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Contribution en vue du programme d’action que les révolutionnaires communistes doivent défendre dans la classe ouvrière pour préparer la contre-offensive prolétarienne

mardi 5 novembre 2013, par Robert Paris

« Notre programme d’action veut être celui du prolétariat entraînant les autres couches laborieuses de la nation depuis la lutte pour leurs revendications immédiates jusqu’à celles pour l’établissement du pouvoir des ouvriers et des paysans. Il contient de grands mots d’ordre généraux pour la réalisation desquels peut et doit s’effectuer la mobilisation des travailleurs des villes et des campagnes : le contrôle ouvrier et paysan, les grandes nationalisations, des mesures pour la défense de la paysannerie pauvre, les droits des soldats, etc... etc... Mais pour chacune de ces revendications, il donne les moyens de lutter pour leur réalisation : l’organisation des couches intéressées dans des comités (comités d’usines, comités de paysans, comités de soldats, etc...) dans lesquels serait suscitée et développée l’initiative des travailleurs en lutte. Il ne peut s’agir seulement de travailleurs inscrits dans les partis et syndicats, mais des plus larges masses, constituant ainsi, par l’Alliance ouvrière, dans un vaste réseau de comités, la représentation véritable des travailleurs n’attendant pas la manne d’en haut, mais réalisant leurs exigences. Nous ne disons pas aux travailleurs : voici un plan excellent, faites-nous confiance ; nous leur disons : voici des solutions pour sortir du bourbier ; voici les méthodes sur lesquelles vous devez vous unir et que vous devez employer pour y parvenir. Car la situation présente ne peut offrir d’issue favorable aux travailleurs que si ceux-ci prennent en mains leur cause, leurs intérêts et les défendent ardemment… Au travail pour constituer un comité d’usine dans mon entreprise. »

Léon Trotsky, Programme d’action de la Ligue Communiste (Trotskyste)

Contribution en vue du programme d’action que les révolutionnaires communistes doivent défendre dans la classe ouvrière pour préparer la contre-offensive prolétarienne

Avertissement : inutile de vouloir trouver ici un texte tout fait, définitivement établi et répondant à toutes les questions ni s’imposant sans discussion aux travailleurs et aux militants qui se revendiquent de la classe ouvrière, car celui-ci ne peut provenir que de la discussion, de l’échange avec d’autres courants, avec les travailleurs eux-mêmes, et en suivant les expériences de luttes des travailleurs. Personne n’a de solution en dehors du prolétariat et les solutions que certains proposent sans l’intervention directe des prolétaires ne sont que des tromperies. Le texte qui suit sera donc progressivement complété et amendé à partir des discussions et débats qu’il suscitera dans nos rangs comme à l’extérieur.

Un programme d’action doit contenir bien des éléments d’analyse, aussi bien de la situation mondiale, c’est-à-dire des possibilités et impossibilités des classes dirigeantes, de l’expérience de la classe ouvrière mondiale à l’heure actuelle et aussi une analyse des amis, des ennemis, des faux amis, des forces et des faiblesses de notre camp de classe, des possibilités et des impossibilités, des potentialités et des stratégies du prolétariat dans le but est de permettre au prolétariat de prendre conscience de ses capacités historiques. C’est un travail d’ampleur mais rien ne nous empêche de l’ébaucher et de commencer à le discuter avec tous ceux que cela préoccupe…
Nous invitons donc nos lecteurs à se reconnecter sur ce document au fur et à mesure de sa rédaction et à donner leur avis…

Comment rechercher le programme d’action indispensable pour préparer la contre-offensive ouvrière

Tout d’abord, nous tenons à nous distinguer de tous les programmes de réformes qui avancent des solutions prétendant sauver la société actuelle alors qu’elle ne peut nullement être sauvée. Nous considérons que les programmes sont de deux types : ceux qui défendent la classe capitaliste et ceux qui défendent la classe ouvrière et les milieux populaires. Entre les deux, il n’y a rien que des mensonges, de la démagogie, du baratin parlant d’intérêt supérieur de l’entreprise, du secteur d’activité, de la région, de la nation, du groupe de nations. Nous affirmons donc en préambule que le capitalisme ne peut pas être soigné de sa dernière maladie et que nous ne cherchons nullement à lui faire retrouver son dynamisme passé. Ce sont les possesseurs privés de capitaux qui nous le montrent, en s’éloignant des investissements productifs.

