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Où va la Libye ?

vendredi 6 mars 2015, par Robert Paris

Où va la Libye ? Suite aux interventions armées occidentales et après trois ans d’instabilité perpétuelle suite à la chute de Kadhafi, la Libye est finalement un pays sans Etat, sans gouvernement reconnu, aux multiples armées concurrentes, en guerre entre elles, subissant l’avancée de l’extrémisme se prétendant islamiste. Les grandes puissances sont intervenues pour empêcher que le peuple libyen détermine lui-même son propre sort comme l’avaient fait les peuples égyptien et tunisien et le résultat est remarquable par son horreur !

Dotée de centaines de milices qui menacent à tout moment de la plonger dans une guerre civile, pourvue de deux gouvernements antagonistes et d’un général qui, à défaut de se prendre pour un nouveau de Gaulle se verrait bien comme un maréchal Sissi libyen… Une Libye proche de l’éclatement et dont le sud désertique est devenu un sanctuaire pour les djihadistes de tout poil… Tel est donc le pays, quatre ans après l’intervention militaire franco-britannique et la disparition programmée de Mouammar Kadhafi qui régnait sur la Libye depuis 1969.

Le bilan de l’intervention occidentale dirigée par la France est donc accablant. Là où les grandes puissances avaient prétendu aider à la naissance d’un nouveau printemps arabe et d’une démocratie, elles n’ont produit qu’un chaos lourd de futures menaces. Une ville de la Cyrénaïque, Derna, a par exemple déjà proclamé son allégeance au califat des égorgeurs se prétendant islamistes de Daech.

Après la première guerre pour renverser Kadhafi, guerre dont les résultats sont plus que catastrophiques, ayant produit l’un des pires terrorismes actuels, plusieurs pays dont Italie, Egypte et France se disent prêts pour une deuxième guerre !!! Les USA n’y sont pas favorables et préfèrent continuer à soutenir une partie des djihadistes qu’ils ont soutenu contre Kadhafi avec la France.

L’impérialisme américain et la catastrophe en Libye

Par Joseph Kishore

Le weekend dernier, le groupe Etat islamique (EI) a affiché une vidéo montrant l’horrible décapitation de vingt et un travailleurs chrétiens coptes enlevés dans la ville de Syrte sur la côte libyenne. Cet acte barbare est le dernier en date d’une suite de tueries similaires qui comprend la décapitation ou le meurtre par le feu d’otages américains, britanniques, japonais et jordaniens.

Cette dernière atrocité a provoqué les prévisibles réactions de choc et de colère de la part des présentateurs de journaux télévisés et des éditorialistes de journaux aux Etats-Unis, en même temps que de nouveaux massacres. En effet, il n’a fallu attendre que quelques heures après l’affichage de la vidéo pour que l’Egypte, dirigée par le général Abdel Fattah al-Sissi, dictateur appuyé par les Etats-Unis, lance une suite de frappes aériennes qui ont tué soixante quatre personnes, dont sept civils.

Washington et ses alliés politiques sont responsables, politiquement et moralement, de ces atrocités. Les décapitations islamistes en Libye sont le résultat du crime monumental qu’a été la guerre menée par l’OTAN en Libye en 2011 et dont l’objectif était de chasser le régime du colonel Mouammar Kadhafi.

Avant l’intervention de l’OTAN, il n’y avait pas d’assassinats sectaires de chrétiens en Libye et les milices islamistes liées à Al-Qaïda n’étaient que de petits groupes sans grande influence. On a armé et promu ces forces quand, en 2011, le gouvernement Obama et ses alliés européens menés par le président français Nicolas Sarkozy, ont décidé de renverser Kadhafi.

Les puissances impérialistes ont alors fait parvenir d’énormes quantités d’argent et d’armes aux milices islamistes et aux combattants d’Al-Qaïda, et ont assuré leur soutien aérien sous la forme d’une campagne massive de bombardements qui a tué des dizaines de milliers de Libyens.

