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Crime d’Etat en 1986 : Souvenez-vous de Malik Oussekine !!!

vendredi 11 mai 2018, par Robert Paris

Les voltigeurs à moto ont été dissous puis recréés !!!

Crime d’Etat en 1986 : Souvenez-vous de Malik Oussekine !!!

A l’époque, nous sommes en pleine cohabitation. François Mitterrand est Président de la République et Jacques Chirac, son Premier ministre après que le RPR a remporté les élections législatives en mars 1986. Charles Pasqua est alors ministre de l’Intérieur et Robert Pandraud est son délégué à la sécurité. Les deux hommes ont mis en place les Pelotons de voltigeurs motoportés, des policiers montés à deux sur une moto tout-terrain. L’un conduit, l’autre est armé d’une matraque. Ils ont comme mission de « nettoyer » les rues après les manifestations et de débusquer les casseurs. Le PVM est mis en service lorsque Charles Pasqua accède à la place Beauvau en 1986.

Depuis le 25 novembre 1986, étudiants et lycéens manifestent contre le projet Devaquet. En marge des défilés, de violents affrontements entre la police et de jeunes manifestants font des dizaines de blessés.

Le 6 décembre 1986, après une manifestation à Paris, des étudiants occupent la Sorbonne. L’université est évacuée dans le calme, mais quelques étudiants tentent d’élever une barricade à l’angle de la rue Monsieur-le-Prince et de la rue de Vaugirard dans le 6e arrondissement. Immédiatement, une équipe de « voltigeurs » est envoyée sur place. Les voltigeurs ont été remis en service par Robert Pandraud, ministre délégué à la Sécurité auprès du ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua. Ce sont des policiers montés à deux sur une moto tout-terrain ; l’un conduit, l’autre est armé d’un « bidule », grande matraque de bois dur destinée à faire le vide au passage de la moto. Ils ont comme mission de « nettoyer » les rues après les manifestations en pourchassant les « casseurs ». Ce corps de police fut dissous à la suite de cette affaire.

En arrivant dans le Quartier latin, les voltigeurs prennent en chasse les jeunes présumés « casseurs » qu’ils croisent. À minuit, Malik Oussekine sort d’un club de jazz. Des voltigeurs le remarquent et se lancent à sa poursuite. Malik Oussekine tente de s’enfuir. Il croise un homme qui rentre chez lui. Celui-ci, fonctionnaire des finances, laisse l’étudiant entrer dans le hall de son immeuble, mais les policiers entrent à leur tour. Selon le fonctionnaire des finances, seul témoin des faits, les voltigeurs « se sont précipités sur le type réfugié au fond et l’ont frappé avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos ».

Un témoin qui rentrait chez lui, Paul Bayzelon, fonctionnaire au ministère des Finances, habitant l’immeuble, au 20 rue Monsieur le Prince (6e arrondissement), a pu, seul, déclaré :

« Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le visage affolé d’un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte. Deux policiers s’engouffrent dans le hall, se précipitent sur le type réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos. La victime se contentait de crier : “je n’ai rien fait, je n’ai rien fait” ».

Paul Bayzelon a dit avoir voulu s’interposer mais s’être fait lui aussi matraquer jusqu’au moment où il a sorti sa carte de fonctionnaire. Puis les policiers sont partis laissant Malik Oussékine sur le carreau.

Peu après le Samu arrive sur place. Ils apportent les premiers soins à Malik Oussekine et le transportent à l’hôpital Cochin où il est mort des suites du tabassage de la police.

Les médecins d’urgence constatent un hématome péri-auriculaire, un hématome suborbital, une fracture de la cloison nasale, une abrasion du nez et de la joue droite, etc... Ils s’aperçoivent aussi que Malik disposait d’une déficience rénale, ce qui fait dire à Robert Pandraud, ministre délégué à la Sécurité : « Si j’avais un fils sous dialyse, je l’empêcherais d’aller faire le con la nuit ». Et pour tenter de justifier leur assassinat, les "voltigeurs" policiers font courir le bruit, en s’enférant dans leur racisme, que la soeur de Malik est une prostituée et que son frère est un escroc. Le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua et son ministre, Robert Pandraud, choquent l’opinion générale en ne condamnant pas l’action de la police ce soir-là. De nombreuses manifestations monstres ont lieu alors dans toute la France, où on compte plus d’un million de personnes. A Lyon, le pont de l’Université est rebaptisé Pont Malik Oussékine.

Le SAMU, arrivé sur place peu de temps après, apporte les premiers soins à Malik Oussekine et le transporte en réanimation aux urgences chirurgie à l’hôpital Cochin, où il est déclaré officiellement décédé à 3 h 20. Mais il était déjà bel et bien mort dans le hall de l’immeuble comme le révèle le rapport du médecin régulateur du SAMU, le jeune homme ayant été malgré tout transporté à l’hôpital pour éviter tout incident. Selon les médecins, l’étudiant souffrait d’une insuffisance rénale qui induisait une certaine faiblesse physique, ce qu’annonce à la presse le procureur de la République de Paris, Michel Jeol.

Le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua et le ministre délégué chargé de la Sécurité Robert Pandraud suscitent alors une controverse en ne condamnant pas l’action de la police. Dans un entretien au journal Le Monde, Robert Pandraud déclare : « La mort d’un jeune homme est toujours regrettable, mais je suis père de famille, et si j’avais un fils sous dialyse je l’empêcherais de faire le con dans la nuit. […] Ce n’était pas le héros des étudiants français qu’on a dit ». Réaction de l’extrême droite : « Des Français comme les Oussekine, on peut s’en passer […]. On se souvient de la mort du petit casseur gauchiste nommé Malik Oussekine. Malgré son état de santé lamentable, il n’avait pas hésité à attaquer en pleine nuit les forces de police chargées du maintien de l’ordre » (extrait du journal du Front national varois, 20 janvier 1988).

En apprenant la nouvelle, le ministre délégué chargé de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, Alain Devaquet, politiquement déjà affaibli, démissionne. Cette mort et les importantes manifestations d’opposition au texte contraignent le Premier ministre, Jacques Chirac, à retirer le projet Devaquet, le 8 décembre 1986. La même année, le bataillon des voltigeurs est dissous.

Malik Oussekine est enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris (division 75). À Paris, le 10 décembre 1986, une manifestation à la mémoire de Malik Oussekine et d’Abdel Benyahia, un Algérien de 20 ans tué par un policier ivre dans un café le 5 décembre également, est organisée. Cette manifestation rassemble 600 000 personnes selon les organisateurs et 126 000 selon le ministère de l’Intérieur. Des manifestations silencieuses sont organisées à la mémoire de Malik Oussekine dans 36 villes de France, rassemblant 200 000 personnes selon l’AFP.

Le brigadier-chef Jean Schmitt (53 ans) et le gardien de la paix Christophe Garcia (23 ans), les deux voltigeurs directement impliqués dans sa mort sont jugés pour « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Alors que l’avocat général demandait cinq ans de prison dont trois fermes, ils sont condamnés le 27 janvier 1990 à respectivement cinq et deux ans de prison avec sursis. En interne, l’un écope du niveau de sanction le plus sévère, sanction du quatrième groupe, soit la mise en retraite d’office. L’autre est sanctionné par un déplacement d’office (sanction de deuxième groupe).

La deuxième mort de Malik

Sur sa tombe : « Ils pourront couper toutes les fleurs mais ils n’empêcheront pas la venue du printemps. »

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