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Les bases communes des révolutionnaires face à l’effondrement du système capitaliste

lundi 14 novembre 2016, par Robert Paris

Les bases communes des révolutionnaires face à l’effondrement du système capitaliste

Les militants révolutionnaires sont amenés à s’unir de diverses manières, selon les circonstances et selon l’importance de leurs convergences et de leurs divergences. On peut distinguer en gros trois manières de s’unir dans trois situations différentes, situations dans lesquelles ils convergent plus ou moins.

Nous distinguerons ces trois situations et, dans chacune, les bases communes qui seront nécessaires pour parvenir à unir ces militants.

Ces trois types très différents d’union des militants révolutionnaires sont le parti (ou l’organisation politique commune), le front des révolutionnaires, le front de classe (encore appelé front ouvrier – ne pas confondre avec son ennemi le front populaire, ni avec son apparence mensongère le front syndical).

Il est évident que ces diverses sortes d’unité des militants révolutionnaires ne correspondent pas aux mêmes bases nécessaires. On ne construit pas un parti révolutionnaire, c’est-à-dire une internationale communiste prolétarienne, sur des bases d’un simple accord sur l’intervention dans les luttes économiques, sociales et politiques. L’accord nécessaire est bien plus profond que le rassemblement de militants servant à favoriser le succès d’un quelconque activisme, qu’il soit syndical, politique, social, etc… Le parti révolutionnaire a pour brique élémentaire une conception commune qui dépasse largement l’appréciation sur la situation immédiate d’un pays et même du monde et sur l’intervention militante pour y faire face. Il doit reposer sur une compréhension historique qui englobe non seulement l’histoire du prolétariat mais toute l’histoire passée du monde, y compris l’histoire de la matière, et qui englobe la philosophie qui permet de le penser et d’intervenir sur ce monde. Ce n’est pas seulement des bases théoriques car il faut aussi que ces fondements soient intégrés par les militants au sein d’une pratique militante qui les vérifie, qui leur permet d’être intégrés par tous ceux qui participent au parti, grâce à une politique qui traduit concrètement ces grandes leçons théoriques.

Il est certain qu’actuellement, dans le monde, les bases du parti révolutionnaire font défaut. Et pourtant, il est également certain que la révolution prolétarienne ne pourra jamais vaincre si le prolétariat ne dispose pas d’un parti révolutionnaire mondial. Personne ne peut dire aujourd’hui par quelles voies la révolution permettra de sortir de ce cercle vicieux.

Aucune direction politique révolutionnaire ne peut sortir brusquement par un coup de baguette magique. Aucune conception théorique, se considérant comme supérieure, ne peut prétendre s’imposer par la seule voie du débat d’idées ni par la voie de la seule construction de groupes politiques. Il faudra certainement de nouvelles expériences révolutionnaires du prolétariat pour que les idées puissent trouver le banc d’essai qui permet de les trier, de les juger, de les mesurer, de les confronter. Tant que la révolution prolétarienne n’aura pas réalisé de nouvelles avancées historiques dans lesquelles le prolétariat recommencera à marquer l’Histoire, les différentes analyses révolutionnaires ne pourront pas s’affronter car la première condition de leur confrontation est celle d’une situation révolutionnaire : quand de larges masses de travailleurs sont réunies « en permanence » pour discuter et décider des problèmes politiques et sociaux qui les concernent et de l’avenir du monde.

Les bases du parti sont des bases de démarcation vis-à-vis d’autres courants. Il ne suffit pas de faire comme si les anciens débats étaient dépassés pour les dépasser réellement. Il ne suffit pas non plus de réunir les militants révolutionnaires et de réévoquer le passé sur lequel ils ont divergé pour qu’ils conviennent d’une même manière de comprendre le passé. Ce ne sont pas des manières de faire converger les courants révolutionnaires qui ont été autrefois opposés, même si le débat sur le passé doit se poursuivre, entre eux comme publiquement. Le refus sectaire de la discussion est nuisible surtout parce qu’il empêche les militants de s’engager et de se former. On ne débat pas seulement pour convaincre mais d’abord pour mieux comprendre, pour approfondir et vérifier la validité des arguments.

