophistiquée. Sans temple, palais, ni armée.

Comme chaque matin pendant la saison commerciale, la ville de Harappa se réveille au bruit des chars à bœuf dévalant les rues et des boutiquiers proposant bracelets de coquillages ou colliers de fines pierres précieuses. De riches marchands venus des lointains pays d’Oman, d’Afghanistan et d’Asie centrale débattent avec les inspecteurs de l’octroi des taxes qui vont être appliquées au lapis-lazuli, à l’or, l’argent et l’étain qu’ils espèrent écouler au près de clients fortunés. Après quelques nuits passées au caravansérail aménagé aux portes de la cité, ils repartiront, emportant dans leurs bagages des céréales, du bétail, des tissus de coton et peut-être de soie, et les perles de coraline et bracelets de coquillages qui ont rendu les artisans de l’Indus célèbres de la Mésopotamie à l’Himalaya. Les paysans sont venus nombreux de la plaine féconde qui entoure la ville pour vendre leurs surplus (…) des ouvriers nettoient les les énormes cuves servant d’égout installées dans les artères principales, terminus des conduits d’évacuation venant des latrines et des salles de bain des habitations. Par des canalisations plus larges, ces boues fertiles se déverseront dans les champs, à l’extérieur des hautes murailles de la ville.
C’est un jour comme un autre, il y a quatre millénaires, à Harappa, prospère cité de la verte plaine du Sindh (actuel Pakistan), riche de 40.000 habitants. (…) La plus grande ville de ce que les archéologues appellent la civilisation harappéenne ou de l’Indus, du nom du fleuve qui en fut l’artère vitale et qui fit sa prospérité. (…) « On a longtemps cru que l’idée de ville avait été importée du Proche-Orient et mise en pratique dans la vallée de l’Indus par un groupe dynamique », observe Jean-François Jarrige, ancien directeur du musée Guimet à Paris et l’un des rares Français à avoir effectué des fouilles dans la région. « Mais aujourd’hui, nous savons, grâce aux travaux que nous avons menés à Merhgarh, au Baloutchistan (Pakistan), que des agglomérations bien planifiées se sont formées dès la fin du huitième millénaire, avec la domestication de plantes comme l’orge et le développement du pastoralisme. » (…)
C’est vers 2800-2600 avant notre ère, à cause peut-être de changements climatiques poussant les montagnards vers les plaines, que se développent véritablement de grandes agglomérations, à partir de villages fortifiés le long de routes commerciales ou près de terres agricoles bien fertilisées par les alluvions de l’Indus. (…) C’est alors qu’apparaissent sur des sceaux et des poteries les premiers signes d’une mystérieuse écriture encore indéchiffrée, parallèlement à une explosion du savoir-faire artisanal. L’âge d’or de la civilisation harappéenne débute, tandis que se développe un véritable maillage de cités partageant un destin commun culturel. (…) Pas de secret : si tout fonctionne aussi bien, c’est avant tout grâce aux deux classiques « mamelles » : labourage et pâturage : une agriculture et un élevage assez productifs pour nourrir sans trop de peine des urbains nombreux. Il se trouve que les inondations venues de l’Himalaya viennent gonfler l’Indus en été, juste avant les semailles. L’exploitation de la crue ne nécessite donc pas de grands travaux d’irrigation. Les hommes de l’Indus montrent dès lors d’éclatantes qualités commerciales, faisant des villes de Harappa et Mohenjo-Daro de véritables plaques tournantes du commerce de l’Asie du sud. On en retrouve trace jusqu’en Mésopotamie, lorsque le roi Sargon d’Akkad, vers 2300 avant J.-C., indique que les marchandises de Mehuhha (nom akkadien de la vallée de l’Indus) sont si précieuses qu’elles ne doivent pas être déchargées dans le port de Ur mais remonter l’Euphrate jusqu’à Akkad. Deux siècles plus tard, la tombe de la reine sumérienne Paabi recélait déjà, entre autres trésors, de précieux bijoux en perles de cornaline. (…) « Dès l’époque de Mehrgahr, au siècle millénaire avant JC, ce qui intéresse les hommes de l’Indus, c’est de transformer les matériaux, d’exploiter des secrets techniques », note Jean-François Jarrige. « On a retrouvé trace dans la région d’un négoce intense de lapis-lazuli avec les mésopotamiens, grands amateurs d’objets exotiques. » La préférence donnée au commerce devait frapper tout étranger arrivant dans une ville de l’Indus. (…) On chercherait en vain dans la région de l’Indus la représentation des batailles sanglantes et glorieuses, des hauts faits d’armes de rois prestigieux qui paraissent la règle dans les empires contemporains. (…) Une vaste civilisation préoccupée de prouesses technologiques, dédiée au commerce et au confort, voilà la première image que nous offre la région. Mais ce qui devait frapper le plus le visiteur, c’est l’absence. De batailles et de dieux. D’individus distingués pour leurs prouesses militaires, leur autorité politique ou leur art. D’effigies monumentales. (…) Selon les mots de Gregory Possehl, un « système socio-culturel sans visage, sans Etat ». (…) Le développement de la civilisation harappéenne répondrait non à une volonté de conquête, mais aux exigences de marchands désireux d’accroître leur aire de développement. (…) Nul besoin donc d’un pouvoir aux mains de rois et de prêtres comme les premiers archéologues l’ont imaginé. (…) Comment une culture si brillante, si structurée, a-t-elle pris fin ? Ce n’est pas la moindre des énigmes fascinantes qu’elle offre aux chercheurs. (…) Si Harappa a été habitée jusque vers 1300 av J.-C., tout semble indiquer que les murs et les égouts ne sont plus entretenus, et que les pouvoirs publics sont impuissants à contrôler, sans armée, une ville devenue surpeuplée. »

Parler de révolutions dans l’Inde antique signifie non seulement qu’il est arrivé que les opprimés se révoltent et renversent une société, un régime et suppriment même un mode de production. Cela signifie aussi que l’Inde est passée d’une société à une autre, d’une mode de production, d’un système social à un autre par des sauts et non par des progrès. Il y a certes eu des progrès mais ce n’est pas cela qui a fait passer d’une société à une autre mais des bonds, des discontinuités historiques.

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La civilisation ancienne de l’Inde et du Pakistan est localisée dans la vallée de l’Indus (Mehrgarh, Harappa, Mohenjo-Daro, Amri…) et qui s’étend à l’ouest, à l’est et au sud-est dans le Kathiawar.
Selon les régions, les niveaux culturels sont très différents : Mehrgarh – avec village, domestication de bovins et d’ovins et culture de céréales au VIIe millénaire – présente un stade très avancé d’évolution ; la céramique y apparaît au VIe millénaire Urbanisation, cachets, poterie polychrome, figurines, outillage osseux et métallurgie du cuivre définissent la période (5000-2500) chalcolithique qui correspond à une phase préindusienne (Mehrgarh, Amri, Mundigak…). La civilisation de l’Indus proprement dite, qui se développe entre 2400 et 1800 avant J.-C., connaît une vaste expansion et une grande homogénéité. Elle se caractérise par d’énormes cités (Mohenjo-Daro, Harappa, Kalibangan, etc.) comportant des aménagements défensifs et utilitaires, des cachets à décor pictographique, des figurines et une poterie peinte ainsi qu’une métallurgie du cuivre et du bronze. Vers 1800 avant J.-C., elle disparaît brutalement, avec cependant une phase dite postharappéenne (1800-1000 avant J.-C.) qui la prolonge – surtout dans le Kathiawar – avant de se fondre dans les cultures locales.
Entre -2600 et -1900 avant JC, l’une des plus énigmatiques civilisations au monde brille de tout son éclat pour disparaître ensuite sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Il s’agit de la civilisation de l’Indus avec sa ville emblématique, Mohenjo Daro. Avec l’aide de l’ordinateur, une équipe de chercheurs indiens tente de décrypter les traces écrites de cette civilisation.
L’Inde possède un passé culturel glorieux et extraordinairement riche qui la fait rivaliser avec la civilisation égyptienne et la Grèce de l’époque de Périclès. Les grands ouvrages philosophiques, poétiques et religieux que sont les upanisads, la Bhagavad Gîtâ et le Rig Veda semblent avoir été rédigés dans leur forme finale vers -500 av. JC. Mais on a toutes les raisons de penser, au moins pour le dernier, que les parties les plus anciennes dateraient de -1.800 à -1.500 av. JC.
Jusqu’au début des années 1920, on pensait cependant que l’Inde était dépourvue de grandes réalisations urbaines et architecturales avant le premier millénaire avant JC mais les découvertes des sites d’Harappa et surtout de Mohenjo Daro allaient changer les choses.
Bien que prenant racine très probablement dans des temps plus anciens, une brillante phase d’urbanisation étonnamment moderne s’est produite entre -2600 av. JC et -1900 av. JC dans la région entourant l’Indus, le célèbre fleuve parcourant aujourd’hui le Pakistan. Le peuple constituant ce que l’on appelle désormais la civilisation de l’Indus semble avoir été constitué principalement de marchands réunis dans des villes sans temples ni palais, ce qui témoigne d’une société fortement égalitaire.

