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Histoire des luttes de classe en Colombie

mercredi 20 mai 2015, par Robert Paris

Histoire des luttes de classe en Colombie

Une particularité des classes dirigeantes colombiennes : elles ne manifestent aucune envie de laisser la moindre démocratie dans les relations sociales et font sans cesse appel à des assassins professionnels pour régler les conflits du travail. En même temps, le pouvoir capitaliste et des grands propriétaires terriens mène la lutte de classe contre les révoltes paysannes et celles des populations indigènes. Et il entretient une guerre permanente contre la guérilla. Guerre qui lui permet de maintenir le pays sous la dictature en entretenant des bandes de tueurs, les « paramilitaires » qui agissent aussi contre les syndicalistes et les grèves.

En 2010, pour un total de 46 millions d’habitants, la Colombie compte 18,5 millions d’ouvriers et de travailleurs. Ils sont répartis comme suit dans les différents secteurs : 9 millions de travailleurs dans le tertiaire (services, banques, commerces), 4,5 millions dans le secteur industriel-manufacturier et 5 millions dans le secteur primaire (agriculture, pêche, bétail, exploitation minière).

Il est important de tenir compte du fait qu’en Colombie, 57% de ces ouvriers et travailleurs, soit 10 millions de personnes, travaillent dans des conditions précaires et de sous-emploi. A ceux-là s’ajoutent les 4 millions de chômeurs.

Bien qu’ils représentent la majorité de la population - face à 800.000 personnes issues de la grande bourgeoisie et des propriétaires fonciers - la classe ouvrière, les travailleurs et le peuple en général, ont souffert d’un processus de désarticulation. Leurs organisations et leurs luttes n’ont pas pu freiner les impacts du néolibéralisme. Elles n’ont pas pu construire un projet national révolutionnaire qui soit capable, dans des conditions objectives et subjectives, d’arriver au pouvoir.

Par exemple, sur les 8 millions de travailleurs du secteur formel, seuls 810.000 sont syndiqués. Ca s’explique notamment par la précarisation du travail et d’autres facteurs liés aux contrats qui tendent à réduire les coûts de la main d’œuvre. De plus, les assassinats systématiques, la répression exercée pendant le processus de fascisation, la législation du travail et la terreur ont produit une diminution des conventions collectives. Actuellement, parmi les ouvriers, seuls 124.000 sont syndiqués. Ca représente moins de 2% de la classe ouvrière. On doit encore ajouter à ce sombre constat la criminalisation des syndicats, la législation anti-grève et l’anti-syndicalisme présent dans la société colombienne.

Dans ces conditions, de nouvelles tendances réformistes et social-démocrates ont émergé au sein du mouvement ouvrier et syndical. Elles considèrent que le mouvement doit soutenir le régime de Santos car sa présidence est vue comme un « repos démocratique », après huit années de fascisme sous Alvaro Uribe. Ce courant se caractérise par le clientélisme et l’anti-démocratie syndicale en utilisant des postes dans l’appareil syndical comme des privilèges personnels et en limitant la lutte des ouvriers et des travailleurs au terrain strictement corporatif. De fait, ce nouveau courant empêche les masses d’entrevoir un projet politique et sociétal alternatif au modèle néolibéral.

Pour le reste du peuple colombien, les conditions sociales sont également précaires. Selon l’indice GINI des inégalités qui frôle les 0.6, la société colombienne est l’une des sociétés les plus excluantes. 20 millions de Colombiens vivent dans la pauvreté et 8 dans l’indigence. Les femmes et les jeunes sont les plus touchés.

Les femmes subissent différentes formes de violence et d’exclusion : violences sexuelles et assassinats de la part de l’armée, la police et les paramilitaires ; déplacements forcés ; chômage, emplois précaires…

Pour leur part, les jeunes qui représentent près de 25% de la population, soit 12 millions de personnes, subissent chômage, stigmatisation, difficulté d’accès aux études moyennes et supérieures…

Autres victimes : les paysans et les indigènes qui affrontent non seulement les propriétaires fonciers et l’Etat, mais aussi les monopoles impérialistes qui accaparent l’usufruit en s’appropriant des terres pour développer des mégaprojets agro-industriels miniers et énergétiques.

Cette situation a entraîné ces dernières années un accroissement des organisations de lutte regroupant femmes et jeunes contre les implications du modèle néolibéral et le processus de fascisation. Des luttes contre la violence de genre, la faim, pour l’emploi et l’éducation.

Après trois décennies de fascisation et de désarticulation, de nouvelles formes d’organisations politiques et sociales ont vu le jour pour construire un nouveau projet national révolutionnaire. Par exemple, le Congrès des Peuples et le Cabildo Patriotico por la Independencia, qui entre juillet et octobre 2010 ont convoqué des milliers de Colombiens, ont installé des formes d’organisation et d’articulation originales au niveau national et régional confluant avec d’autres secteurs dans la Coordination des Organisations et Mouvements Sociaux de Colombie.