Le parti est l’un des niveaux de convergence, de l’unité, le plus étroit.

L’unité de la classe en lutte est le niveau de convergence le plus large, le plus lâche. Au cours de la grève, dans le combat social, dans la lutte politique, la classe se rassemble, s’organise, et les révolutionnaires, même de courants différents et bien loin de converger au sein d’un parti, peuvent trouver le moyen de lutter de manière convergente au sein des assemblées générales de travailleurs, des coordinations, des comités de grève et de lutte, des conseils de travailleurs, des soviets en somme. Ils peuvent converger pour se battre ensemble dans ces formes d’organisation contre toutes les bureaucraties, contre tous les réformismes, contre les opportunismes, contre toutes les tromperies, et pour que les travailleurs disposent au sein de ces formes d’auto-organisation de la plus grande clarté, du programme le plus dynamique et révolutionnaire, de la compréhension la plus grande de la situation, des amis et des ennemis, et des moyens de déjouer tous les pièges. Bien sûr, au sein des comités, de ces conseils, de ces assemblées, de ces soviets, tous les courants s’expriment, développent leurs positions et peuvent faire voter pour elles et pas seulement les révolutionnaires communistes conséquents mais ces derniers peuvent parvenir à unir leurs forces pour en faire une voix de classe, une voix révolutionnaire, une voix ferme et précise et suffisamment forte pour se faire connaitre et entraîner leur classe.

Entre ces deux niveaux, il y en a un autre intermédiaire qui est l’unité des révolutionnaires et qui est particulièrement nécessaire dans toutes les situations intermédiaires, quand nous sommes amenés à militer en faveur de l’auto-organisation, alors que celle-ci n’est encore défendue que par des minorités, quand nous sommes amenés à militer non seulement sans parti révolutionnaire mais sans une classe s’affirmant elle-même au travers d’organes indépendants de masse du type soviétique ni même d’embryons de ce type d’organisation de masse.

Nous avons déjà fait l’expérience de l’unité des militants révolutionnaires de plusieurs manières et nous avons pu constater que ce type d’unité n’était pas une vue de l’esprit. Nous l’avons vécu lors des mobilisations syndicales et c’est cette unité qui nous a permis de constituer des assemblées interprofessionnelles, des comités interprofessionnelles et des coordinations. Cela a permis à des militants peu nombreux et n’ayant qu’une influence limitée par rapport aux appareils bureaucratiques et aux organisations réformistes et opportunistes d’intervenir avec une voix audible et de proposer une perspective de classe, indépendante et permettant de déborder le cadre des syndicats et des partis réformistes.

Ce n’est pas le seul exemple de l’utilité du front des révolutionnaires. Il y a effectivement l’intervention commune au sein de la classe, les tracts communs de l’assemblée interpro ou du comité interpro. Mais il y a aussi la mise en commun des moyens politiques, la confrontation d’idées entre militants issus d’origines politiques diverses. Le front des révolutionnaires ne prétend pas remplacer le parti et il n’y mène pas nécessairement. Pourtant, il est utile au travail des militants révolutionnaires et ne s’oppose pas à la démarcation nécessaire entre courants politiques opposés car, au sein du front, on ne recherche pas l’unité à tout prix, on ne prétend pas supprimer ni effacer les divergences. On n’est pas gênés de les discuter publiquement et de les développer. Les séparations, les ruptures, les démarcations ne sont pas, pour nous, des faiblesses mais des forces et nous ne prêchons pas l’unité pour l’unité. Dès que l’unité est brandie pour effacer les divergences, c’est qu’elle est instrumentalisée contre les intérêts politiques du prolétariat.

On parle ici beaucoup des bases communes des révolutionnaires mais encore faudrait-il clarifier qui appelle-t-on révolutionnaires communistes prolétariens et qui ne l’est pas !

Bien sûr, il n’est pas aussi simple qu’il y paraît de répondre à cette question mais on peut en donner en quelques mots une idée assez précise.

