mardi 19 avril 2016, par
Syndicats, gauche du PS, front de gauche, extrême gauche, dirigeants associatifs de toutes sortes des « indignés », tous essaient de faire croire que la lutte serait bien engagée et qu’elle peut gagner de cette manière (gagner signifiant pour eux uniquement retirer la loi El Khomri et pas les lois précédentes ni suivantes, pas la loi d’urgence qui permet de réprimer violemment les travailleurs et les jeunes !) et même qu’elle aurait engrangé de premiers succès. En réalité, pendant que tout le monde est fixé sur la loi El Khomri, le gouvernement fait passer d’autres lois antisociales ; comme la loi Hirsch à l’hôpital public ou la loi Pépy à la SNCF, des lois qui passent en silence et dont personne ne parle ou bien qu’on isole, comme la loi Pépy, alors qu’elles s’emmanchent exactement dans la même logique antisociale que la loi El Khomri… Et le gouvernement ne retire même pas sa loi sur laquelle les organisations ont fixé l’objectif unique du mouvement !! Et tout cela face à un gouvernement faible, impopulaire dans cette loi, pas du tout soutenu par l’opinion publique. Comment un tel échec retentissant peut-il être le produit d’une large mobilisation de la jeunesse et de journées syndicales plutôt réussies ? Les organisations précitées se gardent d’expliquer comment un tel gouvernement faible peut se comporter à l’égard du mouvement comme un gouvernement fort !
Alors que cette fameuse direction des luttes fait comme si on était en train de battre le gouvernement, la casse continue : réforme des minima sociaux, réforme des marchés publics, réforme fiscale, réforme du collège, réforme de la magistrature, réforme Eckert, réforme de la SNCF, réforme de l’hôpital public, réforme égalité et citoyenneté, réforme territoriale, etc., toutes occasions pour développer l’austérité, la destruction des services publics, des suppressions d’emplois de fonctionnaires, des aides aux capitalistes et aux banquiers, de l’austérité, de la casse des droits sociaux et on en passe…
Et tout cela passe dans le plus grand silence puisqu’on ne parle que de la loi El Khomri ! Qui a relevé que ce gouvernement affaibli a adopté sans réaction sérieuse la privatisation de la SNCF, la casse de l’hôpital public et de ses personnels, la casse de EDF, de Areva, de radio France, de France Televisions, la privatisation du recouvrement de l’impôt, de l’examen du permis de conduire, le développement de l’Etat policier, et on en passe… Certes, les syndicats se proposent de protester séparément contre la loi Pépy le 26 avril mais pourquoi séparer cette attaque des autres ? Est-ce que le fait, pour les syndicats, d’avoir séparé la loi Hirsch n’a pas mené le mouvement contre elle à l’échec ? Peut-on lutter contre une attaque d’ensemble en séparant et en isolant ses différents éléments ?
Il a suffi d’un mois de « mobilisations » pour faire en sorte qu’une révolte sociale générale soit enterrée, enfoncée dans l’impasse, sans perspective.
