Accueil > 02 - Livre Deux : SCIENCES > Evolution ou révolution des espèces ? > L’entraide et l’empathie sont-ils des facteurs de l’évolution animale ?

L’entraide et l’empathie sont-ils des facteurs de l’évolution animale ?

dimanche 24 juillet 2016, par Robert Paris

L’entraide et l’empathie sont-ils des facteurs de l’évolution animale ?

L’Expression des émotions chez les hommes et les animaux – Darwin (1872)

Frans de Waal dans « Le bonobo, dieu et nous » :

« On ne manque pas d’exemples d’altruisme animal… Les abeilles qui défendent leur ruche meurent peu après avoir piqué l’intrus. Les chimpanzés se portent mutuellement secours en cas d’attaque de léopard. Les écureuils lancent des cris d’alarme qui avertissent les autres du danger. Les éléphants s’efforcent de relever leurs camarades tombés à terre. Mais pourquoi un animal agit-il au profit d’un autre ? N’est-ce pas contraire aux lois de la nature ? On constate ainsi l’altruisme des éléphants sur les plateaux kényans. Avec ses défenses Grace remet sur ses pieds Eleanor, trois tonnes, qui est tombée, puis essaie de la faire marcher en la poussant. Mais Eleanor retombe et, finalement, meurt, tandis que Grace émet des sons, les glandes temporales ruisselantes – signe de profonde détresse. Puisqu’elles étaient matriarches de troupeaux différents, ces deux éléphantes navaient probablement aucun lien de parenté… John Maynard Smith, illustre biologiste évolutionniste britannique, apporte à l’encore plus illustre J.B.S. Haldane sur son lit de mort un livre affirmant que les oiseaux évitent la surpopulation en limitant leur reproduction personnelle. Pour un biologiste, une telle conduite relèverait de l’altruisme, puisqu’elle revient à permettre à d’autres de se reproduire en s’imposant un coût à soi-même… Les vulgarisateurs soulignent souvent que certains traits contribuent à la survie d’une espèce ou d’un groupe, mais la plupart des biologistes (c’est mon cas) récusent les scénarios évolutionnistes qui mettent l’accent sur le collectif. La raison est simple : la plupart des groupes ne fonctionnent pas comme des unités génétiques. Chez les primates, par exemple, la quasi-totalité des membres de l’un des deux sexes (les mâles chez la plupart des petits singes, mais les femelles chez les grands singes) quittent leur groupe à la puberté pour rejoindre les voisins, exactement comme les humains, qui pratiquent fréquemment le mariage entre tribus… Haldane a été lun des principaux architectes de la vision de l’évolution « du point de vue des gènes ». Vu sous cet angle, l’altruisme revêt une signification spéciale. Même si lon sacrifie sa vie pour sauver un parent, on perpétue les gènes quon a en commun avec lui. Aider les membres de la famille revient donc à s’aider soi-même… La route qui va des gènes au comportement est loin d’être rectiligne, et la psychologie qui produit l’altruisme mérite autant d’attention que les gènes eux-mêmes… L’empathie est essentiellement une caractéristique des mammifères ; or de grands penseurs avaient mis toutes les formes d’altruisme dans le même sac. On y trouvait des abeilles qui meurent pour leur ruche, et les millions de cellules des myxomycètes qui, en composant un organisme gélatineux unique, permettent à quelques-unes d’entre elles de se reproduire. Ce type de sacrifice a été placé au même niveau que celui de l’homme qui plonge dans une rivière glacée pour sauver un étranger, ou du chimpanzé qui partage de la nourriture avec un orphelin gémissant… Les mammifères ont ce que j’appelle une « pulsion altruiste » ; ils réagissent aux signes de détresse chez d’autres et ressentent un ardent désir d’améliorer leur situation. Comprendre les besoins des autres et réagir de façon appropriée, ce n’est vraiment pas la même chose qu’une tendance préprogrammée à se sacrifier pour l’intérêt génétique. Mais, avec la popularité croissante du « point de vue des gènes », on a négligé ces distinctions. Ce qui a conduit à une vision cynique de la nature humaine et animale. L’élan altruiste a été minoré, voire ridiculisé, et la morale entièrement exclue du débat… Darwin n’avait aucun problème à concilier la morale et le processus évolutionniste, ni à voir la capacité humaine de faire le bien. De plus – c’est pour moi le plus intéressant -, il voyait la continuité émotionnelle avec les autres animaux. Pour Huxley, les animaux étaient des automates sans esprit, mais Darwin a écrit tout un livre sur leurs émotions, parmi lesquelles leur aptitude à la sympathie. Dans un exemple mémorable, il cite un chien qui ne passait jamais à côté du panier où gisait une amie malade, une chatte, sans lui donner quelques coups de langue. Darwin y voyait un signe sûr d’affection… Darwin se demandait, par exemple, si la morale ne découlait pas en ligne droite des instincts sociaux des animaux, en précisant qu’ « il serait absurde de prétendre que ces instincts se sont développés à partir de l’égoïsme ». Darwin voyait qu’il existait un potentiel pour l’altruisme authentique, au moins au niveau psychologique… Il est tout à fait courant que les chimpanzés aident des individus auxquels ils ne sont pas apparentés. C’est par exemple ce qui s’est passé quand Washoe, première femelle chimpanzé du monde à avoir appris la langue des signes américaine, a entendu une femelle qu’elle connaissait à peine tomber à l’eau en hurlant. Elle a bondi par-dessus deux clôtures électriques pour rejoindre la victime et l’a traînée jusqu’à la terre ferme. Dans un autre cas, Tia, une femelle qui vivait en milieu naturel à Fongoli, au Sénégal, avait perdu son nourrisson, capturé par des braconniers. Heureusement, les chercheurs avaient réussi à confisquer le bébé pour le rendre au groupe. Jill Pruetz a relaté la suite : Mike, un adolescent mâle sans lien de parenté avec Tia et trop jeune pour être le père du bébé, a pris celui-ci à l’endroit où les scientifiques l’avaient laissé et l’a immédiatement apporté à Tia. Manifestement, il savait à qui était le bébé et il est probable qu’il avait remarqué aussi que Tia avait bien du mal à se mouvoir depuis qu’elle avait été moléestée par les chiens des braconniers. Pendant deux jours, Mike a porté le bébé durant les déplacements du groupe, tandis que Tia clopinait derrière. Même l’investissement le plus coûteux de tous, l’adoption de jeunes sans lien de parenté, n’est pas inconnu. Et pas seulement des femelles, que l’on pense peut-être plus susceptibles de le pratiquer. Un récent rapport envoyé de Côte d’Ivoire par Christophe Boesch énumère au moins dix chimpanzés sauvages mâles qui, sur une période de trois décennies, ont adopté des jeunes ayant perdu leur mère. »

