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Molière militant

lundi 26 mai 2014, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

Préface de Molière à « Le Tartuffe » :

« Si l’emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes, je ne vois pas par quelle raison il y en aura de privilégiés. »

Molière dans « Le Misanthrope » :

« Qui n’a pas le don de cacher ce qu’il pense doit faire en ce pays fort peu de résidence. »

Un jour l’entourage du roi refusa d’admettre Molière au souper d’étiquette. Louis XIV alors, l’invitant à se placer à ses côtés, le fit manger avec lui, en disant à haute voix aux courtisans qui l’entouraient :

"me voilà occupé de faire manger Molière, que mes officiers ne trouvent pas assez bonne compagnie pour eux."

Louis XIV déjeunant avec Molière


Molière, militant

Pour beaucoup de commentateurs, Molière s’est donné comme objectif « de faire rire les honnêtes gens », comme il le disait lui-même. C’est omettre que le rire est une arme sociale et politique. Molière ne l’a jamais oublié, dans aucune de ses pièces. Il s’est battu, y compris physiquement, contre les cabales des nobles, du clergé, de la Cour, des juges, des médecins et de bien d’autres privilégiés qui ont bien failli avoir sa peau et faire taire son théâtre…

Molière dénonce les sources de l’oppression et de l’exploitation, des pauvres par les riches, des enfants par les parents, des femmes par les hommes, des naïfs par les profiteurs, du peuple par le clergé, des malades par les médecins, du commun par les courtisans, les nobles, les privilégiés, des domestiques par les maîtres... Les domestiques, les paysannes, les ménagères, les femmes y ont une personnalité et une intelligence marquées qui indiquent le camp que choisit Molière. Les personnages huppés, fêtés, prétentieux, nobles, révérés sont détruits par le comique de Molière.

Molière a inventé un théâtre populaire, comique et dramatique, dans lequel les personnages acquièrent une véritable consistance, et les histoires sont celles du commun des mortels. Ses personnages ont acquis une telle réalité qu’ils sont éternels : Tartuffe, Harpagon, Scapin, Diafoirus, Sganarelle, Antoinette, Dom Juan, Trissotin, Jourdain, Géronte, Pourceaugnac, George Dandin, Alceste, etc…

Un grand nombre d’auteurs se sont trompés sur l’engagement social de Molière en se fondant sur le fait qu’il a reçu le soutien net et ouvert du roi Louis XIV face à toutes les cabales des puissants et des privilégiés, au point que le roi avait choisi de répondre aux attaques qui qualifiaient Molière de bâtard, de dépravé et de libertin, en devenant le parrain du fils de Molière, un acteur ! Cela ne signifie nullement que Molière ne menait pas un combat social et politique mais plutôt que le roi Louis XIV était lui-même dans une guerre contre sa propre classe dirigeante, noblesse et clergé, et que dans sa guerre à lui, Molière le servait merveilleusement. En effet, cette guerre de Louis XIV visait à affaiblir, discréditer, ridiculiser les grands nobles et le haut clergé, y compris à leurs propres yeux pour les affaiblir politiquement et socialement, quitte à renforcer la bourgeoisie. La nécessité de ce combat avait été démontrée très jeune au roi, alors qu’il était sous la régence de sa mère et de Mazarin et subissait la Fronde. Cette révolution sociale avait été dirigée contre la royauté par les grands nobles s’appuyant sur la révolte sociale de la bourgeoisie, du bas clergé et de la noblesse de robe. Louis XIV avait trouvé la réponse politique contre les grands féodaux qui menaçaient le pouvoir central de la royauté : réduire la haute noblesse à des paons plumés faisant la roue autour du roi, à la Cour. Le théâtre de Molière ne faisait, pour Louis XIV, qu’achever le travail…

Même le combat de Molière contre les faux dévots est utilisable par Louis XIV dans son combat contre les jansénistes… La grandeur du théâtre de Molière, elle-même, est une manière de grandir le règne de Louis XIV, exactement comme l’est l’appui de la royauté à de grands artistes comme Racine, Boileau, Lully, Le Brun et Le Nôtre. Ce n’est pas par aveuglement que Louis XIV a fait de la troupe de Molière « la troupe du roy » ! Il faut savoir que le roi a été jusqu’à suggérer des personnages de sa cour à brocarder, suite à quoi Molière a modifié sa pièce ! Pour asseoir le succès de Molière, de mai à septembre 1662, le roi assiste à vingt-quatre représentations de ses pièces, record qui ne sera jamais battu. Molière recevra de la royauté une gratification en argent, tous les ans jusqu’à sa mort.

