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La réalité historique des croisades : derrière les justifications religieuses et héroïques des chevaliers, des rois et des papes, les sordides intérêts de la bourgeoisie occidentale

mardi 17 juin 2014, par Robert Paris

La réalité historique des croisades : derrière les justifications religieuses et héroïques des chevaliers, des rois et des papes, les sordides intérêts de la bourgeoisie occidentale

Quatre vingt huit ans après la prise de Jérusalem par les Croisés, consacrée par un carnage, l’Islam reprend la ville. Et voilà comment l’historien anglais Steven Runciman fait la comparaison entre les deux civilisations :

« Les vainqueurs (musulmans) étaient corrects et humains. Là où les Francs 88 ans auparavant avaient pataugé dans le sang de leurs victimes, pas un seul bâtiment n’était maintenant pillé, pas une personne molestée. Sur ordre de Saladin des gardes patrouillaient dans les rues et les portes de la ville pour prévenir tout outrage contre les chrétiens. Pendant ce temps chaque chrétien s’efforçait de trouver l’argent nécessaire pour sa rançon, et Balian vidait la trésorerie pour rassembler les trente mille dinars promis. C’était avec difficulté qu’on pouvait faire rendre gorge de leurs richesses aux Templiers et aux Hospitaliers. Et le Patriarche romain et son Chapitre ne s’occupaient que d’eux-mêmes. Les musulmans étaient choqués de voir le Patriarche Héraclius payer les dix dinars de sa rançon et quitter la ville courbé sous le poids de l’or qu’il transportait, suivi de charrettes chargées de tapis et de vaisselles. Grâce au reste de la donation de Henri II, sept mille pauvres furent libérés, mais on aurait pu épargner l’esclavage à plusieurs milliers d’autres si les Ordres et l’Église avaient été plus généreux. Bientôt deux courants de chrétiens s’écoulèrent à travers les portes de la ville. L’un, de ceux dont les rançons avaient été payées par eux-mêmes ou par les efforts de Balian. L’autre courant, celui de ceux qui n’avaient pas pu payer leur rançon et partaient en captivité. Ce spectacle était si pathétique, qu’Al-Adil se tournant vers son frère, lui demanda mille captifs en récompense de ses services. Ils lui furent accordés et il les mit aussitôt en liberté. Le Patriarche Héraclius, enchanté de trouver un moyen si bon marché pour faire le bien, demanda aussi la faveur de pouvoir libérer quelques captifs. On lui en accorda sept cents, et cinq cents furent accordés à Balian. Alors Saladin annonça qu’il libèrerait lui-même tout homme âgé et toute femme. Les dames franques qui avaient payé leur rançon vinrent lui demander où elles devaient aller maintenant que leurs pères et maris étaient morts ou captifs. Il répondit en promettant qu’il libérerait tout mari captif, et donna des cadeaux aux veuves et aux orphelins de sa propre trésorerie, à chacun selon son rang social. Sa miséricorde et sa bienveillance étaient en étrange contraste avec les actes des conquérants chrétiens de la première croisade. »

L’Irakien Ibn al-Athîr (1160-1233), auteur du Kâmii at-Tawiiiikh (Somme des histoires), montre dans quelle piètre estime les musulmans tenaient leurs agresseurs francs, dont il condamne la cruauté :

« Comme ils avaient essayé sans succès de prendre la ville d’Acre, ils [les Francs] se poilèrent vers Jérusalem et l’assiégèrent pendant plus de quarante jours. [...] La ville sainte fut prise du côté nord dans la matinée du 22 du mois de shaban [le 15 juillet 1099]. Aussitôt, la foule prit la fuite. Les Francs restèrent une semaine dans la ville, occupés à massacrer les musulmans. Une troupe de musulmans s’était retirée dans le Mirhab [sanctuaire] de David [probablement situé dans la tour de David] et s’y était fortifiée. Elle se défendit pendant trois jours. Les Francs ayant offert de les recevoir à capitulation, ils se rendirent et eurent la vie sauve.
Les Francs massacrèrent plus de soixante-dix mille musulmans dans la mosquée al-Aqsa. Parmi eux, on remarquait un grand nombre d’imams, d’ulémas [savants], et de personnes menant une vie pieuse et austère qui avaient quitté leur patrie pour venir prier dans ce noble lieu. Les Francs enlevèrent de la chapelle de la Sakhra [dépendance de la mosquée al-Aqsa] plus de quarante lampes d’argent, chacune d’un poids de trois mille six cents dirhems. Ils y prirent aussi un tennour [grande lampe] d’argent qui pesait quarante rads [livres syriennes] de Syrie ainsi que cent cinquante lampes de moindre grandeur. Le butin fait par le Francs était immense.
Les personnes qui avaient quitté la Syrie arrivèrent à Bagdad au mois de ramadan [fin juillet-début août] et y firent un récit qui anacha des larmes de tous les yeux. La douleur était dans tous les coeurs. Ces personnes, le vendredi qui suivit leur arrivée, restèrent dans la grande mosquée, invoquant la miséricorde divine. Elles pleuraient, et le peuple entier pleurait avec elles. Elles racontèrent les malheurs qui avaient frappé les musulmans de nobles et vastes contrées, le massacre des hommes, l’enlèvement des femmes et des enfants, le pillage des propriétés. Telle était la douleur générale qu’on ne pensa plus à observer le jeûne. »

La première croisade (1096 - 1099)

La première croisade est le résultat de la division du monde arabe qui, uni, était inattaquable.