Les communistes révolutionnaires prolétariens militent, que l’on soit dans une situation révolutionnaire, dans une situation transitoire, ou dans une situation de stabilité de l’exploitation capitaliste, dans une même perspective qui détermine le sens de leurs idées, de leur action et de leur combat politique. Cette perspective, qui est commune aux prolétaires par delà les frontières, a un caractère historique au sens où elle se place comme un élément de l’histoire des sociétés humaines : vers la suppression mondiale de la propriété privée des moyens de production et des capitaux, vers la suppression mondiale du pouvoir d’Etat de la classe exploiteuse et son remplacement par la dictature du prolétariat, puis de l’exploitation elle-même, enfin de tout type pouvoir d’Etat, la division en classes sociales ayant disparu, la nécessité de les organiser au plus haut niveau disparaissant d’elle-même.

Ne sont révolutionnaires que des militants, des organisations, des partis qui reconnaissent cette perspective non seulement en théorie, non seulement pour l’avenir mais dans la pratique quotidienne actuelle. Cela suppose non seulement d’être favorable, dans les révolutions, au pouvoir direct de classe au travers de soviets, mais aussi d’être favorable dans les luttes actuelles, petites et grandes, de l’auto-organisation des travailleurs sans dépendre des bureaucraties syndicales, sans se fier aux directions intersyndicales, sans accepter les divisions de secteurs, de profession, de privé/public et autres divisions de statut, de site, de niveau, de papier, d’origine et de sexe…

Ce qui caractérise les révolutionnaires, c’est qu’ils n’appellent aucun Etat à les sauver, qu’ils ne comptent sur aucune institution de la bourgeoisie, qu’ils ne sèment aucune illusion sur aucun système politique bourgeois, pas plus la démocratie que la dictature ou le fascisme, qu’ils savent que la guerre et le fascisme sont d’abord des politiques bourgeoises qu’aucune entente avec les forces bourgeoises ne peut résoudre.

Aujourd’hui que le système capitaliste est dans l’impasse, suite à l’effondrement de 2007-2008, alors que le prolétariat ne dispose nulle part de partis révolutionnaires, qu’aucun courant révolutionnaire n’est en état de relever le parti du prolétariat, il est d’autant plus urgent que les révolutionnaires unissent leurs forces au sein des luttes sociales et politiques sur les bases communes indiquées plus haut et qui ne se résument nullement à une fausse unité, à un programme purement revendicatif même radical, à un simple activisme commun et qui nécessite de poursuivre en même temps le débat politique sur les divergences, sans jamais succomber aux tendances sectaires ni aux tendances opportunistes, et sans réaliser des ententes sans principes.

Le rôle principal, selon moi, des militants communistes révolutionnaires est de préparer politiquement, organisationnellement et même moralement, la classe ouvrière et les militants qui choisissent consciemment ce camp-là, à jouer un rôle historique de nouvelle classe dirigeante, expulsant radicalement la classe capitaliste.

La tâche est lourde, semble bien disproportionnée à nos forces militants, organisationnelles et même politiques et cependant on n’y coupe pas : c’est la tâche de l’heure au moment où la classe capitaliste a atteint son point de rupture.

Cela nécessite de cesser de considérer que le capitalisme va une fois encore s’en sortir, qu’il va renaître de sa crise, qu’il va repartir. Il faut prendre en compte la nouvelle situation : désormais le capitalisme est du passé, même si, dans la transition actuelle où toutes les forces du capital sont bandées pour faire durer la situation d’agonie, où tous les soins palliatifs sont mobilisés pour détourner les risques révolutionnaires, le prolétariat ne manifeste pas une volonté ferme de prendre la tête de ses propres luttes sociales ou politiques et encore moins de prendre la tête de l’humanité en supprimant la propriété privée par une infime minorité des moyens de production et des capitaux.

C’est cependant cette perspective qui doit être défendue par les militants communistes révolutionnaires et ils ne doivent pas le faire dans des cénacles, à l’écart de la lutte des classes quotidienne, mais au contraire au sein des combats de classe, grands et petits, qui seuls peuvent permettre à la classe ouvrière de mesurer ses amis et ses ennemis, et distinguer les vraies perspectives des fausses.

Rapport de Robert Paris pour l’assemblée générale ouverte de La Voix des Travailleurs

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