Comme l’avait écrit à l’époque le World Socialist Web Site : « Loin d’être une ’révolution’ ou une lutte de ’libération’, ce à quoi le monde assiste est le viol de la Libye par un gang de puissances impérialistes voulant à tout prix s’emparer de ses richesses pétrolières et faire de son territoire une base néo-coloniale d’opérations pour d’autres interventions à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ».

Les conséquences désastreuses du viol de la Libye ne sont aujourd’hui que trop visibles.

La guerre a culminé avec le bombardement intensif de Syrte et la torture et le meurtre de Kadhafi, après lequel la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton avait dit en jubilant, « Nous sommes venus, nous avons vu et il est mort. » Depuis, la Libye sombre dans une guerre civile toujours plus meurtrière entre diverses factions islamistes et milices rivales qui se disputent le pouvoir. Le pays a aussi servi de terrain d’entraînement à des forces islamistes soutenues par la CIA et se préparant à combattre le régime syrien du président Bashar Al-Assad.

Moins de quatre ans après cette guerre, les médias américains écrivent sur les atrocités du groupe EI comme si l’impérialisme américain n’avait rien à voir dans tout cela. Personne lisant l’éditorial publié dimanche par le New York Times (« Ce que signifie la désagrégation de la Libye ») n’irait même soupçonner que Washington a joué un rôle dans cette catastrophe, tout comme les médias américains qui ont soutenu toute l’opération. Une des personnalités clé de la guerre, feu l’ambassadeur américain en Libye Christopher Stevens, qui a été tué dans une attaque islamiste à Benghazi après la guerre, était lui-même ami avec de nombreux journalistes du NYT.

Le NYT s’inquiète du fait que « ce pays riche en pétrole [glisse] vers le chaos total », et que « l’accroissement et la radicalisation de groupes islamistes crée la possibilité que de vastes zones de la Libye ne deviennent des satellites du groupe Etat islamique ». Le journal réussit l’exploit de décrire le conflit qui a conduit à la destitution de Kadhafi comme une simple « guerre civile » sans même mentionner les six mois de bombardement du pays par l’OTAN.

Le groupe EI est aujourd’hui le plus fort précisément là où Washington est intervenu le plus agressivement. Un autre article publié dans le NYT durant le weekend prévient : « L’Etat islamique s’étend au delà de sa base, en Syrie et en Irak, afin d’établir des filiales militaires en Afghanistan, en Algérie, en Egypte et en Libye ». Le journal ne mentionne pas le fait que les Etats-Unis ont envahi ou financé des guerres islamistes par procuration dans quatre des six pays cités : la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan et la Libye.

Le monde entier assiste à présent aux conséquences de l’irresponsabilité, de la brutalité, de la cupidité et de la stupidité sans bornes de Washington et de ses alliés de l’OTAN.

La responsabilité du désastre libyen incombe pleinement à l’ancien président français Nicolas Sarkozy, instigateur initial de la guerre de l’OTAN en Libye, au Président Obama, dont le gouvernement a fourni l’essentiel des armes qui ont détruit les forces armées libyennes et les grandes villes du pays, et aux puissances alliées de l’OTAN qui ont participé à cette aventure meurtrière.

Ce qui se déroule aujourd’hui à travers le Moyen-Orient en dit long sur l’impérialisme, ses élites dirigeantes, ses serviteurs politiques et ses médias menteurs.

Le gouvernement français brandit la menace d’une nouvelle guerre contre la Libye

Par Stéphane Hugues

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, affirmant que la Libye devenait « un ‘hub’ pour les groupes terroristes, » a lancé la semaine dernière un appel en faveur d’une intervention dirigée par la France en Libye.

Le président François Hollande avait déjà pressé, il y a quelques semaines, les Nations Unies de lui donner son aval politique pour une nouvelle action militaire en Libye après la guerre menée par l’OTAN en 2011. Il avait demandé aux Nations unies de fournir un soutien exceptionnel aux autorités libyennes pour qu’elles restaurent leur Etat, sans quoi le terrorisme se répandrait à travers la région.