Au départ, le grand espace que les Arabes avaient conquis resta, au moins formellement, une seule entité géopolitique sous le pouvoir des califes omeyyades de Damas (661-750). Mais la géographie du nouveau monde arabe impliquait l’existence de différentes unités économiques naturelles, dans lesquelles des classes dirigeantes distinctes avec leurs intérêts propres se développèrent rapidement. De plus, la distance limitait l’efficacité du pouvoir Omeyyade. Comment des armées situées à Damas pouvaient-elles espérer contrôler Bagdad, le Caire, Tunis, ou Fez ? Ce n’était d’ailleurs pas l’unique problème. Les Omeyyades représentaient l’aristocratie militaire arabe qui avait mené les premières conquêtes islamiques et s’était ensuite installée dans les anciennes cités impériales de Syrie. Leur pouvoir était de plus en plus mal perçu par d’autres sections de la population, et en particulier pas les convertis récents dans les cités du monde arabe élargi.

Un schisme datant d’un conflit du VIIe divise en effet les sunnites qui dépendent du califat abbasside de Bagdad des chiites qui se réclament du califat égyptien du Caire. Cette division provoque :

• des luttes acharnées entre les troupes arabes, qui s’affaiblissent mutuellement plutôt que de faire front contre les occidentaux,

• des alliances entre clans arabes et occidentaux pour battre d’autres clans arabes, unions qui frôlent souvent la trahison du monde musulman.

Ces divisions et cette absence de solidarité du monde arabe favorisent largement la progression des troupes occidentales fortes de 4500 chevaliers et 30000 fantassins : après la prise par les croisés de la ville de Nicée en 1097, d’Antioche en 1098 puis la chute de Jérusalem en 1099, Tripoli et Beyrouth tombent également sous le contrôle occidental.

Vingt ans après la prise de Jérusalem aux Arabes par les Turcs et six mois après le concile de Plaisance, Urbain II convoque un concile à Clermont en 1095 auquel participent surtout des évêques francs. Un des canons du concile promet l’indulgence plénière, c’est-à-dire la remise de la pénitence imposée pour le pardon des péchés (et non la rémission des péchés) à ceux qui partiront délivrer Jérusalem. Pour clore le concile, au cours d’un célèbre prêche public le 27 novembre 1095, Urbain appelle aux armes toute la chrétienté. Il évoque les « malheurs de chrétiens d’Orient ». Il appelle les chrétiens d’Occident à cesser de se faire la guerre et à s’unir pour combattre les « païens » et délivrer les frères d’Orient. Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie et son frère Baudouin de Boulogne ont rejoint l’expédition, ainsi que le frère du roi, Hugues de Vermandois, Robert de Normandie et Étienne de Blois. Bohémond, fils aîné de Robert Guiscard, décide lui aussi de se croiser. Le départ est fixé au 15 août 1096.

Les premières persécutions et la prédication de la première croisade en 1095 entraînent une flambée d’antijudaïsme. Dans certaines régions de France et d’Allemagne, les Juifs sont considérés comme des ennemis, malgré Joseph d’Arimathie ou Nicodème, à l’instar des musulmans. On les rappelle responsables de la crucifixion. Ils sont par ailleurs plus accessibles que les lointains musulmans. Selon le moine Raoul Glaber, des juifs auraient incité les musulmans à détruire les lieux saints de Jérusalem. De nombreuses personnes se demandent pourquoi parcourir des milliers de kilomètres pour combattre des non-chrétiens quand il y en a près de chez eux.

Il se peut également que des croisés persécutant les Juifs soient animés d’intentions pécuniaires. Les communautés juives en Rhénanie sont relativement riches, en raison de leur isolement et aussi parce qu’elles ne sont pas soumises aux interdictions religieuses en ce qui concerne le prêt d’argent1. Nombre de chevaliers doivent emprunter pour financer leur voyage, et comme l’Église catholique romaine interdit l’usure, un certain nombre d’entre eux se retrouvent endettés auprès de Juifs usuriers. Les croisés se débarrassent ainsi commodément de leurs dettes sous couvert de mission religieuse.
Au printemps 1096, plusieurs bandes de chevaliers, de soldats et de paysans, motivés par les prédications de la croisade, se regroupent en différentes régions de France et d’Allemagne. La croisade du prêtre Volkmar débute en Saxe, persécute les Juifs à Magdebourg, puis à Prague, en Bohême le 30 mai 1096. L’évêque Cosmas tente d’empêcher ces conversions forcées, et tout le clergé de Bohême prêche contre ces persécutions. Le duc Brétislav est alors à l’étranger et l’Église de Bohême est incapable de mettre fin à ces exactions.

La deuxième croisade (1147 - 1149)

L’Europe organise une 2ème croisade en 1147 pour reprendre Edesse, mais leur objectif se porte en fait vers Damas (dont les richesses attirent les occidentaux ... alors qu’Edesse était leur objectif initial !). Le siège de la ville est une catastrophe malgré l’aide précieuse des chevaliers templiers à cause du manque de coopération entre les français (avec Louis VII) et les allemands (avec leur empereur Conrad III), qui lèvent le siège au bout ... de 4 jours, mettant fin à cette 2ème croisade.

L’initiative de la croisade revient au roi Louis VII. Il désirait se rendre en pèlerinage à Jérusalem pour expier ses fautes : un crime dont le souvenir le tourmentait : l’incendie d’une église dans laquelle un certain nombre de personnes avaient cherché refuge. Il obtient du pape la nouvelle promulgation d’une bulle de croisade, jusque là sans effet. La prédication revient à Bernard de Clairvaux à Vézelay le 31 mars 1146 puis à Spire. En Germanie, la prédication populaire d’un ancien moine cistercien provoque une nouvelle flambée de violence contre les Juifs.

