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Sur une confusion centriste du Groupe Marxiste Internationaliste (GMI) à propos de la crise grecque

samedi 23 mai 2015, par Robert Paris

Le GMI lance des appels réguliers à des organisations et souhaite apparaitre au moyen de son site comme un pôle de rassemblement de l’extrême gauche.

C’est une démarche à saluer, car le GMI est un jeune groupe.
Cependant, des discussions théoriques sur toutes sortes de sujets sont un préliminaire indispensable, car l’union politique ne se décrète pas.

Par exemple, un manque de clarté me semble pointer dans le texte du GMI sur la crise grecque.

Ce manque de clarté est illustré par le titre lui-même : « Pour un gouvernement ouvrier-paysan qui annule la dette. »

Certes il y a un (mais un seul) passage du texte où la nature de classe de l’Etat grec est précisée :

La Syriza veut réformer le capitalisme grec en prenant la tête de l’État bourgeois sans remettre en cause la propriété privée des moyens de production, sans exproprier le grand capital et l’Église, en restant dans l’OTAN.

On peut être d’accord avec cette caractérisation de Syriza et de l’Etat grec. Syriza est un parti réformiste.

On lit dans le même texte
 :

Si la Syriza et le KKE rompaient avec leur bourgeoisie et les bourgeoisies européennes, ils soulèveraient l’enthousiasme de la classe ouvrière de Grèce et bien au-delà. Mais ces partis ouvriers bourgeois ne préparent que de nouvelles déceptions et accroissent ainsi le risque du coup d’État militaire et du fascisme.

D’accord, mais on est surpris de la contradiction de ce passage ... avec le titre du paragraphe dont il est tiré : « Pour la rupture des organisations ouvrières avec la bourgeoisie ». Car Syryza et le KKE sont pour le GMI des organisations ouvrières (leur liste complète donnée par le GMI est Dimar, Syriza, KKE, Antarsya, OKDE-EP, EEK). Le GMI appelle donc les organisations ouvrières, dont Cyriza et le KKE, à rompre avec la bourgeoisie ... tout en annonçant que cela ne fera que créer des illusions ! C’est très contradictoire, mais c’est une logique de centrisme. Ou alors il manque la suite du raisonnement (tirée d’une analogie avec la politique des bolchévicks en 1917) décrivant le processus de front unique que le GMI a en tête .

Le slogan-titre est extrêmement ambigu également pour les raisons suivantes. La question de la dette grecque est mise en avant par la propagande médiatique en France. La Grèce paiera ! répètent à l’envi les partis gouvernementaux. Refuser de payer la dette peut alors apparaître comme un point de vue révolutionnaire. C’est en tout cas le slogan que le GMI met en titre.

Donc pour le GMI c’est la mesure d’annulation de la dette qui est un objectif en soi, indépendamment du caractère de classe de l’Etat dont ce gouvernement serait le sommet. Et le GMI reproche à Syrisa de semer des illusions ! De nombreux gouvernements bourgeois dans l’histoire ont fait défaut sur leur dette. Cela n’a en général rien de révolutionnaire ! Des révolutionnaires pourraient certes approuver ce geste s’il s’agit du gouvernement d’une nation opprimée par leur impérialisme. Mais l’enthousiasme serait une illusion. Le cas de Nasser (bourreau des ouvriers égyptiens) en 1956 en est un parfait exemple. On n’est pas contre la nationalisation du canal de Suez, mais ce ne fut pas une victoire pour la classe ouvrière d’Egypte ou de France. De même en Grèce aujourd’hui. On sait que de toute façon, le gouvernement grec aura du mal à rembourser l’intégralité de la dette ! Le futur non-remboursement demandé par le GMI sera sans doute quasi-mécanique.

Même si le gouvernement grec devançait le moment où ses caisses seraient vides pour refuser de payer sa dette, quel en serait le bénéfice pour la classe ouvrière grecque ? Si le gouvernement grec garde de l’argent pour financer une armée répressive et des bandes fascistes, les ouvriers auraient-ils eu raison de s’enthousiasmer du fait que les coffres de la bourgeoisie grecque soient remplis ? C’est le GMI qui, à tort, s’enthousiasme pour ce genre de mesures ! Un état bourgeois grec ruiné par le paiement de sa dette alors qu’il était désireux de payer apporterait au moins autant de perspectives révolutionnaires. Mais même cela n’est pas automatique : Poutine succéda à Eltsine dans ce contexte, et ce ne fut pas une révolution, seulement un changement de régime ! Cela aboutit à la stabilisation du pouvoir de la bourgeoisie russe.