Le programme d’action que les communistes révolutionnaires doivent proposer à la classe ouvrière a un but extrêmement simple et déterminant : casser la loi à laquelle obéit la société actuelle qui est la loi du profit fondé sur l’exploitation du travail humain et la propriété privée des moyens de production et que l’on nomme aussi capitalisme. Cette loi n’est ni une loi de la nature, ni une loi humaine, ni une loi fondée sur l’accord commun des habitants. Elle est présentée comme une loi générale de toute économie, comme une loi de la nation, comme une loi de la République, comme une loi de tous les citoyens, comme un intérêt collectif de toute la population. Cette loi décrète que la propriété privée des capitaux, des usines, des banques, des assurances, de la finance est intouchable quels que soient les crimes commis par ses possesseurs. Et cette loi permet de piétiner les droits de l’immense majorité de la population, dans un pays comme au dehors. Un capitaliste fait ce qu’il veut de ses capitaux. Il a le droit de les retirer d’une entreprise pour la fermer. Il a le droit de réclamer que les salariés travaillent plus en les payant moins sous peine d’être licenciés. Il a le droit de vendre l’entreprise à qui il veut et quand il veut. Il a le droit de détruire la vie de ses salariés, en exerçant des pressions morales folles par le biais de son encadrement, de les déplacer, de les menacer, de les licencier. Il a le droit ainsi de briser des familles entières, des régions, des secteurs d’activité en jetant les salariés à la rue, en les ruinant, en leur faisant ainsi perdre logement, santé, éducation des enfants, accès au gaz, à l’électricité, au téléphone, au compte en banque, etc… Il peut détruire intégralement la vie de millions de familles de prolétaires. Aux USA même, des familles qui n’étaient pas misérables au départ ont ainsi perdu leur logement et se sont retrouvées à la rue. En Grèce, on a vu jusqu’où cela peut aller, jusqu’à détruire entièrement la société, supprimant toute sécurité pour des personnes qui avaient nationalité, qualification et emploi. L’illusion selon laquelle la société capitaliste allait continuer éternellement à développer économie et bien-être s’effondre irrémédiablement.

Le but du programme d’action proposé par les militants communistes révolutionnaires doit être de rendre consciemment indispensable la destruction complète de cette loi qui fonde le capitalisme. Il ne peut être évidemment question d’en convaincre quiconque est attaché par ses intérêts à l’ordre bourgeois, partis bourgeois, partis réformistes, syndicats bourgeois, syndicats réformistes, y compris la gauche de la gauche bourgeoise et même pas les organisations d’extrême gauche qui considèreraient que leurs intérêts sont attachés aux élections et aux appareils syndicaux, eux-mêmes attachés immanquablement à l’ordre bourgeois.

Le but du programme d’action de la classe ouvrière doit être de partir des besoins immédiats de la classe ouvrière et de les relier par des liens indestructibles à la destruction de la loi du capital. Il s’agit donc à la fois de montrer la nécessité de briser la loi du capital, d’en montrer la possibilité, d’en démontrer l’inévitabilité et le caractère vital pour la classe ouvrière. Ne pas détruire la loi du capital, dans les circonstances actuelles, c’est la laisser non seulement nous exploiter, nous voler, mais nous détruire moralement et physiquement, en commençant par démolir notre moral, au niveau individuel comme collectif.
Ce programme d’action ne se contente pas de sortir de la légalité bourgeoise. Il se propose ouvertement l’objectif de la détruire.
Il se fonde sur un constat : l’Etat, la République, la nation, les institutions, la justice, l’impôt, la police, les forces armées, l’administration ne sont nullement au service de la collectivité, ne sont en rien des produits de la décision démocratique de la population mais au service exclusif du grand capital. Il suffit pour s’en convaincre de voir que l’Etat a été capable depuis la crise de 2007 de sortir de ses caisses des centaines de milliards d’euros pour aider les banques, les trusts, les assurances, les financiers et les bourses et, par contre, il n’a plus même des centimes pour les retraites, la sécurité sociale, les chômeurs, la santé, l’éducation, les transports, les services publics,…

Pour la loi du capital, le travailleur ne compte pas, le chômeur ne compte pas, le retraité ne compte pas, le petit artisan, le petit pêcheur, le petit paysan, le tout petit rentier ne comptent pas non plus. On peut les jeter à la rue. On peut les liquider. On peut fermer leurs comptes en banque. S’ils protestent, on leur envoie les forces de l’ordre. On peut leur enlever le droit de se loger, de loger leur famille, de les nourrir, d’éduquer leurs enfants. On peut les réduire à la mendicité. Et cela à l’échelle de peuples entiers. Ceux qui n’en sont pas encore convaincus vont s’en convaincre très vite. S’ils protestent, ils verront alors que toute protestation est considérée comme une atteinte à la loi. On pourra les frapper, les matraquer, les arrêter, les accuser de tous les crimes. Toute revendication aussi minime soit-elle s’attaque donc inévitablement à la loi du capital.