Les armées franques et germaniques réunissent plus de 200 000 croisés, dont une bonne part d’éléments populaires particulièrement indisciplinés et prompts à la violence, principalement dans l’armée de Conrad III, l’empereur germanique. Une grande partie n’est pas composée de soldats mais de civils : des gens pauvres, qui se sont croisés pour se faire pardonner leurs péchés et assurer leur salut dans la vie éternelle. Il n’est donc guère surprenant que l’empereur germanique ait eu peu de contrôle sur une telle armée. Conrad III part de Ratisbonne en mai 1147 suivant la rive du Danube en direction d’Édesse. Les Francs, ayant à leur tête Louis VII, partent de Paris un mois plus tard, soit en juin 1147, par le même chemin que les troupes germaniques. L’indiscipline dans l’armée germanique provoque des incidents dans les Balkans.

Les relations s’enveniment entre Francs et Germaniques, qui décident de cheminer séparément. L’armée de Conrad est battue à Dorylée. Conrad se réconcilie avec Manuel qui lui propose des vaisseaux byzantins qui les emmènent à Acre. Louis VII et son armée suivent le littoral, mais harcelés dans la vallée du Méandre, il abandonne les non-combattants à Antalya. Ces derniers, privés de protection militaire sont massacrés par les Turcs. À ce moment de l’expédition, les trois quarts des effectifs partis d’Europe ont disparu.

Louis VII embarque avec ses chevaliers vers Antioche. Raymond de Poitiers, prince d’Antioche, lui propose une expédition contre Alep, qui menace ses possessions. Mais il ridiculise Louis VII en ayant une aventure avec sa nièce Aliénor d’Aquitaine, épouse du roi. Louis VII soucieux de réaliser son pèlerinage, peu enclin à écouter son rival et ignorant les réalités militaires des États latins d’Orient, refuse. Il rejoint donc Conrad à Jérusalem. Leur pèlerinage terminé, certains repartent en Europe ; les deux souverains se laissent entraîner par les barons de Jérusalem dans une expédition contre, non pas Édesse comme prévu, mais Damas. Les croisés abandonnent le siège au bout de quatre jours (24-28 juillet 1148). La deuxième croisade se termine sans aucun résultat. Le prestige de Louis VII est fortement entamé. L’échec de cette deuxième croisade est attribué par l’opinion populaire aux excès de péchés des croisés. L’échec de la deuxième croisade est même reproché à Bernard de Clairvaux car il avait prêché une croisade de pénitence sans se soucier de son organisation.

Saladin attaque les positions franques. Il cherche à isoler les Latins. il conclut pour cela des alliances avec les Seldjoukides en 1179, avec l’Empire byzantin et Chypre en 1180. En effet, l’Empire byzantin est menacé en Europe par les Hongrois, les Serbes et les Normands de Sicile et n’a plus les capacités de soutenir ses anciens alliés.

Une trêve avec les Latins est cependant conclue en 1180. Elle est renouvelée en 1185. Saladin en profite pour s’assurer le contrôle d’Alep et de Mossoul. En même temps, de graves dissensions internes minent le royaume de Jérusalem. Le roi Baudouin IV est très malade, - il est lépreux -. La classe dirigeante se déchire sur sa succession. Le royaume de Jérusalem, menacé, ne peut compter sur aucun secours extérieur. À la mort de Baudouin, Sibylle, sœur du roi défunt, et son mari Guy de Lusignan sont couronnés. Raymond III, comte de Tripoli, déçu d’être écarté, demande l’aide de Saladin. Celui-ci refuse dans un premier temps car il vient de renouveler la trêve avec le royaume. Mais Renaud de Châtillon, un seigneur brigand, pille une caravane arabe se rendant à Damas en 1187 et refuse, malgré l’ordre du nouveau roi, de rendre le butin. Saladin proclame la guerre sainte. Lors de la bataille de Hattin, les chevaliers francs sont presque tous capturés et ne sont délivrés qu’en échange d’une rançon ou de leurs châteaux. Renaud de Châtillon, deux cents Templiers ou Hospitaliers sont tués et presque tous les chevaliers sont capturés. Les sergents ou piétons sont massacrés ou vendus comme esclaves. Saladin prend l’une après l’autre les places fortes de l’intérieur. Il autorise le départ contre rançon d’une partie des combattants et des habitants vers Tyr pour embarquer vers l’Europe, le reste de la population est livrée à l’esclavage. À Jérusalem, Balian d’Ibelin obtient de Saladin une capitulation honorable permettant le rachat d’un tiers de la population le 2 octobre 1187 (environ 10 000 habitants sont livrés à la déportation et l’esclavage). Les proclamations triomphales envoyées à travers le monde musulman y consacrent la gloire du vainqueur. Les établissements sont alors réduits à Tyr et à Beaufort pour le royaume de Jérusalem et à Tripoli, au Krak des Chevaliers, à Antioche et à Margat au nord.