Selon un rythme bien connu lors des luttes cheminotes, hospitalières, des retraites et autres, les directions syndicales ont appelé à des journées d’action les 17 mars, 24 mars, 31 mars, maintenant le 9 avril et encore le 28 avril, bientôt le 1er mai... Journées soi-disant unifiantes durant lesquelles rien n’est pour unir et organiser… Les entreprises en lutte sont appelées à se mettre en grève d’autres jours que lors des journées d’action et restent isolées…
Pourtant ce que révélait la révolte de la jeunesse ne pouvait qu’être une grande avancée : un rejet de l’Etat au service des patrons, un rejet de la répression de l’Etat d’urgence, un rejet de l’opposition entre jeunes et salariés, un refus d’un avenir de précarité et de misère, un rejet de la gauche gouvernementale autant que de la droite, de l’extrême droite et du patronat… Faire de tout cela un séparation entre jeunes et salariés, un boulevard pour de nouvelles fausses réformes du gouvernement, il fallait y parvenir et les faux leaders des luttes y sont parvenus. Voyons comment…
Le 9 mars, on pouvait croire que la loi El Khomri était en train d’unir contre elle la jeunesse et les travailleurs aux côtés des syndicats à la fois contre le patronat et le gouvernement. Pourtant, dès ce premier jour, le mouvement était déjà englué dans la duperie de ses prétendus dirigeants : les centrales syndicales avaient certes fait croire qu’elles étaient à fond dans le mouvement initié par la jeunesse, avaient posé toutes des préavis de grève pour cette journée nationale mais aucune n’y appelait en réalité dans les entreprises, aucun tract ne demandait aux travailleurs de faire grève, ni dans le privé ni dans le public, pour éviter une jonction entre travailleurs et jeunes, pour éviter aussi le démarrage d’un mouvement qui pourrait ensuite être incontrôlable et plus canalisable par les organisations réformistes. Au moment même où plus de 70% de la population soutenait les syndicats en lutte contre la loi El Khomri, ces derniers n’étaient nullement en lutte. Ils accompagnaient seulement les jeunes dans la rue, avec modération, et en disant à leurs militants et aux travailleurs que ce n’était pas la peine de tout miser sur le 9 mars puisque c’était seulement une journée de la jeunesse et que tous les syndicats avaient décidé, avant le 9, que ce n’est que le … 31 que les syndicats allaient mobiliser !!!
Et ce n’était encore là qu’une des manœuvres d’une stratégie bien huilée des appareils syndicaux ! Tout d’abord, il y avait les déclarations claires et nettes des syndicats de la SNCF et de la RATP qui appelaient par hasard à la grève le 9 mars. Les syndicats précisaient, pour tous ceux qui y auraient vu une convergence, que ces mouvements n’avaient rien à voir les uns avec les autres. A la RATP, cela avait même suffi à démobiliser complètement les syndicats. A la SNCF, on précisait que la lutte contre la loi El Khomri n’était pas la lutte contre la « loi Pépy ». Cette dernière était présentée aux cheminots contre une lutte de longue haleine qui allait se décliner en de nombreuses journées d’action. Inutile donc de se mobiliser tout de suite.
Pas question pour aucune centrale syndicale d’envisager des assemblées sur les lieux de travail début mars, ni de discuter de la nécessité d’une grève générale, encore moins de tâcher de mettre en place des assemblées interprofessionnelles alors que la mobilisation ne pouvait qu’être interprofessionnelle ! Pourtant, les salariés du public et du privé s’estimaient également concernés par cette attaque et affirmaient majoritairement soutenir le mouvement. Mais pas de démarrage d’un mouvement quelconque pour les centrales jusqu’à… la fin mars !!!!
La population laborieuse et la jeunesse soutenaient les syndicats contre le gouvernement au moment même où des mêmes syndicats nationaux n’étaient nullement décidés à entrer sérieusement en lutte contre un gouvernement Hollande qu’elles avaient appelé comme sauveur face à Sarkozy et qu’elles n’avaient jamais sérieusement combattu quand Hollande avait attaqué lui aussi les retraites, quand il avait fait cadeau de leurs impôts aux patrons, quand il avait engagé des guerres tous azimuts, ni quand il mettait en place l’Etat policier…