La ville de Mohenjo Daro est particulièrement surprenante car elle bénéficie d’un urbanisme sophistiqué avec, dans de nombreuses maisons, une salle de bain et un système de drainage des eaux usées. Les habitants maîtrisaient l’irrigation, contrôlaient les crues du fleuve et semblent avoir été étonnamment pacifiques pour l’époque. Comme dans le cas des autres sites de l’Indus, il ne semble pas y avoir existé d’activités militaires.
Pendant son existence, la civilisation de l’Indus a visiblement prospéré en grande partie par ses échanges, par exemple avec la Mésopotamie. De nombreux sceaux gravés de symboles énigmatiques accompagnant des dessins d’animaux et parfois d’hommes, typiques de cette civilisation, se retrouvent dans les sites du golfe. On trouve aussi dans les tables sumériennes des mentions des échanges avec cette civilisation.
Des symboles ou un langage ?
Les signes portés par les sceaux sont peut-être associés à un véritable langage écrit mais jusqu’à présent personne n’a été capable de le comprendre. On aimerait bien car, non seulement cette brillante civilisation disparaît brutalement vers -1900 av JC sans qu’on ait vraiment d’explications, mais on spécule toujours pour savoir si sa culture a ou non été à l’origine de la civilisation de l’Inde du Nord. A première vue, il ne semblerait pas mais les recherches des dernières années laissent planer un doute.
Les tentatives pour décrypter l’écriture de la civilisation de l’Indus n’ont pas manqué… malgré le fait que personne n’était vraiment certain qu’il s’agisse bel et bien d’une écriture.
Vers 2500 av. J.-C. apparaît, dans la vallée de l’Indus, une civilisation urbaine comparable à celles de Mésopotamie et d’Égypte. Mais, au regard de la soudaineté de cette éclosion et de ses caractéristiques étonnantes, on peut se demander où elle est née et quels en ont été les acteurs. Jacques Népote fait ici le point des dernières connaissances sur cette civilisation brillante, mais qui reste encore bien mystérieuse.
Le Néolithique, qui représente pour l’homme la phase de sortie de la préhistoire depuis le changement climatique vers 10 000 av. J.-C., s’est particulièrement accéléré en quelques endroits de la planète pour conduire, à partir de la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C., à l’éclosion des premières sociétés historiques. Dans le Croissant fertile sont ainsi apparues nos civilisations antiques ; dans la moyenne vallée du fleuve Jaune, la civilisation chinoise ; et enfin, dans la région de l’Indus, la civilisation indienne. On suit cette accélération « indienne » à partir du VIIe millénaire av. J.-C. dans un petit secteur de collines du Baloutchistan, le site de Mergahr. De là les innovations se répandent en éventail jusqu’à conduire, à partir de 3500 av. J.-C., à la colonisation de la vallée de l’Indus par des sociétés de villages agraires, développant en parallèle artisanat et commerce.
Au terme d’un millénaire de transition éclot la civilisation de l’Indus. Pour l’heure, on ne dispose d’aucune information réelle sur ses origines puisque l’on n’a pas réussi à déchiffrer son écriture de quelque quatre cents pictogrammes, qui ne fut utilisée que pour de courtes inscriptions, sur des sceaux, des amulettes et autres petits objets. Elle n’a apparemment pas laissé de postérité.
Un urbanisme remarquable
Certes, cette civilisation apparaît dotée de techniques relativement performantes qui pourraient être le fruit d’une longue démarche empirique, par exemple, la protection des crues du fleuve par un important système de digues. Mais surtout, elle présente des éléments d’allure étonnamment « moderne » pour une société de ce temps : standardisation des poids et mesures, et de la taille des briques. Cela laisse supposer l’existence d’une forte autorité centrale et normative qui s’est exercée sur un très vaste espace englobant, lato sensu, le Pakistan actuel, le Pen-jab et le Gujarat indien.
Parmi les attributs de cette culture, on relèvera un urbanisme remarquablement coordonné. Ainsi, les deux plus vastes sites, Harappa et Mohenjodaro, ont un périmètre de cinq kilomètres, et couvrent chacun quelque soixante hectares. Ils constituent probablement, le premier une capitale de l’amont du fleuve tournée vers le Pendjab, l’autre, une capitale de l’aval du fleuve tournée vers l’administration des côtes. Ces villes fortifiées, dont le matériau est la brique crue revêtue de brique cuite, sont bâties sur le même modèle de planification urbaine. Elles sont disposées en damier et divisées en blocs de deux cents sur quatre cents mètres, séparés par de larges rues rectilignes. Surplombant les quartiers résidentiels, et protégeant de gigantesques silos, une acropole artificielle d’une quinzaine de mètres de haut regroupe les bâtiments à caractère religieux, cérémoniel et administratif. Mais il n’y a pas trace de palais, ce qui laisse supposer une organisation politique confiée à des collèges d’administrateurs ou à une élite sacerdotale. On connaît d’ailleurs peu de choses de l’organisation politique et sociale de la civilisation de l’Indus, et de ses croyances religieuses. Les pièces de statuaire susceptibles de représenter des souverains sont en petit nombre, et aucun édifice ne peut être considéré comme palais, même si le « Grand Bain » de Mohenjodaro et les bâtiments annexes ont pu être réservés à une élite sacerdotale.
On est en revanche beaucoup plus au fait d’une civilisation matérielle qui n’a pas été sans raffinement. Les plus grandes maisons de Mohenjodaro sont faites de pièces disposées autour d’une ou plusieurs cours ouvertes, avec des escaliers conduisant aux étages supérieurs, couverts d’un toit plat. Ces maisons comportaient de nombreuses pièces, des salles de bain et des toilettes, avec un système de distribution des eaux, d’évacuation dans un puisard de céramique, ou dans le caniveau de la rue adjacente. En effet, la plupart des rues ont des caniveaux couverts, en briques, avec des trappes de visite à intervalles réguliers.
Mohenjodaro fut un grand centre de commerce et d’artisanat, avec des ateliers de potiers, de teinturiers, de métallurgistes, d’ouvriers sur coquillages et sur perles. Ces peuples ont élaboré un art brillant, comme en témoignent les sceaux en stéatite, ornés de pictogrammes et de figures animales. Par ailleurs, une statuaire très élégante, des peintures ornementales, des parures de perles en stéatite et en verrerie attestent le haut degré de civilisation auquel ces sociétés anciennes avaient accédé. L’artisanat produit une très belle céramique, finement décorée, en particulier des jarres.
Des échanges avec les pays voisins
La civilisation de l’Indus présente des analogies avec certains aspects de la culture mésopotamienne. Plusieurs objets mis au jour révèlent en effet l’utilisation de matières d’importation. Les trouvailles de sceaux de l’Indus en Mésopotamie et de sceaux-cylindres mésopotamiens dans la vallée de l’Indus montrent les échanges entre ces deux civilisations, via le golfe Persique, et à travers le plateau iranien. Ainsi s’est constituée une sorte d’immense plage de civilisation, englobant l’Iran, la Mésopotamie irakienne, les cités de l’Indus et celles de Bactriane. Des routes terrestres unissaient par ailleurs la vallée de l’Indus à la Perse et à l’Afghanistan. Shortougaï fut peut-être un comptoir commercial de l’Indus sur l’Amou Daria, à plus de mille kilomètres au nord d’Harappa, relais possible pour l’étain de Perse et pour le lapis-lazuli du Badakhshan. Des maquettes de chars à bœufs nous documentent sur les moyens de transport terrestres. Les transports par eau sont illustrés par des représentations de bateaux sur les sceaux.
La phase urbaine est relativement brève (2500 – début du IIe millénaire av. J.-C.). Elle est cependant animée d’un réel dynamisme vers l’est qui la conduit le long des côtes du golfe d’Oman, et en amont sur le seuil indo-gangétique. Elle couvre des zones géographiques hétérogènes, ce que traduit l’existence de deux capitales, dont on ne sait si elles ont coexisté ou si elles se sont succédé : Harappa en amont, et Mohenjodaro en aval. Cette civilisation s’impose toutefois d’une manière relativement uniforme.
Un lent déclin aux causes multiples
Elle sombre au début du IIe millénaire av. J.-C. pour des raisons non encore élucidées. Aucune des explications avancées n’apparaît véritablement convaincante, même si elles paraissent toutes acceptables. On a évoqué des altérations climatiques. Par exemple, à Mohenjodaro, une modification du cours du fleuve peut avoir laissé les campagnes environnantes en proie à la sécheresse. Des épidémies ou des épizooties catastrophiques, des inondations chroniques, l’interruption du flux commercial, ou des incursions hostiles peuvent également en être cause. Ces phénomènes auraient rompu le délicat équilibre, d’une part entre les communautés urbaines des plaines et leurs voisins, d’autre part, les fondements agricoles de ces cités ainsi que leur réseau de communication.
On pourrait aussi avancer des raisons « internes ». Au rythme de son expansion, fruit de son succès même, cette civilisation se serait régionalement dissociée en sous-cultures. Ces dernières, de plus en plus diversifiées, auraient entraîné une désynchronisation des éléments culturels, conduisant à la constitution d’espaces sociaux et politiques aux projets plus segmentaires et aux ambitions plus modestes. L’urbanisation se serait affaiblie, ainsi que les fonctions qui lui sont liées. Ce phénomène aurait été structuré par l’arrivée des Indo-Européens aryens, lesquels auraient apporté un autre modèle culturel, hâtant la disparition de la civilisation urbaine, et imposant un retour à une société « éclatée » de communautés agricoles.
Au terme de cette phase de déclin d’un millénaire émerge vers l’an 1000 av. J.-C. une nouvelle civilisation aryenne. La civilisation indienne relèvera la tradition urbaine, mais beaucoup plus à l’est, dans la vallée du Gange. La civilisation de l’Indus n’en a pas pour autant été effacée puisque l’on estime qu’une partie de la face « obscure » de l’hindouisme est à repenser comme une résurgence des conceptions préaryennes et donc, pour une part, de cette civilisation de l’Indus.

