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La science mise au service... du racisme

lundi 26 septembre 2016, par Robert Paris

« Ce sont les passions qui utilisent la science pour soutenir leur cause. La science ne conduit pas au racisme et à la haine. C’est la haine qui en appelle à la science pour justifier son racisme. »

François Jacob, « Le jeu des possibles », 1982.

« Vous avez fait là un livre des plus remarquables, plein de vigueur et d’originalité d’esprit, seulement bien peu fait pour être compris en France ou plutôt fait pour y être mal compris. L’esprit français se prête peu aux considérations ethnographiques : la France croit très peu à la race, [...] Le fait de la race est immense à l’origine ; mais il va toujours perdant de son importance, et quelquefois comme en France, il arrive à s’effacer complètement. Est-ce là absolument parler de décadence ? Oui, certes au point de vue de la stabilité des institutions, de l’originalité des caractères, d’une certaine noblesse dont je tiens pour ma part le plus grand compte dans l’ensemble des choses humaines. Mais aussi que de compensations ! Sans doute si les éléments nobles mêlés au sang d’un peuple arrivaient à s’effacer complètement, alors ce serait une avilissante égalité, analogue à celle de certains États de l’Orient et, à quelques égards de la Chine. Mais c’est qu’en réalité une très petite quantité de sang noble mise dans la circulation d’un peuple suffit pour l’ennoblir, au moins quant aux effets historiques ; c’est ainsi que la France, nation si complètement tombée en roture, joue en réalité dans le monde le rôle d’un gentilhomme. En mettant à part les races tout à fait inférieures dont l’immixtion aux grandes races ne ferait qu’empoisonner l’espèce humaine, je conçois pour l’avenir une humanité homogène. »

Extraits d’une lettre envoyée par Renan à Arthur de Gobineau en 1856 après avoir lu son Essai sur l’inégalité des races humaines

Ceux qui prétendent étayer leur racisme par la Science…

Bien des sciences sont censées étayer les mythes et mensonges du racisme qui ne les a pas attendues pour se développer et être appliqué jusqu’au crime de masse…

Ces sciences vont de la théorie de l’évolution à la psychologie, à la biologie, à la génétique, à l’anthropologie, à l’histoire, à la linguistique en passant par la théorie des quotients intellectuels et bien d’autres.

Les théoriciens de la sociobiologie, ont été jusqu’à chercher dans les gènes l’explication des phénomènes sociaux et y ont trouvé une justification du racisme ou de l’inégalité sociale. Ils se sont servis des notions de « lutte pour la vie » et de « maintien des plus aptes », de celle de progrès de l’évolution, pour expliquer que les plus pauvres sont les moins aptes et les racistes pour prétendre que l’homme noir serait plus proche du primate alors que l’homme blanc serait l’aboutissement de l’évolution !

Jean-Paul Demoule démolit les mythes pseudo-scientifiques et racistes de la prétendue supériorité d’une race prétendument « indo-européenne » :

