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Mort de la psychanalyse infantile, fin de l’hôpital de jour ? Est-on en train de casser l’accès des enfants aux traitements psychanalytiques ? Faut-il se contenter de la « première dame » pour soigner l’autisme ?

mardi 22 août 2017, par Robert Paris

Mort de la psychanalyse infantile, fin de l’hôpital de jour ? Est-on en train de casser l’accès des enfants aux traitements psychanalytiques ? Faut-il se contenter de la « première dame » pour soigner l’autisme ?

Ce handicap touche plus de 600.000 adultes et enfants en France, selon des estimations toujours imprécises. Un « 4e plan autisme » devrait être mis en place sous le patronage de l’Élysée… Et on avait appris que Macron laissait la charge de l’autisme à… sa femme, alors proclamée « deuxième dame » !!!

Brigitte Macron, comme geste symbolique, avait invité de jeunes autistes à l’Elysée…

A-t-elle des compétences médicales pour cela ? Non. Pas plus que la commission parlementaire sur ce thème.

Depuis, Brigitte pourrait avoir perdu le statut de première dame mais pas la charge de l’autisme ! Elle a visité un foyer d’autistes dans le Val d’Oise. Elle s’est rendue auprès d’enfants scolarisés à l’hôpital…

Et il n’y a pas que Brigitte sur l’affaire…

La secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, est aussi la fondatrice de la FNASEPH qui s’occupe du suivi et de l’insertion des étudiants présentant un handicap.

Cela pourrait être un avantage mais cela n’en fait pas non plus une personne compétente médicalement…

« Nous allons construire des actions ambitieuses pour mieux repérer, mieux dépister, mieux diagnostiquer, mieux accompagner les personnes avec autisme, ajoute Sophie Cluzel. Il nous faut aussi renforcer la recherche et la formation de tous les professionnels qui sont concernés. Je peux vous dire l’ambition, tant du Président de la République que du Premier ministre en la matière. »

On remarquera le vide du propos… Aucun mot ne traite spécifiquement de l’autisme et ce discours pourrait aussi bien concerner le sida ou le cancer…

Les pouvoirs publics adorent s’engager sur l’autisme, mais dans les faits, cet engagement reste limité. Ainsi, le candidat Macron a eu des mots forts lors de la campagne présidentielle : « Ce sera l’une des priorités de mon quinquennat, parce qu’aujourd’hui il y a des dizaines de milliers de nos concitoyens qui sont sans solution, livrés à eux-mêmes, à un quotidien auquel on n’apporte aucune réponse. Aucune ! »

Tout d’abord Macron n’a eu aucun mot envers la principale structure médicale de l’autisme : l’hôpital de jour !!!

Cependant, officiellement, on a lancé le quatrième plan autisme… à l’Elysée !! Pas parmi les professionnels !!!

Bien sûr, on annonce que le plan sera issu d’une « grande concertation »…

Les époux Macron déclarent : « La souffrance et l’abandon que subissent les parents me touchent. On n’a pas le droit de ne pas les aider ».

Cela ne veut pas dire que leur intervention va améliorer la situation, d’autant qu’ils n’y connaissent rien…

La concertation élyséenne, lancée à grands sons de trompettes, a formé cinq groupes de travail ont été constitués autour des thèmes de la scolarité et la formation professionnelle, l’insertion dans la société et le monde du travail, la recherche, les familles, et l’accompagnement au changement.

On notera qu’en sont exclus les soins médicaux et psychologiques de l’enfant !!! C’est dire…Alors que l’objectif défini pour la fin 2017 est de « déterminer des mesures pour mieux diagnostiquer et prendre en charge les personnes atteintes d’autisme » !

On va diagnostique et prendre en charge sans connaître la maladie, sans tenir compte des spécialistes ?!!!

Or les soins aux personnes autistes, souvent le souci verbal des gouvernants, loin de s’améliorer du fait de leur intervention, ont pâti des réorganisations, restructurations, plans d’austérité divers, sans parler des campagnes du tout médicament…

Aujourd’hui, note l’Igas, c’est le désordre. On échoue « à mettre en œuvre un repérage des troubles du neurodéveloppement en proximité ». Puis : « Les parcours des familles demeurent très heurtés dans un paysage éducatif, sanitaire, social et médico-social éclaté. »

Second constat, la prise en charge est délicate, douloureuse, et souvent très inégalitaire selon les lieux d’habitation des personnes concernées. L’Igas met en cause la faiblesse de la cohérence générale du schéma : en raison de connaissances épidémiologiques très réduites, la mission note « une multiplicité de mesures peu priorisées, aux effets difficilement mesurables ». La gouvernance générale « ne prévoit pas l’association de toutes les professions concernées, comme les médecins généralistes, les neurologues, les psychologues », etc.