Revenant à la charge la semaine dernière, Le Drian a dit : « Aujourd’hui, j’alerte sur la gravité de la situation en Libye…Le sud Libyen est une sorte de ‘hub’ où les groupes terroristes viennent s’approvisionner y compris en armes et se réorganiser. »

Il ajouta en guise d’avertissement, « au Nord, les centres politiques et économiques sont désormais menacés d’être contrôlés par ces djihadistes… Nous devons agir en Libye et mobiliser la communauté internationale. »

Il dit que les troupes françaises actuellement déployées au nord du Mali pourraient se déplacer vers le nord-est et entrer en Libye en passant par l’Algérie, « tout cela se fait en bonne intelligence avec les Algériens qui sont des acteurs majeurs de cette région et dont c’est aussi l’intérêt. »

La justification donnée par Le Drian pour lancer cette nouvelle intervention impérialiste en Libye sent l’hypocrisie à plein nez. Il y a trois ans, la France, les Etats-Unis et d’autres membres importants de l’OTAN, avaient bombardé la Libye et armé une coalition de milices islamistes et tribales liées à Al Quaeda dans le but de détruire l’Etat Libyen et d’assassiner son dirigeant, Mouammar Kadhafi. A présent, ils se saisissent cyniquement du chaos qu’ils ont eux-mêmes déclenché dans ce pays et s’en serve pour justifier une nouvelle invasion, soi-disant cette fois pour combattre les forces islamistes armées par eux il y a trois ans.

Comme d’habitude, les pyromanes de Paris agissent avec un total mépris de l’opinion publique. Un sondage publié par le Figaro jeudi 11 septembre a révélé que 82 pour cent des gens interrogés s’opposaient à une intervention en Libye.

Il est clair pour tout le monde que la guerre menée par l’OTAN en 2011 a produit un désastre pour le peuple libyen et en fait pour toute l’Afrique.

Le Figaro écrit ainsi : « Des milices à dominante islamiste ont pris fin août le contrôle de Tripoli, le gouvernement ‘légitime’ exilé à Tobrouk - à 1200 km - ne gouverne plus rien, les chancelleries occidentales ont mis la clé sous la porte, le Sud est devenu un havre pour terroristes et la bande côtière la plaque tournante du trafic de migrants. Le tout sur fond d’enlèvements, d’assassinats, de tortures qui complètent le tableau d’un État failli jusqu’à l’os. »

La capitale libyenne Tripoli a été le théâtre d’une bonne partie des combats récents entre les milices rivales de Zintan et Misrata qui essayent de contrôler la ville. Il s’est aussi produit une offensive continue menée par un associé de longue date de la CIA, le général Khalifa Hifter, qui est financé par l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats arabes unis et dont l’objectif est de s’ériger en nouveau dictateur libyen. L’aviation des Emirats a récemment effectué une mission de bombardement avec l’armée égyptienne dans le but de soutenir les forces au sol de Hifter.

Les élections libyennes de juin dernier, dans lesquelles seuls 40 pour cent de la population ont voté, n’ont pas entraîné une fin des combats. Le gouvernement sorti des urnes a annoncé sa démission et un autre gouvernement, islamiste, a déclaré qu’il prenait le pouvoir.

Cela représente avant tout une condamnation des groupes de la pseudo-gauche comme le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) en France qui ont fait la promotion des fantassins libyens de l’OTAN et ont prétendu qu’ils menaient une révolution (voir : Un instrument de l’impérialisme : le Nouveau parti anticapitaliste français soutient la guerre contre la Libye ). Faisant comme si les intérêts impérialistes qui sous-tendaient la guerre en Libye étaient sans importance, ils se sont alignés sur la propagande officielle qui glorifiaient l’intervention de Libye et en ont fait une guerre « humanitaire ». Ils portent donc la responsabilité politique des désastres et des dizaines de milliers de victimes causés par cette guerre.

Ils sont de façon plus générale responsables de l’énorme escalade de l’intervention de l’impérialisme français en Afrique à la suite de la guerre libyenne. Paris a profité de la menace posée par les groupes terroristes qu’il a armés en Libye pour justifier des interventions préparées avec l’OTAN et le régime algérien et auxquelles s’oppose une grande majorité de gens en France comme dans l’ancien empire colonial français d’Afrique, y compris en Algérie.

