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L’homme fort au pouvoir, l’Etat fort, un vieux mythe qui revient…

lundi 17 juillet 2017, par Robert Paris

Edito

L’homme fort au pouvoir, l’Etat fort, un vieux mythe qui revient….

La France recherche un grand chef d’Etat. Elle a cru l’avoir trouvé en Sarkozy, puis en Hollande, puis en Fillon, à chaque fois plus brièvement, avec une déconvenue plus rapide. On lui a annoncé qu’elle l’a trouvé en Macron. Toute le cirque électoral a tourné autour de l’idée d’un « Etat fort » qui manquerait paraît-il, même Mélenchon et Le Pen cultivant cette idée que c’est ce qui manquerait en France. Il faut bien dire que la France n’a rien d’original en la matière. Les hommes providentiels pullulent, d’Obama à Trump, de Modi à Abe, de May à Erdogan. Les déconvenues sont, là aussi, venues à grande vitesse. Ce qui caractérise ce mouvement, c’est le discrédit des grands partis, et plus encore de la démocratie bourgeoise, cache-sexe de moins en moins capable de cacher les liens du monde politique avec celui de la finance et des affaires, ce dernier soutenu follement sur fonds publics et les deniers s’enfuyant aussi vers des poches privées placées sur le chemin…

Que de difficultés pour simuler l’autorité ! Il faut, pour Macron, s’assembler et faire des discours creux à Versailles pour imiter le roi Soleil, Louis XIV, lui-même un dictateur et assassin de son peuple (20% de morts de faim, de misère, de froid, de maladies et de guerre en une seule année, en 1693 !). Il a fallu, à Macron et son équipe, promettre monts et merveilles : la lutte contre le conflit d’intérêt, un comble pour des gens pour qui la corruption et les liens avec les intérêts privés est une deuxième nature. Sarkozy a dû promettre des augmentations de salaires, Hollande la défense des retraites et la baisse du chômage, Fillon la lutte contre les dépenses publiques (sauf à son propre profit), Obama la paix dans le monde et Trump le retour des emplois aux USA, pendant qu’au Japon, Abe promettait la relance de l’économie à coups de sommes colossales qui n’existent même pas dans les fonds publics. Et un point commun de tous les gouvernants : ils ont confondu autorité et autoritarisme, cassant les libertés sous prétexte de lutte contre le terrorisme et contre les migrants, cassant les droits sociaux et les services publics sous prétexte des dettes de l’Etat qu’ils n’ont cessé d’augmenter pour aider le grand capital !

Du coup, de déception en déception, l’opinion publique est conduite à penser que tout cela proviendrait du manque d’un chef, d’un homme d’exception, capable de redresser la conduite des affaires publiques.

Le journal « Le Monde » du 4 juillet 2017 le relève : « La victoire d’Emmanuel Macron a été favorisée par le profond courant de critique de la démocratie politique… Les partis traditionnels, les hommes et les femmes qui les représentent, les institutions dans lesquelles ils siègent, ont fait l’objet d’un rejet dont Emmanuel Macron, comme les candidats de la protestation populiste, ont profité à plein lors de l’élection présidentielle… Pour 76% des personnes interrogées, « le système démocratique fonctionne plutôt mal en France »… « On a besoin d’un vrai chef », disent 88% des Français et « l’autorité est une valeur qui est trop souvent critiquée » affirment 84%... Pendant que 69% sont sûrs que la plupart des politiques sont corrompus et que 83% pensent qu’ils agissent surtout pour leur intérêt personnel ».

Voilà qui n’est pas très charitable, quand on sait que 100% des hommes et femmes politiques qui sont liées au système et parviennent tout en haut des diverses institutions d’Etat sont entièrement dévoués… à l’infime minorité des possesseurs de capitaux, comme le sont Macron, Philippe et la totalité de son gouvernement, et comme le sont également tous les Obama, les Clinton ou les Trump et tous les autres dans le monde. Si les peuples les estiment corrompus, ils oublient dans leur dénonciation de cibler les corrupteurs que sont les trusts, les banques, les financiers, les spéculateurs et autres grands boursicoteurs mondiaux. Et ce n’est nullement un hasard : la démocratie bourgeoise n’est là que pour cela, pour détourner les colères populaires et même prolétariennes, en leur offrant le dérivatif consistant à faire perdre une équipe discréditée au service politique de la bourgeoisie par une autre au service des mêmes profiteurs, de ces moins de 1% qui, parce qu’ils détiennent les capitaux, font en réalité la loi.

