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Quelles sont les idées fondamentales des communistes révolutionnaires ?

samedi 21 février 2015, par Robert Paris

Quelles sont les idées fondamentales des communistes révolutionnaires ?

Qu’est-ce qui est essentiel pour les communistes révolutionnaires ? Est-ce la révolution prolétarienne ? Mais elle n’est qu’un moyen et non un but. Le moyen de dépasser le capitalisme mais ce n’est qu’un moment de la lutte, même si ce moment est une condition indispensable.

Est-ce la construction du parti prolétarien communiste révolutionnaire ? Mais le parti n’a de rôle que si les travailleurs font la révolution et, au cours de celle-ci, se dotent d’organisations de masse indépendantes des classes dirigeantes et de l’Etat.

Est-ce la formation des soviets de travailleurs ? Mais celle-ci ne peut passer au stade supérieur, la domination de classe des travailleurs, que si une politique révolutionnaire est défendue dans les soviets et une telle politique suppose l’organisation politique des révolutionnaires, le parti.

Est-ce la domination politique des travailleurs encore appelée la dictature du prolétariat ? Mais elle n’est nullement un but puisque, pour Marx, Lénine ou Trotsky, elle vise à la suppression des classes et à la fin de toute société fondée sur les relations économiques et sur l’exploitation de l’homme par l’homme et à la suppression de tout appareil d’Etat ?

Est-ce le communisme ? Mais celui-ci n’est pas une société figée par le marxisme et décrétée une fois pour toutes, en dehors de l’action historique des hommes.

Est-ce la destruction du capitalisme ? Mais celui-ci est tout à fait capable de s’autodétruire et de donner une société barbare moyennageuse, sans révolution sociale et sans action des communistes.

Non ! Le but des communistes révolutionnaires est la conscience de classe des exploités, leur permettant de prendre la tête de tous les opprimés et de faire avancer l’humanité dans le sens de l’histoire, ce qui nécessite de comprendre les mécanismes historiques, leurs lois, leur fonctionnement.

L’histoire des sociétés humaines est celle de la lutte des classes. Cela signifie que les hommes s’organisent, en fonction de leur mode de production (lui-même dépendant du niveau des forces productives et des moyens de production), en vue de la création de richesses issues du travail humain et que cette organisation consiste en la formation de grands groupes sociaux ayant des intérêts communs, intérêts en fonction desquels ces classes d’hommes agissent et se confrontent. A la base, il n’y a pas la conscience. A la base, il n’y a pas l’organisation. A la base, il n’y a pas les idées et les idéologies. Non, à la base, on trouve la vie économique et la vie sociale, au travers de laquelle les hommes organisent la production de richesses, en vue de la satisfaction des besoins d’abord puis en vue des échanges, enfin en vue de l’accumulation de profits. C’est donc la société civile réelle qui est à la base des idées des hommes qui y vivent et des modes d’organisation de ces hommes. Les sociétés se succèdent d’abord, améliorant notablement les moyens de production des hommes et accumulant les richesses en un petit nombre de mains.

Mais le point essentiel n’a pas encore été abordé : la propriété privée des moyens de production. En effet, à partir d’un certain seuil d’accumulation de moyens de production, il devient possible de nourrir des hommes tout en extrayant d’eux de grandes richesses. A partir de ce moment, il devient possible à quelques hommes disposant de la propriété des moyens de production d’imposer à la majorité de travailler pour eux et du coup d’accumuler encore plus de richesses. L’exploitation de l’homme par l’homme apparaît.

Quand cette accumulation a atteint un niveau critique par rapport aux moyens de subsistance de la majorité et quand la couche moyenne s’est effondrée, la révolution attaque tout l’édifice social et parfois le renverse, momentanément ou durablement. C’est pour empêcher cela que les classes dirigeantes fondent l’Etat.

L’Etat ne vient historiquement qu’après la société civile, qu’après le développement des moyens de production et qu’après la propriété privée des moyens de production. Ce n’est pas l’Etat qui construit la société civile, c’est l’inverse. L’Etat est là pour défendre les intérêts de la classe dominante et non pas l’ensemble de la société civile. Il semble dominer toute la société civile mais il est au service d’une fraction ultra minoritaire de celle-ci, la classe exploiteuse.