Juste avant de quitter son ministère, en avril, Marisol Touraine avait rendu public un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l’autisme en France. Bilan très mitigé. En France, la prise en charge de l’autisme a été, on le sait, longtemps marquée par des clivages profonds entre ceux qui voient dans ce trouble la manifestation d’un handicap, et ceux qui mettent plutôt en avant l’aspect psychique. Aujourd’hui, aux yeux de tous, il s’agit d’un trouble du neurodéveloppement qui apparaît très précocement, dans les toutes premières années de la vie. Il se manifeste par des difficultés à établir des liens sociaux, mais aussi par des troubles comportementaux plus ou moins sévères. Tout le monde considère que les causes sont multifactorielles, certains insistant néanmoins sur l’importance du facteur génétique. Récemment, on a pu voir que des médicaments anti-épileptiques comme la Dépakine, prise au cours de la grossesse, pouvaient provoquer ce type de troubles chez l’enfant.

Premier rappel selon l’Igas, les données épidémiologiques sont faibles, et bien souvent les chiffres annoncés sont démesurés, évoquant par exemple 600 000 cas en France. La Haute Autorité de santé parle d’une fréquence de 1 sur 150 naissances, ce qui ferait que, pour les moins de 20 ans, il y aurait en France autour de 100 000 personnes atteintes.

Afin « d’éviter le gâchis humain actuel », « le 4e plan autisme doit être résolument opérationnel pour que les personnes autistes bénéficient d’avancées réelles en termes d’accompagnement, y compris les plus vulnérables », insiste l’Unapei, association de personnes handicapées mentales et leurs familles. « La santé, la scolarisation, la vie sociale, le logement, le travail doivent être adaptés », conclut l’association, souhaitant un « financement à la hauteur des enjeux ».

Il faut savoir que les interventions des gouvernants et de certaines associations ont été dans le sens d’une véritable guerre contre l’hôpital de jour et contre les soins médicaux et psychologiques des enfants, prétendant que cela ne faisait que stresser et culpabiliser les parents, soi-disant du fait des psychanalystes !

Rappelons-le, l’ « hôpital de jour » a pour rôle de :
Soigner les troubles de la construction psychique de l’enfant. Depuis l’inhibition massive ou l’excitation incontrôlable, jusqu’aux psychoses et autismes infantiles.
Ne pas séparer l’enfant de sa famille, tout en l’ouvrant au monde extérieur.
Soigner le plus tôt possible : à partir de 18 mois. Et en se donnant du temps : jusqu’à 8 ans.
Soigner par la rencontre avec d’autres enfants : par l’expérience de petits groupes, intermédiaires de par leur taille entre celle d’une famille et celle d’une classe, et par la vie en commun des quinze enfants accueillis chaque jour.
Soigner par une équipe pluridisciplinaire, associant psychiatres, psychologues-psychothérapeutes, infirmière, éducateurs, psychomotricienne, orthophoniste et assistante sociale.
Soigner par des psychothérapies psychanalytiques, jusqu’à quatre séances par semaine.
Soigner en dépistant un éventuel problème organique.
Eduquer au sens noble, c’est à dire préparer à la vie, et non seulement rendre conforme aux exigences de la socialisation. Apprendre les gestes de l’autonomie, se nourrir, être propre, s’habiller…
Apprendre à exprimer ses désirs, à jouer, à partager des plaisirs.
Devenir capable de dire "non", de se défendre, assumer de se fâcher, d’être en rivalité.
Découvrir son propre corps et les contacts physiques avec d’autres enfants, à la piscine du quartier, à la pataugeoire et au square de l’hôpital de jour. Explorer le monde extérieur par de nombreuses sorties.

Bernard Golse (Pédopsychiatre Hôpital Necker-Enfants Malades) déclare :

Ayant été auditionné le 16 mai 2013 par la Mission d’information sur la Santé Mentale créée en 2012 au sein de la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale sur l’avenir de la Psychiatrie et de la Pédopsychiatrie, j’ai eu l’occasion de dire, dans le cadre de cette audition, à quel point, avec une immense majorité de mes collègues pédopsychiatres, nous avons été scandalisés par le 3ème plan autisme qui vient d’être publié sous la direction de Madame Marie-Arlette Carlotti. Je dirige le service de Pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades et à ce titre, je suis responsable de l’un des six centres d’évaluation et de diagnostic de l’autisme et des troubles envahissants du développement, rattachés au C.R.A.I.F (Centre de Ressources Autisme Ile de France).