Le 3 juillet 1187, 12000 musulmans (ou 60000, selon les sources) affrontent à Hattin (ou Hittin) 15000 soldats occidentaux dont 1200 chevaliers templiers suite à un ordre irresponsable du Grand Maître Gérard de Ridefort et du roi de Jérusalem Guy de Lusignan : après une journée de marche sur des terres arides en se faisant harceler par les musulmans, l’armée de Saladin empêche les occidentaux d’accéder aux rives du lac de Tibériade, seul point d’eau de la région, et bloque habilement leur retraite. Les troupes occidentales, assoiffées et épuisées, tentent vaillamment de forcer le barrage musulman sans y parvenir.
Tous les chevaliers templiers et hospitaliers sont décapités (sauf leur Grand Maître) tandis que les autres prisonniers sont épargnés. Saladin en profite d’ailleurs pour tuer de sa main son plus vil ennemi : Renaud de Chatillon, aussi néfaste pour les musulmans que pour les occidentaux

La troisième croisade (1189 - 1192)

Quand la nouvelle de la prise de Jérusalem par Saladin parvient en Occident, le pape Grégoire VIII lance des appels à une nouvelle croisade et à la paix. Richard de Poitou, futur Richard Cœur-de-Lion prend la croix le premier, bientôt suivi par Henri II d’Angleterre, Philippe Auguste. Dans le même temps, la flotte navale de Guillaume II de Sicile fait voile vers les avant-postes de Tripoli, Antioche et Tyr et assure le ravitaillement des dernières places fortes en armes et en hommes. Le même mois, l’empereur Frédéric Ier Barberousse quitte Ratisbonne avec la plus grande armée croisée jamais rassemblée, au moins 20 000 chevaliers. Il suit la route terrestre. L’hostilité entre Byzantins et croisés germaniques est très importante et Barberousse menace de marcher sur Constantinople. Sous la pression l’empereur Isaac Ange signe la paix et s’engage à faire traverser le détroit à l’armée germanique. Alors que la traversée de l’Anatolie s’achève, Barberousse se noie le 10 juin 1190 accidentellement dans les eaux du fleuve Saleph, (actuellement Göksu, eau bleue en Asie Mineure) et une grande partie de ses troupes retourne en Europe. Quelques centaines de chevaliers germaniques seulement parviennent à Acre.

Embarquant à Gênes et à Marseille, les troupes de croisés hivernent en Sicile où ils se disputent sur de nombreux sujets politiques et personnels. La prise de Chypre par le roi d’Angleterre assure aux croisés une base proche du lieu des conflits. Les deux souverains arrivent à Acre avec la plus grande armée franque jamais réunie. Les troupes de Saladin la tiennent à leur tour dans un demi-siège préjudiciable à ses communications et à son ravitaillement. Mais Saladin ne parvient pas à briser l’encerclement d’Acre et les Francs reprennent la ville aux musulmans le 12 juillet 1192 après deux ans de siège. L’échec des musulmans tient en partie à leur mode de combat, inadapté à celui de l’armée franque, mais surtout à la lassitude des troupes musulmanes.

Après la prise d’Acre, Philippe Auguste retourne en France. Richard Cœur de Lion, resté seul, bat les musulmans à Arsouf. Arrivé à Jaffa en septembre, il passe l’année en Palestine du sud, période durant laquelle il fait reconstruire Ascalon pour fortifier les frontières méridionales du Royaume de Jérusalem. Il force l’admiration de l’ennemi par ses prouesses. Par deux fois (en décembre 1191 puis en juin 1192), il parvient à quelques kilomètres de Jérusalem, mais ne peut reprendre la ville. En effet, il ne peut pénétrer trop longtemps à l’intérieur des terres sous peine de voir ses communications coupées. Il s’occupe aussi de régler les problèmes dynastiques du royaume de Jérusalem. Guy de Lusignan, dont la femme était décédée, conserve le titre royal qui doit revenir à sa mort à Isabelle, l’héritière du trône, et à son époux Conrad de Montferrat. Après avoir signé un traité par lequel Saladin renonce à éliminer les colonies franques de Syrie, il repart pour l’Angleterre en octobre 1192 et est capturé par Léopold V de Babenberg, duc d’Autriche et emprisonné pendant un an et demi.

La troisième croisade a empêché la chute de la Syrie franque et permis l’établissement d’un second royaume de Jérusalem, en fait royaume d’Acre, réduit à une frange côtière où les communautés marchandes italiennes jouent un rôle considérable.

L’empereur Henri VI, fils de Frédéric Barberousse et maître du royaume de Sicile veut reprendre la croisade à son compte dans le but d’imposer sa suzeraineté à l’empereur byzantin et aux royaumes nouvellement institués de Chypre et d’Arménie. Il lance l’appel à la Croisade à Bari en 1195, les allemands se rassemblent en Italie du sud au cours de l’été et débarquent à Acre en septembre 1197. Ils prennent Sidon et Beyrouth et rétablissent la continuité territoriale entre Acre et Tripoli, mais leur armée se disperse immédiatement après l’annonce de sa mort, survenue à Messine le 28 septembre 1197.

La quatrième croisade (1202 - 1204)

La quatrième croisade est appelée par le pape Innocent III en 1202. Dès le début de son pontificat, il souhaite lancer une nouvelle croisade vers les lieux saints d’inspiration purement pontificale. Il forge l’idée de « croisades politiques » qui sera reprise par ses successeurs. Il lève le premier des taxes pour financer les croisades et exprime le premier le droit à « l’exposition de proie », c’est-à-dire le droit pour le pape d’autoriser les catholiques à s’emparer des terres de ceux qui ne réprimeraient pas l’hérésie.