L’Etat est apparu bien après les classes dirigeantes et dans certaines sociétés restées à un stade intermédiaire, l’Etat n’est jamais apparu, de même que dans certaines sociétés intermédiaires la propriété privée des moyens de production n’est jamais apparue.

Les moyens de production ont évolué au cours de l’histoire : cueillette d’abord, puis chasse, puis élevage puis agriculture et artisanat, puis manufacture et industrie. Les classes sociales ont suivi ces transformations. La domination des anciennes classes sociales s’est faite par des révolutions. Ces dernières ont renversé l’ancien pouvoir d’Etat pour donner le pouvoir à de nouvelles classes sociales. Les classes dominantes ont été les grandes familles tribales, puis les chefs de guerre féodaux, puis les classes bourgeoises du grand commerce et de la grande banque, puis la classe capitaliste… A chaque grande étape révolutionnaire, de nouvelles classes sont parvenues au pouvoir, classes fondées sur une nouvelle forme de la propriété privée des moyens de production et sur un nouveau mode de production.

L’histoire ne s’est pas déroulée de manière identique selon les régions et les époques et cependant on sent qu’un même mécanisme de l’histoire indépendant des régions, des cultures, des civilisations a dominé d’un bout à l’autre de la planète car ce sont les mêmes lois de développement de l’économie et des sociétés qui ont été à l’œuvre aux quatre coins du monde.

Dans tout ce qui précède, le phénomène le moins bien connu et le moins bien compris est celui de l’Etat. Venant se mettre à la tête de l’édifice politique et social, cet organisme semble le commander selon sa volonté, sans sembler respecter la moindre loi et parfois il peut sembler aux hommes que la principale puissance de la société, ou que la principale oppression, soit l’Etat alors que ce dernier n’est rien d’autre qu’un instrument au service de la classe dirigeante.

La forme politique de l’Etat a aussi servi de principale mystification politique. En effet, les classes dirigeantes se sont aperçues que la forme la plus solide de la domination des exploiteurs consistait à laisser les citoyens influer non sur la forme de l’Etat ni sur ses décisions, mais sur les personnes chargées de sa direction, ceux chargés de son fonctionnement restant hors de portée de leurs choix. Or il s’avère que l’on ne change nullement la nature d’un Etat en changeant les personnes chargées de sa direction.

L’Etat « démocratique » était né ! Mais la démocratie, qu’elle soit bourgeoise comme dans les grands pays capitalistes ou commerçante comme dans la Grèce antique, reste un Etat exclusivement au service de la classe dominante.

La classe exploitée, elle aussi, a changé au cours de l’histoire : populations enlevées, esclaves (adoptés ou vendus), étrangers, paysans serfs, compagnons artisans, ouvriers agricoles et ouvriers d’industrie, salariés du monde capitaliste, les prolétaires modernes qui sont aussi les nouveaux esclaves… L’esclavage a changé de forme mais il n’a pas cessé. Les conditions de cette exploitation ont changé et le rapport entre exploiteurs et exploités aussi.

Le prolétariat moderne a une particularité remarquable qui le distingue considérablement des autres classes exploitées : plus la société capitaliste se développe, plus elle augmente le poids social de la classe exploitée, son rôle économique.

Il convenait donc aux classes dominantes de se débrouiller pour que ce poids social ne se traduise pas sur le terrain politique, que les prolétaires ne s’organisent pas sur le terrain politique de manière indépendante des couches bourgeoises et petite bourgeoises. C’est pour cela qu’on a progressivement mis en place le jeu politique électoral dit politicien. Ce dernier est présenté comme le moyen pour les citoyens de choisir comment ils souhaitent que la société soit gouvernée. Cantonnée au début à quelques nations capitalistes, ce système politique a été généralisé au monde par la suite progressivement.

Cette comédie « démocratique » ne signifie nullement que la population ait son mot à dire à la direction de la société. C’est seulement un moyen pour faire dériver toutes les tentatives des travailleurs de s’organiser politiquement par eux-mêmes.