À Harappa, Mohenjo-daro et sur le site récemment découvert de Rakhigarhi, les plus connues et probablement les plus peuplées des villes de cette civilisation, la planification urbaine incluait le premier système au monde de traitement des eaux usées. À l’intérieur des villes, l’eau était tirée de puits. Dans les maisons, une pièce était destinée aux ablutions, les eaux usées étaient dirigées vers des égouts couverts qui longeaient les rues principales. Les maisons ouvraient seulement vers des cours intérieures ou sur des petites ruelles, se tenant ainsi éloignées des éventuelles mauvaises odeurs.
Le rôle de la citadelle est encore sujet à débat. Contrairement aux civilisations contemporaines de la Mésopotamie et de l’Égypte, aucune structure de grande taille n’était ici construite, aucune ne semble avoir été un temple ou un palais donc pas de trace matérielle prouvant l’existence de roi, d’armées ou de prêtres. Certaines structures sont cependant identifiées comme des greniers qui signifierait l’existence de surplus agricoles, une raison de cette floraison urbaine.
À Mohenjo-Daro, la cité la mieux conservée, on a découvert dans la citadelle le « grand bain », une piscine rectangulaire entourée de galeries qui pourrait avoir été un bain public. Deux escaliers symétriques donnent accès à un bassin dont l’étanchéité est assurée par des joints de bitume entre les briques. Bien que la citadelle ait été entourée de murs, il ne semble pas qu’elle ait eu un rôle défensif mais plutôt de protection contre les crues. La ville basse est formée de rues régulières orientées nord-sud et est-ouest. Les maisons sont d’une superficie de 50 à 120 m2. Elles possèdent un étage auquel on accède par un escalier intérieur. Certaines sont dotées d’un puits privé, les autres sont approvisionnées en eau par des puits publics. Les maisons sont équipées de salles de bain dont les eaux usées sont évacuées par une rigole en plan incliné qui conduit au caniveau de la rue.
Les différents quartiers de Mohenjo-Daro ont été reconstruit à plusieurs reprises suivant le même plan. À chaque fois, le système de canalisation et d’égout a été réaménagé, ce qui suppose l’existence d’une autorité publique. Pourtant, aucun des bâtiments de Mohenjo-Daro et de Harappa ne peut être considéré comme un temple ou un palais. Aucune trace n’indique avec certitude la prédominance d’une classe de rois ou de prêtres.
La plupart des habitants des villes semblent avoir été des commerçants ou des artisans, vivant ensemble dans des zones bien définies déterminées suivant leur activité. Des matériaux, provenant de régions lointaines, étaient utilisés dans la confection de sceaux, de perles et d’autres objets. Les sceaux comportent des représentations animales, divines et des inscriptions. Quelques-uns d’entre eux étaient utilisés pour faire des sceaux dans l’argile mais ils avaient probablement d’autres emplois. La découverte de sceaux jusqu’en Mésopotamie atteste de l’existence d’un commerce lointain.
Bien que certaines maisons soient plus grandes que d’autres, il ressort de l’observation de ces villes, une impression d’égalitarisme, de vaste société de classe moyenne, toutes les maisons ayant accès à l’eau et au traitement des eaux usées.
Une des caractéristiques de cette civilisation est son apparente non-violence. Contrairement aux autres civilisations de l’Antiquité, les recherches archéologiques ne mettent pas en évidence ici la présence de dirigeants puissants, de vastes armées, d’esclaves, de conflits sociaux, de prisons et d’autres aspects classiquement associés aux premières civilisations. Cependant ces manques peuvent aussi provenir de notre connaissance très parcellaire de cette civilisation.
L’économie de l’Indus semble avoir été largement dépendante du commerce, ce qui avait été facilité par des avancées majeures dans la technologie des transports : le char tiré par des bœufs, semblable à celui que l’on trouve aujourd’hui dans l’ensemble de l’Asie du Sud, et le bateau. La plupart de ces derniers devaient probablement être de petite taille, à fond plat, peut-être à voile, assez similaires à ceux que l’on trouve toujours aujourd’hui sur l’Indus. Il y a cependant des indices d’une navigation maritime. Les archéologues ont ainsi découvert à Lothal un canal relié à la mer et un bassin artificiel d’accostage.
À la lumière de la dispersion des objets manufacturés de la civilisation de l’Indus, son réseau commercial intégrait une immense zone, incluant des parties de l’actuel Afghanistan, du Nord et du centre de l’actuelle Inde et s’étendant des régions côtières de la Perse à la Mésopotamie.
À partir de la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C., des échanges entre la vallée de l’Indus et le golfe Arabique sont attestées par les tablettes sumériennes qui font référence à un commerce oriental important avec la lointaine contrée de Meluhha – à rapprocher du mot sanskrit mleccha, non-aryen – qui semble se référer aux Indusiens, le seul indice qui nous permet de penser que son peuple utilisait ce mot pour se nommer. De nombreux objets de type Indus (jarres, cachets, poids de pierre) ont été découvert sur les sites du Golfe, région identifiée avec Dilmun qui, dans les textes mésopotamiens, sert d’intermédiaire avec Meluhha. Des sites harappéens apparaissent à des distances considérables de la vallée de l’Indus, notamment à Shortugaï (sur l’Oxus au Nord-Est de l’Afghanistan), à Sutkagan-dor (frontière entre le Pakistan et l’Iran) ou à Lothal (au Gujarat). De vastes agglomérations se développent également en Turkménie méridionale (Altyn-depe, Namazga-depe) où les contacts avec le Baloutchistan sont attestés depuis le Ve millénaire av. J.-C.
La nature du système agricole de la civilisation de l’Indus est toujours largement sujet à conjectures du fait de la pauvreté des informations qui ont pu nous parvenir. Quelques spéculations sont envisageables néanmoins.
La civilisation de l’Indus devait être fortement productive. En effet, son agriculture devait engendrer des surplus permettant de nourrir les dizaines de milliers d’urbains qui n’étaient pas impliqués dans la production agricole, au moins de façon primaire. Elle devait s’appuyer sur les importants progrès techniques de la culture pré-harappéenne dont la charrue. Cependant, bien peu de choses sont connues sur ces agriculteurs et sur leurs méthodes. Certains d’entre eux devaient probablement exploiter les sols alluviaux fertiles laissés par les cours d’eau après les crues saisonnières mais cette méthode n’est pas considérée comme suffisamment productive pour combler les besoins des villes. On ne trouve cependant pas de traces de systèmes d’irrigation bien que ceux-ci aient pu être détruits par des crues fréquentes et catastrophiques.
L’hypothèse du despotisme hydraulique, concernant l’apparition de la civilisation urbaine et de l’État, semble donc être infirmée dans le cas de cette civilisation particulière. Celle-ci affirme, en effet, que les cités ne peuvent apparaître que lorsque des systèmes d’irrigation permettent de dégager des surplus agricoles importants. L’élaboration de ces systèmes implique l’émergence d’un pouvoir centralisé et despotique capable de supprimer tout statut social à des milliers de personnes et de les utiliser comme esclaves en exploitant leur force de travail. Il semble difficile de faire cadrer cette hypothèse avec ce que nous savons de la civilisation de l’Indus qui n’offre à ce jour aucune évidence de pouvoir royal, de présence d’esclaves, de mobilisation du travail par la force.
On considère souvent qu’une agriculture intensive requiert barrages, retenues et canaux. Cette supposition est aisément réfutée. Dans toute l’Asie, les riziculteurs produisent des surplus significatifs au moyen de rizières en terrasses à flanc de collines, en privilégiant un travail accumulé sur plusieurs générations, sans que cela implique quelque forme d’esclavage que ce soit. C’est peut-être ce type de stratégie qui avait été mis en œuvre ici.
La production céramique a principalement un caractère utilitaire, le style des récipients étant stéréotypé. Néanmoins, les figurines de terre sont plus diversifiées : femmes en train d’accoucher ou d’accomplir des tâches domestiques, taureaux attelés à des chariots. Ells sont conservées au musée national de New Delhi, au musée national de Karachi, ainsi qu’au British Museum de Londres et au Musée Barbier-Mueller de Genève. Environ 80 figures humaines ont été retrouvées, principalement dans des dépôts de remplissage. Les plus anciennes, traits shématiques, sont parfois ocrée. Puis apparaîssent des modelés de poitrines plus marqués et des types assis. Certains éléments appliqués aux figurines féminines évoquent des chevelures, ornements et ceintures, avec parfois des motifs en forme de serpent sur le corps. Un filon plus populaire semble être l’auteur de réalisations parfois assez sommaires, souvent des sujets féminins, hauts d’une quainzaine de centimètres, aux hanches larges, possèdant des bijoux (boucles d’oreilles, colliers, ceintures), parfois accompagnées d’un enfant (au sein ou aux hanches) ou avec un ventre poréminent, ce qui indiquerait des représentations de déesses mères, ou des évocations de la procréation et de la fertilité.
Les poteries, datées vers 6000 avant J.C. sont d’une facture très grossière. Aux Vème et IVème millénaires, les cultures du Balouchistant produisent des céramiques d’un remarquable qualité, souvent ornée d’une riche variété de décors peints. Le développement du commerce des céramiques entre -3000 et -2500 montre des variantes régionales dans la fabrication des poteries, mais leur structure et le vocabulaire ornemental reste à peu près identique.
Le métal est utilisé pour la fabrication d’armes et de rasoirs, bien que certains éléments décoratifs, comme des statuettes (dont l’usage exact n’a pas été retrouvé), ont été découvertes.
La plus célèbre statuette en bronze de la civilisation de la vallée de l’Indus représente une danseuse. Cette statuette, réalisée vers 2000 avant notre ère et conservée aujourd’hui au musée national de New Delhi, se présente sous la forme d’une jeune fille au corps élancé et tubulaire. Les grands bracelets qui entourent son bras gauche ainsi que son collier semblent être des accessoires de mode. La profusion d’ornements et la coiffure singulière en font une représentation typiquement indienne. Les traits du visage rappellent ceux des peuples dravidiens, ce qui renforce l’idée selon laquelle ce peuple pourrait être l’une des composante éthnique de la vallée de l’Indus. La nudité du personnage ainsi que le pubis très marqué voire disproportionné pourrait indiquer un phénomène de prostitution sacrée.
Le musée national de New-Delhi conserve d’autres éléments en bronze de la civilisation de la vallée de l’Indus, dont un char au modelé stylisé datant de 2500-2300 avant J.C. Celui-ci, tiré par deux chevaux munis de harnais, est occupé par un conducteur tenant un long fouet. La partie avant du char est ornée d’une petite représentation d’un cheval.
La représentation la plus courante d’une autorité étatique au sein de la civilisation de la vallée de l’Indus est celle d’un personnage barbu, coiffé d’un bandeau et portant un vêtement décoré de motifs de trèfles, souvent considérée, sans raisons véritables, comme celle du roi-prêtre de Mohenjo-Daro. Seule la tête et les épaules du personnages nous sont parvenues. L’hypothèse d’une autorité religieuse est due notamment aux yeux entrouverts du personnage, qui indiqueraient que l’homme est absorbé par la méditation, comme les dieux et ascètes de l’art indien. Néanmoins, les traits physiques et la cohérence dans l’exécution des détails raprochent cette œuvre de la civilisation mésopotamienne. Son costume d’apparat, semé de dessins trifoliés (valeur symbolique ?), n’a pas de comparaison en Inde, mais apparaît dans l’ancienne Mediterranée orientale. Les bijoux ornant la tête et le bras du personnage renforce l’hypothèse d’une figure importante de la société harrapéenne, peut-être un "roi-prêtre".
De nombreux cachets en stéatite ont été découverts (environ 4 200 dont plus de 2 000 à Mohenjo-Daro). Ils portent des inscriptions dans une écriture pictographique composée de plus de 400 signes. Les cachets sont souvent décorés d’un animal unicorne mais aussi de zébus, buffles, tigres, éléphants, crocodiles et autres. D’autres cachets représentent des motifs mythologiques où un homme qui porte une coiffure à corne joue un rôle central. Il apparaît dans un arbre devant lequel se prosterne un autre individu. Parfois il est représenté assis à la façon des yogis et entouré d’animaux, ce qui explique qu’on en fait une représentation d’un proto-Shiva en Pashupati, une forme du dieu dite « maître des animaux ».
Un autre domaine de la civilisation de l’Indus resté mystérieux est celui de l’écriture. Malgré de nombreuses tentatives, les chercheurs n’ont pas été capables, pour l’instant, de déchiffrer celle qui y était utilisée et dont certains pensent qu’elle transcrivait une langue proto-dravidienne. Le matériel disponible pose aussi problème, la plupart du temps il s’agit d’inscriptions sur des sceaux ou des pots de céramique et celles-ci ne dépassent guère quatre à cinq caractères, la plus longue en comprenant vingt-six. Par suite, on ne connaît pas non plus de fragments de littérature.
Du fait de la brièveté des inscriptions, quelques chercheurs ont suggéré que les inscriptions connues n’étaient peut-être pas une véritable écriture mais un système d’identification des transactions économiques, des signatures. Il est cependant possible que des textes plus longs aient existé mais ne nous soient pas parvenus si le support utilisé était périssable.
D’un autre côté, une large inscription a été découverte qui semble avoir été installée sur un panneau au-dessus d’une porte de la cité de Dholavira. On a émis l’hypothèse qu’il s’agissait d’un panneau informant les voyageurs du nom de la cité, de façon assez semblable à ceux qui souhaitent la bienvenue aux visiteurs dans nos villes actuelles.