Ce sont des expressions populaires caractérisées par une diversité de pensées et de positions. Elles cherchent à ouvrir des scénarios de participation sociale dans un processus complexe, elles cherchent à surmonter le sectarisme et l’hégémonisme. Pour finalement ouvrir des possibilités de constituer un front unique capable de faire face à l’impérialisme, de faire reculer le fascisme et de faire avancer la démocratie populaire et le socialisme.

Ces mouvements doivent cependant affronter le danger de cooptation du gouvernement de Santos. Il faut au contraire, face à ce gouvernement, adopter une attitude ferme de défense des intérêts du peuple.

Pendant les trois dernières décennies, la société et la lutte des classes en Colombie ont été marquées par la contradiction existant entre d’une part l’impérialisme, principalement nord-américain, et les classes dominantes, et d’autre part la nation et le peuple colombien. Dans ce contexte, les forces réactionnaires ont développé un processus de fascisation de l’État et de la société en imposant dans de vastes secteurs de la population, outre des structures politiques antidémocratiques, une idéologie fasciste. Ce processus de fascisation a atteint son sommet sous la présidence de Álvaro Uribe Vélez (2002 - 2010). Pendant ces trois dernières décennies, et principalement sous les gouvernements d’Uribe, le pays a traversé une grave crise humanitaire, résultat du déplacement de 4 millions de paysans vers les villes, créant une base immense de semi-prolétaires.

Parallèlement à la fascisation, un modèle économique néolibéral a été imposé. Il a approfondi le néo-colonialisme et sapé profondément la souveraineté nationale en cédant des grandes richesses et des forces de production aux méga-monopoles impérialistes et à une poignée de groupes monopolistiques créoles principalement centrés sur des activités financières spéculatives et des activités minières et énergétiques.

De son côté, le peuple a connu pendant ces trente années un repli politique, suite à la guerre et à la répression. Ce repli a été marqué par un affaiblissement des organisations populaires et des projets politiques révolutionnaires : certains ont capitulé devant le fascisme ou se sont tournés vers des politiques réformistes et sociale-démocrates.

À partir de 2010, le président Juan Manuel Santos, légitime représentant de la grande bourgeoisie pro-impérialiste, a proposé un gouvernement néolibéral d’unité nationale qui poursuit sur la voie ouverte par le fascisme et les transformations économiques, politiques et culturelles opérées par celui-ci. Un contexte international de crise économique a exigé de la grande bourgeoisie qu’elle change de stratégie et mette Juan Manuel Santos à la place de Álvaro Uribe Vélez pour résoudre les contradictions parmi les classes dominantes engendrées par ce dernier, en favorisant l’approfondissement du modèle économique néolibéral, la négociation de nouvelles conditions de domination néocoloniale avec le gouvernement démocrate des États-Unis, la recherche de nouvelles alliances internationales, en surmontant le relatif isolement politico-diplomatique de l’ère Uribe. C’est pourquoi les forces réactionnaires ont besoin de ré-institutionnaliser et de légaliser le “désordre” généré par Uribe. Pour de vastes secteurs de la grande bourgeoisie, Uribe n’est plus nécessaire puisqu’il s’est déjà acquitté de son triple rôle : contre-insurrection pour frapper le secteur révolutionnaire, principalement armé ; investissement impérialiste ; et cohésion sociale. Les objectifs évoluent maintenant avec Santos : prospérité démocratique, c’est-à-dire, une plus forte croissance économique à partir du secteur minier et énergétique ; maintien de l’orientation vers la défaite de l’insurrection ; et mise en œuvre de la cooptation des dirigeants et des mouvements populaires. Le tout, sans démonter les éléments de fascisation hérités des 30 dernières années.

Guerre civile colombienne (1860-1862)

La guerre des Mille Jours (1899-1902)

L’anarcho-syndicalisme à la fin du 19ème siècle, cliquer ci-dessous :

Le massacre des bananeraies – 1928

L’assassinat de Gaitan – avril 1948

La guérilla de l’Armée de Libération Nationale – fondée en 1964

Interventions armées des USA et de la Colombie sous prétexte de lutte anti-terroriste et anti-drogue – 1999

Uribe, à la tête des patrons, des propriétaires terriens et autres profiteurs - 2003