« Le racisme culturel baigne toute la société et informe sa vision du monde ; le racisme institutionnel en est la mise en œuvre politique, avec ses différentes formes d’apartheid, coloniales comme métropolitaines, plus ou moins codifiées ; enfin le racisme scientifique, celui qui nous intéresse ici, vise à donner une cohérence à l’ensemble, essentiellement à l’usage des couches dirigeantes, avec toutes se pesanteurs idéologiques mais aussi, quelles qu’en soient les contradictions, avec le souci d’établir des règles de méthode et de validation. Ces trois racines tiennent aussi à l’état historique des sociétés qui les élaborent… Jusqu’aux années 1890, les savants allemands, anthropologues comme Virchow ou linguistes comme Schrader, avaient eu pour la plupart une vision très prudente et modérée quant aux implications raciales de l’hypothèse indo-européenne. C’est avec la dernière décennie du siècle, au moment où, dans un contexte de crise économique et de revendications des minorités, le nationalisme allemand devient, comme d’autres, une idéologie réactionnaire, que se noue l’équation entre Germains et Indo-Germains. Avec le philologue devenu archéologue Kossinna se cristallisent deux démarches, l’identification générale de toute culture archéologique avec un « peuple défini », l’identification des populations mésolithiques de l’Allemagne du Nord et de la Scandinavie avec le Peuple originel (Urvolk) indo-européen. Coïncidence, la démonstration linguistique venait justement d’être faite par Hermann Hirt. Mais la démonstration archéologique posait quelques problèmes. Si Kossinna pensait que les chasseurs-cueilleurs mésolithiques de la civilisation d’Ertebolle-Ellerbeck avaient spontanément donné naissance à la civilisation néolithique des Dolmens (qu’on appellera plus tard culture des Gobelets et Entonnoirs), le lien cuturel, dans le style des objets, entre cette dernière et le brillant âge du bronze scandinave qui lui fait suite, paraissait beaucoup moins évident (curieusement, de nos jours, le problème est inverse pour les archéologues). Kossinna, et tout autre archéologue de son temps, doit donc s’appuyer sur la continuité biologique de la « race nordiqque » diochocéphale, censée être bien téablie, pour evendiquer la continuité culturelle et donc la localisation nordique du Foyer originel. La question de la « race » est alors cruciale pour l’identité indo-germanique, et donc germanique. D’autant que la modestie des vestiges matériels de cette Antiquité lointaine, qui choquait jusqu’à Hitler, ne parlait pas non plus en faveur des archéologues…. Kossinna s’en était tiré par une patriotique pirouette en assurant que « dans l’âme de chaque Allemand est fermement ancré l’idéal de l’essence nordique ». Mais c’était une affirmation un peu courte au regard des exigences d’une démarche scientifique. Le « racisme scientifique » n’était-il pas une chose trop sérieuse pour être laissé entre les mains des seuls archéologues et anthropométriciens ? De fait, plus on prenait de mesures sur des crânes (jusqu’à cinq mille !), moins on parvenait évidemment à définir des groupes (des « races ») bien délimités. Ce qui n’empêchait pas la poursuite de certains travaux anthropométriques classiques. Ainsi, Carleton Coon, professeur à Harvard, publia-t-il en 1939 un ouvrage sur « les races de l’Europe » qui entendait mettre à jour la synthèse publiée quarante ans plus tôt par Ripley, à qui le livre était dédié. La « race nordique » était présentée comme une variante dépigmentée de la « race méditéranéenne ». Coon publiera après la guerre un autre livre, cette sur « L’origine des races ». Presque la même année, Georges Dumézil, dans la préface de son « Jupiter, Mars, Quirinus », pouvait affirmer « qu’ils comptaient des représentants des trois principaux types d’hommes alors fixés en Europe, avec prédominance marquée de type nordique »… L’ « eugénisme » fut créé en 1883 par le psychologue et statisticien Sir Francis Galton, avec pour responsabilité de déterminer si telle ou telle maladie grave est ou non héréditaire. Cestres, c’est le pouvoir politique qui, en dernière instance, prendra les décisions radicales (stérilisation des porteurs, voire euthanasie) ; mais il est rare qu’il l’ait fait de lui-même, sans une incitation préalable du pouvoir médical. De telles décisions n’ont pas été le seul apanage de régimes totalitaires : les Etats-Unis, le Canada, la Suisse ou la Suède ont pratiqué la stérilisation forcée pendant la première moitié du XXe siècle et jusque dans les années 1970-1980 – voire pendant les années 1990 au Pérou, à l’encontre des populations pauvres américndiennes…. Nombre de médecins et de de généticiens, particulièrement en Allemagne, vont se muer en « théoriciens de la race ». Puis de là, appliquant concrètement les principes extrêmes de l’eugénisme à une logique d’exclusion raciale, ils passeront, au nom de la science, de la science incertaine au crime réel… L’eugénisme, on l’a vu, est né dans l’Angleterre victorienne du dernier quart du XIXe siècle avec Sir Francis Galton et Karl Pearson. Ce sont leurs élèves, Cyril Burt, Raymond Cattell, Sir Ronald Fisher et Charles Spearman qui, au sein de l’ « école de Londres » de psychologie raciale, armés avec assurance d’outils statistiques sophistiqués, proclament pendant tout le premier tiers du XXe siècle l’inégalité des « races » humaines. Cartell, qui recommandait « l’amour de l’excellence », afin que « les hommes et les races les moins capables disparaissent », considérait à propos des Africains, dans « La lutte pour notre intelligence nationale » (1937), que « même quand la race est, de par sa constitution même, naturellement bonne et aimable, une capacité mentale inférieure entraîne une arriération, une rusticité et le poids mort du conservatisme ». Il redoutait « le crépuscule de la civilisation occidentale » et la montée des « sous-hommes » qui s’attaquent « insidieusement à la racine même de la vie nationale »… Pour Charles Spearman dans « Les capacités de l’homme : leur nature et leur mesure » (1927) : « Sur le chapitre de l’intelligence, la race germanique a en moyenne un net avantage sur celle de l’Euope du Sud. Le résultat a eu, semble-t-il, des conséquences pratiques vitales dans l’élaboration des récentes lois américaines sur l’admission des émigrants. » De fait, entre 1911 et 1930, vingt-quatre Etats des Etats-Unis votèrent des lois pour la stérilisation des « inadaptés » sociaux et trente autres pour la restriction des mariages mixtes, tandis qu’un décret fédéral de 1924 restreignait l’immigration des personnes « racialement inférieures ». Des programmes de stérilisation forcée, sur une base « scientifique » eugéniste, furent votés à la même époque dans deux provinces du Canada (Alberta et Colombie-Britannique), dans le Japon impérial, en Suède (où la loi eut cours de 1934 à 1976), dans le canton suisse de Vaud, en Australie, en Islande, etc. L’apartheid qui eut officiellement cours aux Etats-Unis jusque dans les années 1960, sans compter celui qui se poursuivit en Afrique du Sud quelques décennies encore, reposait sur une vision « raciale » prétendûment « scientifique »… L’horreur des génocides commis au nom de la science et des scientifiques fut pour les nations occidentales un tel traumatisme qu’il fallut après 1945 réexaminer de fond en comble la question des « races », examen qui suscita en particulier plusieurs brochures de l’Unesco, dont le livre percutant de Claude Lévi-Strauss, « Race et Histoire », publié en 1952. Toutefois, il n’y eut jamais de critiques de fond de l’anthropologie physique venues des anthropologues eux-mêmes… En France même, les anthropologues se contentèrent de changer… de nom : de « physique », l’anthropologie devint « biologique ». Et, à partir de la fin des années 1960, le temps à peine d’une génération, les idologies racistes et « aryennes » ressortirent peu à peu au grand jour. »