La croisade est prêchée en France par le légat Pierre de Capoue et le curé de Neuilly-sur Marne, Foulques de Neuilly, avec beaucoup de succès auprès de la noblesse champenoise. Elle est dirigée par le marquis Boniface de Montferrat. Mais la IVe croisade ne prend pas le tour prévu par le pape. Les croisés traitent avec Venise. Ils louent une flotte pour 85 000 marcs d’argent pour transporter 4 500 chevaliers, 9 000 écuyers et 20 000 fantassins. Les croisés, qui ne peuvent pas payer leurs voyages aux armateurs vénitiens, sont détournés par eux à Zara sur la côte dalmate qu’ils prennent pour Venise. Le pape excommunie les croisés et Venise mais lève très vite l’excommunication pour les croisés. Philippe de Souabe, beau-frère d’Alexis Ange, fils de l’empereur byzantin déchu Isaac II, promet l’aide de l’Empire byzantin pour la croisade si Isaac est rétabli dans son trône. Innocent III espère tirer parti des divisions byzantines pour rétablir l’unité de l’Église. Il ne s’oppose pas à une nouvelle déviation de la croisade vers Constantinople à l’instigation des Vénitiens, sous prétexte de rétablir Isaac II dans ses droits, ni à la prise de la ville par les croisés et les Vénitiens le 13 avril 1204. Enrico Dandolo fait désigner Baudouin de Flandre comme empereur d’Orient. Innocent III accepte le fait accompli se satisfaisant des promesses d’union des Églises et de soutien aux États latins d’Orient.

La Quatrième Croisade fut la Croisade des chrétiens contre d’autres chrétiens. Ce ne fut plus une "guerre sainte" de la Croix contre le Croissant mais d’une Croix contre une autre Croix. C’est le pape Innocent III, inspirateur de la Croisade contre les chrétiens "hérétiques" Albigeois qui prêcha la Quatrième Croisade "contre les Infidèles". En réalité cette croisade fut dirigée par une coalition des Occidentaux avec les Marchands de Venise contre les chrétiens de Byzance, leurs concurrents commerciaux. Elle eut comme prélude le massacre des habitants de la ville hongroise de Zara, dont le pillage eut pour résultat que les coalisés s’entrégorgèrent pour le partage du butin. Il n’y a pas de preuve plus "flagrante" des "grands élans idéalistes" des croisés que cette Quatrième Croisade.

Constantinople fut pour cette Croisade le théâtre de pillages, viols, massacres de chrétiens, incendies volontaires et profanation d’Autels d’ Églises chrétiennes, sans précédant dans l’Histoire, comme écrit Sir Runciman. Voici en quels termes cet historien anglais exprime son indignation sur le comportement des croisés à la prise de la chrétienne Constantinople par d’autres chrétiens :

« La mise à sac de Constantinople est sans précédant dans l’Histoire. Durant neuf siècles la grande cité avait été la capitale de la Civilisation Chrétienne. Elle était pleine d’oeuvres d’art qui avaient survécu depuis la Grèce Antique et des chefs-d’oeuvre de ses exquis artisans. Les Vénitiens savaient apprécier en effet la valeur de ces choses. N’importe où ils le pouvaient, ils mettaient la main sur les trésors et les amenaient pour orner les squares, Églises et palais de leur Ville. Les Français et les Flamands étaient par contre remplis du désir de destruction. Ils se jetaient dans les rues en foule hurlante. Dans les maisons ils s’emparaient de tout ce qui étincelait, détruisant tout ce qu’ils ne pouvaient pas amener ; ne faisant de pause que pour assassiner, enlever des femmes ou défoncer des portes de caves à vin pour se rafraîchir. Pas plus les Monastères que les Églises ou les bibliothèques ne furent épargnées. Dans Sainte Sophie même (la célèbre Basilique) des soldats ivres arrachaient des livres sacrés, des icônes et des ornements, pour les piétiner. Pendant qu’ils buvaient dans les récipients de l’Autel, une prostituée s’assit sur le trône du Patriarche pour chanter des chansons françaises ribaudes. Des Nones étaient enlevées de leurs couvents. On entrait et détruisait aussi bien les palais que les chaumières. Des femmes et des enfants blessés gisaient mourant dans les rues. Les pillages et les effusions de sang durèrent pendant trois jours, jusqu’à ce que la vaste et jolie ville devint un abattoir. Même les Sarrasins auraient été plus miséricordieux s’était écrié l’historien Niketas, avec raison. »