Cette civilisation sophistiquée, dont l’écriture n’a pas encore été déchiffrée, disparut à la suite de variations du cours de l’Indus ou de changements climatiques, vers 1900 avant notre ère. La thèse de la destruction des cités dravidiennes par les Aryens est aujourd’hui remise en question, car leur venue semblerait plus tardive. Une civilisation sophistiquée On sait que les Dravidiens, grands navigateurs ont essaimé jusqu’au bassin méditerranéen. Les fouilles ont produit l’évidence de commerce avec la Mésopotamie. Des tablettes cunéiformes mésopotamiennes décrivent des transactions avec les marchands dravidiens qui exportaient des métaux précieux, des perles, de l’ivoire, du cuivre travaillé, de la céramique et de la verrerie. Ces navigateurs remontaient jusqu’aux ports d’Arabie par la mer Rouge.
La récente exposition « Merveilles de la culture de la vallée de l’Indus », à New York, en février 1998, a permis au New York Times de faire le point sur les connaissances actuelles liées à cette civilisation. Le Dr Possehl, du département d’Archéologie et d’Anthropologie de l’université de Philadelphie, exprimait l’embarras des chercheurs en déclarant : « L’expression archéologique de la civilisation de l’Indus ne ressemble en rien à ce qui nous est familier - pas de palais, pas de monuments, pas de temples. Nous avons là l’expression d’une antique complexité socio-culturelle, sans la présence ostentatoire d’une idéologie ou l’évidence d’un souverain, roi ou reine. Il n’y a pas de vrai modèle dans l’histoire ou l’ethnographie qui suggère qu’il y ait jamais eu une civilisation de ce type » (New York Times du 20 février 1998).
Les ruines des cités démontrent un réel urbanisme ; des rues droites, un système sophistiqué d’évacuation des eaux, des puits, l’usage de briques calibrées, et les divers objets retrouvés attestent d’un grand raffinement dans le travail des métaux précieux, de la poterie, de la céramique décorée et de la verrerie.
« Une culture urbaine d’une immense sophistication sur un territoire deux fois plus grand que celui sur lequel régnait Sumer ou l’Égypte contemporaine », écrivait Holland Cotter.

On a souvent prétendu que la civilisation avait suivi un cours régulier depuis les Pharaons d’Egypte à la Grèce et jusqu’aux sociétés occidentales. Une belle bêtise ! Comme s’il y avait une seule civilisation d’Egypte, une seule de Grèce et une continuité entre elles… Parler de civilisation grecque est déjà une ineptie ou encore de civilisation d’Inde ou de Chine. Il n’y a que des traces discontinues de civilisation et non une continuité. Il faudrait au contraire parler des multiples civilisations grecques sans lien entre elles, des multiples civilisations chinoises ou d’Inde, des multiples civilisations d’Amérique latine et même des multiples civilisations du Pérou, sans continuité entre elles, ni sur le plan culturel, ni sur le plan social, ni sur le plan politique, ni sur le plan religieux, etc...
La civilisation grecque minoenne (de Crête) n’est pas celle du continent, à la même époque, qui ne sont encore pas la Grèce mycénienne, ni athénienne ou spartiate, sans parler de l’empire grec… L’inde de la civilisation du l’Indus n’a rien de commun avec la civilisation de l’Inde du gange. Ce n’est pas le même peuple, ni la même société, ni la même époque, ni la même culture, ni rien… Tant pis pour les grands admirateurs de l’Inde éternelle : elle n’existe que dans leur imagination ! L’Inde n’est pas née dans le pays des Aryens et du Veda, du brahmanisme, du bouddhisme. Elle existait bien avant et cette existence ancienne n’a pas influencé l’Inde dont on vient de parler. Mehrgarh a une culture qui date du huitième millénaire avant J.-C. alors que les Aryens n’apparaissent qu’au deuxième millénaire sur une tout autre ère géographique et sans influence réciproque…
En Amérique, il en va de même. Au Pérou, Chavin n’est pas Nazca et Mohica n’est pas Lambayeque, ni Incas. On ne peut pas parler de civilisation indienne, ni d’Amérique centrale, ni même du Pérou.
Parler de civilisation de la Mésopotamie n’a pas davantage de sens. Pourquoi « une » civilisation ? Il y en a de multiples qui ne sont pas du alignées, se succédant de manière continue, ni héritant les unes des autres, dans une progression régulière, ni fusionnant pour donner une nouvelle société. Les civilisations mésopotamiennes sont des tentatives successives, indépendantes, qui ont surtout fini dans l’oubli. Ni la civilisation, ni la culture, ni le mode de vie, ni le mode de production, ni l’artisanat ne sont les mêmes. En termes de civilisation, Sumer n’est pas Akkad, ni Jarmo n’est Samarra, ni Obeid n’est Ourouk. Ces civilisations ne se suivent pas en ligne directe, comme héritiers, ni comme destructeurs. Ce n’est que rarement que la société suivante a détruit la société précédente. Généralement, la civilisation s’est détruite elle-même ayant atteint ses limites et démolie par ses forces contradictoires internes.
La civilisation n’est pas un processus de montée des marches, chaque pas menant au suivant et le marcheur ne quittant que pour passer à l’étape suivante. Elle est segmentée, émergente, discontinue, aussi abrupte dans ses débuts fulgurants que dans ses fins étonnantes et cassantes.

Bien des marxistes ou se prenant pur tels ont compris que le marxisme concevait l’histoire comme une succession de sociétés plus progressistes les unes que les autres du type à la société sans classe et sans Etat a succédé la société avec classes et sans Etat puis la société avec classes et avec Etat. Une société ne disparaissant que pour laisser place à une société de niveau d’organisation sociale et de mode de production supérieure. C’est faux. Marx n’a pas dit cela. Dans les premières lignes du « Manifeste communiste » il écrit :
« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte. »

Cela signifie que des sociétés ont parfaitement pu s’écrouler sous le poids de leurs luttes internes sans donner naissance à une société nouvelle. Telle est l’origine des civilisations disparues qui étonnent le monde.