Nous espérions beaucoup du changement du gouvernement pour pouvoir revenir à une position raisonnable à propos de cette pathologie extrêmement douloureuse. L’objectif principal du livre que je viens de publier aux éditions Odile Jacob (Paris 2013) sous le titre : "Mon combat pour les enfants autistes" était précisément d’essayer d’apaiser les conflits, et de plaider pour une prise en charge multidimensionnelle et intégrative des enfants autistes, du fait même de l’origine polyfactorielle de cette pathologie. J’ai eu l’occasion d’en parler successivement avec Madame Aurore Lambert, avec le Pr Olivier Lyon-Caen, avec Madame Cécile Courreges, avec Monsieur Axel Cavaleri, et enfin avec Madame Marie Derain la défenseure des enfants. J’ai trouvé une écoute très attentive chez chacun de ces interlocuteurs qui m’avaient tous assuré qu’il n’était plus question pour l’Etat de s’engager dans des polémiques et des clivages interprofessionnels qui ne sont finalement que le fruit de certains lobbyings politiques, commerciaux et journalistiques. Nous avions donc beaucoup d’espoir.

Or la lecture de ce 3ème plan nous montre qu’il est en quelque sorte plus dangereux encore que les précédents. Ceci représente vraiment pour nous une très grave déception, mais les enjeux vont, me semble-t-il, bien au-delà de l’autisme. Il y a d’abord la liberté de choix des parents qui n’est plus respectée. Quelle autre discipline médicale accepterait de voir l’Etat lui dicter ses contenus d’action ? Peut-on vraiment imaginer que les cardiologues toléreraient que l’on vienne choisir à leur place le médicament de l’infarctus du myocarde ? Quand les C.R.A. (Centre de Ressources Autisme) ont été créés par Madame la Ministre Simone VEIL, leurs missions avaient été très sagement définies. Il s’agissait de veiller à ce que chaque région du pays dispose d’équipements suffisants pour les enfants autistes, sur les trois registres du soin de l’éducatif et du rééducatif. Il s’agissait donc, et c’est me semble-t-il la mission principale de l’Etat dans le champ de la médecine, de veiller à la bonne adéquation des contenants d’action, mais sans s’immiscer dans la question des contenus d’action qui ne peut être qu’une affaire de spécialistes.

Aujourd’hui, nous allons vers une impasse, car plus l’Etat se mêle de dicter aux professionnels leurs contenus d’action, plus la liberté de choix des parents se trouve rabotée. Même les recommandations de la H.A.S. (Haute Autorité de Santé) qui ont suscité tant de réactions passionnelles à propos de la prise en charge des enfants autistes, insistaient sur une prise en charge intégrée.

Le 3ème plan fait l’apologie du tout éducatif et ceci est parfaitement inadmissible. Nous aboutissons ainsi à un paradoxe car, alors que les parents d’enfants autistes plaident activement, et à juste titre, pour que leur enfant soit considéré comme un citoyen à part entière ayant notamment le droit d’être scolarisé, ce 3ème plan va pourtant aboutir à en faire un citoyen privé de sa liberté d’accès à différents outils thérapeutiques disponibles pour tout le reste de la population (je pense évidemment ici, en particulier, aux soins psychothérapeutiques). Mais à nouveau, j’insiste sur la liberté de choix des parents. De quel droit leur interdire la possibilité de choisir pour leur enfant, une aide multidimensionnelle incluant une dimension psychothérapeutique ?

Par ailleurs, nous sommes nombreux à craindre la mort programmée en quelque sorte de la Pédopsychiatrie. Celle-ci se fonde en effet sur le vif de la rencontre clinique, et chaque rencontre doit pouvoir déboucher sur des décisions thérapeutiques adaptées et spécifiques de chaque situation. Quand l’Etat nous aura dicté nos conduites à tenir en matière d’autisme, il continuera probablement à vouloir le faire en matière d’hyperactivité, de troubles obsessivo-compulsifs… et cela sera sans fin ! Que restera t-il de la créativité médicale ? Que nous restera t-il à enseigner à nos étudiants ! Comment pourrons-nous susciter des vocations et des enthousiasmes professionnels quand l’acte médical pourra être remplacé par une simple application de protocoles informatisés ?