Au Mali, une des principales causes du fait que le gouvernement a failli être renversé en 2012 a été le retour au Nord Mali, après la chute du régime libyen, des mercenaires touaregs lourdement armés qui avaient servi sous le régime de Kadhafi. Ceux-ci se sont alliés à divers groupes islamistes dans le but de lancer une offensive contre le gouvernement de Bamako soutenu par la France. L’armée française est alors intervenue au Mali pour combattre les forces touaregs qu’elle avait chassées de Libye en 2011.

Ces guerres font partie d’une campagne plus vaste de la part de l’impérialisme français et de l’OTAN, menée dans le but de reprendre les anciennes zones d’influence dans lesquelles ils ont gardé des intérêts commerciaux et stratégiques déterminants. L’Algérie a eu des liens économiques étroits avec la France et est un important fournisseur de gaz naturel et de pétrole pour l’Europe. L’Etat français contrôle également de gros investissements au Niger, voisin du Mali, sous la forme de mines d’uranium pour les centrales et les armes nucléaires françaises.

Comme toujours, les considérations domestiques jouent un rôle déterminant dans le bellicisme de l’impérialisme français. En janvier 2013, au moment ou Paris lançait sa guerre au Mali, des responsables du Parti socialiste de Hollande avaient dit à la presse qu’ils prenaient modèle sur la guerre des Malouines, menée par le régime droitier de Margaret Thatcher, dans l’espoir de renforcer, en ralliant le pays autour du drapeau grâce à une guerre rapide, le soutien à leur politique d’austérité dans les classes moyennes.

Dans les récentes semaines, Hollande a connu la crise la plus grave de sa présidence. Après avoir subi des défaites majeures dans les élections municipales et européennes au printemps, qui étaient le résultat de sa politique profondément impopulaire d’austérité, le gouvernement PS s’est effondré, le produit surtout de divisions au sein du parti au pouvoir sur la politique a mener envers l’Allemagne. La cote de popularité de Hollande est depuis tombée au niveau record de 13 pour cent.

Dans cette crise sans précédent, Hollande et le PS se tournent une fois de plus vers la guerre à l’extérieur pour essayer de détourner l’attention de celle qu’ils mènent en France contre la population.

Deux ans après la fin de la guerre des Etats-Unis et de l’OTAN en Libye

Par Bill Van Auken

2 novembre 2013

Aujourd’hui, 31 octobre 2013, marque le deuxième anniversaire de la fin de la guerre menée par les Etats-Unis et l’OTAN dans le but d’opérer un changement de régime en Libye. Il ne faut guère s’attendre à que ce deuxième anniversaire soit fêté en fanfare à Washington, dans les capitales d’Europe occidentale ou en Libye même.

Cette guerre qui a duré près de huit mois a atteint son objectif à savoir le renversement du régime du colonel Mouammar Kadhafi. Le meurtre de ce dernier aux mains d’une horde de « rebelles » soutenus par l’OTAN avait incité le président Barack Obama à proclamer depuis la roseraie de la Maison Blanche que ce sordide événement signalait l’avènement d’une « Libye nouvelle et démocratique. »

Deux ans plus tard, il n’y a aucune trace d’une telle Libye. Le pays, qui a été bombardé par l’armée américaine et ses alliés européens, se trouve dans un état de désintégration avancé. L’on apprenait lundi que la production pétrolière qui génère la quasi-totalité des recettes d’exportation du pays et plus de la moitié de son produit intérieur brut, avait chuté à 90.000 barils par jour, à moins d’un dixième de la capacité d’avant la guerre.

D’importantes installations ont été saisies par des milices armées. En Libye orientale, ces milices prônent la partition du pays en trois gouvernorats – Cyrénaïque, Tripolitaine et Fezzan – comme c’était le cas sous le régime colonial de l’Italie fasciste.