La civilisation, que ce soit en Mésopotamie, en Amérique centrale, en Inde ou en Chine, se cristallise brutalement par un changement de phase. Je cite quelques exemples de ce type de remarque étonnée des historiens. Sir Mortimer Wheeler, spécialiste de l’Inde antique, dans l’ouvrage précédemment cité sur l’apparition de la civilisation de l’Indus, écrit : Je cite des extraits de sa conclusion : « L’histoire a brutalement proposé à l’Inde tout un complexe, une gamme complète de notions et de variations thématiques. (...) L’Inde de la Préhistoire (...) a la monotonie même de son paysage : un interminable et morne Paléolithique, un Microlithique diffus, des siècles de civilisation indusienne (...) Cette monotonie est rompue par des bouleversements subis, des envolées soudaines. De temps à autre, l’Inde sort de son sommeil et, de toute son intelligence, aiguë et préhensible, s’empare d’idées nouvelles, se saisit des occasions qui s’offrent. » Pour la Chine impériale, on peut citer par exemple « Histoire de la Chine » de René Grousset  : « Ce sont ces problèmes que posent les découvertes faites en 1934-1935 à Ngan-yang. Dans cette ancienne capitale des Chang, située dans la partie la plus septentrionale de l’actuel Ho-nan et dont le rôle historique se placerait au 12ème siècle avant J.-C, nous nous trouvons brusquement en présence d’une civilisation matérielle déjà à son apogée, bien que rien jusqu’ici ne nous ait fait assister à ses débuts (...) Grand a été l’étonnement des archéologues quand ils ont été obligés de constater que dès cette lointaine époque la forme rituelle des divers types de bronze et leurs décors étaient à peu près entièrement constitués. Il y aurait de quoi crier au miracle. »
Nombre d’historiens ont une image du développement de la civilisation qui n’intègre pas ces contradictions croissantes. Prenant l’exemple de la civilisation de l’Inde, Raj et Renée Isar écrivent dans « L’Inde, au-delà des mythes et du mensonge », « Le système des castes constitue un caractère distinctif de la société indienne, c’est l’un des éléments de continuité les plus importants de la tradition hindoue depuis au moins la première moitié du premier millénaire avant J.-C. C’est lui qui, pendant ces trente siècles, a engendré l’ordre moral cohérent sur lequel l’hindou a la possibilité et le devoir de régler sa vie. (...) L’unité séculaire de l’Inde n’était pas politique mais socioculturelle. Les dynasties, qu’elles fussent indiennes ou étrangères, pouvaient bien naître et périr, les choses suivaient leur cours. » Pour appuyer leurs dires, les auteurs citent même Karl Marx rappelant un rapport officiel à la Chambre des Communes anglaise : « Les habitants ne se soucient pas de la destruction des royaumes ; tant que le village subsiste, peu leur importe quel pouvoir ou de quel souverain il relève ; son économie interne reste inchangée. » Dans un ouvrage traitant des transitions des diverses civilisations de l’Inde et intitulé « l’Inde ancienne », l’auteur Sir Mortimer Wheeler, ancien directeur général des Antiquités de l’Inde relève tous les indices montrant que la civilisation a plusieurs fois implosé du fait de contradictions sociales internes, en somme sujette à de multiples révolutions. Et pourtant, il ne retient même pas cette hypothèse. Il constate des discontinuités, des changements politiques, sociaux et culturels, les chutes de la civilisation ou ses bonds tout aussi brutaux. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur constate des sauts historiques, de véritables transitions civilisationnelles. Mais il recherche, par un a priori constant, des continuités partout. Ainsi, pour l’Age de pierre ou plutôt les diverses transitions des âges de pierre, il expose un point de vue continuiste : « Nous pouvons considérer le processus qui, partant du galet, s’achève au biface Acheuléen comme un développement organique progressif. » Il n’ignore pas que « Comme en Afrique, le tranchet Acheuléen ne s’insère pas facilement dans un tel schéma évolutif. ». A ce propos, il touche même du doigt le caractère révolutionnaire du changement : « Tout nous incite à tenir pour assuré que les diverses modes industrielles ont couvert chacune des périodes étonnamment longues ; que les changements culturels ont été quasi imperceptibles (...). Et lorsque des modifications se manifestaient (...) ils se peut que ces changements aient lieu avec une relative soudaineté. » Il ne renonce pas pour autant au « schéma évolutif ». Il en va de même pour les autres transitions révolutionnaires de la civilisation indienne, ou plutôt des diverses civilisations indiennes successives. D’un côté, l’auteur remarque que la continuité historique n’est pas la bonne formule ; on pourrait même dire qu’il décrit un développement civilisationnel « inégal et combiné », selon l’expression de Marx et de Trotsky  : « La culture des haches (...). Chevauchant une culture mégalithique, celle-ci superposée à une culture chalcolithique qu’elle chevauche partiellement (...) Ce chevauchement atteste une coexistence partielle entre les deux cultures, la nouvelle et l’ancienne, mais il est aussi la preuve qu’il n’y eut pas de continuité culturelle organique entre les occupations successives. (...) Nous sommes donc confrontés à trois cultures essentiellement distinctes (...) ». L’interprétation d’un progrès linéaire ne fonctionne pas : « L’Age de fer détermina donc en Inde centrale une révolution dans toute l’acception du mot. (...) Au cours de l’Age de fer, nous voyons l’Inde des plaines adopter d’enthousiasme le métal nouveau (d’où une révolution qui eut cependant un caractère plus technique que social) (. .) » Surtout pas question de reconnaître une révolution sociale ! Il suffit d’admettre qu’il s’agit seulement d’un changement d’idées et que les idées circulent et changent d’elles-mêmes : « Le transfert des industries, voire des cultures, n’implique pas nécessairement des migrations massives. Il n’est pas besoin de mille hommes pour répandre une idées, surtout une idée révolutionnaire. En vérité, il m’arrive souvent de rêver que les idées ont des ailes (...). » Cette vision idéaliste permet à l’auteur, étudiant « la civilisation de l’Indus », de décrire le « passage soudain à une nouvelle phase culturelle, celle de l’Indus (...) Les cités d’Harrappâ et de Mohenjo-daro étaient l’une et l’autre couronnées par une acropole et une citadelle crénelée (...) en bordure de la ville proprement dite. (...) L’urbanisme méthodique de ces centres, la perfection des ouvrages à but utilitaire impliquent une gestion aux préoccupations plus civiles que religieuses. (...) La civilisation indusienne a été identifiée. (...) La Mésopotamie a élaboré l’idée même de la civilisation. Grâce à elle, cette idée était dans l’air au Moyen-Orient dès la fin du 4e millénaire et, comme je l’ai noté plus haut, les idées ont des ailes. (...) Depuis la Mésopotamie, l’idée de la civilisation ne tarda pas à gagner l’Egypte (...) Ne doutons pas non plus que de Mésopotamie, cette idée achevée, toujours liée à la notion d’écriture, a gagné plus tard la côte indienne et le bassin de l’Indus (...) La théorie selon laquelle la notion infiniment complexe de civilisation serait née spontanément et de façon indépendante dans chacun de ces trois pays (...) est tellement absurde qu’il ne vaut pas la peine de la réfuter. » La civilisation serait une idée et l’a priori d’un changement culturel continu, transmis progressivement, est bien là. Cependant notre auteur est repris par ses observations historiques qui sont en parfaite contradiction avec ces affirmations. Au lieu d’une lente influence extérieure d’une civilisation étrangère déjà en pleine possession de ses moyens, on constate tout autre chose : un changement radical. « Vers le milieu du 3e millénaire, le bassin de l’Indus fut le théâtre d’un événement historique d’une importance extrême et qui se produisit probablement avec une grande rapidité : (...) quelques unes des petites communautés installées au pied des plateaux du Béloutchistan se lancèrent dans une entreprise de conquête audacieuse (...) jusqu’aux vastes plaines qui tapissaient les jungles. (...) créant une civilisation pré-indusienne (...) aux alentours de 2400 avant J.-C. (...) Les tentatives de colonisation de la vallée (...) se soldant régulièrement par l’échec. (...) Jungles denses entourées de marécages, infestées d’éléphants, de tigres, de buffles, de rhinocéros et de crocodiles. Contrairement à ce qui se passait dans les vallées du haut pays où le sol est pauvre, l’approvisionnement en haut incertain et l’horizon barré, les perspectives nouvelles étaient vraiment immenses. » Tout le raisonnement de l’auteur a mené à l’idée d’un progrès continu des idées. Au contraire, sa description et son analyse, très incisive, mènent à l’idée d’une révolution sociale, inévitablement brutale, qu’il appelle, par un terme en oxymoron, « adaptation prompte » ou encore « évolution explosive », tout en expliquant que c’est exactement le même type d’évolutions que les biologistes rencontrent dans le changement d’espèce ! Voyons donc ce raisonnement selon lequel la civilisation nécessitait un bond en avant : il fallait d’un seul coup lancer un grand défrichement, une grande irrigation et, en même temps, aller vers la fondation de villes nourries par une agriculture en grand ! Une vraie révolution sociale ! « Chaque année, à la fonte des neiges, les rivières entraient en crue. Si l’inondation fertilisait la terre, elle apportait aussi de cruels ravages. Il fallait la maîtriser. Or l’irrigation extensive qu’exige une grande ville de plaine présuppose un incessant effort de prévision et de coordination. Le moindre relâchement est fatal. (...) Les avantages inouïs d’un milieu si vaste, si généreux mais en même temps si menaçant ne pouvaient fructifier – et ce dès les tout premiers temps de l’installation – qu’en fonction de la capacité de l’homme à maîtriser son environnement et à le plier à sa loi. La pusillanimité, les compromis boiteux ne pouvaient avoir cours dans cette situation. (...) N’en doutons pas : dans le cas contraire, elle eût succombé. C’est bien là un exemple où il nous est donné de discerner clairement la mise en œuvre dans les affaires humaines de ce processus d’adaptation prompte et de progrès accéléré que les biologistes appellent « évolution explosive ». » L’auteur parle encore de « fulgurants débuts » et en cela, il a sans doute raison. D’un seul coup, on voit apparaître non seulement des défrichements et une irrigation à grande échelle mais une urbanisation de haute volée, avec une organisation sociale très poussée et une différenciation sociale très évoluée. Il ne s’agit plus seulement de révolutions des techniques ou d’une « idée de civilisation » !

La chute de la civilisation de l’Indus est présentée par l’auteur avec les mêmes contradictions entre constat et conclusions. Les raisonnements, très fins, mèneraient aisément à l’idée d’un changement radical et brutal et un a priori s’y oppose fermement. Cela mérite encore une fois d’être cité longuement : « Comment s’éteignit la civilisation de l’Indus ? (...) dans la zone centrale du bassin, elle périclita pour disparaître finalement (...) Mais cette décadence fut-elle générale ? L’effondrement fut-il soudain ? (...) Les vicissitudes du déclin ont pris des formes variées. A Mohenjo-daro, en tout cas, la chute fut lente et progressive, l’écroulement ultime catastrophique. Parlons d’abord de la décadence. Les fouilles de Mohenjo-daro ont constaté dans les couches récentes une détérioration continue de l’urbanisme et du niveau de vie. (...) Mohenjo-daro laissa en quelque sorte son paysage se délabrer. Bien avant que le coup fatal lui ait été porté, la ville était condamnée. » Cependant, l’auteur est amené à reconnaître que la fin de cette ville elle-même a été brutale, violente et marquée par des assassinats : « Le souvenir de ce coup fatal, tant de fois décrit, est perpétué par des groupes de squelettes de femmes, d’hommes et d’enfants – certains portent des traces de coups de hache ou de sabre – qui ont été retrouvés dans le dernier niveau, affaissés tout de leur long dans la position même où les avaient abandonnés pour l’éternité des assaillants dédaigneux de la cité qu’ils avaient mise à sac. Cette fois Mohenjo-daro était bel et bien morte. Mais quelle est, au plan de l’histoire, la signification de ce raid ? (...) Il est tentant (...) de voir dans les destructeurs de Mohenjo-daro, indifférents à la cité conquise, des représentants de ces barbares mais héroïques Aryens, étrangers à la vie urbaine. » Il est tentant dit l’auteur qui préfère s’en tenir là. On retrouvera, lors de la chute des villes, des empires et royaumes, ces mêmes caractéristiques d’une attaque violente qui laisse là les richesses de la « civilisation », abandonne complètement l’ancien mode de vie et d’exploitation. La population des villes, elle-même, les a quittées. Généralement, on ne trouve pas dans ces villes abandonnées de traces d’une guerre entre armées mais plutôt celles d’une guerre sociale. Pourtant, à aucun moment, l’hypothèse, que les peuples exploités par cette civilisation se soient révoltés, n’est discutée ni même envisagée, alors que l’auteur a lui-même exposé que cette population voit ses conditions d’existence s’aggraver de manière sensible dans la période précédente. La guerre extérieure est considérée comme la plus probable… On remarquera aussi que la continuité est interrompue. L’auteur est contraint de le reconnaître tout en espérant que c’est un trou de la connaissance historique : « Que fut la phase qui succéda immédiatement à la civilisation de l’Indus ? L’histoire de l’Inde septentrionale ne commence à être connue de façon précise qu’à partir de l’époque de Bouddha, c’est-à-dire vers 500 avant J.-C. En admettant que (...) la civilisation soit tombée vers 1500 avant J.-C, il reste un hiatus de 1000 ans à combler. (...) Heureusement, les archéologues indiens se sont attaqués à cet Age des Ténèbres, et la lumière est en vue. » Pourquoi y a-t-il nécessairement une continuité qu’il faudrait trouver en remplissant les trous, l’Histoire ne le dit pas. Loin d’être un cas à part, cet auteur est tout à fait dans la norme.