« La mal-mesure de l’homme » de Stephen Jay Gould :

« Avant d’évaluer l’influence de la science sur l’idée de race aux XVIIe et XIXe siècles, il nous faut tout d’abord prendre conscience de l’environnement culturel d’une société dont les dirigeants et les intellectuels ne doutaient en rien de la réalité du classement racial – avec les Indiens sous les Blancs et les Noirs tout en bas de l’échelle. Sous cette chape commune à tous, le débat n’opposait pas les partisans de l’égalité d’une part, les colombes, et de l’inégalité de l’autre, les faucons… Même pour les « colombes », les Noirs étaient inférieurs, mais le droit de tous à la liberté ne devait pas dépendre du niveau d’intelligence… Les colombes ont adopté des positions diverses sur la nature du désavantage des Noirs. Selon cerrtains, une éducation et des conditions de vie appropriées pouvaient « élever » les Noirs au niveau des Blancs ; d’autres penchaient pour l’inaptitude permanente des Noirs… Les dirigeants blancs des nations occidentales aux XVIIIe et XIXe siècles ne mettaient pas en question la réalité du classement racial. Dans ces circonstances, l’assentiment général donné par les hommes de sciences à cette classification traditionnelle est venue d’une croyance partagée par tous et non de données recueillies pour résoudre une question à l’issue indécise. En un curieux mécanisme où l’effet devenait la cause, ces déclarations étaient interprétées comme renforçant de manière indépendante le contexte politique. Tous les savants les plus importants se sont conformés aux conventions sociales. Dans la première définition formelle des races humaines, Linné a mêlé les traits de caractère à l’anatomie (Systema naturae, 1758). L’ « Homo sapiens afer » (le Noir africain), écrivit-il est « guidé par la fantaisie » ; l’ « Homo sapiens europaeus » est « guidé par les coutumes »… Les trois plus grands naturalistes du XIXe siècle ne tenaient pas les Noirs en haute estime. Georges Cuvier, acclamé en France comme l’Aristote de son temps, fondateur de la géologie, de la paléontologie et de l’anatomie comparée moderne, parlait des indigènes africains comme de « la plus dégradée des races humaines, dont les formes s’approchent le plus de la brute, et dont l’intelligence ne s’est élevée nulle part au point d’arriver à un gouvernement régulier ». (Cuvier, 1812). Charles Lyell, celui qu’on s’accorde généralement pour reconnaître comme le fondateur de la géologie scientifique, écrivit : « Le cerveau du Bochiman (…) mène à celui des Simiadae (les singes). Cela implique une liaison entre le défaut d’intelligence et l’assimilation structurelle. Chaque race d’Homme a sa place, comme les animaux inférieurs. » Charles Darwin, libéral bienveillant et abolitionniste passionné, par la du temps à venir où l’écart séparant l’homme du singe s’accroîtra par l’extinction prévisible des intermédiaires comme les chimpanzés et les Hottentots… Plus instructive encore sont les opinions de ces quelques rares hommes de science que l’on cite aujourd’hui comme étant des précurseurs du relativisme culturel et des défenseurs de l’égalité. J.F. Blumenbach expliquait les différentces raciales par les influences du climat. Il s’élevait contre les classifications fondées sur la beauté ou sur les capacités mentales supposées et collectionnait les livres écrits par des Noirs. Malgré tout, il ne mettait pas en doute le fait que les Blancs fixaient la norme que toutes les autres races devaient tenir pour point de référence : « Le Causacien doit, pour chaque élément physiologique, être considéré comme la première ou l’intermédiaire des cinq principales races. Les deux extrêmes dont elle s’est écartée, sont d’une part la mongolienne et d’autre part l’éthiopienne (les Noirs africains) » (1825). Alexandre de Humboldt, grand voyageur ; homme d’Etat et le plus grand vulgarisateur de la science au XIXe siècle, serait le héros de tous les égalitaristes de notre temps qui chercheraient des antécédents dans l’histoire. C’es lui qui, plus qu’aucun autre homme de science de son époque, s’opposa avec vigueur et longuement à la classification des peuples sur des critères mentaux et esthétiques… Voici le plus célèbre passage de son ouvrage en cinq volumes, « Cosmos » : « Tant que nous affirmerons l’unité de l’espèce humaine, nous rejetterons en même temps cette hypothèse décourageante de races supérieures et inférieures. Il y a des nations plus susceptibles que d’autres de se cultiver, mais aucune en elle-même n’est plus noble que les autres. Toutes sont au même degré faites pour la liberté. » Cependant même Humboldt avait recours aux différences mentales innées pour résoudre certains problèmes de l’histoire humaine. Pourquoi, s’interroge-t-il dans le second tome de « Cosmos », les Arabes connurent-ils une explosion de leur culture et de leur science peu après l’essor de l’Islam, alors que les tribus scythes du sud-est de l’Europe restaient attachées à leurs modes de vie traditionnels ; car ces peuples étaient tous deux nomades et vivaient dans le même milieu, avec le même climat ? Humboldt découvrit bien quelques différences culturelles : les Arabes, par exemple, entretenaient des contacts plus suivis avec les cultures