Parfois, le roi lui-même a été obligé de reculer car le 14 mai 1664, il accepte, à la demande de l’archevêque de Paris, son ancien précepteur, de faire interdire la représentation publique de « Le Tartuffe ». Mais c’est pour se la faire représenter plusieurs fois en privé et en petit comité avant de la faire modifier par Molière et de l’autoriser. Même si l’on sait aujourd’hui que l’influence de la Compagnie du Saint-Sacrement —dont les membres se recrutaient dans l’aristocratie (Conti), la bourgeoisie parlementaire (Lamoignon) et le haut clergé (Bossuet)— a été considérablement exagérée par les historiens anticléricaux de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, il n’en reste pas moins que les dévots étaient toujours présents à la Cour où ils critiquaient le libertinage des mœurs, le luxe, les fêtes, la politique de prestige et même la politique extérieure du royaume. Les jansénistes, qui faisaient partie des plus rigoristes dévots, sont ainsi décrits dans « Tartuffe » :

« Je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je serai le vengeur des intérêts du ciel ; et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privé. »

Extrait de « Dom Juan »

Molière écrit sur Don Juan = le janséniste prince de Conti : « Un grand seigneur méchant homme est une terrible chose. »

Molière lui met en bouche la parole suivante : « Le ciel, nous nous moquons bien de cela ! »

Rappelons que Conti avait pris part aux troubles de la Fronde qui restaient un souvenir cuisant à Louis XIV.

Le « parti janséniste » a tendance à attirer à lui d’anciens frondeurs après l’échec de leur révolte. Même si les jansénistes n’ont pas été impliqués dans la Fronde, ils sont rapidement assimilés à l’opposition à cause du soutien que leur apportent des princes tels que la duchesse de Longueville, qui se fait construire une maison à Port-Royal des Champs, ou son frère le prince de Conti. Louis XIV fit fermer sa bouche à Conti et à ses pareils en interdisant les jansénistes.

Ses adversaires n’avaient pas compris le rôle politique et social de Molière et étaient persuadés d’avoir sa peau.

« Rien de plus scandaleux », écrit Conti. C’est l’« équivoque la plus grossière dont on ait jamais infecté les oreilles des chrétiens » dira Bossuet.

Malgré tout ce qui a été dit plus haut, il convient de remarquer que Molière était tout sauf un pisse copie aux ordres. Ainsi, le roi lui commanda une pièce qui ridiculise les turcs, s’étant lui-même ridiculisé en accueillant en grande pompe un simple émissaire de la cour ottomane. La réponse de Molière fut "le bourgeois gentilhomme" qui ridiculise les bourgeois, en mettant en scène des français déguisés en faux turcs qui ridiculisent la bêtise du bourgeois qui voulait jouer au noble, et pas la cour de Turquie, la Sublime Porte !

Sur le clergé

« Ces gens qui, par une âme à l’intérêt soumise, font de dévotion métier et marchandise, et veulent acheter crédit et dignités à prix de faux clins d’œil et d’élans affectés ; ces gens, dis-je, qu’on voit, d’une ardeur non commune, par le chemin du ciel courir à leur fortune, qui, brûlants et priants, demandent chaque jour, et prêchent la retraite au milieu de la cour, qui savent ajuster leur zèle avec leurs vices… »

Extrait de « Dom Juan »

« L’hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertus. »

Extrait de « Dom Juan »

« Aussi ne vois-je rien de plus odieux que le dehors plâtré d’un zèle spécieux, que ces faux charlatans, que ces dévots de place, de qui la sacrilège et trompeuse grimace abuse impunément… Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages…. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? »

Extrait de « Le Tartuffe »

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir. »

« Ah ! pour être dévôt, je n’en suis pas moins homme ! »

« Le ciel défend, de vrai, certains contentements. Mais on trouve avec lui des accommodements. »

Extraits de « Le Tartuffe »

« L’hypocrisie est un vice privilégié, qui jouit en repos d’une impunité souveraine. »

Extrait de « Dom Juan »