En effet, du moment que le cadre juridique, social et politique est fondé sur le respect de la division en classes sociales, sur le droit absolu des possesseurs de capitaux d’en faire ce qui leur chante, ce que l’on appelle la propriété privée des moyens de production, et qu’il est admis que le salarié n’est qu’un invité dans l’entreprise qui ne lui appartient nullement, il est également convenu que le salarié n’a aucun droit politique dans cette entreprise, qu’il n’a pas de droit à l’emploi non plus, ni aucun droit à décider ou à diriger ce qui se passe dans l’entreprise. Il n’a ni le droit de rédiger et distribuer des tracts ou journaux, ni le droit de se réunir, ni le droit de s’organiser sur la base de l’entreprise. Il n’a pas le droit de s’adresser à ses camarades de travail. Il est donc un mineur dans la société civile et un être dépendant, dépourvu de moyens d’intervention politique. Ce n’est pas une particularité de tel ou tel pays de démocratie bourgeoise mais une généralité dans tous.

La démocratie bourgeoise n’est rien d’autre que la forme la plus malicieuse de la dictature de la classe exploiteuse. Etant donné que la petite bourgeoisie elle-même n’a aucune influence réelle sur les décisions des dirigeants de l’Etat, c’est l’infime minorité de grands exploiteurs qui décident de tout et la « démocratie » n’est nullement l’expression du peuple.

Dans la plus démocratique des sociétés bourgeoises, le peuple n’a aucun moyen de faire valoir ses positions et ses décisions. Même le choix apparent du personnel politique est limité à la façade politicienne. L’appareil de l’Etat n’est nullement choisi par vote : ni les chefs des armées, des polices, de la justice, des prisons, de l’administration, ni les chefs des grandes sociétés d’Etat, de la banque centrale, des bourses, des services publics, ni les grands patrons, ni les chefs des trusts, des banques, des bourses, des assurances et autres sociétés capitalistes, ni les chefs des religions, des média, des syndicats, de tout ce qui fait le tissus social d’une société, aucun d’entre eux n’est choisi par le peuple, sans même parler des travailleurs qui n’ont ni droit à la parole, ni forme d’organisation autonome, ni droit dans leur lieu de travail, et pour une partie importante même pas le droit de vote….

Il n’existe d’ailleurs pas à proprement parler d’Etat démocratique puisque le même Etat, dans d’autres circonstances, se transforme en dictature, en fascisme, en Etat en guerre. Il n’y a pas besoin de changer même le personnel politique pour passer de la démocratie à son opposé.

Ce qui caractérise donc l’Etat n’est pas sa forme mais sa nature, c’est-à-dire la classe sociale dont elle sert sans discontinuer les intérêts.

On ne le répétera jamais assez : l’Etat n’a pas été fondé pour construire le droit, construire la paix civile, pour défendre le pays ou pour faire traverser les vieilles dames dans les clous. L’Etat est une bande d’hommes en armes, coupés de la population, et entraînés afin d’intervenir violemment si nécessaire contre la population qu’il prétend défendre.

L’Etat est l’adversaire de la révolution. Ce sont les révolutions qui ont amené les classes dirigeantes à accepter de laisser une part de leur pouvoir à cette bande d’hommes en armes. Tant que l’Etat n’existait pas, c’est-à-dire pendant l’essentiel de l’histoire des sociétés humaines, dès que les classes dominantes devenaient trop riches et la masse trop pauvre, dès qu’il y avait des circonstances défavorables, les opprimés renversaient la domination des classes dirigeantes, faisant souvent carrément disparaître cette société, et même cette civilisation, parfois de manière irréversible, définitive, ne laissant que des ruines de l’ancienne société d’exploitation et d’oppression, sans d’ailleurs faire autre chose que revenir au stade précédent, sans bâtir une société nouvelle, supérieure. Les révolutions sociales ne signifient pas nécessairement que les opprimés qui les mènent ont une autre société à proposer et à défendre. On entre en révolution quand les opprimés comme les oppresseurs ne sont plus capables de vivre comme avant, parce que le système a atteint ses limites.