urbanisées environnantes. Mais, finalement, il qualifia les Arabes de « race plus douée », pourvue d’une plus grande « adaptabilité naturelle au développement mental ». (1849) Alfred Russel Wallace, qui découvrit avec Darwin la sélection naturelle, est à juste titre compté parmi les antiracistes. Mais, s’il est vrai qu’il a affirmé que tous les peuples disposaient de facultés mentales innées quasi égales, c’est cette croyance même qui curieusement l’amena à abndonner la sélection naturelle et à recourir à l’idée de création divine pour expliquer l’apparition de l’esprit humain – au grand dam de Darwin. La sélection naturelle, selon Wallace, ne peut élaborer des organes que pour l’usage immédiat des animaux qui les possèdent… Etienne Serres, célèbre anatomiste français, écrivité en 1860 que la perfectibilité des races les plus basses caractérisait les humains en faisant d’eux la seule espèce susceptible de s’améliorer de son propre chef. A ses yeux, le polygénisme n’étaut qu’une « théorie sauvage » qui « semble prêter un appui scientifique à l’esclavage des races moins avancées en civilisation que la Caucasienne ». « La conclusion est que le nègre n’est pas plus un homme blanc qu’un âne n’est un cheval ou un zèbre ; théorie mise en pratique aux Etats-Unis d’Amérique, à la honte de la civilisation. » (1860) Néanmoins Serres s’efforçait de rechercher les signes d’infériorité dans certaines races humaines. En tant qu’anatomiste, il fit appel à sa spécialité, mais avoua qu’il rencontra quelques difficultés dans l’élaboration des critères ainsi que dans le recueil des données. Il prit parti pour la théorie de la récapitulation, idée selon laquelle les créatures les plus évoluées répètent au cours de leur croissance les stades adultes des animaux inférieurs. Les Noirs adultes, d’après lui, étaient comme des enfants blancs, les Mongols comme des adolescents blancs. Il mena son enquête avec soin, mais ne trouva rien de mieux que la distance séparant le pénis du nombril – « ce signe ineffaçable de la vie embryonnaire chez l’homme ». Cette distance, chez les bébés de toutes races, est courte, proportionnellement à la longueur du corps…Le philosophe anglais David Hume ne passa pas sa vie absorbé dans de pures réflexions. Il assuma de nombreuses fonctions politiques dont, en 1766, la charge de régisseur du bureau colonial anglais. Il était partisan tout à la fois de la création séparée et de l’infériorité inné des races non blanches. « J’incline à penser que les nègres, et en général toutes les autres espèces d’hommes (car il y en a quatre ou cinq sortes différentes) sont naturellement inférieurs aux Blancs. Il n’y eut jamais une nation civilisée d’une couleur de peau autre que blanche, ni même aucun individu éminent, que ce soit dans le domaine de l’action ou de l’esprit. Aucun industriel ingénieux parmi eux, pas d’arts, pas de sciences. (…) Une différence aussi uniforme et aussi constante ne pourrait pas se produire au cours de tant de siècles et dans tant de pays, si la nature n’avait pas, dès l’origine, opéré une distinction entre ces lignées d’hommes. En dehors de nos colonies, il y a des esclaves noirs dispersés dans toute l’Europe et, parmi eux, on n’a jamais découvert aucune trace d’ingéniosité, bien qu’il arrive que des gens de basse extraction s’élèvent parmi nous et se distinguent dans chaque profession. » (…) Agassiz peut avoir été prédisposé au polygénétisme par ses convictions biologiques, mais je doute fort que cet homme dévot aurait abandonné l’orthodoxie biblique – pour qui Adam était unique – s’il n’avait pas eu à affronter la vue des Noirs américains et s’il n’avait été soumis aux pressions de ses collègues polygénistes. Agassiz n’a jamais recueilli une seule donnée scientifique en faveur du polygénisme. Sa conversion a suivi un jugement viscéral immédiat et les arguments persuasifs et insistants de certains de ses amis. Son adhésion à cette doctrine n’a reposé, dans le domaine de la connaissance biologique, sur aucun élément plus profond… Agassiz fit longuement part de ses idées sur les races humaines dans le « Christian Examiner » de 1850. Tout d’abord, il taxe de démagogie les théologiens qui voudraient le proscrire (pour prêcher une doctrine faisant intervenir des Adam multiples) ainsi que les abolitionnistes qui voudraient voir en lui un défenseur de l’esclavage… J’ai passé plusieurs semaines à étudier les données de Morton. Ce prétendu objectiviste publiait toutes ses données brutes. On peut en déduire sans trop se tromper comment il passa de ses mensurations de base à ses tableaux récapitulatifs. En bref, et pour dire les choses carrément, les résumés de Morton sont un ramassis d’astuces et de tripotages de chiffres dont le seul but est de confirmer des convictions préalables… Morton commença son premier ouvrage et le plus important, le « Crania Americana » de 1839, par une introduction sur les caractéristiques essentielles des races humaines. Ses préjugés apparaissent immédiatement. Des « Esquimaux du Groenland », il écrit : « Ils sont astucieux, sensuels, ingrats, obstinés et insensibles, et une bonne partie de l’affection qu’ils portent à leurs enfants peut être ramenée à des motifs égoïstes. Ils