Ces classes possédantes sont de moins en moins nombreuses et de plus en plus riches, au point que tous les masques politiciens possibles sont de moins en moins efficaces. En Europe, les 10% les plus riches détiennent dix fois plus de richesses que les 10% les plus pauvres alors que le rapport était seulement de 6,8 il y a dix ans.

Car il y a dix ans, la crise mondiale de 2007, un véritable effondrement, n’a pas frappé les capitalistes, y compris ceux des trusts, des banques, des assurances, des financiers qui avaient fait faillite : les Etats et les banques centrales les ont tous sauvés et le même article du journal « Le Monde » citait tous les gros bonnets du Capital qui étaient au centre de la crise de 2007 et montrait que tous s’en sont très bien tirés, toujours aussi fortunés et jamais mis en cause et condamnés pour avoir plongés la planète dans le noir par leurs spéculations folles.

Effectivement, le capitalisme est bien content de clamer qu’il est toujours au pouvoir dix ans plus tard, que les possesseurs de capitaux ont des fortunes plus grandes que jamais, alors que, partout dans le monde, les capitalistes n’attendent, la peur au ventre, qu’une seule chose : le prochain krach financier. Car durant ces dix ans, aucun pays, aucun gouvernement, aucun capitaliste, aucun banquier n’a réalisé ce que tous promettaient lorsqu’ils étaient dans le creux de la vague de 2007-2008 : de réformer le capitalisme ! Et cela pour une bonne raison : les racines de la crise elles-mêmes montrent justement que le capitalisme n’est pas réformable, qu’il n’a pas eu une maladie conjoncturelle qu’il faudrait simplement soigner, d’un simple défaut à corriger. Il a seulement atteint une limite infranchissable, celle de l’accumulation du capital par son réinvestissement dans la production. La chute de cette dernière et celle des emplois correspondants n’est pas conjoncturelle mais permanente, n’est pas locale ou nationale ni même régionale, mais générale et mondiale. C’est un fait nouveau et remarquable : ce caractère général et permanent de la chute des investissements productifs, pourtant les seuls capables de reproduire la plus-value et donc d’accumuler du capital, ne s’était jamais produit dans toute l’histoire du capitalisme !

Il n’y a aucune maladie qui soit à l’origine du marasme actuel mais, au contraire, un gros succès : le capitalisme a atteint son sommet, celui de la plus grande accumulation du capital, si grande que dans le cadre de la propriété privée des moyens de production, une telle masse de capitaux dépasse largement les capacités d’absorption pour des investissements productifs ! Pour pallier à l’absence d’investissements rentables suffisants, le monde capitaliste a multiplié les palliatifs, en particulier ceux consistant à investir dans la spéculation, mais cela ne peut pas suffire, et d’autant moins que la spéculation a encore augmenté le surplus de capital par rapport aux investissements. S’y est rajouté les aides d’Etat et des banques centrales qui ont permis de retarder la chute générale, mais au prix d’une nouvelle augmentation de la masse totale des capitaux, avec une part encore plus grande de ceux-ci incapables de s’investir dans la production et donc aussi dans la production de capital. Les investissements spéculatifs sont devenus d’autant plus attractifs que leur nécessité, pour pallier aux manques d’investissements productifs rentables, augmente leur demande et donc leur valeur fictive. S’y rajoute le fait que les aides publiques ayant mis en faillite les Etats, la spéculation sur les dettes publiques sont devenus encore plus rentables et attractifs. Non seulement les Etats et les banques centrales ont atteint le fond et ne seront plus capables d’intervenir comme en 2008 pour aider les capitalistes faillis et les sauver, mais, en plus, cette faillite contribue à pousser les capitaux vers le nécrophile, vers les investissements pourris, vers les investissements hautement spéculatifs, ceux qui misent sur l’effondrement. C’est un comble : le capital mise sur la chute du capitalisme !!!

Heureusement que l’on peut connaît sur les réformistes oeuvrant dans les milieux ouvriers et populaires pour défendre la pérennité du système !!! Car, pour ces défenseurs du dialogue social quand le Capital n’a que la matraque face au Travail, il existe encore une bonne réforme possible quand les capitalistes eux-mêmes ne voient que la chute comme avenir, et qu’ils préparent la suite en opposant violemment entre eux les peuples, en développant toutes les haines, tous les racismes, toutes les divisions nationales, religieuses ou ethniques, en fomentant les guerres et les terrorismes et s’en se servant de celles-ci pour justifier la remise en cause des droits et des libertés !!!