Selon des estimations, il existe près d’un quart de million de miliciens qui sont armés et payés par le gouvernement libyen et qui agissent en toute impunité sous la direction d’islamistes et de seigneurs de guerre régionaux. Les seigneurs de guerre constituent la principale puissance du pays.

Des affrontements entre ces milices, des attaques contre le gouvernement et l’assassinat de ses fonctionnaires sont chose courante. Au début du mois, le premier ministre libyen, Ali Zeidan a été lui-même enlevé par une milice islamiste qui avait agi en signe de protestation contre l’enlèvement le 5 octobre d’un présumé agent d’al Qaida, Abou Anas al-Liby, par des forces spéciales américaines.

Des milliers de Libyens ainsi que des travailleurs migrants d’Afrique subsaharienne sont gardés au secret dans des prisons de fortune contrôlées par les miliciens, soumis à la torture et tués.

Les conditions de vie de la population de cette nation riche en pétrole sont restées épouvantables et le taux de chômage réel est évalué à plus de 30 pour cent. Un million de personnes, dont un grand nombre sont des partisans de l’ancien régime, sont toujours déplacées à l’intérieur du pays.

La continuation de ce chaos deux ans après la fin de la guerre reflète le caractère de la guerre elle-même.

Les Etats-Unis et leurs principaux alliés de l’OTAN, la Grande-Bretagne et la France, avaient lancé la guerre sous le prétexte qu’elle était une intervention humanitaire dont l’objectif était seulement de protéger des vies innocentes. Sur la base d’affirmations infondées selon lesquelles sans une intervention immédiate un massacre imminent de la population révoltée dans la ville orientale de Benghazi par le gouvernement aurait lieu, les puissances de l’OTAN ont fait passer au Conseil de sécurité de l’ONU la résolution 1973 leur permettant d’instaurer une zone d’exclusion aérienne et de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour protéger des civils.

Cette résolution a servi de pseudo caution à une guerre impérialiste d’agression qui a tué quelque 50.000 civils libyens et en a blessé au moins autant. Dans cette guerre, il n’était manifestement pas question de sauver des vies, il s’agissait plutôt d’une guerre de pillage néocoloniale dont le principal but était de faire chuter le régime Kadhafi pour imposer à sa place un fantoche plus complaisant.

Washington et ses alliés avaient monté cette guerre essentiellement comme une réaction stratégique aux soulèvements de masse de la classe ouvrière contre les régimes appuyés par l’occident en Tunisie, à l’ouest et en Egypte, à l’est de la Libye. Le principal objectif était d’arrêter la propagation de la révolution et de maintenir dans la région l’hégémonie des Etats-Unis et de l’Europe de l’ouest tout en y remplaçant l’influence économique et politique de la Chine et de la Russie et en contrôlant plus directement les réserves énergétiques de la Libye.

Le fait que la tentative des puissances impérialistes de camoufler le caractère néocolonial de la guerre a bénéficié de l’aide de toute une couche de forces soi-disant de gauche tant en Europe qu’aux Etats-Unis revêt une signification toute particulière.

Ces éléments, qui incluent des groupes tels que le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en France, le Socialist Workers Party (SWP) en Grande-Bretagne et l’International Socialist Organization (ISO) aux Etats-Unis, présentent la guerre impérialiste contre la Lybie non pas comme une simple « intervention humanitaire » mais comme une « révolution » par les Libyens eux-mêmes.

A ce jour, ces gens se sont tus sur l’état actuel de la Libye et ce pour de bonnes raisons. La dislocation du pays en fiefs de seigneurs de guerre rivaux, la paralysie de l’économie et la pauvreté de sa population sont la preuve que ce qu’ils avaient soutenu en Libye en 2011 n’avait pas été une « révolution », mais un viol impérialiste.

Le régime qui a été porté au pouvoir ne dispose d’aucune autorité précisément parce qu’il doit son succès non pas à un soulèvement populaire révolutionnaire mais à une campagne de bombardement soutenue des Etats-Unis et de l’OTAN, complémentée par des opérations menées par des milices islamistes. Ces milices, dont un grand nombre est lié à al Qaida, avaient, sous la direction des forces spéciales américaines, britanniques, françaises et qatari, servi de troupes terrestres à l’OTAN.