Cinquante ans de violence – le point en 2008

Grève des coupeurs de canne de Colombie - Septembre 2008

La guérilla des FARC en 2008

Les crimes d’Uribe – mars 2008

La réalité du syndicalisme en Colombie – juillet 2008

La face cachée des mines suisses en Colombie – décembre 2010

Coup de grisou mortel dans la mine – janvier 2011

Menaces de mort contre des travailleurs de Tenaris – avril 2011

Assassinat de Ana Fabricia Córdoba – juin 2011

Grève du pétrole – juillet 2011

Assassinat d’un dirigeant d’un syndicat minier – août 2011

Le leader des mineurs Rafael Tobón abattu à Antioquía – août 2011

Assassinat du Secrétaire général des travailleurs de la canne à sucre – mai 2012

Grève générale – juin 2012

La police contre une lutte de travailleurs – janvier 2013

Grève des mineurs – février 2013

Grève dans la mine de charbon de Cerrejón – mars 2013

Lutte des coupeurs de canne à sucre – avril 2013

Menaces de mort contre des dirigeants syndicaux – juin 2013

Grève des mineurs – juillet 2013

Révolte paysanne – août 2013

Grève nationale regroupant paysans, indigènes, mineurs et camionneurs – août 2013

Assassinat d’un dirigeant colombien de la paysannerie – août 2013

Harcèlement des militants syndicaux – novembre 2013

Assassinat de deux jeunes mineurs d’or – novembre 2013

Lutte des travailleurs de la canne à sucre – mars 2015

Grève illimitée des mines et de l’énergie – mars 2015

Lire encore sur les luttes de classe en Colombie

Messages

  • Graves disturbios se presentaron este miércoles en el municipio de Planeta Rica en Córdoba, luego que una marcha pacífica por la falta de agua en la región desencadenara en enfrentamientos entre los habitantes del pueblo y la Fuerza Pública.

    La marcha pacífica comenzó en la mañana de este miércoles, pero cuando el Escuadrón Móvil de la Policía hizo presencia, comenzaron los disturbios que dejaron como resultado, la captura de 34 personas acusadas de causar daños en la alcaldía, la casa del alcalde y la sede del acueducto.

    En medio de los disturbios, también se dio bloqueó la vía que comunica a Montería con Medellín, que comunica al departamento de Córdoba con el interior del país.

  • Chacun se félicite de la fin de la violence en Colombie mais il y a loin de la coupe aux lèvres et on a beau se féliciter des accords de paix avec les FARC, cela ne signifie pas que les milices anti-Farc vont aussi se démobiliser aisément, et ce d’autant moins que les causes réelles d’affrontements sont d’abord sociales et résident dans l’opposition entre les grands propriétaires et les petits paysans. Les latifundiaires utilisent la violence des milices armées paramilitaires pour virer les petits paysans, récupérer le maximum de terres, y faire pousser du bois de teck et des palmiers à huile et autres plantations de rendement agro-industriel et empêcher les paysans de pratiquer des cultures vivrières. Les terres qu’ils ont volées, en tuant et en violant les villageois, qu’il ait ou pas la paix officielle, ils ne comptent pas les rendre. Tout ce qu’ils veulent c’est être blanchis au nom de la réconciliation et de la paix pour leurs crimes qu’ils gardent de reconnaître entièrement. Quant à l’Etat, qui a été complice ou exécutant de ces crimes contre la population, il ne veut que sortir renforcé de cette « paix »… Ce n’est pas une plus grande place aux populations paysannes ou indiennes qu’il compte en retirer ! Quant aux assassinats de leaders paysans et indiens, ils se poursuivent !!!

  • En Colombie, les assassinats d’acteurs sociaux et leaders paysans se multiplient...

    Selon Amnesty international, 75 personnes ont été tuées au cours de l’année 2016. Une organisation locale donne elle le chiffre de 116 assassinats l’année dernière et 20 depuis la signature de l’accord de paix avec les FARC, en novembre dernier. La série noire continue et les organisations des droits de l’homme s’en inquiètent. Elles demandent au gouvernement de Juan Manuel Santos, prix Nobel de la Paix 2016, d’agir.

    Mais c’est la paix des cimetières en Colombie ! Et la paix pour les exploiteurs et leurs tueurs !

  • Depuis le début de 2016, 156 militants des droits humains et leaders d’associations ont été assassinés, et 500 autres menacés en Colombie, qui met en œuvre un accord de paix avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes), rapportent vendredi 31 mars les autorités.

    Le dernier assassinat en date est survenu samedi soir à Turbo, où quatre hommes armés circulant à moto ont enlevé chez lui Porfirio Jaramillo, leader de Tierra y Paz (« terre et paix »), une organisation de restitution des terres aux déplacés par la violence. Son cadavre a été découvert le lendemain à l’aube par la police.

    Les FARC ont à plusieurs reprises dénoncé ces homicides, craignant que le retour à la vie civile des guérilleros ne se traduise par des violences similaires à celles qui avaient suivi un précédent processus de paix avorté, sous la présidence de Belisario Betancur en 1984.

    Quelque 3 000 militants du parti de gauche Union patriotique (UP), dont deux candidats à la présidence, avaient alors été tués par des milices paramilitaires d’extrême droite avec la complicité des forces armées.

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