Quant au capital lui-même, il est religieusement protégé par la loi. Y compris s’il a commis tous les crimes possibles et imaginables, y compris des crimes contre l’Etat bourgeois, contre la monnaie, contre la stabilité systémique, y compris des crimes contre la viabilité et l’avenir même du capitalisme. Nous venons de le voir avec la crise de 2007-2008. Tous les financiers dont les opérations hasardeuses ont mis par terre le système n’ont subi aucune enquête sérieuse et n’ont pas eu à le payer. Non seulement, ils n’ont pas été inquiétés mais ils ont été sauvés des conséquences de leurs actes. Ils ont spéculé de manière folle et ils n’ont pas eu à le payer. Et cela parce qu’une loi a été édictée durant la crise : « tout grand capital ne peut pas chuter ». Au prix de milliers de milliards de dollars, toutes les grandes entreprises, toutes les grandes banques, toutes les grandes assurances ont été sauvées de la faillite et ce sont les Etats et les banques centrales qui ont payé la facture, qui ont couvert les trous, qui ont empêché les faillites, au nom de la sauvegarde du système mondial. Ils ont racheté des entreprises, fourni gratuitement des masses de capitaux, non seulement prêtés mais donnés. Et ils ont fait cela au risque de se ruiner complètement, de désarmer l’Etat bourgeois lui-même. Ils ont également racheté les titres pourris produits par les possesseurs privés de capitaux et ils continuent à les racheter. Et le grand capital continue à en produire à un rythme élevé. Nous ne voulons pas ici nous plaindre d’une dérive de l’Etat, d’un détournement de la loi, de la nation ou de la République mais, au contraire, en souligner le fonctionnement inévitable en régime capitaliste.

Pour le capitalisme, n’est criminel au nom de la loi au pouvoir que le travailleur qui prétend conserver son emploi quand le patron le licencie, qui prétend rester dans son entreprise quand le patron la ferme, qui prétend garder son logement quand il est expulsé, qui prétend garder son compte en banque quand la banque le ferme, qui prétend avoir le droit de se soigner quand il ne peut se le payer, le chômeur qui prétend manger, ne pas coucher à la rue, se soigner, étudier, le retraité qui prétend vivre ou survivre, etc…
Nous ne pouvons pas faire appel à la même loi que les capitalistes ! Nous ne pouvons pas faire appel au même Etat que les capitalistes ! Nous ne pouvons pas faire appel à la même justice que les capitalistes !

Nous ne pouvons pas continuer à croire que les capitalistes vont finir par sauver nos emplois, par sauver les entreprises, par sauver l’économie, par sauver la société, par sauver les pays, par sauver les peuples. Il faut enfin nous convaincre qu’ils vont au contraire tenter de nous passer à la moulinette. Ils s’y prennent certes progressivement en faisant semblant de chercher à nous protéger, à nous éviter le chômage et la misère. Mais ils avancent sans cesse dans le sens de cet objectif et surtout dans celui de détruire notre capacité physique et morale, sociale et politique, de réagir dans un sens de classe.
Il s’agit, pour le capital et pour les Etats à son service, non d’objectifs purement économiques mais d’objectifs de classe : casser la résistance du prolétariat et détourner ses risques de réactions explosives.