Deux ans après la guerre, cette même couche de la pseudo gauche continue de promouvoir l’intervention impérialiste en vue d’un changement de régime en Syrie – en célébrant une fois de plus les manœuvres de la CIA, de l’Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, ainsi que les atrocités sectaires commises par les milices d’al Qaida, comme une « révolution. »

Ces groupes utilisent ces guerres pour forger des liens encore plus étroits avec leurs propres gouvernements et élites dirigeantes. Leur politique qui, pour l’essentiel, est indiscernable de celle pratiquée par la CIA et le gouvernement Obama, reflète les intérêts d’une couche privilégiée de la classe moyenne supérieure qui est devenue un nouvel appui pour l’impérialisme.

Si la guerre des Etats-Unis et de l’OTAN a réussi à évincer et à assassiner Kadhafi et a mis en ruines une grande partie de la Libye, les objectifs impérialistes visant à piller la richesse pétrolière du pays et à le transformer en une plateforme de l’hégémonie américaine dans la région sont loin d’avoir été réalisés.

Reflétant la grande préoccupation qui règne dans les cercles dirigeants américains et les agences de renseignement à Washington, l’éditorialiste au Washington Post, David Ignatius, a écrit la semaine passée que la Libye représentait « une étude de cas illustrant les raisons pour lesquelles l’influence de l’Amérique a diminué au Moyen-Orient. » Il a reproché au gouvernement Obama de n’avoir pas pris « les mesures nécessaires au cours de ces deux dernières années [qui] auraient pu freiner la chute du pays dans l’anarchie. »

Entre-temps, deux ans après le retrait des troupes américaines, l’Irak sombre dans la guerre civile, et le bilan des victimes a grimpé à des niveaux record avoisinant ceux atteints durant l’occupation américaine. En Syrie, le gouvernement Obama s’est vu contraint de renoncer au recours direct à la force militaire américaine face à une écrasante opposition populaire tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, et qui était motivée par l’énorme hostilité à l’égard des précédentes guerres menées sur la base de mensonges dans l’intérêt de l’oligarchie financière.

Bien que la crise soit venue contrecarrer le calendrier de Washington pour la guerre en Syrie, elle rend, en dernière analyse, des conflagrations encore plus catastrophiques non pas moins, mais plus vraisemblables. Cette menace doit être combattue par la construction d’un nouveau mouvement de masse anti-guerre basé sur la classe ouvrière et dirigé contre le système de profit capitaliste qui est la source de la guerre et du militarisme.

Libye : le visage criminel de l’impérialisme

Par Bill Van Auken

31 août 2011

L’attaque de l’OTAN contre la Libye qui a été, dès son début il y a plus de cinq mois, une guerre impérialiste criminelle est devenue un exercice totalement meurtrier avec la traque du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi par les agents des forces spéciales et du renseignement.

Dès le début, les principaux objectifs de cette guerre ont été de s’emparer du contrôle des réserves pétrolières de la Libye, les plus vastes du continent africain, et de faire une démonstration de force impérialiste dans le but de réprimer et de détourner les mouvements de masse populaires qui, il y a quelques mois seulement, avaient renversé les régimes de Moubarak en Egypte et de Ben Ali en Tunisie, soutenus par les Etats-Unis et l’OTAN,.

L’OTAN a appelé son assaut militaire « Protection des populations et des zones civiles » (« Operation United Protector »), mais il aurait été plus approprié de le nommer « Opération de viol collectif impérialiste ». Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, qui poursuivent tous leurs propres intérêts en Libye et dans la région en général, ont réussi à s’unir pour l’objectif commun de « changement de régime. »

A cette fin, des avions de combat de l’OTAN ont effectué plus de 20.000 sorties, détruisant des écoles, des hôpitaux et des logements et abattant un nombre incalculable de soldats libyens, nombre d’entre eux de jeunes appelés.