Et ces mêmes réformistes, politiques et syndicaux, nous répètent sans cesse le même refrain : l’Etat doit nous sauver, le gouvernement doit nous aider, les institutions doivent œuvrer en notre faveur, au moment où on constate, quelle que soit la couleur du gouvernement, que ce dernier est d’abord et avant tout au service de tout ce qui nous vole, de tout ce qui nous coule, de tout ce qui nous tue, de tout ce qui nous détruit.

Le mythe de l’Etat fort, on a vu où il mène, en Allemagne avec Hitler, en France avec Pétain, en Italie avec Mussolini. C’est certes une réponse à la crise économique mais, contrairement aux illusions fréquentes, l’Etat qui se renforce le fait aux dépens de sa propre population et non pour l’aider et il ne redresse pas davantage l’économie mais prépare seulement la guerre intérieure et extérieure contre tous les peuples.

Messages

  • Après une brève discussion de quelques jours, l’Assemblée nationale a voté le 13 juin le projet de loi d‘habilitation présenté par le gouvernement Macron le 10 juillet. L’Assemblée permet ainsi au gouvernement d‘imposer par ordonnances son renforcement drastique de la loi Travail, en ignorant le parlement. Ce vote, note la presse, « marque le début du quinquennat ».

    La loi travail avait été imposée en juillet 2016 par le gouvernement Hollande à l‘aide de l’Article 49-3, passant lui aussi outre au parlement, de l’état d‘urgence et des syndicats.

    La mesure a été approuvée par 270 voix de la majorité LRM, des Républicains, du groupe dit « constructif » (Républicains pro-Macron) et de l‘UDI, avec 50 voix contre parmi lesquelles celles de LFI (La France insoumise) de Mélenchon et les staliniens du PCF.

    Durant la campagne électorale, Macron avait fait de la modification de la loi El Khomri une des mesures-phares de son futur gouvernement. Dès sa formation, celui-ci avait impliqué les syndicats dans ses décisions. Ceux-ci n’avaient pas remis en question le principe de gouverner par ordonnances.

    En gouvernant par ordonnances, le gouvernement cherche surtout à éviter une discussion de sa politique dans la classe ouvrière et la jeunesse qui mènerait à une opposition politique de masse contre lui. Les ordonnances permises par cette loi ne font qu’indiquer les grands traits des changements apportés à la loi travail. Leur véritable contenu peuvent être des mesures bien plus drastiques encore que celles décrites jusque là et sera déterminé dans les prochaines semaines, la discussion avec les syndicats se poursuivant.

    L’Assemblée nationale a donné un chèque en blanc au gouvernement pour modifier la loi travail comme bon lui semble ; après le vote, plus aucun amendement n’est possible. Le gouvernement a six mois pour préciser ses mesures.

    Le fait que les premières lois importantes du gouvernement Macron soient passées par ordonnances crée un précédent pour le reste du quinquennat. Le dernier gouvernement français à les utiliser fut celui d’Alain Juppé, qui imposa une partie de ses attaques contre les retraites et la sécurité sociale par de telles ordonnances en décembre 1995, après que les syndicats aient conduit les grèves de masse dans une impasse.

  • Parmi les mesures envisagées jusque là par le gouvernement, il y a l’imposition définitive de l’« inversion de la hiérarchie des normes », c’est-à-dire de la prépondérance des accords d’entreprise sur les conventions de branche et le code du travail. Cela donnera toute latitude à l’employeur pour flexibiliser et précariser l’emploi, exerçant un chantage permanent par la menace de l’emploi au cas où les travailleurs refuseraient des conditions pires que celles garanties par les branches et la législation du travail.

    Une autre mesure est le « contrat de projet » qui est en fait un contrat d’intérimaire limité à la durée, déterminée par l’entreprise, d’une « mission » particulière sur le mode des contrats de chantier qui finissent avec la fin d’un chantier. Un tel contrat est destiné à remplacer le CDD (Contrat à durée déterminé), trop peu « flexible » du point de vue du patronat. Il remplacera aussi invariablement les CDI (Contrat à durée indéterminée) et signifiera pour les travailleurs une augmentation énorme de la précarité.

    Le compte pénibilité sera jeté aux orties. Il permettait encore à certaines catégories de travailleurs au travail physiquement pénible et/ou dangereux, sous certaines conditions, de partir en retraite avant l’âge légalement requis, une mesure d’ailleurs systématiquement sabotée par le patronat qui en demandait la suppression. Le gouvernement Philippe a supprimé la moitié de ces conditions, lui enlevant le peu d’efficacité qu’il avait et scellant sa disparition.