Une réaction de classe du prolétariat signifie plusieurs choses :

 pas de négociation avec la bourgeoisie, pas de recherche d’accords, pas de tentatives de « solutions » avec des repreneurs, des sacrifices en échange de garanties d’emploi, pas de tentative de marchandage pour diminuer, soi-disant les sacrifices

 pas de recherche d’ententes salariés-patron-Etat qui profite soi-disant à l’emploi et à l’entreprise

 pas de solution soi-disant nationale, c’est-à-dire où patrons et ouvriers d’un même pays prétendraient avoir les mêmes intérêts

 pas de plans économiques : la question qui se pose aux travailleurs n’est pas de résoudre les problèmes économiques. Si la bourgeoisie est incapable de faire marcher son système, nous non plus ! Si la bourgeoisie n’est capable que de remplir ses coffres, crise ou pas crise, à nous d’en faire autant et de ne défendre que nos salaires…

 pas d’appel à intervention de l’Etat et du gouvernement qui en fasse un prétendu intermédiaire neutre entre les classes

 pas de revendications purement économiques, des objectifs politiques

 pas de mise en avant d’intérêts séparés des travailleurs en fonction des professions, de secteurs d’activité, des divisions voulues par la bourgeoisie (par nation, par catégorie professionnelles, entre homme et femmes, jeunes et vieux, entre salariés et chômeurs, entre nationaux et immigrés, avec ou sans papiers, etc….)

Une politique de classe est internationaliste, sur des bases luttes de classe, sans tentative de trouver une entente entre les classes opposées…

Mais une politique prolétarienne ne signifie nullement que les travailleurs ne revendiquent que pour eux-mêmes. Elle signifie que les travailleurs se portent candidats à donner des solutions pour toute la population, pour l’ensemble de la société. Ils affirment que le droit social doit remplacer le droit du capital, complètement et dans tous les domaines de la vie sociale. Cela concerne tous les milieux populaires et pas seulement la classe ouvrière. C’est un programme qui s’adresse aussi aux couches sociales moyennes menacées ou frappées par la crise. A toutes ces couches, le prolétariat affirme qu’il les défendra face au grand capital, face aux banques, face aux trusts, face aux usuriers, face aux dettes, face à l’Etat bourgeois. Mais, pour cela, il faut que les classes moyennes choisissent de rompre avec la société bourgeoise, basculent dans le camp du prolétariat.
Pour cela, le prolétariat doit montrer qu’il est le chef de file de la contestation de la société bourgeoise, en rompant avec toutes les politiques syndicales qui affirment le contraire. Même quand les syndicats parlent de lutte, ils réclament l’aide de l’Etat, l’aide du gouvernement, pour trouver de bons patrons, pour sauver l’industrie, pour sauver le pays, pour sauver l’emploi. Ainsi, ils développent un programme diamétralement opposé au programme d’action qui est nécessaire à la classe ouvrière pour devenir le pôle de contestation du système. Ils développent un discours économique comme s’il fallait seulement trouver des bonnes solutions économiques pour résoudre les problèmes du système. Ils contribuent à faire croire que le système va s’en tirer et que c’est la condition pour que les prolétaires et les peuples s’en sortent. Ils développent également un discours nationaliste qui est criminel dans la situation car il livre les travailleurs aux nationalistes extrêmes, les fascistes…