Bafouant les termes de la résolution des Nations unies autorisant « l’usage de tous les moyens nécessaires » pour protéger les civils, les puissances de l’OTAN, dont les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, ont envoyé des soldats des forces spéciales, des mercenaires militaires et des agents du renseignement engagés par contrat dans le but d’armer, d’organiser et de diriger les soi-disant « rebelles » dont la tâche essentielle était d’attirer les forces gouvernementales libyennes dans des combats afin de les éliminer à l’aide de l’aviation.

La prétention que cette guerre serait une guerre pour protéger des civils a été démasquée comme étant une obscénité morale. Le bilan s’élève rien qu’à Tripoli à des milliers de morts alors que les bombes et les missiles de l’OTAN continuent de s’abattre dans des régions fortement peuplées.

Pour trouver des parallèles appropriés il faut se reporter aux années 1930 où le capitalisme mondial, tout comme aujourd’hui, était frappé par une crise économique désespérée. A l’époque, l’humanité était sidérée par l’agression sauvage déclenchée par l’invasion italienne de l’Ethiopie, le soutien accordé par Hitler aux Allemands des Sudètes pour découper la Tchécoslovaquie et le bombardement de l’Espagne par la Légion Condor allemande au nom de l’insurrection fasciste de Franco.

A cette époque, ces actes d’agression brutaux étaient regardés comme l’expression de la plongée du capitalisme mondial dans la barbarie. De nos jours, des actes identiques en Libye sont présentés comme étant l’épanouissement de « l’humanitarisme » et de la « démocratie. »

A l’époque, le président Franklin Delano Roosevelt avait fait appel aux sensibilités démocratiques du peuple américain – tout en préparant bien sûr les Etats-Unis à la poursuite de leur propres objectifs impérialistes – réclamant une mise en « quarantaine » de l’agression fasciste.

En 1937 Roosevelt avait déclaré, « Sans déclaration de guerre et sans avertissement ou justification d’aucune sorte, les civils, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, sont impitoyablement assassinés par des bombes tombant du ciel… Des pays fomentent des guerres civiles ou prennent parti dans ces guerres dans des pays qui ne leur ont jamais fait de mal. Des pays réclamant la paix pour eux-mêmes la refusent aux autres. Des gens innocents, des nations innocentes, sont cruellement sacrifiés pour le pouvoir et la suprématie qui sont dépourvus de tout sens de justice et de considération humaine. »

Ces paroles datant d’il y a trois quarts de siècle se lisent comme un réquisitoire contre le gouvernement Obama et les gouvernements de Cameron, de Sarkozy et de Berlusconi.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les procès de Nuremberg ont défini la guerre d’agression comme le « crime international suprême, ne différant des autres crimes de guerre que du fait qu’il contient les maux de tous. »

Cette conception avait été incorporée aux Nations unies qui excluent « de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat. »

Et pourtant, de nos jours, il n’y a presque pas de critiques au sein de l’establishment politique contre la guerre d’agression menée par les alliés de l’OTAN. La canaille des médias s’est totalement intégrée à la machine de guerre impérialiste, marchant, au sens propre du terme, par dessus les cadavres et dissimulant les chiens de guerre occidentaux qui fuient les caméras pour pouvoir mieux façonner leur propagande sur la « révolution » et la « libération » en Libye.

La force motrice derrière la guerre en Libye est l’impérialisme, ce que Lénine a judicieusement décrit comme réactionnaire sur toute la ligne. C’est une guerre qui a été menée dans les intérêts prédateurs du capital financier. Elle est conçue pour produire ce que la presse économique appelle généralement une « aubaine » non seulement pour les principaux groupes énergétiques mais pour les banques et les entreprises tout en consolidant, de plus, les vastes fortunes accumulées par l’élite dirigeante par le biais de la spéculation financière, de la réduction des coûts de la main-d’œuvre en Amérique et en Europe et de l’exploitation de la main d’œuvre à bas salaire dans le monde entier.