Sur les faux médecins

« Un malade ne doit point vouloir guérir que la faculté n’y consente… Quand on meurt sous sa conduite, vos héritiers n’ont rien à vous reprocher… On est bien aise au moins d’être mort méthodiquement. »

Extrait de « Monsieur de Pourceaugnac »

« Il faut qu’il ait tué bien des gens, pour s’être fait si riche ! »

« L’on sait discourir sur les maladies quand on a cet habit-là… L’on n’a qu’à parler avec une robe et un bonnet, tout galimatias devient savant, et toute sottise devient raison ; la barbe fait plus de la moitié d’un médecin. »

« C’est du poumon que vous êtes malade. Douleurs de tête ? Le poumon ! Voile devant les yeux ? Le poumon ! Maux de cœur ? Le poumon ! Lassitude des membres ? Le poumon ! Douleurs de ventre ? Le poumon ! »

« Que diantre faites-vous de ce bras-là ? Voilà un bras que je me ferais couper tout à l’heure, si j’étais de vous. Ne voyez-vous pas qu’il tire à soi toute la nourriture, et qu’il empêche ce côté-là de profiter ? Vous avez là aussi un œil droit que je me ferais crever, si j’étais en votre place. Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous le crever au plus tôt : vous en verrez plus clair de l’oeil gauche. »

« Mais, puisque vous n’avez pas voulu guérir par mes mains… Puisque vous vous êtes soustrait de l’obéissance que l’on doit à son médecin… Puisque vous vous êtes déclaré rebelle aux remèdes que je vous ordonnais… J’ai à vous dire que je vous abandonne à votre mauvaise constitution, à l’intempérie de vos entrailles, à la corruption de votre sang, à l’âcreté de votre bile et à la féculence de vos humeurs… Et je veux qu’avant qu’il soit quatre jours vous deveniez dans un état incurable… Que vous tombiez dans la bradypepsie… De la bradypepsie dans la dyspepsie… De la dyspepsie dans l’apepsie… De l’apepsie dans la lienterie… De la lienterie dans la dysenterie… de la dysenterie dans l’hydropisie… De l’hydropisie dans la privation de la vie, où vous aura conduit votre folie. »

« Vous êtes servi à souhait. Un médecin vous quitte ; un autre se présente. »

« Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. »

« Un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de monsieur… Les entrailles de monsieur, trente sols… Plus dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres, suivant l’ordonnance, pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre de monsieur, trente sols… Plus, dudit jour, le soir, un julep hépatique, soporatif et somnifère, composé pour faire dormir monsieur, trente-cinq sols… Plus, du vingt-cinquième, une bonne médecins purgative et corroborative composée de casse récente avec séné levantin, et autres, suivant l’ordonnance de monsieur Purgon, pour expulser et évacuer la bile de monsieur, quatre livres… »

« C’est un bon impertinent que votre Molière, avec ses comédies ! et je le trouve plaisant, d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins ! C’est bien à lui à faire de se mêler de contrôler la médecine ! Voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s’attaquer au corps des médecins, et d’aller mettre sur son théâtre des personnes vénérables comme ces messieurs-là ! »

Extraits de « Le malade imaginaire »

« - Or, monsieur, pour venir au fait, je trouve que votre fille a une maladie chronique, et qu’elle peut périciliter, si on ne lui donne du secours, d’autant que les symptômes qu’elle a sont indicatifs d’une vapeur fuligineuse et mordicante qui lui picote les membranes du cerveau. Or, cette vapeur, que nous nommons en grec atmos, est causée par des humeurs putrides, tenaces et conglutineuses, qui sont contenues dans le bas-ventre. »

Extrait de « L’amour médecin »

« - Il y avait un homme qui, depuis six jours, était à l’agonie ; on ne savait plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisaient rien ; on s’avisa à la fin de lui donner de l’émétique. – Il réchappa, n’est-ce pas ? – Non, il mourut. – L’effet est admirable. – Comment ! il y avait six jours entiers qu’il se pouvait mourir et cela le fit mourir tout d’un coup. Voulez-vous rien de plus efficace ? »

Extrait de « Dom Juan »

« - Comment se porte le malade ? – Un peu plus mal depuis votre remède. – Tant mieux ; c’est signe qu’il opère. – Oui ; mais en opérant, je crains qu’il ne l’étouffe. – Ne vous mettez pas en peine ; j’ai des remèdes qui se moquent de tout, et je l’attend à l’agonie. »