avalent les aliments les plus répugnants sans les cuire ni les laver et semblent n’avoir aucune autre idée que celle de subvenir aux besoins de l’instant. (…) Leurs facultés mentales, de l’âge le plus tendre à la vieillesse, s’apparentent à une enfance continue. » (…) « Les Hottentots, déclare-t-il, sont les plus proches des animaux inférieurs. » (…) Le tableau condensé de Morton expose l’argumentation centrale de « Crania Americana ». Il avait mesuré la capacité de 144 crânes d’Indiens et calculé une moyenne de 1344 cm3 de moins que la norme eurasienne. En outre, Morton donnait en annexe une tableau des mesures phrénologiques qui indiquaient une insuffisance des facultés mentales « supérieures » chez les Indiens. « Les esprits bienveillants, concluait-il, pourront regretter l’inaptitude de l’Indien à la civilisation, mais la sentimentalité doit céder devant les faits. La structure de son esprit se révèle différente de celle de l’homme blanc, semblablement les relations sociales entre les deux races ne peuvent pas s’harmoniser sauf de façon très limitée. » (…) En 1861, Broca élabora le concept de localisation corticale des fonctions après avoir remarqué qu’un patient aphasique avait une lésion du gyrus frontal inférieur gauche, appelé maintenant circonvolution de Broca. La plupart de ces critères peuvent se réduire à une seule formule : le meilleur est à l’avant. Broca et ses collègues croyaient que les fonctions menles plus élevées étaient localisées dans les régions antérieures du cortex, et que les zones postérieures prenaient en charge ces tâches plus terre à terre, bien qu’essentielles, que sont les mouvements involontaires, les sensations et les émotions. Les gens supérieurs devraient avoir plus à l’avant, moins à l’arrière… Broca utilisait fréquemment cette distinction entre avant et arrière, notamment pour se sortir de situations inconfortables que lui imposaient ses propres données. Il accepta la classification des groupes humains proposée par Gratiolet en « races frontales » (Blancs dotés de lobes antérieur et frontal développés au plus haut point), « races pariétales » (Mongols aux lobes pariétaux particulièrement proéminents) et « races occipitales » (Noirs chez qui l’arrière prédomine). Souvent il assenait son double argument contre les groupes inférieurs : taille réduite et prééminence postérieure : « On sait que les nègres, et surtout les Hottentots, ont le cerveau plus simple que le nôtre, et que cette pauvreté relative de leurs circonvolutions se montre principalement sur leurs lobes frontaux. » (1873) (…) Broca a employé cette argumentation pour se dépêtrer d’un problème embarrassant. Il avait décrit plusieurs crânes appartenant aux plus anciennes populations d’Homo sapiens, du type Cro-Magnon, et avait découvert que leur capacité crânienne dépassait celle des Français contemporains… L’argumentaton sur l’avant et l’arrière, si facile d’usage et d’une grande portée, fut utilisée comme un outil pour rationaliser des préjugés face à des faits apparemment contradictoires…. La récapitulation se range parmi les idées qui ont le plus influencé la science de la fin du XIXe siècle. Elle a tenu une place prépondérante dans plusieurs domaines, notamment l’embryologie, la morphologie comparée et la paléontologie. Toutes ces disciplines tentaient désespérément de reconstituer des lignées évolutives et toutes ont considéré que la récapitulation apportait la réponse à leurs interrogations : les branchies de l’embryon humain représentaient un poisson ancestral adulte ; ensuite la queue temporaire du fœtus constituait un vestige d’un lointain parent reptile ou mammifère… La récapitulation a également fourni un critère irréfutable à tous les savants désireux de procéder à la classification des groupes humains ? Les adultes des « groupes inférieurs » devaient équivaloir aux enfants des « groupes supérieurs », car l’enfant représente un ancêtre adulte primitif. Si les Noirs adultes et les femmes sont comme des enfants blancs de sexe masculin, c’est qu’ils sont comme des enfants blancs de sexe masculin, c’est qu’ils sont les représentants vivants d’une phase ancestrale de l’évolution des Blancs mâles. On avait ainsi découvert une théorie anatomique permettant de classer les races, fondée sur le corps tout entier et non uniquement sur la tête… Selon E.D. Cope, le célèbre paléontologue américain qui expliqua le mécanisme de la récapitulation, ce critère permettait de classer les formes humaines inférieures en quatre catégories : les races non blanches, toutes les femmes, les Européens blancs du sud opposés à ceux du nord et les classes sociales inférieures au sein des clases supérieures (1887). Cope y montrait un mépris particulier pour « les classes irlandaises inférieures ». Il professait la doctrine de la supériorité nordique et menait campagne pour la limitation de l’immigration aux Etats-Unis des Juifs et des Européens du sud. Pour expliquer l’infériorité de ces derniers en termes récapitulationnistes, il soutenait que les climats les plus chauds entraînaient une maturation plus précoce. La maturité marquant le déclin, puis la fin du développement, les Européens du sud étaient donc arrêtés dans un état