Le banditisme international va de pair avec la criminalité économique et politique à l’intérieur du pays. L’agressivité à l’étranger est inséparable de l’attaque sans merci contre le niveau de vie et les droits fondamentaux des grandes masses de la population laborieuse en Europe, en Amérique et pratiquement tous les grands pays. Alors que partout on dit aux travailleurs qu’il n’y a pas d’argent pour l’emploi, l’éducation, les soins de santé, les retraites ou les services sociaux vitaux, des milliards sont dépensés pour bombarder et envahir la Libye sans que soit posée la moindre question.

Un trait frappant de la guerre en Libye est la manière dont elle a mobilisé derrière elle une certaine couche socio-politique comprenant des ex-gauchistes de la classe moyenne, des universitaires libéraux et d’anciens militants. C’est un processus qui s’est développé durant plusieurs décennies et qui s’est accéléré par la démoralisation d’une section de cette couche dont le « gauchisme » s’appuyait fortement sur la bureaucratie stalinienne et qui a commencé à se disperser avec l’auto-liquidation de celle-ci. D’autres s’étaient ralliés à l’intervention impérialiste dans les Balkans, attirés alors, comme maintenant, par les fausses affirmations que les plus grands agresseurs du monde menaient une guerre pour les « droits de l’homme. »

Il faudrait être aveugle aujourd’hui pour ne pas voir le profond changement qui se produit au sein de cette couche. L’on y trouve les vauriens universitaires comme Juan Cole, professeur d’histoire du Moyen-Orient à l’université du Michigan qui se sert de sa réputation de critique de la guerre du gouvernement Bush contre l’Irak pour vendre la guerre contre la Libye du gouvernement Obama.

En Europe, des groupes comme le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) français ont utilisé la guerre pour forger des liens plus étroits avec leurs propres gouvernements et pour promouvoir les intérêts de leurs propres élites dirigeantes. Ils représentent toute une strate de la classe moyenne privilégiée qui est recrutée comme la nouvelle couche de soutien de l’impérialisme. Leur politique est pour l’essentiel exactement la même que celle d’Obama et de la CIA.

La guerre en Libye ne jouit d’aucun soutien populaire significatif dans aucun des pays agresseurs. Les travailleurs soupçonnent instinctivement que cette guerre, comme celles qui l’ont précédées, est menée au profit de l’oligarchie financière et aux dépens des masses.

La lutte contre la guerre et l’impérialisme ne peut être victorieuse que si elle est centrée sur la classe ouvrière. Le combat contre la guerre et la lutte contre la destruction des emplois, du niveau de vie et des droits fondamentaux sociaux et démocratiques sont aujourd’hui inséparables. Le militarisme à l’étranger et la contre-révolution à l’intérieur du pays ont des racines objectives communes dans la crise insoluble du capitalisme mondial. Tous deux ne peuvent être vaincus que par la mobilisation politique et l’unité internationale de la classe ouvrière en lutte pour le socialisme.

Messages

  • A cinq ans de l’opération militaire de la France, dirigée alors par Sarkozy, jamais remise en cause ni par Hollande-Valls-Le Drian, non seulement pour ne pas laisser se développer la révolte du peuple libyen, don printemps arabe, non seulement pour arrêter le dictateur libyen Kadhaffi mais aussi pour l’exécuter sommairement et sans jugement, sans aucune nécessité, on peut constater à quel point ces forces armées françaises appuyées par tous les impérialismes occidentaux, sans le soutien de la Chine et de la Russie et qui a débuté la rupture entre eux, a eu des résultats catastrophiques pour la population civile et géniaux pour les bandes armées, pour les terroristes, se revendiquant ou pas de l’islam, et que le pays, loin d’être en train de se reconstruire, s’effondre sans cesse davantage, que la situation sécuritaire est pire que jamais, que les populations menacées dans leur existence quotidienne sont contraintes de migrer et que l’insécurité régionale est entretenue sans cesse à partir de la Libye, notamment avec des envois de pétrole et d’armes en direction de l’Algérie et de l’Afrique noire, via le Sahel. Faut-il continuer à faire croire qu’on libère les peuples en développant des guerres des armées occidentales, demandez à la Libye !!!

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