Tout cela se passa le lendemain du jour où les croisés s’emparèrent de la ville et en devinrent les maîtres absolus ; Constantinople avait capitulé sans conditions. Malgré cela, le Doge Dandolo et les Francs, après s’être déjà partagé les dépouilles de l’empire byzantin sans se battre entre eux, donnèrent à leur soldatesque le feu vert pour la mise à sac. Ils avaient pourtant eu toute la nuit pour méditer sur la façon de se comporter envers leurs frères en Jésus Christ qui gisaient sans défense à leurs pieds :
"Il n’y eut jamais plus grand crime contre l’Humanité que la Quatrième Croisade. Elle détruisit et dispersa tous les trésors du passé que Byzance avait entassé avec dévotion, et blessa mortellement une civilisation qui était encore active et grande."
Ce fut cette IVème Croisade des "Chrétiens" qui anéantit l’Empire Byzantin et non Sultan Mehmet Fatih, qui, en 1453, ne donna que le coup de grâce. Jamais n’exista dans l’Histoire de l’Humanité une civilisation qui poussa sa soif de pillage au point de profaner ses propres Temples. L’Homme Blanc n’a-t-il pas mis à feu et à sang ce qui fut sa propre capitale spirituelle ? De même lorsqu’en 1527 la soldatesque du "Bouclier de la Santa Fé Catolica", Charles V, maltraita et mit en prison son Souverain Pontife Clément VII, viola les Nones et pilla les Églises de la Ville Eternelle ? Les hommes chargés par la Couronne d’Espagne de "christianiser" les Indiens n’ont-ils pas attaqué le 4 Mars 1530, à coup de lance, une procession de l’Église de Mexico défilant avec des Croix en Deuil et son évêque Fray D. Juan de Zumárraga à sa tête, pour protester contre les conquistadores de l’Antéchrist qui avaient prostitué en Amérique leur religion ? Et ces Croisés de la "Guerre Sainte" de l’Église-Maison de Sa Gracieuse Majesté Britannique, ces Drake, Hawkins et leurs bandes d’impitoyables pirates qui pillèrent et saccagèrent partout des Églises catholiques assassinant prêtres, femmes, enfants et vieillards pour mériter d’être anoblis par leur "Grande Reine Elizabeth" ?
Non, ils n’étaient ni Arabes, ni Mongols, ni Turcs, ni quelconques Asiates les créatures de l’Homme Blanc qui violèrent les fiancées du Christ dans leurs couvents à Constantinople. Un de ces Vandales, laissant son sabre (pour un instant), prit sa plume pour nous décrire lui-même, de sa main d’assassin, la mentalité et la "morale" de ses compères, ainsi que leur conception du christianisme occidentalisé. Geoffroi de Villehardouin, Maréchal de Champagne et Romania réunies, un des acteurs des massacres et mise à sac de Constantinople, à la fin du chapitre XII de sa Chronique, et après avoir énuméré les résidences que se choisirent les nobles chefs, écrit :
"le reste de l’armée s’éparpilla à travers la ville et gagna beaucoup de butin ; de si grande quantité que personne aurait pu estimer le montant de sa valeur. Il comprenait de l’or, de l’argent, des services de table, des pierres précieuses, du satin, de la soie, des manteaux de fourrures d’écureuil, de petit gris et d’hermine, et tout objet de choix que l’on puisse trouver sur cette terre. Geoffroi de Villehardouin déclare ici que, à sa connaissance, tant de butin n’a jamais été gagné en aucune cité depuis la création du monde.
Chacun prit quartier où il lui avait plu, et il ne manquait pas des fines demeures en cette ville. Aussi les troupes des Croisés et des Vénitiens étaient installées comme il faut. Ils s’en réjouirent tous, et remercièrent Notre Seigneur pour l’honneur et la victoire que leur accorda ; de sorte que ceux qui avaient été pauvres vivaient maintenant dans la richesse et le luxe. Ils célébrèrent ainsi les Rameaux et Pâques suivantes avec des coeurs pleins de joie pour les faveurs dont Notre Seigneur et Sauveur les combla. Et ils peuvent Le louer, puisque toute leur armée, ne s’élevait pas à plus de vingt mille hommes, et avec Son aide ils conquirent quatre cents mille et plus ; et cela à la plus grande, la plus puissante, et la plus solidement fortifiée ville du. monde."

La cinquième croisade (1217–1221)

La cinquième croisade est précédée de la croisade des enfants déclenchée simultanément dans la région parisienne, en Rhénanie et dans le nord de l’Italie, peu après l’émotion suscitée, à la Pentecôte 1212, par les processions ordonnées pour aider à la victoire sur les Sarrasins d’Espagne. À la suite d’une vision, le jeune Berger Estienne de Cloyes-sur-le-Loir rassemble des pèlerins et les mène vers Saint-Denis pour y rencontrer le roi Philippe Auguste. À la même époque, d’autres groupes partent de Germanie et se rendent vers les ports de Gênes et de Marseille. Les chroniqueurs mentionnent que certains réussirent à embarquer et qu’ils sont vendus comme esclaves ou bien meurent de faim pendant le voyage. Certains réussissent à gagner Rome. L’empereur Frédéric II fait pendre quelques-uns des trafiquants marseillais compromis dans l’affaire. Malgré un nom qui vient de traductions incertaines et de documents tardifs, ce mouvement affecte fort peu de véritables enfants ; les participants sont surtout de pauvres gens désireux de donner une leçon aux chrétiens plus favorisés, chez qui l’idée de croisade s’émoussait.

La sixième croisade (1228 - 1229)

Lors de son couronnement à Aix-la-Chapelle en 1220, Frédéric II promet au pape de partir en croisade. Mais dans l’Empire, il doit faire face à la résistance des communes lombardes en 1225-1226 et tarde à accomplir son vœu. Entre temps, les croisés déjà arrivés en Orient, après avoir restauré quelques places fortes, commencent à repartir pour l’Occident. Or, la papauté cherche à desserrer l’étau que fait peser l’empereur du Saint-Empire sur ses États pontificaux en éloignant l’ambitieux souverain. Frédéric est donc excommunié par Grégoire IX en 1227 pour ne pas avoir honoré sa promesse de lancer la sixième croisade. Il embarque à Brindisi pour la Syrie l’année suivante alors que son excommunication n’est pas levée. Sa brève croisade se termine en négociations et par un simulacre de bataille avec le sultan Malik al-Kamel « le Parfait », avec qui des liens d’amitié s’étaient tissés, et par un accord, le traité de Jaffa. Il récupère sans combattre les villes de Jérusalem (où le Temple restait aux musulmans), de Bethléem et de Nazareth. Il est ensuite couronné roi de Jérusalem le 18 mars 1229. Alors que Frédéric II est parti en Orient pour respecter sa promesse de se croiser, le pape lance contre lui une armée financée par une taxe sur les revenus du clergé et les reliquats des sommes prélevées pour la croisade des Albigeois60. L’Orient latin est remis en selle pour une dizaine d’années.

