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Dialectique de la nature selon Engels

jeudi 27 mars 2008, par Robert Paris

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Extrait de la préface à l’"Anti-Duhring" :

Il s’agissait évidemment pour moi, en faisant cette récapitulation des mathématiques et des sciences de la nature, de me convaincre dans le détail - alors que je n’en doutais aucunement dans l’ensemble - que dans la nature s’imposent, à travers la confusion des modifications sans nombre, les mêmes lois dialectiques du mouvement qui, dans l’histoire aussi, régissent l’apparente contingence des événements ; les mêmes lois qui, formant également le fil conducteur dans l’histoire de l’évolution accomplie par la pensée humaine, parviennent peu à peu à la conscience des hommes pensants : lois que Hegel a développées pour la première fois d’une manière étendue, mais sous une forme mystifiée, et que nous nous proposions, entre autres aspirations, de dégager de cette enveloppe mystique et de faire entrer nettement dans la conscience avec toute leur simplicité et leur universalité. Il allait de soi que la vieille philosophie de la nature, malgré tout ce qu’elle contenait de valeur réelle et de germes féconds [6], ne pouvait nous satisfaire. Comme je l’ai exposé en détail dans cet ouvrage, elle avait, surtout sous sa forme hégélienne, le défaut de ne pas reconnaître à la nature d’évolution dans le temps, de succession, mais seulement une juxtaposition. Cela tenait d’une part au système hégélien lui-même, qui n’accordait qu’à l’ “ esprit ” un développement historique, mais, d’autre part aussi, à l’état général des sciences de la nature à cette date. Hegel retombait ainsi loin en arrière de Kant, qui avait proclamé déjà, par sa théorie de la nébuleuse, la naissance du système solaire et, par sa découverte du freinage de la rotation de la terre par la marée, la fin de ce système [7]. Enfin, il ne pouvait s’agir pour moi de faire entrer par construction les lois dialectiques dans la nature, mais de les y découvrir et de les en extraire.

Pourtant cette œuvre, si on l’entreprend d’une manière suivie et pour chaque domaine particulier, est un travail de géant. Non seulement le terrain à dominer est presque incommensurable, mais sur tout ce terrain la science de la nature elle-même est engagée dans un processus de bouleversement si puissant qu’il peut à peine être suivi même de celui qui dispose pour ce faire de tout son temps libre. Or, depuis la mort de Karl Marx, mon temps a été requis par des devoirs plus pressants et j’ai dû interrompre mon travail. Il me faut jusqu’à nouvel ordre me contenter des indications données dans le présent ouvrage et attendre que quelque occasion à venir me permette de rassembler et de publier les résultats obtenus, peut-être avec les manuscrits mathématiques extrêmement importants laissés par Marx [8].