Plus question d’admettre qu’un patron déclare que les caisses de l’entreprise sont vides. Il faut prendre sur ses revenus et biens personnels. Plus question d’admettre qu’un patron nous dise qu’il n’y a plus de travail. Du boulot ou pas, c’est une question de choix du grand capital en fonction de la rentabilité. Ce n’est pas notre problème. Nous exigeons, dans tous les cas, d’être payés. Plus question d’allocations chômage impayées. Plus question d’électricité coupée, de téléphone coupé, de crédits coupés, de compte fermé, d’emplois supprimés. Quand un capitaliste, un banquier, une assurance sont en difficulté, la société trouve des milliards pour le sauver. Imposons qu’il en soit de même quand il s’agit des travailleurs.
Il faut aussi en finir avec la logique des directions des centrales syndicales qui quémandent des petits accommodements, signent des contre-réformes, divisent les luttes, les lâchent en cours de route et organisent des journées d’action sans lendemain.
Il faut unir les travailleurs précaires, les chômeurs et ceux qui ont un emploi, les travailleurs du public et du privé, les travailleurs de l’Automobile et ceux de l’Audiovisuel, ceux de la Recherche et ceux de la Construction, ceux de l’Enseignement et ceux des grands magasins. C’est à nous de défendre notre avenir. Personne ne le fera à notre place ! Il ne s’agit pas de défendre chacun notre entreprise mais de défendre collectivement le sort de la classe ouvrière.
Les travailleurs, s’ils ne veulent pas subir de plein fouet le chômage, la misère, et aussi les dictatures et les guerres, conséquences inévitables de la crise, comme le fascisme et la guerre mondiale ont été des conséquences de la crise de 1929, doivent diriger eux-mêmes leurs luttes aujourd’hui et devront diriger demain la société. Tant qu’ils se laissent diriger par les centrales syndicales, ils ne peuvent pas apparaître pour la force sociale capable de supplanter le système capitaliste car les centrales, elles, sont des institutions qui font partie du système même quand les militants de ces centrales n’en ont pas conscience ou ne le souhaitent pas. Bien entendu, nous ne considérons pas les militants syndicalistes comme des ennemis mais comme des travailleurs comme les autres, à convaincre comme les autres, aussi réformistes que les autres travailleurs, aussi marqués par la loi du système que les autres travailleurs. Tant que les travailleurs ne commenceront pas à casser la chaîne morale qui les attache au capitalisme, nous révolutionnaires n’entraînerons pas la majorité des militants syndicalistes. Casser la chaîne du capitalisme nécessite en premier que les travailleurs estiment que la catastrophe imminente implique qu’ils soient prêts à se réunir, à s’assembler pour se parler de la situation, pour échanger librement des avis sur celle-ci, sur les moyens d’y faire face, pour lutter, sur les revendications comme sur les moyens d’action. Les revendications et les moyens d’actions que proposent les révolutionnaires ont vocation d’être proposés d’abord et avant tout dans ces assemblées ouvrières et pas seulement dans les syndicats où tout l’appareil syndical a vocation de les torpiller d’avance, de les empêcher même d’être diffusées et discutées. Même dans les assemblées, l’appareil bureaucratique cherchera à faire taire la voix des militants révolutionnaires mais l’assemblée peut décider qu’elle veut quand même les écouter et peut l’imposer aux bureaucrates.
Rien ne garantit que nous parvenions à convaincre la majorité des travailleurs mais il est indispensable de militer pour le programme d’action des communistes révolutionnaires du fait que la spontanéité ne peut pas tout. Elle ne permet pas en particulier de disposer d’une analyse de la situation des classes dirigeantes et des classes moyennes, qui est indispensable aux travailleurs pour définir leur propre politique. Et cela est d’autant plus nécessaire que la situation mondiale qui existe depuis 2007 n’a jamais été vécue par le prolétariat et il ne dispose pas d’une expérience lui permettant d’y faire face. L’occasion est historique mais elle n’est pas du tout évidente à saisir. Les révolutionnaires eux-mêmes ont besoin d’en discuter entre eux pour se convaincre mutuellement des appréciations sur les événements qui s’y produisent. Personne, fût-il le plus éclairé, ne doit exiger d’être suivi comme un messie et les révolutionnaires doivent apprendre à défendre leur point de vue avec opiniâtreté et accepter de ne pas être crus sur parole. Il n’est nullement facile de croire que le capitalisme n’a plus d’avenir. Il n’est nullement agréable de penser que l’on ne peut plus se contenter de s’accrocher à son entreprise, à sa corporation, à son secteur d’activité ou à sa nationalité. Il n’est nullement aisé de changer complètement la boussole qui nous avait guidé jusque là. C’est la routine qui amène les bureaucrates à puiser dans les anciennes formules par lesquelles ils croyaient jusque là mener les luttes. Mais la routine n’est en rien une aide face à un monde qui tremble sur ses bases et ne peut plus fonctionner comme il l’a fait durant des décennies. Il nous faut un nouveau programme qui ne craigne pas d’afficher d’emblée son but : casser la loi du capital, celle pour laquelle il est autorisé de détruire l’économie, la société, les droits sociaux, d’écrabouiller des millions d’êtres humains. Il est indispensable d’annoncer que nous nous battons non seulement pour défendre notre emploi, notre salaire, notre service public, notre santé, notre … mais que nous nous battons pour une nouvelle loi de toute la société.

Une nouvelle loi dans laquelle la propriété privée capitaliste n’est plus taboue mais le bien-être social des millions d’hommes est tabou, intouchable.

Proclamons de nouvelles actions considérées comme criminelles :

 criminel de licencier

 criminel d’expulser de son logement

 criminel de couper l’électricité, le gaz, le compte en banque, les allocations chômage

 criminel de réprimer des manifestations ouvrières

 criminel de jeter à la rue et de laisser à la rue

 criminel de tirer un profit des actions précédentes

 criminel d’investir dans la destruction de la société en finançant des titres sur les dettes, sur les logements expulsés, sur la ruine des économies, des monnaies, des fonds publics

Mettons en accusation les capitalistes, dirigeants des trusts, des banques, des assurances, des bourses pour être coupables d’assassiner les peuples.