En 1237, une nouvelle croisade est lancée par le pape Grégoire IX. Cette « croisade des barons » est dirigée par le comte de Champagne, le duc de Bourgogne et Richard de Cornouailles. Elle poursuit la tradition des négociations avec les princes musulmans, en exploitant leurs rivalités. Le comte Richard obtient la restitution d’une grande partie du royaume de Jérusalem (1239-1241), complétant ainsi l’œuvre de Frédéric II.

La septième croisade (1248-1250)

Le roi de France Louis IX (futur Saint-Louis) organise et mène en 1248 la 7ème croisade : ses troupes débarquent à Damiette en 1249 et la ville est rapidement abandonnée aux conquérants. La ville de Mansourah est également prise en 1250 par les croisés avant d’être libérée par les cavaliers mamelouks turcs. La position française devient indéfendable et Louis IX est contraint à la négociation (il avait refusé après la prise de Damiette la proposition du sultan d’échanger la ville occupée contre Jérusalem) : il capitule et est fait prisonnier : il sera libéré après le retrait complet des troupes françaises d’Egypte ... et le versement de 1M de dinars.

La huitième et dernière croisade (1270-1289)

Le monde musulman subi ensuite une autre menace : les mongols détruisent Bagdad et massacrent sa population en 1257, avant de s’en prendre en Syrie à Alep, Damas, Naplouse et Gaza en 1260. Ce sont les mamelouks d’Egypte qui chasseront ces derniers de Syrie la même année : ils réunissent ainsi sous leur autorité l’ancien territoire contrôlé par Saladin. En 1266, le sultan mamelouk Baibars prend aux occidentaux la ville d’Antioche et réduisent en esclavage ses habitants (ce qui n’était pas l’habitude des sultans précédents).
La réaction des occidentaux ne se fait pas attendre : le roi de France Louis IX organise la 8ème croisade et débarque avec 6000 hommes près de Tunis. Mais il meurt peu après victime d’une épidémie de peste et de dysenterie ce qui incite le reste de son armée, éprouvée également par la maladie, à rentrer en France.

Le fameux Crac des Chevaliers tombe à son tour sous les attaques mamelouks en 1271, puis Tripoli en 1289 : les possessions occidentales en Orient ne représentent alors que quelques cités côtières entourées par le puissant émir mamelouk.

La ville d’Acre est épargnée grâce à une trêve : elle devient un comptoir commercial bénéfique tant aux vénitiens qu’aux mamelouks, véritable liaison entre les 2 mondes. Mais les chevaliers venus d’Occident vont mettre à mal cette quiétude en tuant des commerçants musulmans : l’armée musulmane, qui jouit d’une nette supériorité numérique envahit alors toute la ville en 1291. Les dernières possessions occidentales (Beyrouth et Tyr) sont abandonnées définitivement par leurs occupants mettant fin au rêve occidentale à 2 siècles de présence franque en Orient.

Le but des croisades

L’affaiblissement de l’Islam a permis l’essor du commerce par les villes italiennes en Méditerranée. Venise, Bari et Amalfi ont noué des liens avec l’Orient, et, Pise et Gênes ont chassé les Sarrasins de la mer Tyrrhénienne. La Méditerranée devient un lac latin. Les villes italiennes créent des comptoirs de commerce fructueux, qu’elles réussiront à conserver après la fin des croisades. Elles détournent à leur profit le commerce entre Orient et Occident. Les croisades sont une étape décisive de l’essor de l’Occident chrétien et du déclin du monde arabe amorcé dès le Xème siècle en Orient.

Si le pape Innocent III est à l’origine de l’utilisation généralisée de l’idée de croisades, des prétextes religieux vers des intérêts politiques et économiques, la responsabilité de Venise est écrasante dans la prise de Constantinople. La république utilise au mieux les circonstances pour servir ses intérêts. Depuis 1082, elle a obtenu dans l’Empire byzantin des privilèges commerciaux immenses qui ont presque sans arrêt été renouvelés. Mais elle se sent menacée par la concurrence commerciale de Gênes et de Pise qui ont obtenu des avantages semblables, par la piraterie que l’Empire byzantin ne réprime pas et par l’hostilité de plus en plus grande des Grecs. En 1172 et 1182, des émeutes anti-latines ont abouti au massacre et à l’expulsion de marchands italiens. Attaqué de toute part l’Empire est en voie de désagrégation. La conquête de Constantinople permettrait aux Vénitiens de circuler dans la mer Noire qui est pour l’instant interdite aux étrangers. Les intérêts économiques de Venise la poussent à vouloir dominer Constantinople. Le doge Enrico Dandolo dispose de moyens de pression considérables : les créances des croisés, le « bon droit » d’Alexis IV et les immenses richesses dans la vieille capitale.

En fait, l’empire vénitien sera l’établissement le plus durable de ceux issus de la quatrième croisade. À Venise, échoit un quartier entier de Constantinople, les ports de Coron et de Modon au sud du Péloponnèse et la Crète qui fournit à partir du XIVe siècle, le bois, le blé et les denrées agricoles. Les îles grecques où se sont installées de familles vénitiennes restent plus ou moins dans la mouvance de la Sérénissime.