Si l’Etat est l’un des éléments essentiels du conservatisme social, les révolutions marquent au contraire la dynamique des sociétés humaines. Bien entendu, les révolutions sont des instants fugitifs au sein de longues périodes de stabilité et d’apparente immobilité. Les opprimés ne sont généralement pas du tout révolutionnaires et n’imaginent pas du tout jouer un rôle dirigeant dans l’évolution historique. Leur conscience reflète plutôt les longues périodes où ils sont traités en mineurs, en seconds, en sans voix et sans pouvoir. Des centaines d’années sans aucun droit réel d’influencer le cours social et politique des sociétés amènent les opprimés à ne pas se faire confiance pour discuter, pour décider, pour s’organiser, pour offrir des perspectives. C’est ce qui donne une importance décisive aux minorités révolutionnaires car, dans les situations révolutionnaires, le temps des événements est trop court pour laisser le moyen aux masses exploitées de prendre conscience de leur force et de leur rôle et l’ancienne conscience pèse encore d’un trop grand poids pour que les masses puissent en quelques jours ou en quelques mois s’assimiler toutes les leçons des révolutions. C’est cela qui rend indispensable la construction, y compris hors des périodes de crise et de révolution, d’idées, de courants, de conceptions révolutionnaires qui anticipent sur les événements.

Dans ces courants révolutionnaires, le marxisme (qui n’a rien à voir avec ses caricatures social-démocrates ou staliniennes, maoïstes ou guévaristes) joue un rôle particulier car il ne se contente pas d’affirmer le rôle révolutionnaire et communiste du prolétariat mais place ce rôle au sein de toute l’histoire des hommes, au sein même de l’histoire de la terre, de l’histoire de la matière, de l’histoire des idées et des philosophies.

Le marxisme se démarque ainsi de tous les culturalismes, de toutes les idéologies dites idéalistes parce qu’elles placent en tête les idées, avant les réalités économiques, sociales et politiques, comme si les hommes agissaient en société en fonctions seulement de leurs idéologies et seulement ensuite en fonction des réalités économiques et sociales. Le marxisme voit dans l’histoire autre chose qu’une lutte idéologique, qu’une lutte entre des principes moraux, entre des conceptions civilisationnelles ou religieuses. Les classes sociales ne sont pas non plus, pour lui, les prétendues « classes politiques » dont on nous parle souvent pour couvrir les précédentes et faire croire que les hommes politiques sont autre chose que le rideau chargé de camoufler les agissements des exploiteurs.

Fondamentalement, la société évolue en fonction des rapports entre les grands groupes sociaux fondés sur le mode de production dominant et ayant des intérêts fondamentalement opposés.

Bien entendu, la conception d’une société divisée en classes sociales s’oppose aux idées d’une opposition entre nations, entre civilisations, entre religions, entre conceptions morales, entre peuples, etc…

Rien de commun non plus avec le démocratisme qui prétend que tous les citoyens auraient les mêmes intérêts et devraient seulement respecter les décisions de la majorité pour atteindre le « vivre ensemble », le « respecter les autres », défendre des droits « qui ne s’arrêtent qu’au droit des autres », et autres balivernes du genre « liberté, égalité, fraternité ».

Le seul véritable fondement de la société bourgeoise est la défense inscrite dans toutes les constitutions bourgeoises : le droit absolu des propriétaires des moyens de production, leur droit d’en faire ce qu’ils veulent, leur droit de s’en servir pour exploiter, pour accumuler des richesses, pour les investir ou pas comme bon leur semble fût-ce qu péril de la santé, de la vie des exploités.

Tous les Etats du monde ne sont là, fondamentalement, que pour maintenir le pouvoir des classes exploiteuses face aux risques révolutionnaires que représentent les exploités et les opprimés. C’est dans ce seul but que les Etats ont été fondés. C’est leur rôle principal. Les Etats ont parfois massacré une grande partie de la population dans le seul but de conserver l’ordre social, même si leur rôle politique a consisté à cacher ce but derrière d’autres prétextes. Mais l’Etat a beau parfois cumuler entre ses mains une grande partie du pouvoir politique, il ne remplace pas les classes sociales. Même lorsque son intervention dans l’économie est considérable, cela ne signifie pas que ce soit une perspective viable pour la société que l’Etat remplace la classe dominante, ni économiquement, ni socialement, ni politiquement. Cela peut être un intermède momentané dans des situations critiques où la classe dirigeante est trop divisée, affaiblie ou discréditée. Mais les classes sociales restent toujours l’élément déterminant, fût-ce en perspective, de toutes les sociétés, tant que les oppositions de classe n’auront pas été dépassées.