Pourquoi les centrales bureaucratiques considéraient le 9 mars comme un soutien à la jeunesse et pas comme une journée de grève ? Motus ! Pourquoi une suite presque un mois plus tard ? Motus ! Pourquoi isoler la lutte des cheminots de celle sur la loi El Khomri ? Motus ! Pourquoi isoler la lutte des personnels de l’Hôpital public directement menacés par le projet Hirsch ? Encore motus ! Silence complet sur toutes ces questions de la part de tous ceux qui vont s’autoproclamer dirigeants du mouvement contre la loi El Khomri, qu’il s’agisse de dirigeants syndicaux, de dirigeants politiques ou associatifs ! Tous sont complices de la tromperie des luttes sociales qui les mènent les unes après les autres dans le mur sans qu’aucune leçon n’en soit jamais tirée…
Et, pendant que toute la lutte sociale en France est présentée comme une lutte seulement contre la loi El Khomri, les attaques autres que cette loi se multiplient, que ce soient par d’autres lois, par des patrons du secteur public comme Hirsch ou Pépy, ou par des patrons privés. C’est même à une offensive générale du patronat et du gouvernement à laquelle on assiste, alors que le gouvernement fait mine de rétropédaler sur la loi El Khomri, fait semblant de tenir compte du rapport de forces, crédite ainsi les organisateurs du mouvement, sans jamais leur céder par contre réellement…
Le fait que le gouvernement n’est pas dupe des efforts des centrales syndicales pour le contrer est démontré par la nomination, en plein mouvement, de deux dirigeants syndicaux à des postes d’Etat par ce gouvernement : l’ex secrétaire général de la CGT, un proche de l’actuel dirigeant de la CGT, et un responsable FO, proche du responsable actuel de FO, accèdent ainsi à des postes de hauts fonctionnaires d’Etat. Un message clair que le gouvernement remercie les dirigeants syndicaux de leur soutien… au moment même où tous les dirigeants du mouvement contre la loi El Khomri se gardent de relever le double langage syndical !!!
Pendant ce temps, ces mêmes dirigeants syndicaux continuaient à mener séparément des luttes dans les hôpitaux, à la SNCF, à La Poste, à EDF, à Total, à Areva, pour les salaires des fonctionnaires, etc., des luttes isolées les unes des autres, avec des journées d’action bien prévues d’autres jours que la mobilisation contre la loi El Khomri pour éviter tout risque de convergence et toute émergence d’un réel mouvement social explosif, pourtant le seul moyen de donner un coup d’arrêt à l’attaque antisociale…
Il est devenu plus clair aux yeux de la jeunesse, même si les fédérations syndicales lycéennes et étudiantes le cacher autant que possible, que les jeunes ne pouvaient pas compter sur les dirigeants syndicaux et même qu’il fallait qu’ils tâchent par eux-mêmes de construire la liaison avec les travailleurs.
C’est à ce moment-là que les associations comme Attac, DAL, et autres mouvements du type « indignés » soutenus par les média ont trouvé un nouveau dérivatif à l’explosion sociale : #NuitDebout ! Il s’est agi de prendre le relai des syndicats pour encadrer les révoltés en évitant toute contestation des limites imposées par les centrales syndicales et même toute discussion sur ce thème et également toute convergence en dehors des nuits dans les rues et les places…
Jamais ces associatifs, soutenus par l’extrême gauche et la gauche de la gauche, n’ont cherché à discuter de la manière de déborder le barrage des appareils syndicaux pour que le mouvement gagne la classe ouvrière. Il n’y a jamais eu de tentative de s’adresser en masse aux salariés devant leurs entreprises. Il n’y a même pas eu de critique des stratégies syndicales alors que celles-i recommençait la méthode qui aavit déjà amené dans le mur les mouvement des retraites, le mouvement contre la loi Macron, le mouvement contre le CICE (cadeau au patronat de leurs impôts sans passer par le Panama !), le mouvement contre la privatisation de la SNCF ou encore le mouvement contre la prétendue réforme de l’Hôpital Public par Hirsch et le gouvernement…
Non, « #NuitDebout » ne proposait pas de contester la direction bureaucratique des syndicats ! Ni de réellement pousser plus loin le mouvement contre la loi El Khomri. Ni de l’étendre aux autres secteurs en lutte. Ni de susciter de réelles liaisons entre jeunes et travailleurs. Seulement d’occuper… les manifestants plutôt que d’occuper les entreprises… Il n’était nullement question de créer des comités d’organisation liant les travailleurs et les jeunes, liant public et privé, liant les luttes entre elles. La seule radicalité autorisée par #NuitDebout était le radicalisme verbal sur le travail ou, pour certains, le radicalisme de l’affrontement avec les forces de l’ordre…