Un autre historien de l’Inde, Alain Daniélou, dans son ouvrage « Histoire de l’Inde », considère la civilisation comme un produit de son idéologie et, du coup, il affirme sa continuité. On y retrouve aussi l’interprétation de la chute par l’attaque des barbares extérieurs, les Aryens. « L’Inde, par sa situation, son système social et la continuité de sa civilisation, constitue une sorte de musée de l’histoire (...) ». Curieux a priori de la continuité, ce même auteur remarque que la chute de la civilisation de l’Indus a été suivie de 2100 ans sans civilisation : « Il n’existe dans l’Inde aucun monument qui ait été construit entre la fin de Mohenjo Daro et l’époque bouddhiste (5ème siècle avant J.-C). » Il remarque aussi que ce n’était pas la première chute d’une époque florissante mais, selon la tradition, la quatrième : « Selon la tradition indienne, (...) le début du kali yuga (l’âge des conflits ou âge sombre), le quatrième du monde. Kali veut dire « querelle », yaya « ère ». » Le texte cité est le « Big Veda ». Rappelons que l’idéologie de l’époque, interprétation symbolique de l’histoire réelle est fondée sur les « créations et annihilation successive du monde  ». En somme, la société organisée et hiérarchisée avait déjà été plusieurs fois construite et détruite. Par des « kali » ? Les « querelles » sont des luttes internes qui pourraient bien avoir eu un caractère social et sont une hypothèse qui s’oppose à celle que retient Daniélou d’une guerre, la guerre du Mahabharata qui marquerait l’invasion de la société dravidienne de l’Indus par les peuples nomades aryens. L’auteur relève pourtant lui-même la contradiction chronologique : « D’après les historiens occidentaux, la guerre du Mahabharata (...) remonterait aux années 1500 à 1000 avant Jésus-Christ. » Alors que la chute de la civilisation date environ de 3000 avant J.-C ! Relevons deux autres contradictions dans cette interprétation. Aucune chute brutale n’est possible dans cette hypothèse, car les Aryens n’attaquaient pas à la tête d’une armée et étaient seulement des nomades qui envahissaient de manière progressive et pacifique : « Les occupants aryens, tels qu’ils se présentent dans les hymnes du Big Veda, étaient des nomades, mais ils étaient intellectuellement et matériellement assez peu développés. (...) La descente des Aryens sur l’Inde fut progressive (...). » Une autre contradiction provient du caractère de la lutte décrite par le Big Veda. Le même auteur décrit la lutte des Dravidiens contre l’invasion aryenne : « Le conflit fut un conflit social plutôt que culturel. »

L’encyclopédie internet Wikipedia relève les deux discontinuités de l’apparition et de la disparition de cette civilisation de l’Indus et expose les difficultés d’interprétation du début et de la fin de cette société sans pour autant envisager la révolution sociale comme source de l’Etat ni comme cause de la disparition :
« L’émergence de la civilisation
« Autour de 2600, quelques sites pré-harappéens se développent en cités, abritant des milliers d’habitants, essentiellement des agriculteurs. Par suite, une culture unifiée apparaît dans toute la zone, aplanissant les différences régionales de sites éloignés de plus de 1000 km. Cette émergence est si soudaine que les premiers chercheurs ont pu penser qu’elle résultait d’une conquête extérieure ou d’une migration. Depuis, les archéologues ont fait la preuve qu’elle est issue de la culture pré-harappéenne qui l’a précédée. En fait, il semble que cette soudaineté soit le résultat d’un effort délibéré, planifié. Par exemple, quelques sites paraissent avoir été réorganisés pour se conformer à une planification réfléchie. C’est la raison pour laquelle la civilisation de l’Indus est considérée comme la première à avoir développé une planification urbaine. (...) »
« Le déclin et l’effondrement
« Durant 700 ans, la civilisation de l’Indus fut prospère et ses artisans produisirent des biens d’une qualité recherchée par ses voisins. Puis aussi soudainement qu’elle était apparue, elle entra en déclin et disparut. Vers 1900 av._J.-C., des signes montrent que des problèmes apparaissent. Les gens commencent à quitter les cités. Ceux qui s’y maintiennent semblent avoir des difficultés à se nourrir. Autour de 1800 av._J.-C., la plupart des cités ont été abandonnées. L’âge d’or du commerce interiranien, marqué par la présence de nombreux « trésors » et riches métropoles (coupe sur pied et bol tronconique) semble prendre fin vers -1800/-1700, au moment même où les textes mésopotamiens cessent de parler du commerce oriental. Les grandes agglomérations de Turkménie orientale (Altyn-tepe et Namazga-tepe) sont abandonnées et les grandes métropoles de la vallée de l’Indus disparaissent. Dans l’aire correspondant à la civilisation de l’Indus, le processus de régionalisation s’accentue avec la disparition des éléments le plus caractéristiques de l’unité harappéenne : l’écriture, les sceaux ou les poids. De nombreux éléments survivent pourtant au long du 2e millénaire dans les régions orientales et méridionales de la zone. Dans les siècles suivants, et contrairement à ses contemporaines, la Mésopotamie et l’Égypte ancienne, la civilisation de l’Indus disparaît de la mémoire de l’humanité. Contrairement aux anciens Égyptiens et Mésopotamiens, les Indusiens n’ont pas construit d’imposants monuments de pierre dont les vestiges perpétuent le souvenir. En fait, le peuple indusien n’a pas disparu. Au lendemain de l’effondrement de la civilisation de l’Indus, des cultures régionales émergent qui montrent que son influence se prolonge, à des degrés divers. Il y a aussi probablement eu une migration d’une partie de sa population vers l’est, à destination de la plaine gangétique. Ce qui a disparu, ce n’est pas un peuple, mais une civilisation : ses villes, son système d’écriture, son réseau commercial et – finalement – la culture qui en était son fondement intellectuel. Une des causes de cet effondrement peut avoir été un changement climatique majeur. Au 26ème siècle (av J.-C), la vallée de l’Indus était verdoyante, sylvestre et grouillante de vie sauvage. Beaucoup plus humide aussi. Les crues étaient un problème récurrent et semblent, à plus d’une occasion, avoir submergé certains sites. Les habitants de l’Indus complétaient certainement leur régime alimentaire en chassant, ce qui semble presque inconcevable aujourd’hui quand on considère l’environnement desséché et dénudé de la zone. Autour de 1800 av. J-.C., nous savons que le climat s’est modifié, devenant notablement plus frais et plus sec. Mais cela ne suffit pas pour expliquer l’effondrement de la civilisation de l’Indus.
« Le facteur majeur pourrait être la disparition de portions importantes du réseau hydrographique Ghaggar-Hakra identifié au fleuve Sarasvatî. Une catastrophe tectonique pourrait avoir détourné les eaux de ce système en direction du réseau gangétique. En fait, ce fleuve, jusqu’alors mythique, fait irruption dans la réalité lorsque, à la fin du 20ème siècle, les images satellitaires permettent d’en reconstituer le cours dans la vallée de l’Indus. De plus, la région est connue pour son activité tectonique et des indices laissent à penser que des événements sismiques majeurs ont accompagné l’effondrement de cette civilisation. Évidemment, si cette hypothèse était confirmée et que le réseau hydrographique de la Sarasvatî s’est trouvé asséché au moment où la civilisation de l’Indus était à son apogée, les effets ont dû être dévastateurs. Des mouvements de population importants ont dû avoir lieu et la « masse critique » indispensable au maintien de cette civilisation a pu disparaître dans un temps assez court, causant son effondrement. Une autre cause possible de l’effondrement de cette civilisation peut avoir été l’irruption de peuples guerriers au nord-ouest de l’Inde, qui auraient provoqué la rupture des relations commerciales avec les autres pays (les actuels Ouzbékistan et Turkménistan méridionaux, la Perse, la Mésopotamie). Or le commerce est l’une des raisons d’être des villes : elles se développent surtout autour des ports ou des nœuds routiers. Ces peuples guerriers étaient peut-être les Indo-Aryens, qui se trouvaient en Bactriane aux alentours de l’an 2000 av._J.-C.. Ce sont eux qui ont apporté le sanskrit en Inde. Ils auraient donc indirectement provoqué la désorganisation des cités de l’Indus avant de s’installer en Inde, vers 1700 av. J.-C. (cf. Bernard Sergent, « Genèse de l’Inde », Payot, 1997).
« La théorie de l’invasion aryenne (TIA) a été proposée pour la première fois par l’abbé Jean-Antoine Dubois, un indianiste français et développée par l’indianiste germano-britannique Max Müller durant le 19ème siècle. Cette théorie soutient qu’une peuplade de guerriers nomades de type europoïde, connue sous le nom d’Aryens (ou Aryas, Aryans) originaires de l’Asie centrale, a envahi l’Inde du Nord et l’Iran entre les 17ème et 16ème siècles av. J.-C.. Les Aryens amenèrent avec eux leur religion codifiée vers le 11ème siècle av. J.-C dans les Veda. En s’installant en Inde, ils abandonnèrent leur style de vie nomade et se mêlèrent aux populations autochtones du nord de l’Inde.
« La TIA – sous la forme d’une invasion violente et subite – n’est plus considérée comme satisfaisante aujourd’hui et elle est réfutée par la quasi totalité de la communauté scientifique. On lui préfère la théorie d’une migration progressive des Aryens en Inde, probablement originaire d’Asie centrale. Cependant cette dernière hypothèse d’une migration sans violence et étalée dans le temps n’est pas acceptée par certains, ses rares détracteurs sont généralement indiens. D’après eux, les Veda établissent la présence en Inde des Aryens longtemps avant la date supposée de l’invasion décrite par la TIA, soit autour de 1700 av. J.-C. » Relevons que pour cette intéressante encyclopédie d’internet, comme pour des historiens reconnus, la révolution, locomotive de l’histoire, n’est pas encore présente. De très nombreuses hypothèses sont, comme d’habitude envisagées, et on pourrait croire que toutes les possibilités soient évoquées, mais la révolution sociale ne fait pas partie de la liste…

Messages

  • Aux marges de l’espace indien, dans le Baloutchistan (site de Mehrgarh), apparaît l’un des premiers foyers mondiaux de développement néolithique. Au cours du VIII e millénaire s’y amorce le passage d’une économie fondée sur la cueillette et la chasse à une économie productrice, comparable à celle des civilisations du Proche-Orient.