    Les ordonnances concernent aussi une baisse du plafonnement des indemnités accordée aux travailleurs en cas de licenciements « abusifs » contestés devant les prud’hommes. Ce que le gouvernement envisage est une baisse de moitié de l’indemnité maximum qui pouvait avoir un effet dissuasif pour le patron. Une forte réduction enlèverait toute efficacité aux prud’hommes et encouragerait fortement les employeurs à licencier.

    Dans un geste destiné directement à encourager les fonds d’investissement à investir en France, on veut permettre les licenciements économiques au seul vu de difficultés d’une entreprise au niveau national ou européen au lieu de les prendre en compte globalement, comme jusque-là. Il suffira alors à toute société internationale de créer des difficultés artificielles dans ses entreprises en France pour justifier des licenciements. Cette mesure avait été retirée de la loi travail face aux manifestations l’an dernier.

    L’intention du gouvernement Macron est de renforcer radicalement la déréglementation déjà massive introduite par la loi El Khomri du marché du travail, rendant les travailleurs entièrement « flexibles » pour les besoins du patronat et créant les conditions qui encourageront les fonds d’investissement contrôlés par les oligarchies financières dans le monde, y compris en France, qui recherchent le plus haut retour sur investissement possible, à investir en France. Il ouvre la porte à une extension massive de l’exploitation de la classe ouvrière dans le pays.

  • Dans ce processus, les bureaucraties syndicales jouent un rôle majeur. C’est pourquoi, les ordonnances prévoient de donner plus de pouvoirs et d’argent aux syndicats au niveau de l’entreprise pour imposer la destruction des acquis sociaux. Le gouvernement Macron envisage l’introduction d’un « chèque syndical ». Dans ses mots il s’agit de renforcer « la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur ». Cela scellera la transformation des syndicats en organes de l’État et du patronat.

    Sous le prétexte peu crédible de lutter contre « les discriminations syndicales », le gouvernement veut donner aux syndicats le statut de privilégiés par rapport aux autres travailleurs. Il préconise le « renforcement de la formation (des représentants syndicaux), la promotion de la reconversion professionnelle des salariés exerçant des responsabilités syndicales ou un mandat électif de représentation, l’encouragement à l’évolution des conditions d’exercice de l’engagement syndical ou encore la reconnaissance (du mandat électif) dans le déroulement de carrières et les compétences acquises en raison de cet engagement ».

    Au vu de l’imposition de telles conditions par ordonnances qui remettent en question des décennies d’acquis sociaux obtenus par les travailleurs sur des décennies de luttes, on comprend pourquoi l’aristocratie financière a besoin de l’état d’urgence et pourquoi Macron veut le rendre permanent en l’inscrivant dans le droit commun.

    Une mesure imposée au départ au prétexte de lutte contre le terrorisme, justifiée par les attentats d’éléments armés et financés par les services secrets occidentaux pour mener leurs opérations de changement de régime en Libye et en Syrie, est utilisée pour la répression de l’opposition sociale aux attaques de l’oligarchie française.

  • Emiliano Zapata :

    « Un peuple travailleur est fort de sa propre organisation et pas parce qu’il obéit à un « homme fort » ou prétendu tel. »

  • Face à son système économique en crise, les classes possédantes relancent le mythe de l’ « homme fort », appelé à remplacer la démocratie bourgeoise vermoulue, et veulent rendre à nouveau populaire la dictature personnelle et politique, qui cache, autant que la prétendue démocratie, la dictature des classes possédantes….

  • Le FMI fait partie de ceux qui voudraient faire de Macron un homme fort !

    Le Fonds monétaire international (FMI) serait-il gagné par une forme de « Macronmania » ? Rarement l’institution de Washington aura employé, à l’égard de la France, un ton si élogieux qu’en présentant, lundi 17 juillet, sa dernière évaluation de l’économie hexagonale.

    « Ce programme est ambitieux, complet mais également équilibré », a complimenté Christian Mumssen, qui a dirigé la mission d’évaluation en France. In fine, il « pourrait fortement contribuer à résoudre les défis économiques auxquels la France se heurte de longue date », affirme même le FMI dans son résumé de fin de mission, citant les « déséquilibres budgétaires persistants », le « chômage élevé » et la « faible compétitivité externe ».

    Même encouragement sur la réforme du marché du travail, jugée « vaste et ambitieuse ». Le FMI valide la méthode choisie pour le premier chantier social du quinquennat, la réforme du droit du travail, que le gouvernement veut faire avancer vite en procédant par ordonnances

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