Extrait de « Le médecin, malgré lui »

« Il vaut mieux mourir selon les règles, que de réchapper contre les règles. »

Extrait de « L’amour médecin »

Sur la prétention parisienne

« Hors de Paris, il n’y a point de salut pour les honnêtes gens. »

Extrait de « Les précieuses ridicules »

« Où auraient-ils appris à vivre ? Ils n’ont point fait de voyage à Paris… Ils veulent en savoir autant que moi qui ai été deux mois à Paris et vu toute la cour. »

Extrait de « La comtesse d’Escarbagnas »

Sur l’arrogance des nobles

« Mon Dieu ! de ses pareils la bienveillance importe ; et ce sont de ces gens qui, je ne sais comment, ont gagné, dans la cour, de parler hautement. Dans tous les entretiens on les voit s’introduire ; ils ne sauraient servir mais ils peuvent vous nuire ; et jamais, quelque appui qu’on puisse avoir ailleurs, on ne doit se brouiller avec ces grands brailleurs. »

Extrait de « Le Misanthrope »

« Ce ne sont que des seigneurs, qui, des pieds à la tête, sont brillants et parés comme au jour d’une fête ; ils surprennent la vue et nos près, au printemps avec toutes leurs fleurs, sont bien moins éclatants. Pour le prince, entre tous sans peine on le remarque, et d’une stade loin il sent son monarque ; dans toute sa personne il a je ne sais quoi qui d’abord fait juger que c’est un maître roi… Toute sa cour s’empresse à chercher ses regards et l’on dirait un tas de mouches reluisantes qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel. »

Extrait de « Mélicerte »

Même quand Molière s’adresse à un grand seigneur, pour lui demander de l’appuyer contre les ennemis de ses comédies, il le brocarde :

« Le nom de Grand Condé est un nom trop glorieux pour le traiter comme on fait tous les autres noms. Il ne faut l’appliquer, ce nom illustre, qu’à des emplois qui soient dignes de lui ; et, pour dire de belles choses, je voudrais parler de le mettre à la tête d’une armée plutôt qu’à la tête d’un livre ; et je conçois bien mieux ce qu’il est capable de faire en l’opposant aux forces ennemies de cet Etat, qu’en l’opposant aux forces des ennemis d’une comédie. »

Extrait de « Amphitryon »

« - Qui va jouer le roi parmi vous ? – Voilà un acteur qui s’en démêle parfois. – Qui ? ce jeune homme bien fait ? Vous moquez-vous ? Il faut un roi qui soit gros et gras comme quatre ; un roi morbleu ! qui soit entripaillé comme il faut ; un roi d’une vaste circonférence, et qui puisse remplir un trône de la belle manière. La belle chose qu’un roi d’une taille galante ! Voilà déjà un grand défaut…. Or sus, commençons. Figurez-vous donc premièrement que la scène est dans l’antichambre du roi ; car c’est un lieu où il se passe tous les jours des choses assez plaisantes. Il est aisé de faire venir là toutes les personnes qu’on veut, et on peut trouver des raisons même pour y autoriser la venue des femmes que j’introduis… »

Extrait de « L’impromptu de Versailles »

« La noblesse de soi, est bonne ; c’est une chose considérable assurément : mais elle est accompagnée de tant de mauvaises circonstances, qu’il est très bon de ne point s’y frotter. »

Extrait de « Georges Dandin »

« Le mépris est une pilule qu’on peut avaler mais qu’on ne peut mâcher. »

« Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris. »

Extrait de « Les précieuses ridicules »

« La naissance n’est rien où la vertu n’est pas. »

Extrait de « Dom Juan »

« Ils sont insupportables avec les impertinentes égalités dont ils traitent les gens. Car enfin, il faut qu’il y ait de la subordination dans les choses ; et ce qui me met hors de moi, c’est qu’un gentilhomme de ville de deux jours aura l’effronterie de dire qu’il est aussi bien gentilhomme que feu monsieur mon mari qui avait une meute de chiens courants et qui prenait la qualité de comte dans tous les contrats qu’il passait. »

Extrait de « La comtesse d’Escarbagnas »

Sur les nouveaux riches

« Il ne faut point douter qu’il fera ce qu’il peut, Et, s’il a de l’argent, qu’il pourra ce qu’il veut. »