plus enfantin, donc plus primitif que les adultes. Une maturaiton plus lente permettait aux Nordiques d’atteindre des phases supérieures avant que leur développement ne soit bloqué… Si l’anatomie constitue le corps même de la thèse récapitulationniste, le développement psychique lui apporte une importante contribution. Chacun ne savait-il pas que les sauvages et les femmes sont émotionnellement semblables à des enfants ? (…) En 1904, G.S. Hall, alors chef de file de la psychologie américaine, formula ainsi la proposition : « La plupart des sauvages sont, en de nombreux points, des enfants, ou plus précisément, si l’on tient compte de leur maturité sexuelle, des adolescents de taille adulte. » (1904) (…) Hall, je vous le rappelle, n’était pas un farfelu, mais le numéro un de la psychologie américaine de l’époque… Herbert Spencer, l’apôtre du darwinisme social, énonça cette idée sans y aller par quatre chemins (1910) : « Les traits du caractère intellectuel du sauvage (…) se retrouvent chez les enfants des civilisés. » (…) Louis Bolk, le principal défenseur de la néoténie humaine, déclara que les races les plus fortement néoténiques étaient supérieures. En maintenant le plus grand nombre de traits juvéniles, ils se sont éloignés d’autant de « l’ancêtre pithécoïde de l’homme » (1929). « De ce point de vue, la division de l’humanité en races supérieures et inférieures est pleinement justifiée. » (1929) « Il va de soi que je suis, en me fondant sur ma théorie, un partisan convaincu de l’inégalité des races ». (1926)… bolk attrapa son sac à malices anatomiques et en tira quelques caractéristiques démontrant que les adultes noirs s’écartaient plus que les Blancs des proportions avantageuses de l’enfance… En 1971, le psychologue britannique partisan du déterminisme génétique H.J.Eysenck avança une nouvelle thèse en faveur de l’infériorité des Noirs. Il prit trois faits à partir desquels il utilisa la néoténie pour monter son raisonnement : 1) les bébés et les jeunes enfants noirs font preuve d’un développement sensimoteur plus rapide que les Blancs – c’est-à-dire qu’ils sont moins néoténiques, car ils s’éloignent plus vite de l’état fœtal ; 2) le Q.I. moyen des Blancs dépasse le Q.I. moyen des Noirs à l’âge de trois ans ; 3) il y a une corrélation relative entre le développement plus sensimoteur au cours de la première année d’existence et le Q.I. ultérieur – autrement dit, les enfants qui se développent plus rapidement ont tendance à avoir au bout du compte des Q.I. plus faibles. Eysenck en conclut (1971) : « Ces découvertes sont importantes à cause d’une notion générale en biologie, la théorie de la néoténie, selon laquelle plus la petite enfance se prolonge, plus grandes sont généralement les facultés cognitives ou intellectuelles de l’espèce. Il se révèle que cette loi s’applique même à l’intérieur d’une espèce donnée. » Eysenck ne s’est pas rendu compte qu’il avait fondé son argumentation sur ce qui est presque sûrement une corrélation non causale – une corrélation qui ne démontre aucune liaison de cause à effet… Un point important plaide, malgré l’utilisation des scientifiques racistes de la sociobiologie, pour les recherches biologiques sur l’homme : elles ont démontré la remarquable absence de différenctiation génétique entre les groupes humains… Le monde aurait pu être ordonné de manière différente. Supposez, par exemple, qu’une ou plusieurs espèces du genre dont nous descendons, les australopithèques, aient survécu. C’est là un scénario parfaitement plausible, en théorie, puisque les nouvelles espèces apparaissent non pas par la tranformation globale de toute la population, mais en se séparant des anciennes espèces qui survivent généralement au moins pendant quelques temps. Nous – c’est-à-dire les Homo sapiens – nous trouverions alors confrontés à de graves problèmes moraux. Car quelle attitude prendre fce à une espèce humaine aux capacités mentales sans conteste inférieures ? Quelle solution adopter ? l’esclavage ? l’élimination ? les zoos ? Notre propre espèce aurait pu pareillement être composée de plusieurs sous-espèces (races) aux aptitudes génétiques significativement distinctes. Si – comme beaucoup d’animaux – nous étions sur cette terre depuis quelques millions d’années et que ces races avaient été géographiquement séparées pendant la plus grande partie de ce temps, sans échanges importants, de grandes différences génétiques se seraient lentement accumulées entre les groupes. Mais l’Homo sapiens n’est âgé que de quelques dizaines de milliers d’années, au mieux quelques centaines, et toutes les races humaines actuelles ne se sont séparées d’une lignée commune qu’il y a quelques dizaines de milliers d’années. Des caractères extérieurs remarquables nous ont amenés à juger subjectivement que ces différences étaient importantes. Mais les biologistes ont récemment affirmé – comme on s’en doutait depuis longtemps – que les différences génétiques globales entre les races humaines sont étonnamment petites. Bien que la fréquence de divers états d’un gène diffère entre les races, on n’a pas découvert de « gènes raciaux », c’est-à-dire de gènes présents dans certaines races et absents dans toutes les autres. »