Il est possible cependant que le progrès de la science théorique de la nature rende mon travail superflu pour la plus grande partie ou en totalité. Car telle est la révolution imposée à la science théorique de la nature par la simple nécessité de mettre en ordre les découvertes purement empiriques qui s’accumulent en masse, qu’elle oblige même l’empiriste le plus récalcitrant à prendre de plus en plus conscience du caractère dialectique des processus naturels. Les vieilles oppositions rigides, les lignes de démarcation nettes et infranchissables disparaissent de plus en plus [9]. Depuis la liquéfaction des derniers gaz “ vrais ” eux-mêmes, depuis la démonstration qu’un corps peut être mis dans un état où la forme liquide et la forme gazeuse sont indiscernables, les états d’agrégation ont perdu le dernier reste de leur caractère absolu d’autrefois. Avec la proposition de la théorie cinétique des gaz selon laquelle, dans les gaz parfaits, les carrés des vitesses avec lesquelles se meuvent les molécules gazeuses sont, à température égale, inversement proportionnels aux poids moléculaires, la chaleur entre, elle aussi, directement dans la série des formes de mouvement immédiatement mesurables comme telles. Il y a dix ans encore, la grande loi fondamentale du mouvement qu’on venait de découvrir était conçue comme simple loi de la conservation de l’énergie, comme simple expression de l’impossibilité de détruire et de créer le mouvement, donc conçue seulement par son côté quantitatif mais de plus en plus cette expression négative étroite cède la place à l’expression positive de la transformation de l’énergie, où, pour la première fois, on rend justice au contenu qualitatif du processus et où s’éteint le dernier souvenir du créateur surnaturel. L’idée que la quantité de mouvement (ce qu’on appelle énergie) ne change pas lorsque d’énergie cinétique (dite force mécanique) elle se transforme en électricité, chaleur, énergie potentielle de position, etc., et réciproquement, cette idée n’a plus besoin désormais d’être prêchée comme une nouveauté ; elle sert de base assurée à l’étude, à présent beaucoup plus riche de contenu, ,du processus de transformation lui-même, du grand processus fondamental dont la connaissance embrasse toute la connaissance de la nature. Et depuis que la biologie se pratique à la lumière de la théorie de l’évolution, on a vu, dans le domaine de la nature organique, les limites rigides de la classification fondre l’une après l’autre, les chaînons intermédiaires presque rebelles à toute classification augmentent de jour en jour, une étude plus exacte rejette des organismes d’une classe dans l’autre, et des signes distinctifs qui étaient presque devenus des articles de foi, perdent leur valeur absolue ; nous avons maintenant des mammifères ovipares et même, si la nouvelle en est confirmée, des oiseaux qui marchent à quatre pattes [10]. Si Virchow, il y a des années déjà, avait été contraint, par suite de la découverte de la cellule, de résoudre l’unité de l’individu animal, d’une manière plus progressiste que scientifique et dialectique, en une fédération d’États cellulaires [11], voici la notion d’individualité animale (par conséquent aussi humaine) qui est rendue plus complexe encore par la découverte des globules blancs du sang circulant à l’instar des amibes dans le corps des animaux supérieurs. Or ce sont précisément les oppositions diamétrales représentées comme inconciliables et insolubles, les lignes de démarcation et les différences de classes fixées de force qui ont donné à la science théorique de la nature aux temps modernes son caractère métaphysique borné. Reconnaître que ces oppositions et ces différences existent certes dans la nature, mais seulement avec une validité relative ; que, par contre, cette fixité et cette valeur absolues qu’on leur imputait ne sont introduites dans la nature que par notre réflexion, tel est l’essentiel de la conception dialectique de la nature. On peut y parvenir sous la pression des faits qui s’accumulent dans la science de la nature ; on y parvient plus facilement si l’on aborde le caractère dialectique de ces faits avec la conscience des lois de la pensée dialectique. De toute façon, la science de la nature a fait de tels progrès qu’elle ne peut plus échapper à la synthèse dialectique. Elle se donnera des facilités pour cette opération si elle n’oublie pas que les résultats dans lesquels ses expériences se synthétisent sont des concepts ; et que l’art d’opérer avec des concepts n’est ni inné, ni donné avec la conscience ordinaire de tous les jours, mais exige une pensée réelle, pensée qui a également une longue histoire empirique, ni plus ni moins que l’investigation empirique de la nature. C’est précisément en apprenant à s’assimiler les résultats de l’évolution de la philosophie depuis deux mille cinq cents ans que la science de la nature se débarrassera, d’une part de toute philosophie de la nature séparée, s’érigeant en dehors et au-dessus d’elle, et d’autre part de sa propre méthode de pensée bornée, héritage de l’empirisme anglais.

Londres, 23 septembre 1885.

Lire ici "Dialectique de la nature"

Lire ici "L’AntiDühring

Lire ici "Ludwig Feuerbach

Lire ici "Matérialisme et empiriocriticisme"

Pourquoi la dialectique dans la nature ?

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  • Il est possible cependant que le progrès de la science théorique de la nature rende mon travail superflu pour la plus grande partie ou en totalité. Car telle est la révolution imposée à la science théorique de la nature par la simple nécessité de mettre en ordre les découvertes purement empiriques qui s’accumulent en masse, qu’elle oblige même l’empiriste le plus récalcitrant à prendre de plus en plus conscience du caractère dialectique des processus naturels. Les vieilles oppositions rigides, les lignes de démarcation nettes et infranchissables disparaissent de plus en plus

  • depuis la démonstration qu’un corps peut être mis dans un état où la forme liquide et la forme gazeuse sont indiscernables, les états d’agrégation ont perdu le dernier reste de leur caractère absolu d’autrefois.

  • « La dialectique dite objective règne dans toute la nature, et la dialectique dite subjective, la pensée dialectique, ne fait que refléter le règne, dans la nature entière, du mouvement par opposition des contraires qui, par leur conflit constant et leur conversion finale l’un en l’autre ou en des formes supérieures, conditionnent précisément la vie de la nature. »

    Friedrich Engels, 1883

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