Le secrétaire général de la CGT, Martinez, interviewé, déclarait qu’il ne sentait nullement critiqué par le mouvement Nuit Debout et qu’au contraire, il ressentait que celui-ci complétait, sur le terrain politique, l’action des syndicats qui, selon lui, se devait de rester sur un terrain purement syndical…
En somme, les uns et les autres étaient bien d’accord pour jouer au faux radicalisme contre le patronat et le gouvernement pour éviter, surtout, le véritable radicalisme consistant à organiser en comités, en conseils, en assemblées interpro et leur permettre de décider eux-mêmes ainsi des suites du mouvement, en cassant la séparation entre entreprises et jeunes…
Les uns et les autres étaient bien d’accord pour ne pas globaliser l’ensemble des lois scélérates du gouvernement, à ne pas relier le combat contre El Khomri au combat contre l’Etat policier, au combat contre la politique de guerres à outrance, contre la volonté de transformer les jeunes en militaires (« Engagez-vous dans l’armée » annoncent les affiches de Hollande-Valls !), contre la volonté de pousser toute la population contre les Roms, contre les migrants, contre les immigrés, contre les Musulmans, etc…
Loin de montrer que la guerre intérieure et extérieure de Valls-Hollande est le complément de la la guerre antisociale marquée notamment par des lois comme El Khomri, Touraine, Sapin, Cazeneuve et autres, les dirigeants de la lutte se gardent de donner un caractère lutte de classes au mouvement.
Pourtant, cette lutte démontre que la jeunesse comme la classe ouvrière ont conscience qu’il s’agit d’une lutte de classe, que le gouvernement est antisocial car il est du côté du capital.
La limite qui bloque le mouvement est donc à chercher dans l’absence d’auto-organisation des travailleurs. Quand la colère fera réellement sortir de leurs gonds les travailleurs, il est crucial que cela se développe dès le début sous la forme d’organisations indépendantes des travailleurs, n’obéissant qu’à leurs propre décisions et refusant d’être manipulés par les appareils politiques et syndicaux, de la gauche, de la gauche de la gauche et des extrêmes gauches officielles, tous complices des appareils bureaucratiques des syndicats, eux-mêmes liés à l’Etat au service du capital.
Pour que les luttes sortent du train-train qui mène dans le mur, il est vital que les travailleurs se dotent des moyens de s’organiser, de se lier entre entreprises, de discuter et de décider ensemble de leurs objectifs, de leurs moyens et de leurs perspectives. Sans la mise en place d’organisations de base se liant, élisant leurs représentants et prenant elles-mêmes leurs propres décisions, même une lutte radicale et massive ne fera que créditer des appareils syndicaux, politiques et associatifs qui ne représentent nullement une perspective face au capitalisme en pleine déconfiture au point qu’elles sont incapables de reconnaître que ce système d’exploitation n’a plus aucun avenir…
#NuitDebout se charge surtout que l’idée de convergence des luttes ne prenne pas du tout le caractère d’une critique des politiques syndicales et ne mène pas à l’auto-organisation réelle des travailleurs : à des comités de grève, à des assemblées générales réellement souveraines c’est-à-dire dirigées par les salariés eux-mêmes et pas des conseils de salariés, fédérés et coordonnés par de véritables coordinations élues et révocables, que les perspectives du mouvement ne soient pas une réelle remise en cause des prétendues "réformes", c’est-à-dire ne remettent pas en cause le capitalisme et se gardent même d’analyser la cause de toutes ces attaques (l’effondrement du système) ni leur ampleur mondiale, ni encore leur lien avec les guerres et l’état policier d’urgence mondial...
Alors que la réalité politique et sociale est plus que jamais une lutte de classes exacerbée qui devient plus consciente dans les masses populaires, la réalité de la direction du mouvement est plus que jamais à la collaboration de classes ! Il est indispensable de rompre ce piège pour libérer la lutte des ses entraves et ce sera la principale tâche de ceux qui œuvrent vraiment pour la libération du prolétariat…