Plaçons le peuple travailleur en tête de notre action afin que toutes les couches sociales qui vont à l’avenir être des victimes n’aillent pas chercher leur salut auprès des démagogues fascistes.

Affirmons que nos ennemis ne sont pas le peuple travailleur du pays voisin mais les exploiteurs de tous les pays. Unissons notre action à celle de tous les travailleurs du monde. Récusons toutes les thèses selon lesquelles l’Etat bourgeois pourrait nous défendre s’il était plus national, plus fort, plus répressif, plus fasciste en somme…

Il y a belle lurette que la libération du prolétariat, que son bien-être, ne sont plus compatibles avec le capitalisme. Désormais, la simple vie des prolétaires ne sera plus compatible avec le pouvoir des exploiteurs. Même si le capitalisme a fait faillite, cela ne l’amènera nullement à céder pacifiquement la place parce que la lutte des classes n’est pas une simple discussion sur les avantages respectifs des directions des classes capitaliste et prolétarienne. Au contraire, il aiguise les couteaux et notre vie même dépend maintenant de notre compréhension des enjeux. Il faut d’autant plus rejeter les propositions purement activistes selon lesquelles peu importerait que le prolétariat ne se dirige pas lui-même et seul importerait le nombre de salariés en grève ou dans la rue. C’est complètement faux : le prolétariat inorganisé signifie le prolétariat avec un bandeau sur les yeux et le plus fort des boxeurs n’est rien s’il a les yeux bandés !

Quels que soient les pays, quelles que soient les couleurs des gouvernements, ce sont les mêmes intérêts politiques, sociaux et économiques que l’Etat bourgeois défend exclusivement : ceux du grand capital. Même la lutte des travailleurs ne peut pas suffire à changer cela : tout au plus, les classes dirigeantes peuvent retarder leurs attaques pour les rendre ensuite encore plus violentes. En période de crise systémique, le grand capital ne peut pas reculer, ne peut pas transiger, ne pas négocier. Tous les efforts des réformistes pour nous faire croire le contraire ne servent qu’à lier les mains des travailleurs et les endormir. Changer les équipes gouvernementales ne change pas davantage le rapport des forces même si tous les trompeurs s’emploient à faire croire le contraire. Aucun gouvernement bourgeois ne s’attaquera jamais aux intérêts des capitalistes, même si ceux-ci mènent à la destruction des travailleurs, des milieux populaires, des classes moyennes et menacent même le capitalisme lui-même. Il n’est pas question d’obtenir une bonne loi dans le cadre bourgeois pour limiter la destruction qu’opère la société capitaliste en déliquescence. La plupart des exploités essaieront jusqu’au dernier moment d’éviter une telle révolution car elle leur impose de faire confiance dans leurs propres forces. C’est pour cela que les opprimés nourrissent des illusions dans la société capitaliste. Mais ces illusions n’ont aucun fondement : quoiqu’il arrive, les Etats sont là pour sauver les classes dirigeantes, fût-ce en détruisant la société, fût-ce en torturant massivement, fût-ce en massacrant dans des guerres et des dictatures, fût-ce en détruisant toute forme d’organisation ouvrière et toute démocratie par le fascisme. Aucune considération humaine ni sociale n’arrête la défense exclusive des intérêts capitalistes par l’Etat bourgeois. La seule manière de défendre les exploités, c’est d’en finir avec l’Etat des exploiteurs…

La seule manière d’y répondre est la politique exactement inverse : placer les considérations humaines et sociales avant toute considération d’intérêt capitaliste, retirer tout pouvoir politique aux défenseurs de cet intérêt, s’attaquer directement et ouvertement à ses défenseurs et opposer clairement le bien public au bien capitaliste.

Le principe numéro un d’une telle conception est : il est interdit de laisser aucune personne et aucune famille, fût-elle étrangère, fût-elle sans papier, fût-elle chômeuse, fût-elle nomade, déracinée, sans ressource, sans logement, sans accès à la santé, sans accès à l’éducation, sans possibilité de se nourrir, de se vêtir correctement, etc…

Pour le prolétariat dictant sa loi, faisant sa propre justice, imposant ses règles sans passer par la justice bourgeoise :

 Est donc considéré comme crime tout intérêt, tout profit, toute distribution de bénéfices, de dividendes d’actionnaires, de tout retour sur investissement de toutes sortes qui passerait avant le bien être des êtres humains, le bien social, l’intérêt collectif et particulier des hommes, des femmes et des enfants.