« L’argent dans une bourse entre agréablement ; Mais le terme venu que nous devons le rendre, C’est lors que les douleurs commencent à nous prendre. »

Extrait de « L’étourdi »

Homme fortuné refusant de donner un sou pour sauver son enfant : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? »

Extrait de « Les fourberies de Scapin »

« La peste soit de l’avarice et des avaricieux. »

« - Sans dot ! – Ah, il n’y a pas de réplique à cela ; on le sait bien. Qui diantre peut aller contre ? Ce n’est pas qu’il n’y ait quantité de pères qui aimeraient mieux ménager la satisfaction de leurs filles que l’argent qu’ils pourraient leur donner… - Sans dot ! – Il est vrai ; cela ferme la bouche à tout. »

« Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. »

« Le seigneur Harpagon est de tous les humains le moins humain, le mortel de tous les mortels le plus dur et le plus serré… Il n’est rien de plus sec et de plus aride que ses bonnes grâces et ses caresses ; et donner est un mot pour qui il a tant d’aversion qu’il ne dit jamais : je vous donne mais je vous prête le bonjour. »

« Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferais-je pour le trouver ? Où courir ? où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ?... Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après. »

Extraits de « L’avare »

« Par ma foi, il y a plus de quarante que je dis de la prose sans que j’en susse rien. »

« J’étais un grand ami de feu monsieur votre père… C’était un fort honnête gentilhomme… Lui marchand ? C’est pure médisance, il ne l’a jamais été. Tout ce qu’il faisait, c’est qu’il était fort obligeant, fort officieux ; et comme il se connaissait fort en étoffes, il en allait choisir de tous côtés, les faisait apporter chez lui, et en donnait à ses amis pour de l’argent. »

Extrait de « Le bourgeois gentilhomme »

« Que diable allait-il faire dans cette galère ? »

Extrait de « Les fourberies de Scapin »

« Ma fille sera marquise en dépit de tout le monde ; et si vous me mettez en colère, je la ferai duchesse. »

« Se ti sabir – Ti respondir ; Se non sabir – Tazir tazir. » (le bourgeois gentilhomme moqué par une « turquerie » d’un faux Mufti)

« Voulez-vous que je refuse un homme de cette condition-là, qui a parlé de moi ce matin dans la chambre du roi ? »

« C’est une personne d’importance plus que vous ne pensez, un seigneur que l’on considère à la cour, et qui parle au roi comme je vous parle. »

« D’amour mourir me font, belle marquise, vos beaux yeux. »

Extraits de « Le bourgeois gentilhomme »

« - Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? - Qui parle d’offenser grand’père ni grand’mère ? »

Extrait de « Les femmes savantes »

Sur les hommes machistes

« Une femme en sait toujours assez, quand son esprit se hausse à reconnaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse. »

« Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses. Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants, faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens, et régler la dépense avec économie, dot être son étude et sa philosophie. »

« Oh ! les Dandins s’y accoutumeront s’ils veulent ; car, pour moi, je vous déclare que mon dessein n’est pas de renoncer au monde, et de m’enterrer toute vive dans un mari. Comment ! parce qu’un homme s’avise de nous épouser, il faut d’abord que toutes choses soient finies pour nous, et que nous rompions tout commerce avec les vivants ! C’est une chose merveilleuse que cette tyrannie de messieurs les maris ; et je les trouve bons de vouloir qu’on soit morte à tous les divertissements, et qu’on ne vive que pour eux ! »

Extrait de « George Dandin »

« Qu’importe qu’une femme manque aux lois de Vaugelas pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas. J’aime mieux pour moi qu’en épluchant ses herbes, elle accommode mal les noms avec les verbes, et redise cent fois un bas et méchant mot, que de brûler ma viande ou saler trop mon pot. »

« Loin d’être aux lois d’un homme en esclave asservie, mariez-vous ma sœur, à la philosophie. »

Extrait de « Les Femmes savantes »

« C’est nous inspirer presque un désir de pécher, que montrer tant de soins de nous en empêcher. »

Extrait de « L’Ecole des femmes, l’école des maris »

« Il nous faut obéir, ma soeur, à nos parents : un père a sur nos voeux une entière puissance. »

Extrait de « Les femmes savantes »

« Il y en a d’aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents. »

Extrait de « Le malade imaginaire »

Sur la prétention intellectuelle

« Qu’un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant. »