Une analyse scientifique d’avant 1914 des races humaines

Le racisme scientifique et ses implications sociales

Le darwinisme social de la sociobiologie, un racisme prétendument scientifique

Le racisme, justifié par le prétendu « Quotient intellectuel »

Un exemple de racisme pseudo-scientifique : l’eugénisme

Les idées fausses sur l’intelligence servent souvent de caution au racisme

L’utilisation de la psychanalyse par le raciste Jung

La science mise au service du racisme

Le spectre du racisme « scientifique »

La prétendue « hygiène raciale »

De la théorie de l’évolution… au racisme

Les débuts du racisme pseudo-scientifique

Quelques exemples marquants de racisme pseudo-sientifique

D’autres exemples

R acisme scientifique et appellations : justification de la gestion coloniale

Comparez tous ces préjugés des scientifiques et toute la société bourgeoise à Lénine qui, en 1922, déclare au nom de l’Internationale communiste :

« L’histoire a dévolu aux nègres d’Amérique un rôle important dans l’affranchissement de toute la race africaine. Il y a 300 ans que les nègres américains ont été arrachés de leur pays natal, l’Afrique, transportés en Amérique où ils ont été l’objet des pires traitements et vendus comme esclaves. Depuis 250 ans, ils ont travaillé sous le fouet des propriétaires américains : ce sont eux qui ont coupé les forêts, construit les routes, planté les cotonniers, posé les traverses de chemins de fer et soutenu l’aristocratie du Sud. Leur récompense a été la misère, l’ignorance, la dégradation. Le nègre n’était pas un esclave docile, il a eu recours à la rébellion, à l’insurrection, aux menées souterraines pour recouvrer sa liberté ; mais ses soulèvements ont été réprimés dans le sang ; par la torture, on l’a forcé à se soumettre ; la presse bourgeoise et la religion se sont associées pour justifier son esclavage. Quand l’esclavage concurrença le salariat et devint un obstacle au développement de l’Amérique capitaliste, il dut disparaître. La guerre de sécession entreprise, non pas pour affranchir les nègres, mais pour maintenir la suprématie industrielle des capitalistes du Nord, mit le nègre dans l’obligation de choisir entre l’esclavage dans le Sud et le salariat dans le Nord. Les muscles, le sang, les larmes du nègre « affranchi » ont aidé à l’établissement du capitalisme américain, et quand, devenue une puissance mondiale, l’Amérique a été entraînée dans la guerre mondiale, le nègre américain a été déclaré l’égal du blanc, pour tuer et se faire tuer pour la démocratie. Quatre cent mille ouvriers de couleur ont été enrôlés dans les troupes américaines, où ils ont formé les régiments de « Jim crow ». A peine sortis de la fournaise de la guerre, les soldats nègres, revenus au foyer, ont été persécutés, lynchés, assassinés, privés de toute liberté et cloués au pilori. Ils ont combattu, mais pour affirmer leur personnalité ils ont dû payer cher. On les a encore plus persécuté qu’avant la guerre pour leur apprendre à « rester à leur place ». La large participation des nègres à l’industrie après la guerre, l’esprit de rébellion qu’ont éveillé en eux les brutalités dont ils sont les victimes, met les nègres d’Amérique, et surtout ceux de l’Amérique du Nord, à l’avant-garde de la lutte de l’Afrique contre l’oppression. »

« Imaginons une nouvelle théorie qui mette en garde contre une crise imminente et indique les moyens d’y échapper. Cette théorie obtient rapidement à l’échelle planétaire le soutien de scientifiques de premier plan, de politiciens et de célébrités. Les recherches sont financées par des philanthropes distingués et les travaux réalisés dans des universités prestigieuses. Les média se font l’écho de cette crise. La nouvelle science est enseignée dans les lycées et les universités… Il s’agit d’une théorie apparue il y a un siècle. Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson et Winston Churchill comptaient au nombre de ses partisans. Des magistats de la Cour suprême, Oliver Wendell Holmes et Louis Brandeis, se sont prononcés en sa faveur. Parmi les personnalités qui la soutenaient, on trouve les noms d’Alexander Graham Bell, l’inventeur du téléphone, de l’activiste Margaret Sanger, du botaniste Luther Burbank, de Leland Wells, du dramaturge George Bernard Shaw et de centaines d’autres personnalités. Des lauréats du prix Nobel lui ont apporté leur soutien. Les recherches étaient financées par les fondations Carnegie et Rockefeller. L’institut de Cold Springs Harbor a été construit spécialement pour les abriter mais les universités de Harvard, Yale, Princeton, Stanford et John Hopkins menaient également des travaux d’importance. Des lois relatives à cette question ont été votées dans tous les Etats-Unis, de New York à la Californie. Tous ces efforts bénéficiaient de l’appui de l’Académie nationale des sciences, de l’Association médiacle américaine et du Conseil national de la recherche. On disait à l’époque que si Jésus avait été vivant, il aurait prêté sin concours. Les recherches, la législation, le conditionnement de l’opinion publique sur le sujet, tout cela s’est prolongé pendant près d’un demi-siècle. Les opposants étaient conspués, traités de réactionnaires, d’aveugles, voire d’ignorants. Avec le recul, il est étonnant de constater qu’il y ait eu si peu d’opposants. Nous savons aujourd’hui que cette fameuse théorie, qui avait rassemblé de si nombreux partisans, était en réalité pseudo-scientifique. Le danger contre lequel elle mettait en garde n’existait pas. S mesures prises en son nom étaient moralement inacceptables, voire criminelles. Elles ont finalement conduit à la mort plusieurs millions d’individus. La théorie en question est l’eugénisme. Son histoire est tellement horrible, telle embarrassante pour ceux qui l’ont promue qu’elle n’est plus guère débattue de nos jours. Mais cette histoire devrait être connue de tous, ne fût-ce que pour éviter qu’elle ne se reproduise. L’eugénisme posait comme postulat une dégradation du patrimoine héréditaire conduisant à une détérioration de l’espèce humaine – postulat qui reposait sur le constat que les individus les plus aptes de la société ne se reproduisaient pas aussi vite que les autres : étrangers, immigrants, juifs, dégénérés, inaptes et « faibles d’esprit ». Francis Galton, un scientifique anglais, fut le premier à formuler l’hypothèse mais ses idées furent poussées bien au-delà de ce qu’il souhaitait. Elles furent adoptées par des Américains à l’esprit scientifique et aussi par d’autres que la science n’intéressait pas mais qu’inquiétait, en ce début de XXe siècle, l’arrivée d’immigrants de « race inférieure », « dangereuse vermine humaine », « vague d’imbéciles » qui venait polluer ce que l’espèce humaine avait produit de meilleur. Les partisans de l’eugénisme et ceux qui prônaient une restriction de l’immigration firent front commun. Leur idée était d’identifier les faibles d’esprit – catégorie à laquelle appartenaient, de l’avis général, non seulement les juifs et les Noirs mais aussi quantité d’étrangers – puis de les empêcher de se reproduire soit en les isolant dans des institutions spécialisées soit en les stérilisant… Il y avait dans ce mouvement un racisme déclaré, comme en témoignent des ouvrages tels que « La montée de la vague de couleur contre la suprématie du monde blanc », de Lothrop Stoddard, un auteur américain… Les recherches ont été financées par la fondation Carnegie, puis par la fondation Rockefeller. Lorsque les travaux se déplacèrent en Allemagne, où l’on commençait à gazer des hommes et des femmes tirés des hôpitaux psychiatriques, les financements se poursuivirent. Ils étaient encore en place en 1939, quelques mois avant la guerre, détail sur lequel la fondation Rockfeller resterait muette… Ce programme devait par la suite être développé sous la forme de camps de concentration situés près de lignes de chemin de fer, afin de faciliter le transport de millions d’indésirables qui y trouvèrent la mort. Après la seconde guerre mondiale, personne n’était partisan de l’eugénisme, personne ne l’avait jamais été. Les biographies des personnages célèbres impliqués dans le mouvement glissaient sur cet aspect de leur carrière ou n’en faisaient même pas mention… »