Au-delà de l’autisme, cette dérive de la pensée politique qui plie l’échine devant certaines positions associatives intransigeantes, me semble faire le lit d’un fonctionnement déshumanisé et pré-totalitaire dans le champ de la médecine. Au-delà de l’autisme, de la pédopsychiatrie, et de la psychanalyse, c’est donc aujourd’hui le soin psychique et l’ensemble des sciences humaines qui se trouvent ainsi gravement menacés, en même temps que la liberté de choix des parents se voit subrepticement amputée.
Psychologie et psychanalyse

Défense de la médecine et de la psychanalyse infantile contre le tout-médicament

Tous contre la psychanalyse des autistes ?

Lire aussi

Messages

  • On pouvait lire déjà en 2013 :

    Il souffle un vent de haine dans le débat passionnel qui existe aujourd’hui sur l’autisme. Il pleut des propos de détestation à l’endroit de la psychanalyse.

    A l’occasion de la présentation du 3e Plan autisme, jeudi 2 mai, la ministre déléguée aux Personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, a tenu au Parisien des propos d’une exemplaire binarité et d’un manichéisme confondant, mettant dos à dos, dans l’approche thérapeutique de cette maladie, les tenants de la psychanalyse et ceux qui « utilisent d’autres méthodes ». Madame Carlotti affirme que ces dernières sont « celles qui marchent », laissant sous-entendre que celles de la psychanalyse sont nulles et non avenues.

    De plus, la ministre a déclaré le même jour que « depuis quarante ans l’approche psychanalytique est partout » et « concentre tous les moyens ». Des mots qui laissent un goût particulièrement amer.

    Désormais, seules les institutions utilisant « les méthodes qui marchent » se verront dotées de budgets de fonctionnement. Les autres sont sommées de se mettre au pas et priées sans ménagement de mettre leur savoir-faire forgé depuis des années au rebut : la chasse aux sorcières a commencé.

    Pire encore, le journaliste du Parisien affirme que la plupart des autistes traités par l’approche psychanalytique « finissent à l’hôpital psychiatrique ». Là encore, le procédé est non seulement calomnieux mais outrancier, et nous invitons ce journaliste comme la ministre à venir dans nos unités de pédopsychiatrie examiner de quelle façon nous y travaillons.

    Si certains psychanalystes ont pu dans le passé être dogmatiques et culpabilisants à l’endroit des mères d’enfants autistes, la majorité d’entre eux ne tiennent aujourd’hui plus ce discours et maintiennent comme nécessaire une approche plurielle de l’autisme alliant méthodes psychanalytiques, cognitives et éducatives.

    Encore un point : Madame Carlotti déclare que « plus le dépistage est précoce, meilleure est la prise en charge ». Fort bien ! Nous en sommes d’autant plus d’accord que ce sont précisément des psychanalystes comme ceux de l’Association Préaut qui ont mis au point un tel dépistage, encore plus précoce puis qu’il s’adresse aux bébés bien avant 18 mois. Non content de faire de la psychanalyse l’ennemi sur le dossier de l’autisme, le gouvernement semble avoir perdu la mémoire.

  • On pouvait aussi lire en 2012 :

    Le 8 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu public un rapport sur le traitement de l’autisme, préconisant le recours aux méthodes comportementales, au détriment des approches psychanalytiques, qualifiées 
de « non consensuelles ».

    Le sujet délicat de l’autisme a-t-il été insidieusement investi d’une autre bataille, celle que mènent les tenants des thérapies cognitives et comportementales (TCC) contre la démarche psychanalytique ? En 2004, un rapport de l’Inserm concluant 
à la « meilleure efficacité » des TCC dans le traitement des troubles mentaux avait déjà fait polémique. En effet, comment imposer les mêmes critères d’évaluation à des pratiques 
aux finalités si différentes ? 
De manière générale, alors 
que les TCC visent la réduction d’un symptôme, la psychanalyse propose d’en rechercher le sens. Elle ouvre donc sur une véritable quête intellectuelle, dont la préservation, au-delà 
des questionnements légitimes sur son apport face à telle 
ou telle problématique, 
est un enjeu de civilisation.