Certes le GMI exclut la possibilité d’une « rupture » (sic) de Syriza avec la bourgeoisie, et sous-entend donc que seul un gouvernement ouvrier- paysan pourrait prendre la mesure « radicale » d’annulation de la dette. Mais le terme gouvernement ouvrier-paysan est très vague pour le GMI. Car les trotskistes savent qu’un tel gouvernement ne peut exister, ne doit être soutenu, qu’en période révolutionnaire lorsqu’un appareil de conseils ouvriers est en formation et en passe de se cristalliser en Etat ouvrier pour imposer la dictature du prolétariat.

Certes des comités sont mentionnés dans le tract, mais pour le large public ouvrier, le lien entre ces comités et le gouvernement ouvrier n’est pas clarifié, c’est le travail des militants de le faire.

Or c’est seulement ce lien vivant qui donne un sens au slogan de gouvernement ouvrier et paysan, fait entrevoir la possibilité qu’il mettre en oeuvre des mesures (collectivisation des entreprises etc) qui sont utopiques pour tout gouvernement bourgeois. L’auto-organisation, l’armement des travailleurs grecs au sein de soviets nationaux et locaux semble bien en dessous des scores électoraux de la gauche grecque. C’est donc cette tâche qui est une urgence pour la classe ouvrière, qui doit se préparer à prendre le pouvoir. C’est la question du pouvoir qui est vitale, pas celle de la dette.

Demander aux organisation ouvrières de « Rompre avec la bourgeoisie » est à mon avis un mot d’ordre qui a peu de sens. Il faut au contraire aller au contact de la bourgeoisie grecque, de sa richesse, de son capital. Que les ouvriers recensent les revenus et les biens de cette bourgeoisie. Car pourquoi se focaliser sur la dette grecque, son passif ? Pourquoi ne rien dire des actifs de la bourgeoise grecque ?

Un point essentiel est que la bourgeoisie grecque est riche. Très riche, en la personne des armateurs grecs, les insubmersibles du commerce mondial

Pour mettre la main sur ce trésor qu’est la flotte grecque, qui deviendra une arme économique et politique, il suffit de se référer au décret de nationalisation de la marine par le pouvoir des soviets ouvriers-paysans début 1918, voir ci_dessous. Sa seule lecture rappelle que la tâche préliminaire fondamentale est la constitution de soviets, puis la conquête de la majorité dans ces soviets par les communistes-révolutionnaires. Idéaliser une mesure comme une nationalisation où un défaut sur la dette, sans mentionner la destruction de l’Etat bourgeois est semer des illusions !


Lénine , Œuvres t. 26.

Projet de décret sur la nationalisation de la marine marchande maritime et fluviale , Rédigé le 18 (31) janvier 1918.

Projet de décret

1. Le Conseil des Commissaires du peuple constate que le Comité central et le Centre-Volga sont pleinement d’accord quant à la nécessité de nationaliser immédiatement et sans indemnité tous les bâtiments de la flotte maritime et fluviale utilisés à des fins commerciales.

2. En conséquence, le Conseil des Commissaires du peuple décide la réalisation immédiate de cette nationalisation et charge une commission spéciale, composée de représentants du Commissariat de la marine marchande, de deux représentants du Comité central, de deux représentants du Centre-Volga et du Président à désigner par le Conseil suprême de l’économie nationale, de mettre au point les principes ci-dessous indiqués du décret de nationalisation et de les soumettre d’ici deux jours au Conseil des Commissaires du peuple.

3. La nationalisation de toute la marine est décrétée.

4. Le soin de maintenir l’ordre sur les bateaux, d’assurer leur conservation, etc., incombe directement aux équipages, et ensuite aux syndicats du personnel navigant de chaque bassin ou de chaque mer.

5. Jusqu’au congrès et jusqu’à l’unification, le Comité central et le Centre-Volga sont reconnus provisoirement Administrations centrales de toute la marine nationalisée.
Si l’unification ne se réalise pas volontairement, le pouvoir des Soviets l’assurera par voie de contrainte.

6. L’activité des Administrations centrales est entièrement subordonnée aux directives des organismes du pouvoir local et central des Soviets.

Additif au projet

Ajouter encore au décret immédiat de nationalisation :

a) l’arrestation de tous les membres des conseils d’administration (consignés à domicile),

b) une aggravation de peine pour toute tentative de destruction de bateaux, etc.

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