Michael Crichton, « Etat d’urgence »

Messages

  • Linné est, lui, polygéniste : les humains ne descendraient pas d’un seul, mais de plusieurs couples ancestraux, et leurs caractéristiques ne résulteraient pas de l’exposition aux éléments naturels : « Les qualités des différentes races sont ancrées pour lui dans la biologie. » Pour l’un comme pour l’autre, « la hiérarchisation existe pratiquement d’entrée de jeu », poursuit Nicolas Bancel. « Linné est un fixiste : pour lui, le mélange des races serait désastreux, parce qu’il se ferait au détriment de la race la mieux dotée – la blanche, évidemment. » Selon Buffon, « la zone propice au développement des qualités les plus éminentes est l’Europe » ; la diversité humaine produite par l’environnement dans les autres régions est qualifiée de « dégénération ».

    Deuxième étape : « A la fin du XVIIIe siècle, des savants entreprennent d’objectiver les races par des techniques de mesures. Ils créent ainsi une nouvelle science qui s’appellera bientôt « anthropologie physique. » L’Allemand Johann Friedrich Blumenbach invente la craniométrie, le Néerlandais Petrus Camper forge la notion d’un « angle facial » déterminé par la position plus ou moins avancée des mâchoires par rapport au front. Fait notable : « Ni l’un ni l’autre ne sont véritablement racistes – ils n’établissent pas une échelle claire. Mais en expliquant que les races dont l’angle est plus fermé sont orientées vers l’instinctif, le digestif, la pulsion sexuelle et finalement l’animalité, Camper offre à ses successeurs un système d’interprétation qui fondera une hiérarchisation. » Des vulgarisateurs, tels que le prolixe Julien-Joseph Virey, pharmacien militaire de son état, boucleront le travail. « Ils n’hésiteront pas, eux, à affirmer que le Noir est condamné à une éternelle infériorité par ses caractéristiques physiologiques. A ce moment-là, tout est possible. On explique le passé et on justifie le présent – l’esclavage en particulier. »

    La notion de race et le racisme s’associent dans un paquet ficelé. La science dresse un catalogue des différences, invente des méthodes pour les mesurer, essaie de les expliquer. « De tout cela, la plupart de savants vont tirer des conclusions qui n’ont strictement rien à voir avec leurs découvertes proprement physiologiques. Leurs affirmations hiérarchisantes sont, au contraire, directement liées aux archétypes qu’ils ont incorporés dans une société esclavagiste et inégalitaire. Le biologique va devenir l’explication d’une supériorité qui apparaît comme une évidence jamais questionnée. »

    Au début du XXe siècle, le discours scientifique sur la race est bien implanté, fortement internationalisé, largement popularisé. Il a servi à légitimer l’esclavage, la colonisation et la fabrication des identités nationales : « On voit par exemple une japonéité se construire en utilisant la minorité aïnoue comme repoussoir. On observe la même chose au Danemark avec les Esquimaux », remarque Thomas David. La race est désormais prête à l’emploi pour de nouveaux usages – génocides, régimes d’apartheid ou autres ségrégations. « Le nazisme reprend la théorie raciale en y ajoutant des éléments de darwinisme, pour en arriver à l’idée selon laquelle l’histoire est gouvernée par la confrontation des races. Si les nazis sont persuadés qu’ils vont l’emporter, c’est parce qu’ils ont une croyance absolue dans la vitalité de la race aryenne, qui ne peut que triompher. » Des historiens des sciences tels que Patrick Tort ont montré à quel point Darwin formulait en réalité un antiracisme radical. Mais dans la théorie de l’évolution comme ailleurs, la science nazie aura fait son tri.

  • Il y a même eu le racisme mis au service de... la science !!!

    James Marion Sims torturait ses esclaves noires tout en développant la médecine !!!

    Lire ici

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