    La psychanalyse a historiquement émergé en opposition à la médecine positiviste et hygiéniste du XIXe siècle. La rationalité médicale et sanitaire fait aujourd’hui un retour en force au sein de la psychiatrie et en psychologie. La composition et les évaluations sanitaires de la commission de la HAS n’allaient pas favoriser les approches humanistes et sociales des souffrances, qu’elles soient psychiques ou organiques. Certains chercheurs avancent des causes génétiques aux syndromes autistiques. C’est possible. Mais ce n’est pas parce qu’une souffrance donnée serait d’origine organique qu’elle devrait exclure des pratiques de soins psychiques. En deuxième lieu, la décision a été prise sous la pression de lobbys fortement mobilisés, en particulier de certaines associations de familles d’enfants autistes, exploitant habilement la médiatisation de conflits épistémologiques et idéologiques. Pour les diagnostics et les traitements de certaines pathologies, le soupçon que l’industrie pharmaceutique influence le choix des experts est récurrent. C’est le cas dans une psychiatrie très médicalisée sous la tutelle des industries de santé. Inutile de vous dire que lorsque l’Express et Libération ont révélé que le président de la HAS avait oublié, dans un premier temps, de faire état d’une déclaration de conflits d’intérêts de plus de 205 482 euros perçus entre 2008 et 2010 de 28 labos différents, 
certains psys n’ont pas manqué de voir dans le jugement contre la psychanalyse la main des laboratoires… Sans me prononcer sur ce cas particulier, il est évident qu’existent des «  alliances objectives  » entre certaines théories biologiques 
déterministes et un pouvoir politique sécuritaire, entre une conception médicale des souffrances et les intérêts des laboratoires.

    La psychanalyse va à l’encontre d’une conception dominante aujourd’hui de l’humain qui repose sur «  trois moins  » : moins de temps, moins de coût et le moins d’interrogation du sens possible. Interroger le sens nécessite du temps d’investigation, d’interprétation, de construction. La conception dominante s’en prend donc à cette tâche. Nous sommes face à ce que j’appellerais une «  logicialisation  » de tout, c’est la volonté d’inscrire des automatismes et des programmes dans l’existence humaine traitée comme une chose parmi d’autres. La psychanalyse contredit cette visée car c’est une discipline qui traite de la question du sens et de son histoire et pas seulement du signe.

    Il y a quelques années, le New York Times rendait compte d’une étude démontrant que les thérapies psychanalytiques sont celles qui obtiennent les résultats les plus durables. Cette étude n’était pas réalisée par des psychanalystes. Il est tout à fait possible d’évaluer les résultats de la psychanalyse, à condition de prendre le temps d’un suivi des sujets au long cours. La question est, bien sûr, celle des critères de l’évaluation. La HAS aurait dû recommander des recherches sur la réalité avant de délivrer des jugements.

  • Je crois que la psychanalyse n’a jamais été socialement évaluée pour la pertinence de ses connaissances et l’efficacité de ses méthodes, mais toujours du point de vue de ses affinités idéologiques avec les valeurs d’une société. Dans la culture d’un 
capitalisme paternaliste, la psychanalyse a pu être adulée. Elle était considérée comme un savoir légitimant l’ordre social, avec notamment une vision du sujet responsable pour une bonne part de ce qui lui arrivait. Les théories sur un conflit entre la sexualité et la morale bourgeoise, le désir et la culpabilité, le rapport à l’autorité, entraient en résonance avec les rapports sociaux de production et leurs modes d’aliénation. Aujourd’hui, à l’heure du capitalisme financier, ce savoir «  tragique  » de la psychanalyse ne séduit plus les promoteurs de la religion intégriste du marché. Comme Pasolini l’avait montré, l’hédonisme de masse fait bon ménage avec une marchandisation généralisée de l’existence humaine. L’individu est un «  entrepreneur de lui-même  », poussé à la réactivité immédiate, aux relations liquides et jouissives sans égard pour le travail de la culture psychanalytique qui exige du temps, du sens et de l’histoire. De mon point de vue, c’est ce niveau idéologique qui explique aujourd’hui 
principalement ce désamour entre la psychanalyse et la nouvelle civilisation des mœurs. Les formes de savoir sont inséparables des pratiques sociales en vigueur à un moment donné, dans une société donnée.

  • Bernard Golse, qui dirige le plus important service de pédopsychiatrie de France à l’hôpital Necker :

    « Cette interférence du politique dans le contenu du soin est inconcevable vis-à-vis de la protection des libertés et ceci d’autant plus qu’il n’existe aucun consensus et aucune solution générale quant à la prise en charge de l’autisme, explique-t-il. Cette intrusion, sans précédent, dans la liberté de choix de prescription est un danger pour une médecine éthique et de qualité, toutes disciplines confondues. »

  • Le Collectif des 39 souhaite réagir à la création à l’Education nationale du nouveau Conseil scientifique par le Ministre J.M. Blanquer, avec à sa tête le Professeur Stanislas Dehaene, spécialiste de psychologie cognitive, et médiatique promoteur des neurosciences.