« Le raisonnement en bannit la raison. »

« Je vis de bonne soupe et non de beau langage »

« Le savoir, dans un fat, devient impertinent. »

Extraits de « Les femmes savantes »

« Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures. »

Extrait de « L’étourdi »

Sur la justice

« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. »

Extrait de « Les femmes savantes »

« Ils commencent ici par faire pendre un homme, et puis ils font son procès. Voilà une justice bien injuste. »

Extrait de « Monsieur de Pourceaugnac »

« Lorsqu’on pend quelqu’un, on lui dit pourquoi. »

Extrait de « Amphitryon »

Sur les relations entre maîtres et domestiques

« Sotte condition que celle d’un esclave, de ne vivre jamais pour soi, et d’être tout entier aux passions d’un maître, de n’être réglé que par ses humeurs, et de se voir réduit à faire ses propres affaires de tous les soucis qu’il peut prendre ! »

Extrait de « Le Sicilien »

Dom Juan à son domestique qui lui demande sa paie :
« Fi donc ! Entre nous, parler d’argent ! »

Extrait de « Dom Juan »

Le maître considère toujours les domestiques comme des voleurs : « - Allons, rend le moi sans te fouiller. – Quoi ? – ce que tu m’as pris. »

Extraits de « L’avare »

Sganarelle à son maître Don Juan : « Pensez-vous que pour être de qualité, pour avoir une perruque blonde et bien frisée, des plumes à votre chapeau, un habit bien doré, et des rubans couleur de feu, pensez-vous dis-je, que vous en soyez plus habile homme, que tout vous soit permis, et qu’on n’ose vous dire vos vérités ? »

Extrait de « Dom Juan »

« -Holà, porteurs, holà ! Là, là, là, là, là, là. Je pense que ces marauds-là ont dessein de me briser à force de heurter contre les murailles et les pavés.
 Dame ! c’est que la porte est étroite. Vous avez voulu aussi que nous soyons entrés jusqu’ici.
 Je le crois bien Voudriez-vous, faquins, que j’exposasse l’embonpoint de mes plumes aux inclémences de la saison pluvieuse, et que j’allasse imprimer mes souliers en boue ? Allez, ôtez votre chaise d’ici. »

Extrait de « Les Précieuses ridicules »

Le texte des pièces de Molière

Messages

  • Le premier conflit naît avec le succès des Précieuses ridicules, œuvre qui suscite le mépris des auteurs rivaux, tels que Thomas Corneille, dont voici le jugement : « Le grand monde qu’ils ont eu à leur farce des Précieuses fait bien connaître qu’ils ne sont propres qu’à soutenir de semblables bagatelles. » Ensuite, le ton monte et, à l’occasion de L’École des femmes, et de la querelle qui s’ensuit, ses ennemis se déchaînent : on l’accuse d’obscénité et surtout de manque de respect à l’égard du mariage, et donc de la religion. Les dévots, voyant en lui un libertin dont l’influence sur le roi grandit dangereusement, entrent finalement en lice de façon plus organisée, frappant un grand coup avec « l’affaire du Tartuffe », que la Compagnie du Saint Sacrement de l’Autel fait interdire dès 1664 jusqu’en 1669, malgré les efforts de l’auteur ; et, alors que se ranime la vieille Querelle de la moralité du théâtre, Molière doit se défendre contre l’accusation d’athéisme militant, plus grave encore que celle de libertinage.

  • Boileau : « Molière, enseigne moi l’art de ne rimer plus. »

  • Le faux dévôt dévoilé : « Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable, un malheureux pécheur tout plein d’iniquité, le plus grand scélérat qui jamais ait été. »

    Extrait de « Les Précieuses ridicules »

  • « La grammaire sait régenter jusqu’aux rois. »

    Extrait de « Les Femmes savantes »