 Est considéré comme crime tout acte consistant à faire passer pour prioritaire le profit du capital. Inversement, il n’y a aucune limite au droit de la collectivité de ponctionner les profits du capital et son fond lui-même dans le but de satisfaire des besoins individuels et collectifs vitaux tels que définis au dessus.

Certes, cette première étape, celle où les prolétaires dictent leur loi au capital, n’est qu’une première étape. Le capital n’a pas encore cessé complètement d’exister. Il s’agit encore seulement de priorité des besoins humains et sociaux et pas de fonctionnement exclusivement à leur service ni de distribution exclusivement en fonction des besoins.

Il s’agit d’une époque de transition dans laquelle les prolétaires, à la tête de toutes les couches populaires, dictent leur loi au capital.

Cela est parfaitement possible de manière transitoire aux conditions suivantes :

 que le prolétariat s’auto-organise en fondant partout ses clubs, ses sections, ses conseils, ses coordinations, ses comités, ses assemblées interprofessionnelles fondées sur la démocratie ouvrière et dans lesquelles il mesure lui-même ses aspirations, ses volontés, ses forces, ses amis et ses ennemis, les programmes politiques et sociaux qui lui sont proposés. C’est au sein de cette auto-organisation et seulement ainsi que les révolutionnaires communistes peuvent espérer gagner la majorité à leur programme d’action.

 que les révolutionnaires communistes ne rangent nullement leur drapeau dans leur poche quelles que soient les étapes dures et difficiles par lesquelles passe la société bourgeoisie en crise et en voie d’effondrement, qu’ils ne renoncent jamais à la seule voie d’avenir : gagner patiemment la confiance des travailleurs pour leur programme de transformation révolutionnaire, qu’ils ne se laissent arrêter ni par les échecs, ni par les effondrements moraux et politiques de la société qui gagneront aussi immanquablement les prolétaires, qu’ils restent confiants dans la capacité révolutionnaire historique qui est celle du prolétariat internationale, qu’ils ne se laissent pas entraîner par tous les pragmatiques, attachés à l’action immédiate et pratique qui en prennent prétexte pour cesser la guerre aux faux amis des travailleurs, que les révolutionnaires communistes se battent contre leurs deux adversaires : opportunisme et sectarisme et pas contre un seul des deux, qu’ils marchent sur leurs deux pieds qui sont : se mettre à l’école de la spontanéité des actions du prolétariat et fonder sa politique au sein du prolétariat sur la science historique et dialectique.

C’est à ce prix que l’action du prolétariat peut, au travers de son action, s’éduquer sur son rôle de direction de toute la société, sur son rôle historique de transformation du monde.

Pour cela, le programme d’action peut être un élément crucial à condition qu’il apprenne à relier les éléments de la contradiction : l’élément conscient et l’élément spontané, l’auto-organisation et la conception scientifique des communistes, les buts défensifs des travailleurs et leurs objectifs offensifs, l’action légale et illégale. C’est seulement ainsi que les luttes pour l’emploi ne consisteront plus en plaintes impuissantes demandant aux patrons et aux Etats de sauver les emplois, les luttes contre le racisme et le fascisme ne consisteront plus à demander aux classes dirigeantes et à l’Etat de les sauver de ces attaques, que les actions des travailleurs serviront à la relier aux autres fractions populaires en révolte et non à les en séparer, à unir les peuples travailleurs du monde au lieu de les mettre en concurrence et en guerre les uns contre les autres.

Il faut rompre tout lien avec le monde capitaliste alors que la plupart des travailleurs n’en est encore, quand un patron les licencie ou ferme l’entreprise, qu’à espérer qu’un autre patron les accepte.