La déviation de l’idée même de croisade et le pillage de Constantinople chrétienne transforment les ordres militaires en puissances financières et, par là même, politiques.

Aux XIIe et XIIIe siècles les Croisades coûtèrent beaucoup de sang aux Arabes (musulmans et chrétiens), aux Juifs d’Europe et du Proche Orient, aux Chrétiens de Hongrie et de Serbie par les hordes de Pierre l’Hermite, enfin aux Chrétiens de Byzance par la Quatrième Croisade organisée par le pape Innocent III et le Doge de Venise. On ne peut pas dire que toutes ces Croisades furent pour rien. Ce sang ne fut pas perdu pour tout le monde. Il fut le premier tribut pour le développement de l’Europe, qui précéda le tribut du sang des Amérindiens, des Africains, des Asiatiques et autres peuples qui jouirent des bienfaits de notre "Mission Civilisatrice".

Après le XIIIe siècle les Croisades n’intéressaient plus LE Coupable. Il faisait de bonnes affaires avec les "ennemis de Dieu" - un Dieu qui n’était pas son Veau d’Or - au bassin de la Méditerranée, les Croisades n’avaient plus de raison d’être. Malgré les bonnes affaires le Requin trouva que ce bassin était devenu trop étroit pour ses nageoires et son appétit. C’est à l’échelle planétaire qu’il commença à étendre ses ambitions à partir de la fin du XVe siècle. La dernière Croisades fut le lamentable échec du "Don Quichotte" Pie II qui, avec trois siècles de retard, la voulut absolument, lubie de toute sa vie avant d’être Pape. Il croyait qu’il suffisait d’être Pape pour décider de l’opportunité d’une Croisade, sans la bénédiction de la Bourgeoisie. Échec parce que tous les rois de la chrétienté qui régnaient en ces temps (alors que c’était l’ARGENT qui gouvernait leurs États) ne lui firent que des promesses non-tenues, le laissant tomber avec sa marotte. La bourgeoisie avait alors d’autres chats à fouetter que la lubie de Pie II. C’était l’ère des grandes expéditions de brigandage qui commençait en cette fin du XVe siècle.

Après les marchands d’épices du Portugal qui financèrent l’expédition de Vasco da Gama (Manuel le Fortuné régnait au Portugal, mais ils gouvernaient) ce fut le grand bourgeois espagnol de Santangel et les moins grands bourgeois, les frères Pinzón (los Pinzones) qui financèrent l’expédition de Christophe Colomb. La légende raconte qu’Isabel la Catholique mit ses bijoux en gage chez des "usuriers juifs" pour financer cette expédition, mais la vérité historique nous apprend que c’est la bourgeoisie espagnole qui la finança à 100%. Luis de Santangel les 2/3, avec 1.000.000 de maravédis, et "los Pinzones", armateurs de Palos, l’autre tiers, avec 500.000 maravédis.

Les croisades ont tissé des liens commerciaux durables avec le Levant, et la quatrième croisade a éliminé l’Empire byzantin, rival commercial des Vénitiens et des Génois. Les principales routes de commerce venant de l’est traversent l’Empire byzantin ou les pays arabes et vont jusqu’aux ports de Gênes, Pise et Venise. Les marchandises de luxe comme les épices, les colorants et la soie sont achetées en Orient, importées en Italie puis revendues à travers l’Europe.

C’est la bourgeoisie occidentale qui a gagné les croisades. Peu importe qui allait gouverner Constantinople et peu importe les baratins des papes.

Messages

  • La bourgeoisie européenne, loin d’être en avance sur la bourgeoisie du monde musulman ou du monde chinois, était très en retard mais elle a bénéficié du caractère arriéré, violent, guerrier, divisé du monde féodal d’Europe de l’Ouest. Elle a aussi bénéficié de l’attaque puissante de l’armée du roi Mongol de Chine qui a défait l’armée de l’empire arabe, attaque sans laquelle l’Europe de l’Ouest aurait sans doute été conquise par les Arabes.

  • Un épisode des croisades : le massacre de Maara

    Que s’est-il passé dans la ville syrienne de Maara en fin d’année 1098 ? La population est passée tout entière de vie à trépas, une petite ville calme vivant des ses vignobles, de ses oliviers, de ses figuiers, ville du grand poète aveugle et libre penseur Aboul-Ala- al-Maari qui osait écrire :

    « Les habitants de la terre se divisent en deux, ceux qui ont un cerveau mais pas de religion, et ceux qui ont une religion mais pas de cerveau. »

    Maara n’a pas d’armée, mais une simple milice quand les armées des croisés arrivent sur elle, venues d’Antioche (qui vient d’être massacrée).

    Le 11 décembre 1098, les Franj entrent dans la ville et c’est tout de suite un massacre impitoyable de tous les habitants. Le chroniqueur franc Raoul de Caen rapportait que « les nôtres faisaient bouillir les païens adultes dans des marmites, ils fixaient les enfants sur des broches et les dévoraient grillés. »

    Non seulement les dix mille habitants sont passés de vie à trépas mais la manière de faire mourir a atteint des sommets de cruauté et de barbarie. Le chroniqueur franc Albert d’Aix affirme que les francs mangeaient les musulmans. Pour finir, le 13 janvier 1099, armés de torches, les Franj mettent le feu à chaque maison de Maara, une ville qui ne les a jamais ni attaqués ni menacés…

    Aujourd’hui, ce massacre historique fameux est ignoré de tout l’Occident ! Comme s’il suffisait de se mettre la tête dans le sable pour nier l’horreur…

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