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Erik Satie, musicien humoriste

jeudi 16 juin 2016, par Robert Paris

Surnommé à ses débuts " Esotérik Satie ", par Alphonse Allais et dépeint par Claude Debussy comme « un musicien médiéval et doux, égaré dans ce siècle » , Erik Satie déclarait :

"Je m’appelle Erik Satie, comme tout le monde"

Erik Satie, le musicien humoriste

Georges Auric publie à l’âge de 14 ans un article élogieux sur Satie dans la « Revue Française de musique » sous le titre « Erik Satie musicien humoriste »…

« Avec son pince-nez toujours un peu de travers, sa barbe en pointe et son long nez, ses yeux en coulisse et son sourire moqueur, il avait un air de faune qu’il ne perdit jamais, même quand, sur ses vieux jours, il se fit ermite : cet ironique devint alors l’innocence même. Mais n’y a-t-il point une innocente ironie ? L’homme le plus versatile du monde. » Paul Landormy.

« Erik Satie vécut emmitouflé dans son ironie. », déclare l’historien musicologue Roland de Candé, dans son Nouveau Dictionnaire de la musique. En effet, Satie est souvent qualifié d’ironique, ce qui fait considérer la relation complexe qui existait entre Satie lui-même et l’humour. « Erik Satie est attachant par sa personnalité originale. Son humour si particulier voire ironique est l’un des traits de son caractère, son talent naturel lui a permis de fréquenter de nombreux artistes importants de son époque comme Debussy, Stravinsky, Picasso et bien d’autres. Satie intrigue, Satie fascine. »

Jeune, il semble se prendre au sérieux. « Je suis venu au monde très jeune dans un temps très vieux ». Il utilise souvent l’humour par pudeur et timidité. Ce genre de procédé se trouve de façon évidente dans ses Mémoires d’un amnésique (50 pages blanches), qui n’auraient sûrement trouvé aucun éditeur si elles n’avaient été écrites par Satie lui-même (en effet, Satie se moque de ses propres œuvres).

Satie a été forcé, une bonne partie de sa vie, pour vivre d’être artiste de cabaret, de produire des mélodies frivoles, de « rudes saloperies » selon ses dires, souvent sur des textes humoristiques. Quoique plus tard il ait dénoncé toute cette production comme contre sa nature, ces mélodies ont été parfois les mieux connues (par exemple, Je te veux, Tendrement, Allons-y Chochotte, etc.).

L’humour de Satie apparaît clairement dans les annotations écrites sur ses partitions : par exemple, on trouve « Vivache » comme variante de « Vivace » dans la Sonatine Bureaucratique (qui est une parodie de Clementi). De même, il compose un pastiche de la célèbre Marche funèbre de Frédéric Chopin (deuxième pièce des Embryons desséchés), où il écrit « citation de la célèbre Mazurka de Schubert » (Franz Schubert n’écrivit aucune mazurka « célèbre » alors que c’était un des genres favoris de Chopin). On trouve dans sa production musicale de semblables piques à propos de Camille Saint-Saëns, Debussy, etc. En somme, il ne faut peut-être pas prendre Satie pour plus sérieux que lui-même ne prenait pour « sérieux » les autres (compositeurs).

Il est condamné à huit jours de prison pour avoir rétorqué au critique musical Jean Poueigh qui a peu apprécié son ballet réaliste Parade : « Monsieur et cher ami, vous n’êtes qu’un cul, mais un cul sans musique ». Mais cette condamnation fut suspendue par un accord à l’amiable grâce à l’entregent de diverses personnalités, et consolida sa réputation.

Satie a aussi écrit, à la fin de sa vie, des œuvres d’apparence plus sérieuse comme Socrate, sur un texte de Platon traduit par Victor Cousin, ou comme ses six Nocturnes pour piano.

Sa biographie

Son humour grinçant

« Quand j’étais jeune, on m’a dit : « vous verrez quand vous aurez cinquante ans. J’ai cinquante ans et je n’ai encore rien vu. »

A propos de Véritables préludes flasques pour un chien [1912] :

« Ceux qui ne comprendront pas sont priés par moi d’observer le plus respectueux silence et de faire montre d’une attitude toute de soumission, toute d’infériorité. C’est là leur véritable rôle. »

« J’écrivis les Descriptions automatiques à l’occasion de ma fête. Il est de toute évidence que les Aplatis, les Insignifiants et les Boursouflés n’y prendront aucune plaisir. Qu’ils avalent leurs barbes ! Qu’ils se dansent sur le ventre ! »

A propos de Embryons desséchés [1913] :

« Cette œuvre est absolument incompréhensible, même pour moi. Je l’ai écrite malgré moi, poussé par le Destin. Peut-être ai je voulu faire de l’humour ? Cela ne me surprendrait pas et serait assez ma manière. Toutefois je n’aurai aucune indulgence pour ceux qui en feront fi. Qu’ils le sachent. »