    Pendant quatre millénaires, les innovations s’y succèdent, conduisant des premières agglomérations en briques crues, des domestications animales (chèvres, moutons, bovins) et des cultures végétales (orge) à un néolithique avec céramique à son apogée vers 6000, puis à l’adoption des techniques des métaux vers 5000. Après 4000, la diversification de l’agriculture autorise la formation d’un réseau d’agglomérations, puis une maîtrise de l’espace qui favorise la colonisation de la vallée de l’Indus vers 3000. Celle-ci devient alors l’une des voies axiales des échanges et le foyer de convergence des cultures régionales.

    Parallèlement, les techniques du Baloutchistan ont rayonné en direction du Gange, où elles se sont mêlées aux innovations locales, si bien que les chasseurs-cueilleurs de l’Inde continentale adoptèrent à leur tour des pratiques agricoles.

    La civilisation harappéenne

    La reconstitution de la civilisation harappéenne s’appuie sur des fouilles menées à partir de 1921 au Pakistan, en Inde et en Afghanistan. Les recherches archéologiques montrent aujourd’hui que cette civilisation fut précédée de cultures locales anciennes. Parmi les difficultés de datation et d’interprétation, l’on se heurte, dans cette région du monde, à la coexistence de stades habituellement distingués selon la chronologie paléohistorique.

    La phase harappéenne ancienne

    Dès les années 1950, à Kot Diji - tertre situé sur le cours inférieur de l’Indus, face à Mohenjo-Daro (ou Mohenjo-daro), le principal centre avec le site éponyme -, des niveaux archéologiques, datés entre 3370 et 2655, livrèrent quantité d’objets à traits harappéens (poteries, figurines animales en terre cuite, éléments architecturaux). A l’époque, on croyait à une origine allogène de la civilisation de l’Indus ; ce matériel ancien fut donc attribué à des migrants venus soit d’Iran, soit de la Turkménie actuelle.

    Depuis, de nombreux travaux archéologiques dans le Sind (Amri), le Cholistan (Kalepar et Bhoot), au Rajasthan indien (Kalibangan), au Pendjab (Jalilpur) et au Baloutchistan ont confirmé l’existence d’une phase harappéenne ancienne précédant directement la civilisation harappéenne classique. Cette phase de formation, qui débuta au IV e millénaire et se termina vers 2500, possède aussi ses racines locales.

    Mehrgarh, le berceau

    A Mehrgarh (Baloutchistan), dans la partie occidentale de ce qui constitua par la suite le cœur de la civilisation de l’Indus, des archéologues français ont mis en évidence une succession d’occupations allant de la fin du VIII e millénaire jusqu’à 2500. Dans cette longue séquence, après les trois premières périodes néolithiques - sans céramique, puis avec céramique -, la phase harappéenne ancienne est représentée au cours des périodes IV, V et VI (les numéros renvoient à des « niveaux » archéologiques correspondant à divers états de culture). L’intérêt des travaux de Mehrgarh est de révéler l’existence d’une économie agricole tout à fait développée vers 6000 avant J.-C.

    Memo

  • Le politique et le religieux
    Si les fouilles du Proche-Orient nous ont livré de grands monuments à la gloire des dieux et des hommes, de très nombreux éléments d’iconographie religieuse, ainsi que de riches tombes, aucun bâtiment ne peut être identifié comme un temple ou un palais et aucun mobilier funéraire n’est suffisamment riche pour indiquer l’existence d’élites. A ce jour, les sites harappéens n’ont guère fourni d’éléments qui puissent nous renseigner sur l’organisation politique. Certains auteurs interprètent l’uniformité et le haut niveau technique des produits de l’artisanat comme le signe d’un pouvoir autoritaire et centralisateur, mais cette conception est aujourd’hui battue en brèche par les données de l’archéologie.

    L’écriture
    Plus que les scellements en argile, les plaques de cuivre, les amulettes en terre cuite ou en faïence, les baguettes en ivoire ou en os, ce sont les sceaux-cachets qui fournissent l’essentiel des inscriptions de l’Indus. On compte près de 2’200 sceaux épigraphiés provenant de Mohenjo-Daro, de Harappa, de Lothal, de Kalibangan, de Chanhu-Daro et d’autres sites du Proche-Orient. Ces brèves inscriptions (comprenant en moyenne 5 caractères) ont permis d’inventorier plus de 400 signes. Ce nombre exclut a priori la possibilité d’une écriture alphabétique, ou même syllabique. Malgré des tentatives répétées de déchiffrement, l’écriture de l’Indus demeure énigmatique et on ignore même à quelle langue la rattacher.

    L’hypothèse la faisant dériver de l’écriture sumérienne primitive et celle qui lui reconnaissait des affinités avec le dravidien du sud de l’Inde semblent aujourd’hui rejetées par la majorité des spécialistes. Les récentes tentatives pour rattacher cette écriture à des marques peintes ou incisées sur des céramiques du Baloutchistan et de l’Indus, au IV e millénaire et dans la première moitié du III e millénaire, sont elles aussi restées infructueuses.

    L’artisanat
    Bien qu’importante, l’uniformité de la culture matérielle harappéenne n’empêcha pas le développement de traits locaux. Les récentes recherches font en effet apparaître des éléments de diversité aussi bien dans la production céramique que dans les pratiques funéraires. Celles-ci, par exemple, ne sont pas les mêmes à Kalibangan qu’à Harappa. D’autre part, Mohenjo-Daro a livré des milliers de figurines humaines en terre cuite alors que Lothal en est totalement dépourvu.

    Des mesures communes
    Artisans et commerçants de l’Indus usaient d’étalons communs. Les poids sont le plus souvent des cubes, mais il en existe qui sont sphériques, cylindriques ou coniques. Ils sont taillés et polis dans des pierres diverses, silex - pour les plus précis -, stéatite, calcaire, calcédoine. La gamme des poids allie système binaire et système décimal. L’unité de poids de 13,625 g est divisée en une série de sous-multiples (1/2, 1/4, 1/6, 1/8 et 1/16) ; la série des multiples est obtenue par des multiplicateurs pairs (allant de 2 à 800, en passant par 4, 10, 20, 40, 100...). Pour les longueurs, les Harappéens utilisèrent simultanément le pied (entre 33,02 et 33,52 cm) et la coudée (51,56 à 52,83 cm).

    Spécialisation des artisans
    La large diffusion des techniques et des styles sur un vaste territoire témoigne simplement de l’existence d’une standardisation et d’une spécialisation de l’artisanat. Les représentations de la statuaire, qui, en Mésopotamie, fournissent des renseignements de nature religieuse, sont ici d’interprétation délicate ; ainsi, une petite statuette en stéatite blanche représentant un personnage barbu, la tête ceinte d’un bandeau et une épaule couverte d’un « châle », a été nommée le « roi prêtre » de Mohenjo-Daro, mais rien ne peut attester qu’il s’agisse effectivement d’un tel personnage. Malgré tout, quelques objets taillés dans la pierre offrent un caractère religieux. Parmi eux, un personnage portant une coiffure cornue et assis dans la position de méditation des yogi évoque des traits que l’on retrouvera chez Çiva, l’un des dieux de la trinité hindoue ; d’autres, mettant en scène des animaux, tel le remarquable unicorne, semblent être de nature mythologique.

    La céramique
    Parmi les produits de la culture matérielle harappéenne, la céramique est celui qui a laissé le plus de traces. Dans la multitude de récipients utilitaires et le plus souvent sans décor, trois types peuvent être considérés comme des classiques harappéens : le « support d’offrandes », la « faisselle » et le « gobelet de l’Indus ». Le premier est un plat sur pied, de hauteur et d’épaisseur variables, que les archéologues appellent offering stand, ou compotier. Le deuxième est un récipient approximativement cylindrique, légèrement renflé à la base ; celle-ci est plate et percée en son centre. Les parois, à l’exception de la partie supérieure proche de l’ouverture, portent des perforations. Cet objet - jadis considéré comme un brûleur d’encens ou comme un brasero - pourrait, selon certains archéologues, être une faisselle. Enfin, le « gobelet », qui paraît d’usage aussi incertain ; c’est un vase ovoïde à panse pointue qu’on trouve surtout dans les niveaux moyens et tardifs des sites harappéens classiques.

    Outre ces poteries communes, les artisans de l’Indus produisaient une céramique peinte, remarquable par la qualité de son ornementation. Sa pâte rosée est recouverte d’un engobe rouge lustré sur lequel s’inscrivent des motifs peints en noir. La décoration, généralement dense, disposée en zones, allie les motifs géométriques (rectangles, damiers, triangles, cercles sécants) et figuratifs (arbres, tel le pipal dont seule la feuille est représentée, oiseaux, quadrupèdes, poissons, crocodiles). Il existe également quelques spécimens à décor polychrome combinant le noir, le rouge, le vert et le jaune sur fond clair.

    Autres matériaux
    Le cuivre et le bronze furent utilisés pour la fabrication d’armes (lames et haches sans collet d’emmanchement) et d’objets aussi divers que des miroirs, des rasoirs, des pots à fard, des récipients et de petites figurines, dont la gracile Danseuse de Mohenjo-Daro. L’or, l’ivoire et les pierres semi-précieuses furent employés pour les parures. Les Harappéens réalisèrent, par exemple, des perles de cornaline qu’ils décoraient par trempage dans des solutions alcalines.