Tous ceux qui voient dans l’Etat la source même de l’oppression et de l’exploitation se trompent. C’est prendre l’outil pour le maître. Certes, il existe des situations extrêmes où l’Etat remplace l’intervention propre des classes dirigeantes et où celles-ci sont tellement menacées, faibles ou déstabilisées, menacées par la révolution sociale, qu’elles acceptent de disparaître devant l’appareil de l’Etat. Mais, même dans ces circonstances, les événements ne sont rien d’autre que l’expression d’une lutte de classe. Que la situation se calme, que les risques révolutionnaires disparaissent et l’on voit bien qui était le maître et qui tirait les ficelles : la classe exploiteuse et pas les bandes d’hommes en armes qui faisaient hier la loi.

Tout ceux qui privilégient la prédominance de l’oppression politique étatique devant l’exploitation économique, qui privilégient le pouvoir politique sur le pouvoir économique et social, qui choisissent de ne voir que des individus et non des classes sociales, qui décident que la liberté politique est indépendante de la propriété privée des moyens de production, notamment les anarchistes, ont le défaut de ne pas voir dans la lutte des classes la clef de l’interprétation de l’histoire. Pour eux, il n’y a nullement eu une transformation historique menant d’un mode de production à un autre, d’un niveau des forces productives à un autre, d’une domination de classe à une autre, mais la perpétuation des tendances des possesseurs du pouvoir politique à pérenniser leur pouvoir aux dépens des individus.

Non seulement cela dénote une méconnaissance historique : l’apparition de l’Etat est beaucoup plus récente que celle de l’exploitation de l’homme par l’homme et que les classes sociales. Il n’y avait pas d’Etat par exemple dans la Grèce antique de l’époque de la jeunesse de Socrate mais il y avait depuis longtemps des esclaves et des divisions en classes sociales, en exploiteurs et exploités.

Ce n’est pas l’essentiel. Faire de l’Etat un phénomène social à part interdit d’analyser le caractère de classe de la nature de l’Etat et mène à spécifier une oppression par l’Etat en général, quelle que soit sa nature, à considérer tout Etat comme par nature oppressif, et à s’interdire donc la formation d’un Etat des prolétaires révolutionnaires. Cela signifie en définitive accepter l’Etat de la bourgeoisie car les prolétaires ne peuvent pas sauter directement dans le monde socialiste. Il leur faut fonder leur propre Etat pour combattre la bourgeoisie nationale et mondiale. Sans cet Etat ouvrier, dans lequel les prolétaires dictent leur loi, se donnent les moyens de combattre les classes dirigeantes, il n’y a pas de pôle ouvrier qui se constitue et les comités locaux de travailleurs seraient complètement désarmés, en particulier militairement.

Bien entendu, on se heurte ici à l’évolution de la Russie des soviets vers le stalinisme qui mène nombre de courants politiques, dont les sociaux-démocrates, les syndicalistes réformistes et les anarchistes, à estimer que la dictature contre-révolutionnaire de la bureaucratie stalinienne serait le produit de la dictature révolutionnaire de l’époque de Lénine et de Trotsky… En réalité, c’est isolement de la Russie révolutionnaire des soviets qui a entraîné cette dérive et cet isolement est lui-même le produit du fait que dans les autres révolutions prolétariennes de la même vague révolutionnaire, en Finlande, en Bavière, en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Allemagne, etc., a capoté du fait de l’absence d’une politique du même type que celle des bolcheviks en Russie…

L’existence d’une politique révolutionnaire internationale est un des buts principaux des communistes. Cela s’est manifesté plusieurs fois dans l’Histoire par la construction d’organisations internationales des travailleurs défendant un programme révolutionnaire. Le socialisme ne peut pas se bâtir dans un seul pays, contrairement au mythe des prétendues versions du marxisme comme stalinisme, maoïsme, guévarisme, etc, sans parler des prétendus socialismes à la Mandela ou Allende…

« Les travailleurs n’ont pas de patrie » est resté un des adages les plus connus de Marx, même après que le courant stalinien ait affirmé exactement l’inverse.