Sonatine bureaucratique [1917] :

« Composée sur des thèmes empruntés à Clementi : un simple prêt, pas plus. Il ne faut voir là qu’une boutade, toute petite. Oui… Elle ne veut nullement attenter à la réputation et à l’honorabilité dudit Clementi. »

Sports & Divertissements [1914] :

« Ceci est une œuvre de fantaisie. Qu’on n’y voit pas autre chose. Pour les Recroquevillés et les Abêtis j’ai écrit un choral grave et convenable. Ce choral est une sorte de préambule amer, une manière d’introduction austère et infrivole. J’y ai mis tout ce que je connais sur l’ennui. Je dédie ce choral à ceux qui ne m’aiment pas. Je me retire. »

« Se mettre à plat ventre, c’est bien. Toutefois cette position est incommode pour lécher la main de celui qui vous donne des coups de pied dans le derrière. »

« Je ne vois pas pourquoi l’argent n’aurait pas d’odeur, lui qui peut tout avoir. »

« L’air de Paris est si mauvais que je le fais toujours bouillir avant de respirer. »

« Il ne suffit pas de refuser la Légion d’Honneur ; encore faut-il ne pas la mériter ! »

« Je suis venu au monde très jeune dans un monde très vieux. »

« Au régiment, si par hasard vous êtes tambour, même sur l’ordre du colonel, ne vous avisez jamais de battre la générale. »

« Si je ris, c’est sans le faire exprès. »

« Méfions-nous de l’Art : il n’est souvent que de la Virtuosité. »

« Je n’aime pas les pédagogues : je les connais trop ; car ce sont eux qui (d’une main sûre) embrouillent et ratatinent tout ce qu’ils touchent, par des pesées, des mensurations, et des dosages comiques, mais empoisonnés... »

« Un vrai musicien doit être soumis à son Art ; ... il doit se placer au-dessus des misères humaines ; ... il doit puiser son courage en lui-même, .... rien qu’en lui-même. »

« Le piano, comme l’argent, n’est agréable qu’à celui qui en touche. »

« S’il me répugne de dire tout haut ce que je pense tout bas, c’est uniquement parce que je n’ai pas la voix assez forte. »

« Si j’étais riche, j’aurais peur de perdre ma fortune. »

« Certains artistes veulent être enterrés vivants. On a bien le temps d’être dans un cimetière. »

« Que suis-je venu faire sur cette Terre si terrestre et si terreuse ? Y ai-je des devoirs à remplir ? Y suis-je venu pour accomplir une mission - une commission ? M’y a-t-on envoyé pour m’amuser ? pour me distraire un peu ?... pour oublier les misères d’un au-delà dont je ne me souviens plus ? N’y suis-je pas importun ? Que répondre à toutes ces questions ? Croyant bien faire, presque à mon arrivée, ici-bas, je me suis mis à jouer quelques airs de Musique que j’inventai moi-même.... Tous mes ennuis sont venus de là... »

En août 1918, pendant les raids d’avions ennemis sur la capitale, Satie allait frapper à chaque alerte à la porte d’un de ses voisins et disait d’une voix sépulcrale :

« Je viens mourir avec vous. »

Les raisonnements d’un têtu suivis de Mémoires d’un amnésique

Il fit faire à un ours blanc sa première communion.

Comme il n’y avait pas de notaire dans la contrée,
Saint Golin fit viser son testament religieux par un pin-
gouin.

Une main scélérate entra sur la pointe des pieds, les
yeux hors de la tête, et s’empara du trésor.

L’homme est un ramassis d’os et de chair.

Ce ramassis est mû par un appareil appelé cerveau.

Le cerveau est placé dans une boîte dite crânienne.

Cette boîte est dépourvue d’ouverture apparente.

Là, le cerveau ne voit rien, n’entend rien de ce qui se
passe autour de lui, isolé qu’il est du reste du Monde.

C’est pourquoi l’Homme agit avec cette charmante
inconscience si connue de l’observateur, inconscience
qui le caractérise et le « personnalise », si j’ose dire.

Mémoires d’un amnésique, Ce que je suis

... La première fois que je me servis d’un phonoscope,
j’examinai un si bémol de moyenne grosseur. Je n’ai, je
vous assure, jamais vu chose plus répugnante. J’appelai
mon domestique pour le lui faire voir.

Au phono-peseur un fa dièse ordinaire, très com-
mun, atteignit 93 kilogrammes. Il émanait d’un fort
gros ténor dont je pris le poids.

« A ceux qui déblatèrent dans mon dos, mon cul les contemple. »

« Il se passe, en ce moment, à mon sujet une chose assez originale : je suis accusé de m’être laissé passer pour un fou — alors que je suis aussi raisonnable que vous & moi. »

« Avant d’écrire une oeuvre, j’en fais plusieurs fois le tour, en compagnie de moi-même. »

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