Cela peut sembler utopique et certains y verront un manque de réalisme, prétextant que « le prolétariat n’en est pas là ». Il convient de rappeler que, tant que le prolétariat ne s’assemble pas dans des formes d’organisation autonomes, il ignorera lui-même où en est son opinion, quelle est sa force, quels sont les idées qui le parcourent. Ce ne sont pas les instituts de sondage qui donneront l’opinion ouvrière. Une classe ne s’exprime pas par des sondages individuels mais en s’organisant. C’est ce que fait bien sûr la classe dirigeante et c’est ainsi d’ailleurs qu’elle est devenue une classe dirigeante. Si la bourgeoisie ne s’était pas organisée collectivement et politiquement, elle n’aurait jamais renversé la féodalité. Bien sûr, l’immense majorité, la quasi-totalité des travailleurs doute de cette capacité de sa classe à gouverner. Mais la bourgeoisie d’avant 1789 n’y croyait pas davantage. C’est dans le cours des événements révolutionnaires qu’une classe mesure à quel point le monde qui a dominé durant des lustres n’en est plus capable. Tant que les événements révolutionnaires ne sont pas encore enclenchés, il est normal que les points de vue révolutionnaires d’avenir restent ultra minoritaires. En prendre prétexte pour ne pas les diffuser, c’est refuser de semer des graines quand il n’est pas encore temps que les plantes poussent…

Le prolétariat ne passera pas par miracle de son adaptation au système d’exploitation à son rôle révolutionnaire et communiste. Il lui faut des pas en avant. La formation de soviets est une étape mais elle ne signifie pas que les idées révolutionnaires ont nécessairement triomphé jusqu’au bout. Mais les soviets, ou toute forme d’auto-organisation politique de masse, sont un élément indispensable. C’est à partir de ces conseils de travailleurs que la classe ouvrière peut commencer à contrôler non seulement l’économie mais aussi tisser des liens parmi les couches petites bourgeoises, contester le monopole des forces d’Etat. Ce sont ces soviets qui peuvent bâtir un embryon d’Etat qui se développe face à l’Etat bourgeois, avant d’avoir consciemment le but de le renverser et de le détruire de fond en comble en plaçant le prolétariat révolutionnaire comme seule force détenant le pouvoir d’Etat. Tant que cette perspective n’est pas tracée, toute révolution peut se retourner contre ses auteurs et le rôle révolutionnaire du prolétariat aboutir à un échec.

Le rôle du programme d’action est de mener à la conscience de la nécessité pour les travailleurs de prendre l’intégralité du pouvoir d’Etat par le biais de ses conseils révolutionnaires sans laisser la moindre miette de pouvoir aux anciennes classes dirigeantes. En développant leurs explications, ils se heurtent évidemment à toutes les formes d’illusions politiques et sociales dans la démocratie bourgeoise, dans l’électoralisme, dans l’Etat au service des citoyens et dans le syndicalisme de négociation et accord avec les patrons et l’Etat. Les partis de gauche, de la gauche de la gauche ou de l’extrême gauche opportuniste sont inévitablement des adversaires résolus d’un tel programme.

La responsabilité des révolutionnaires communistes est écrasante aujourd’hui, alors que, suite à l’impasse actuelle du capitalisme après la crise de 2007, les conditions objectives n’ont jamais été aussi mures. Il est certain que jamais aussi n’ont été mis en œuvre autant d’efforts pour détruire tout espoir d’un autre système, d’une autre société. Mais cela témoigne de la peur des classes dirigeantes et pas de la faiblesse objective du prolétariat. Cette situation historique n’est pas celle d’une avancée ni d’un recul mais d’une alternative : ou une avancée gigantesque permettant à l’Humanité de dépasser la propriété privée des moyens de production ou le plus grand recul de l’Histoire, nous faisant probablement retomber dans la barbarie pré-capitaliste. Et les révolutionnaires, même s’ils sont une force infime, sont le catalyseur indispensable de l’action du prolétariat.

Suite à venir….

et suite de vos contributions (de vos critiques, de vos désaccords, de vos rajouts) à ce programme à venir aussi....


Les consignes de Karl Marx aux militants révolutionnaires dans les révolutions bourgeoises après la révolution de 1848 :

"A côté du nouveau gouvernement officiel, les travailleurs doivent créer leurs propres gouvernements ouvriers révolutionnaires, soit sous la forme de conseils ou de présidences de communes, soit sous la forme de clubs ou de comités ouvriers, afin que non seulement les gouvernement démocratiques bourgeois perdent immédiatement tout moyen d’action sur les ouvriers, mais encore qu’ils se voient dès le début surveillés et menacés par des autorités derrière lesquelles se dresse toute la masse des ouvriers."

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