La révolution sociale, s’opposant à un système mondialisé, ne peut qu’être mondiale comme les crises et les guerres auxquelles elle fait face. Même si les Etats que la révolution renverse sont nationaux, les classes dirigeantes, elles, se gardent de n’intervenir que sur le terrain national. Les impérialismes se considèrent comme des gendarmes du monde et s’autorisent à intervenir aux quatre coins de la planète. Face à la révolution prolétarienne, ils se sont tous mobilisés militairement, comme économiquement et socialement ou politiquement, pour combattre, abattre et isoler le premier pouvoir aux travailleurs.

Le socialisme sera mondial ou ne sera pas, même si les travailleurs peuvent commencer à prendre le pouvoir dans un ou dans un petit nombre de pays, ils ne peuvent absolument pas tenir le pouvoir face aux grandes nations impérialistes dans un seul pays, fusse-t-il aussi grand que l’ancien empire russe. Et surtout ils ne peuvent pas sur de telles bases nationales fonder une société dépassant le capitalisme sur le terrain économique, car il convient de ne pas oublier que la dictature du prolétariat n’est pas une fin en soi. Le but est le socialisme, le dépassement de la société de classe, la suppression même des classes et de l’Etat, la fin des divisions fondées sur l’économie et l’entrée dans la société humaine, quand les besoins matériels ne seront plus la base de l’organisation sociale de la société…

Le caractère international de la révolution communiste n’est pas une utopie généreuse des marxistes mais est fondée sur une réalité : l’existence d’un prolétariat international qui est, même s’il n’en a pas conscience, la classe exploitée la plus puissante potentiellement de toute l’Histoire. Bien sûr, il ne suffit pas que cette force existe objectivement et il faut qu’elle prenne conscience d’elle-même. Cela n’est pas le produit de la vie quotidienne des travailleurs qui marque, au contraire, leur dépendance du système d’exploitation. Les esclaves salariés, contrairement aux sortes précédentes d’esclaves, n’ont pas besoin qu’on leur impose d’être attachés à leurs maîtres. Ils cherchent eux-mêmes à rester sous la dépendance d’un capitaliste car c’est la condition pour qu’ils ne soient pas réduits au chômage et à la misère. La dépendance est non seulement économique mais idéologique. Jamais, au cours de leur vie quotidienne, les esclaves salariés ne sont amenés à mesurer leur propre force et le type de décisions sociales et politiques qu’ils souhaiteraient prendre. Le seul type d’intervention qui ressemblerait à une intervention de classe du prolétariat est l’action syndicale, pourtant extrêmement éloignée d’une action indépendante de classe, à la fois du fait du caractère réformiste des syndicats et des liens que ces derniers tissent avec les Etats et les classes dirigeantes. Quant à l’intervention politique propre du prolétariat sur le terrain politique, elle est absolument inexistante. La politique politicienne noie les travailleurs au sein des masses petites bourgeoises et élimine tout caractère de classe, que ce soit dans les élections bourgeoises ou dans la plupart des événements politiques.

Cependant, tout cela est loin de supprimer tout risque révolutionnaire pour les classes dirigeantes. Le système capitaliste, loin d’avoir effacé les causes de crise, a supprimé la possibilité de celles-ci : il n’est plus capable de s’auto-réguler au travers des crises cycliques. Depuis l’effondrement de 2007, il est prouvé, pour les classes dirigeantes, que toute chute d’un trust, d’une grande banque ou d’une grande assurance serait le début de l’effondrement généralisé, ce qu’ils appellent « un risque systémique »… Pourtant les crises cycliques étaient le mode de fonctionnement du capitalisme depuis sa naissance et ce dernier n’avait jamais pu s’en passer. Est-il parvenu à trouver une autre manière de se réguler ? Absolument pas ! Le système mondial se contente, depuis 2007, de se maintenir à flot par des interventions massives et permanentes de ses banques centrales. Il a perdu toute capacité dynamique et d’auto-organisation.

Cela ne signifie pas qu’il soit d’emblée clair pour les exploités que ce système n’a plus aucun avenir ni que les travailleurs doivent ouvrir eux-mêmes une autre perspective à la société humaine en s’organisant d’abord en comités de travailleurs pour développer leurs propres idées, aspirations et perspectives. Cependant, tel doit être le but premier des communistes et c’est à cette tâche que l’on mesure les courants qui sont véritablement communistes révolutionnaires de ceux qui ne le sont pas…

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