    Ce Conseil scientifique est d’une seule couleur théorique, uniforme et donc réductrice. Blanquer et Dehaene veulent imposer dans l’enseignement une nouvelle pédagogie « fondée sur les preuves » statistiques, à l’image de ce qui se pratique en médecine (Evidence Based Medecine), et que depuis de nombreuses années nos gouvernements successifs tentent d’imposer à la psychiatrie… Pourtant, les résultats de la science statistique peuvent-ils vraiment être directement appliqués, sans recul, ni possibilité de remise en question ? On sait que le moteur de toute(s) science(s) est la capacité de (re)mise en question, de doute fondamental et méthodologique, et que les « bons » résultats d’aujourd’hui constituent parfois les erreurs du lendemain…

    La diversité – qui fonde la richesse – de nos expériences nous permet d’alerter sur ce défaut de pluralisme. Pluralisme qui devrait toujours présider à la conception d’une instance éducative, qu’elle soit, ou non, issue des recherches dites « scientifiques ». L’appauvrissement des points de vues augmente nécessairement les risques – que nous avons déjà vu se réaliser en psychiatrie par l’intermédiaire de la Haute Autorité de Santé – tels le lobbying et les conflits d’intérêts, en lien avec la commercialisation des dites « bonnes méthodes »…

    Nous avons déjà dénoncé combien cette « HAS » est un outil dévastateur du soin en psychiatrie et combien les liens de subordination entre administration et pratique clinique sont toxiques tant pour les soignés que pour les soignants ! Quant à la connivence entre science et politique, l’histoire nous a appris qu’elle est fondamentalement dangereuse, et que sa légitimité doit être sans cesse questionnée.

    Enfin, ce rétrécissement conceptuel favorise l’expansion des diagnostics de « handicap » et la stigmatisation de toutes les formes de développement ou d’apprentissage des « vrais enfants » qui échappent aux normes des « enfants statistiques » utilisées par l’ « evidence based education » (EBE) ou « evidence based medecine » (EBM).

    Comme cela est souvent le cas, c’est en se parant de « neutralité scientifique » ou d’« apolitisme théorique » qu’un mouvement, ici les neurosciences cognitives, déploie un projet précisément politique. Celles-ci se sont implantées dans les instances du pouvoir, et ont réussi à le prendre, en excluant, et/ou en laissant apparaître comme « mineure », toute autre approche que la leur, aussi bien en ce qui concerne la pertinence « théorique » que « pratique ».

    Traiter de la rapidité du déchiffrage dans la lecture pour conclure que les sciences cognitives indiquent la bonne méthode sans prendre en compte les éléments du contexte socio-culturel des enfants et les expertises pédagogiques des enseignants, c’est nier non seulement toute dimension plurielle, mais c’est aussi nier la complexité de cet apprentissage, c’est nier la réalité de la vie.

    Dire que l’importance de « l’imaginaire » dans le développement de l’enfant n’est pas avérée simplement parce qu’il n’est pas un champ exploré par les sciences cognitives (manque de données statistiques), c’est évacuer d’emblée une des dimensions essentielle de l’être humain : la rêverie, la création, l’inconscient…

    Voulons-nous d’une école ECOLE-IRM, où les différences culturelles et sociales, tout comme le psychisme et l’inconscient, ou l’imaginaire et la singularité, s’effacent et disparaissent derrière l’hypothétique robot d’un cerveau machine ?

    La déshumanisation statistique préparerait-elle les patients de demain ?

  • Le premier ministre Edouard Philippe présente dans la matinée une "stratégie nationale" de cinq ans sur l’autisme, en présence d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé et de Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées. Encore un plan bidon de plus. Les moyens n’y sont pas, la concertation avec les personnels n’y est pas, la volonté réelle n’y est pas. Tout de la com !!!

  • Le gouvernement a décidé de mettre une somme importante pour une application destinée aux familles d’enfants autistes, un argent qui va dans au secteur de l’informatique privée et pas à l’aide à ces enfants et à leurs familles. Pendant ce temps, l’encadrement psychologique et médical des autistes et de leurs familles continue de s’effondrer en proportion des chutes des sommes publiques qui leur sont consacrées. Les dépenses des familles ne sont toujours pas prises en compte par la Sécu ni par l’Etat !!!

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