    Les parures
    Les Harappéens accordaient une grande importance à la parure. Les nombreuses statuettes féminines de Mohenjo-Daro et de Harappa étaient généralement parées de colliers, de pendentifs, de bagues et de bracelets. Les bijoux harappéens sont faits dans des matières diverses (céramique, pierres semi-précieuses, or, argent, cuivre, coquillages marins, stéatite et faïence). Dans ce domaine, l’artisanat harappéen repose sur une tradition remontant au néolithique. Le travail du coquillage marin, celui des pierres semi-précieuses (lapis-lazuli et turquoises) sont attestés à Mehrgarh dès le VII e millénaire. Au chalcolithique, à Mehrgarh, en même temps que fut utilisée la stéatite et qu’apparut le travail de l’or, les lapidaires perfectionnèrent les techniques de taille des pierres en employant de nouveaux outils (petits forets en jaspe vert, phtanite - et tour à archet). A ces techniques, les Harappéens en ajoutèrent de nouvelles - faïence, glaçures et décoration des perles par solution alcaline -, ce qui permit la création de bijoux combinant de façon originale des éléments divers. MEMO

  • Florissante de – 2500 à – 1800 dans la vallée de l’Indus et de ses affluents, la civilisation connue par les grands sites de Mohenjo Daro et de Harappa (distants de 650 km) demeure en grande partie une énigme. Correspondant à une civilisation urbaine évoluée, avec des cités étendues sur plusieurs centaines d’hectares, un plan urbain rigoureux orienté selon des critères astronomiques, un système d’évacuation des eaux très sophistiqué, une production agricole intensive et des croyances religieuses qui sont déjà très élaborées, ce foyer culturel contemporain à ses débuts de l’Égypte de l’Ancien Empire et de la Mésopotamie sumérienne comme de la première Crète minoenne vers sa fin, nous a laissé des centaines de sceaux témoignant de l’existence d’une écriture riche de plus de quatre cents signes mais qu’il est demeuré jusqu’à aujourd’hui impossible de décrypter. La découverte, en janvier 2002, de la civilisation dite « de la rivière perdue » est venue compliquer la question des origines de la culture de l’Indus. C’est dans le golfe de Khambat (l’ancienne Cambay, dans l’est du Gudjerat) que des vestiges engloutis sous les eaux de la mer d’Oman ont été identifiés. Des traces de constructions étendues sur près de neuf kilomètres sur les rives aujourd’hui submergées de l’ancienne rivière Sarasvati ont été repérées. La date de 7500 av. J.-C. a été avancée mais la prudence s’impose à propos d’une datation aussi haute. La civilisation concernée serait en tout cas antérieure à celles de Mohenjo-Daro et de Harappa, ce qui n’est pas véritablement surprenant quand on considère l’aire d’extension considérable des cultures de l’Indus, identifiées aujourd’hui sur tout le littoral de la mer d’Oman ainsi qu’au nord de Bombay et au sud de Delhi… Demeurée mystérieuse, la civilisation de l’Indus n’est pas à l’origine de la civilisation indienne classique apportée par les Indo-Aryens mais elle a laissé des traces importantes en matière de connaissances astronomiques ou dans le domaine des poids et mesures et l’on peut penser qu’un ancêtre du dieu Siva est déjà représenté à cette époque à travers certaines figurines. L’origine de cette civilisation commence à être mieux connue, notamment grâce aux fouilles effectuées dans le Baloutchistan sur le site de Mergahr remontant à -7000 et sur les sites plus récents d’Amri, de Kulli et de Kot Diji. Les découvertes récentes de Jiroft, dans le sud-est de l’Iran sont également intéressantes de ce point de vue. La conclusion à laquelle sont arrivés les chercheurs met en avant les parentés existant entre les sites les plus anciens étudiés au pied des monts Zagros, en Elam, et ceux qui, fouillés en Iran et au Turkménistan, correspondraient à une phase préparatoire au développement de la civilisation de l’Indus. L’origine des envahisseurs indo-aryens apparaît également mieux connue. C’est dans la future Bactriane, entre l’Hindou-Kouch et l’Amou Daria que les Aryens se seraient différenciés des Proto-Iraniens. Leurs mouvements vers l’ouest aboutiront à la formation du royaume du Mitanni, rival de l’Empire hittite et partenaire proche-oriental de l’Égypte du Nouvel Empire mais c’est vers l’est qu’ils bâtiront un espace de civilisation durable en pénétrant en Inde. On a eu tendance, au cours des dernières décennies, à rejeter l’idée d’une « invasion » indo-aryenne destructrice de la civilisation de l’Indus et il semble bien que celle-ci ait entamé son déclin auparavant – en raison peut-être de catastrophes climatiques ou à cause des bouleversements intervenus dans les régions avec lesquelles elle entretenait des relations commerciales ; cependant, l’hypothèse d’une invasion destructrice ne peut être totalement exclue et les épisodes analogues que connut l’Inde si souvent au cours des siècles ultérieurs tendent même à la confirmer. D’abord installés dans la vallée de l’Indus et au Pendjab, les nouveaux arrivants pénètrent ensuite dans la vallée du Gange mais les textes les plus anciens qui nous sont parvenus, notamment le Rigveda, témoignent bien de l’origine extérieure des fondateurs de la civilisation indienne. C’est l’époque qui voit se constituer le corpus de la tradition védique, mise par écrit beaucoup plus tard.

    1000 – 800 avant J.-C. : Aryanisation de la plaine gangétique. Introduction et généralisation de la métallurgie du fer.

    À partir des temps demeurés obscurs qui suivent la conquête indo-aryenne, divers royaumes proto-historiques se constituent en Inde du Nord, dont l’existence est évoquée par les Purana, des ouvrages sanscrits très anciens qui fournissent des listes de dynasties. Parmi les empires qui se constituent alors, le plus important semble être celui du Magadha dont le territoire correspond approximativement à l’actuel Bihar. Au temps de Bouddha, ce royaume s’étend au détriment de ses voisins et transfère sa capitale de Rajagriha à Pataliputra, sur le Gange ; il contrôlera au IVe siècle avant J.-C. un territoire allant de l’Indus au Bengale, apparaissant ainsi comme le premier grand empire indien, prédécesseur immédiat de celui des Maurya.

    566-486 avant J.-C. : Vie supposée du Bouddha Sakyamuni

    540 – 468 avant J.-C. : Vie de Mahavira, le fondateur du jainisme

    Fin du VIe siècle avant J.-C. : Le souverain perse achéménide Cyrus conquiert la région de l’Indus où Darius crée ensuite une satrapie de l’Empire perse.

    327-325 avant J.-C. : Alexandre, qui a détruit l’Empire perse, entreprend de conquérir ses possessions indiennes. Il bat difficilement le roi Poros, parvient à l’embouchure de l’Indus puis prend le chemin du retour vers Babylone à travers le sud-est de l’Iran pendant que Néarque conduit une flotte dans le golfe Persique.

  • Un spécialiste de l’antiquité de l’Inde comme Louis Renou peut parler de "la" civilisation de l’Inde ancienne (titre de son ouvrage, et déclarer ""qu’elle ne connaît que l’état monarchique", car il a précisé en préambule : "Laissant de côté la civilisation préhistorique dite de l’Indus qui s’est étendue dans la seconde moitié du troisième millénaire et semble bien, en dépit des traits religieux, d’apparence indienne, avoir été une civilisation une civilisation importée, les premiers linéaments d’histoire sont ceux que nous livrent les documents védiques. A travers ces textes, on discerne les luttes entreprises par les envahisseurs âryens (détachés de la communauté indo-iranienne, en Iran oriental, probablement au début du second millénaire) pour se frayer un chemin à travers les passes qui de Kâbul et de Quandâhar débouchent sur le haut et le moyen Indus."

    Nous avons là des assertions typiques de ce refus de prendre en compte la multiplicité des civilisations qui ont fleur en Inde et de prétendre que l’Etat et la religion brahmaniques sont inhérentes à l’Inde....

  • Ce refus d’examiner la civilisation de l’Indus n’est pas propre à ce spécialiste reconnu. Par exemple, on peut citer les propos de Gaston Courtillier dans "Les civilisations de l’Inde" :

    "L’Inde n’a pu être à l’origine que la contrée où coule le fleuve que les Grecs par l’intermédiaire des Perses ont appelé l’Indus et qui n’était pour les indigènes que le Sindhu (flumen) ; pour la tradition brahmanique, le pays des Bharata désigne, comme on le verra, un autre domaine géographique et humain. Enfin ce que de nos jours les Anglais appellent l’Indian Empire commence au Béloutchistan, où il encadre au Sud et écarte de la mer l’Afghanistan qu’il tient encore en respect par le North West frontier et les hautes vallées qui descendent de l’Hindou Kouch et du Pamir ; puis l’immense possession britannique longe le versant sud de l’Himâlaya, ne laissant échapper que le Népal, et s’empare de l’Assam, de la Birmanie jusqu’à dépasser le Salwyn et le Tennasserim, jusqu’à atteindre même sur un point le Mékong.

    Dans le pays dont on essaiera de décrire ici les civilisations, on ne comprendra que l’Inde de la vallée indogangétique et du Dekkan avec Ceylan, son annexe naturelle ; c’est pour maint lecteur le pays des Aryens et du Veda, du brahmanisme, du bouddhisme, des philosophies les plus raffinées, des manifestations religieuses les plus étonnantes, des grandes épopées populaires, Mahâ-Bhârata et Râmâyana, et de cette brillante littérature sanscrite qui se cristallise autour du nom de Kâlidâsa."

    Conclusion : l’Indus fait partie de l’Inde mais on ne prendra en compte que le brahmanisme et l’Etat indien !!! Alors que la première civilisation de l’Inde connue est contemporaine de celles d’Egypte et de Mésopotamie....

  • Ceux qui veulent d’une Inde éternelle védique et brahmanique écrivent :

    Pourquoi attribue-t-on certains récits de l’Inde antique à des périodes de -8000 à -9000 ans sans pouvoir apporter de preuves matérielles ? Car même si le livre du Rig Veda, considéré comme le plus ancien de la religion védique a été rédigé par écrit aux alentours du Xème siècle avant notre ère, il a certainement été transmis oralement depuis très longtemps et sa partie tradition qui mentionne des phénomènes inexpliqués jusqu’à maintenant, ne relève pas que des légendes !

    Dans cette " période indéfinissable " les historiens situent en Inde des peuples d’hommes à la peau sombre : les DRAVIDIENS et les MOUNDAS. La religion de l’Indus fait partie des plus anciennes religions de notre humanité, elle a débuté bien avant l’émergence des premières civilisations connues en Orient et probablement avant les premiers écrits qui ne sont apparus qu’aux alentours de l’an -3000 en Egypte et en Mésopotamie. "

  • Cela signifie que des sociétés ont parfaitement pu s’écrouler sous le poids de leurs luttes internes sans donner naissance à une société nouvelle. Telle est l’origine des civilisations disparues qui étonnent le monde.

  • Il y a tout de même une erreur peu négligeable selon les travaux d’archéologie récents à mentionner sur les théories aryanisantes évoquées sur ce fil concernant l’introduction de la métallurgie du fer.

    Il est démontré à présent que le fer aurait émergé en Inde sur les plateaux montagneux ( non pas au nord de l’Inde ), et de plus serait associé à la continuité d’une culture dolménique remontant à l’âge du cuivre. Il s’agirait de pasteurs ( et non de nomades ). Le fer serait attesté jusqu’à - 1800 BC pour la date la plus ancienne disponible.

    Donc les auteurs indiens ont au moins raison sur un point : Les indiens véda, s’ils sont associés a la diffusion de la métallurgie du fer, sont déjà présents en Inde avant la faillite des indusiens.

  • Il y a encore un grand nombre d’auteurs pour lesquels la civilisation en Inde commence au bouddhisme !!!

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