La réponse de Kropotkine

Encore Kropotkine

De Kropotkine à Hobbes

De Darwin à Kropotkine

La réponse de Frans de Waal

Les animaux éprouvent-ils de l’empathie ?

La ccopération animale

L’empathie animale

Des animaux doués d’empathie

Amitiés entre animaux

La solidarité, facteur de survie

Ratatouille a de l’empathie !

L’homme : une morale de singe ?

Au-delà de Darwin

Un hippopotame sauve un gnou d’un crocodile

Solidarité animale

Chevaux au secours d’une vache malade

Solidarité entre éléphants

Solidarité animale

Les rats sont intelligents et empathiques !

L’acquisition de l’empathie

Messages

  • Au Royaume-Uni, les membres du parti conservateur ont réussi à faire adopter au Parlement une des mesures les plus régressives concernant les droits des animaux dans ce pays, dans le cadre du « EU Withdrawal Bill » (un projet de loi qui vise à amorcer le Brexit, en posant les bases de ce qui sera le nouveau cadre juridique du Royaume-Uni après sa sortie de l’Union).

    Le texte, qui a été voté très discrètement le 15 novembre dernier, n’a pas fait beaucoup de vagues sur le moment, et est passé sous le radar des grands médias britanniques... Mais récemment, le quotidien généraliste The Independent a repéré et relevé certains points assez inquiétants de cette loi — notamment le fait que les animaux « sont incapables de ressentir de la douleur ou des émotions ».

    Ils ont réussi à inscrire dans la loi un texte qui retire la plupart des droits protégeant les animaux, notamment contre la maltraitance animale.

    Après la sortie définitive de l’UE par le Royaume-Uni, les animaux ne seront plus officiellement considérés que comme de simples marchandises, destinées à la production.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.