  • A la vérité, il fallait beaucoup d’aveuglement - ou une bonne dose de mauvaise foi - pour ne voir en Molière qu’un amuseur. Parti de la farce, il est clair que, dès 1664, il se sert du rire comme d’une arme au service de quelque chose et contre quelqu’un. Avec les moyens qui sont les siens, et sont sans doute plus efficaces que tous les pamphlets, il dénonce inlassablement l’éducation donnée aux filles, la fausse science, l’intolérance religieuse et les scandales de la bonne société. Auteur engagé, Molière sera d’ailleurs censuré par le Pouvoir : Tartuffe interdit à deux reprises (en 1664 et en 1667) et Dom Juan interrompu à la quinzième représentation. Le cycle que l’on pourrait dire de dénonciation se clôt avec L’Avare, et ce fait mérite réflexion. Tout se passe comme si Molière avait pressenti que le pouvoir, lorsqu’il tomberait des mains des petits marquis, serait récupéré par les hommes d’argent. Harpagon, sous ses ridicules, annonce le règne de la bourgeoisie et de la déification de la propriété. D’ailleurs, pour parler de sa « chère cassette » et de l’argent qu’elle contient, il emploie les mêmes mots que les dévots implorant la Vierge et les saints : « Puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie.. ».

  • La Bruyère :

    « Il n’a manqué à Molière que d’éviter le jargon et le barbarisme et d’écrire purement : quel feu, quelle naïveté, quelle source de bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule ! »

  • En 1661, La Fontaine écrit à son ami Maucroix, en mission à Rome, pour lui raconter la fête somptueuse donnée à Vaux par Fouquet en l’honneur de Louis XIV. Il détaille la promenade, les présents, les décorations, le souper puis s’attarde sur la comédie jouée dans la soirée.

    C’est un ouvrage de Molière :

    Cet écrivain par sa manière

    Charme à présent toute la Cour.

    De la façon dont son nom court,

    Il doit être par delà Rome :

    J’en suis ravi car c’est mon homme.

    Te souvient-il bien qu’autrefois

    Nous avons conclu d’une voix

    Qu’il allait ramener en France

    Le bon goût et l’air de Térence ?

  • Louis XIV met en place un État centralisé et absolutiste, dirigé à partir de sa Cour du château de Versailles où il plie les nobles en de piteux courtisans, où il pratique un mécénat culturel très actif au profit de ceux qui glorifient son règne.

    De 1664 à 1690, les écrivains choisis pour leur habileté, leur zèle et leur docilité au pouvoir reçoivent chaque année une dotation attribuée de façon solennelle par le roi lui-même dans une bourse de cuir dorée. Parmi les bénéficiaires connus de ces "gratifications aux écrivains français" , citons Corneille, Molière, Racine, Boileau, des historiens, des étrangers (Hollandais, Allemand, italien), plusieurs centaines en tout...

  • Molière n’est donc rien d’autre qu’un amuseur de cour, qui répond aux désirs des puissants.

  • Pas du tout ! Les paroles qu’il met dans la bouche du « misanthrope » en disent long :

    « Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices et chercher sur terre un endroit écarté où d’être homme d’honneur on ait la liberté. »

    Le gouffre en question, où il n’est pas possible de rester un homme d"honneur, c’est la cour du roi !!!

  • quel interprétation du vide !

  • Louis XIV porte des jugements avisés sur les œuvres de Molière ; on le voit apprécier et admirer Le Tartuffe, bien qu’il s’estime tenu d’en interdire la représentation pour ménager l’Église. On est heureux également de constater que, pour mieux juger, il se méfie de son premier mouvement, comme le montre cette anecdote rapportée par Grimarest, à propos du Bourgeois gentilhomme : « Jamais pièce n’a été plus malheureusement reçue que celle-là ; et aucune de celles de Molière ne lui a donné tant de déplaisir. Le roi ne lui en dit pas un mot à son souper, et tous les courtisans la mettaient en morceaux […]. Il se passa cinq jours avant que l’on représentât cette pièce pour la seconde fois, et, pendant ces cinq jours, Molière, tout mortifié, se tint courbé dans sa chambre […]. Cependant on joua cette pièce pour la seconde fois. Après la représentation, le Roi, qui n’avait point encore porté son jugement, eut la bonté de dire à Molière : “Je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation, parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle avait été représentée, mais, en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait plus diverti, et votre pièce est excellente”. »

  • Que passait il comme messages ?

    • C’étaient les messages des forums de l’époque ! Il y avait de nombreuses allusions aux faits divers de la cour, du pays, de l’époque. Et les gens reconnaissaient les allusions ! Les cibles aussi se reconnaissaient et ça faisait mouche ! Les jeux de mots laissaient penser qu’on parlait de tel ou tel grand personnage qui était décrit et dégommé !

  • Pour les 400 ans de Molière, on se garde bien dans les média de signaler son caractère militant…

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