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En mémoire de Vergeat, Lepetit et Lefebvre, nos camarades

vendredi 23 mars 2018, par Robert Paris

Vergeat

Lepetit

Lefebvre

Vergeat, Lepetit et Lefebvre – écrit par Léon Trotsky :

En septembre de l’an dernier, trois révolutionnaires, trois jeunes Français, sont morts, noyés dans les eaux froides de la mer du nord, en route de Russie vers la Norvège : la guerre civile qui entraîne le monde entier et ses épisodes tragiques se déroulent non seulement sur la terre ferme mais aussi sur l’eau.

Ces dernières années, chacun de nous a perdu beaucoup d’amis au combat. Dans tous les pays, le nombre de ces pertes est énorme et continue de croître chaque jour. Et pourtant, la mort de Lefebvre, de Lepetit et de Vergeat se détache du fond même de notre époque par la nature exceptionnelle de son cadre et, si l’on peut dire, par son romantisme tragique.

De ces trois camarades décédés, si différents l’un de l’autre et pourtant si fondamentalement apparentés, je connaissais moins Vergeat. Je l’avais vu seulement à Moscou, et cela fugitivement, et une fois seulement je lui ai parlé un peu longuement. Le charme de la simplicité et de l’honnêteté rayonnait de lui. Il était venu voir de ses propres yeux, pour découvrir et se battre. En ce qui concerne les apparences, Vergeat n’était pas du genre enthousiaste. Malgré sa jeunesse, on sentait en lui une confiance calme qui regarde autour d’elle, distingue le trivial de l’important et du superficiel du fondamental et n’a pas besoin de ferveur pour faire preuve d’un courage élevé au moment décisif. Le prolétariat français a besoin de ce type de personnes.

J’ai connu Lepetit à Paris. Une petite silhouette trapue, un visage intelligent et expressif, et un air alerte et suspicieux le font immédiatement remarquer. Une voix métallique vous force à l’écouter. Ce vaisseau avait été fait de beaux matériaux de combat ! Lepetit, personnalité vivante, incarnait en même temps les principaux traits du prolétariat français et surtout parisien. Il y avait en lui le chef révolutionnaire inné qui attendait son heure pour s’avancer. En France, il y a eu et il y a beaucoup de travailleurs talentueux qui, après s’être élevés sur le dos du prolétariat, sont devenus les paroliers du parlementarisme bourgeois ou du syndicalisme à la botte et main dans la main avec les avocats et les journalistes, et trahissent la classe ouvrière. Lepetit concentrait en lui-même l’indignation des masses trompées non seulement contre la classe capitaliste, mais aussi contre leurs nombreux agents dans le prolétariat lui-même. Lepetit ne voulait pas fonctionner à la confiance.

Bien que sans doute d’une nature intérieure ardente, il était réservé et méfiant. Trop de fois ceux qui avait représentés le prolétariat l’avaient trompé ! Il était arrivé en République Soviétique avec son stock de méfiance, son regard maussade et sa soif de savoir pour agir. Il a tout regardé deux ou trois fois, vérifié, encore une fois posé une question et encore vérifié. Lepetit se considérait comme un anarchiste. Son anarchisme n’avait rien de commun avec ce salon, ce clergé sacerdotal, intellectuel, individualiste si répandu en France. Son anarchisme était l’expression, bien que théoriquement incorrecte, d’une indignation profonde, véritablement prolétarienne, contre la méchanceté du monde capitaliste et contre la bassesse de ces socialistes et syndicalistes qui rampaient à genoux devant ce monde. Mais justement parce qu’à la racine de cet anarchisme se trouvait un lien indissoluble avec les masses et une volonté de se battre jusqu’au bout, Lepetit serait, au cours des choses, le cours de la lutte et le cours de sa propre pensée, inévitablement arrivé à la dictature du prolétariat et à l’Internationale communiste, si les vagues de l’océan septentrional ne l’avaient pas avalé sur le chemin.

Lefebvre était un intellectuel qui, à moins que je ne me trompe, venait d’une famille complètement bourgeoise. Il était la forme pure de l’enthousiaste révolutionnaire. Avec lui aussi, je n’ai fait connaissance qu’à Moscou au cours du deuxième congrès. Mais je l’ai observé de près car je devais travailler avec lui à la commission sur l’activité parlementaire. Je me souviens d’ailleurs comment, lors d’une des séances de la Commission, lors d’une discussion avec le communiste italien Bordiga, Lefebvre, après avoir reconnu qu’à notre époque le parlementarisme ne pouvait avoir une signification décisive, il ajoutait, doucement comme d’habitude, en regardant derrière ses lunettes à gros rebords : « Mais vous ne pouvez pas nier le bénéfice et le plaisir que vous avez eu de dire à Millerand, au parlement, à quelques mètres de son visage, vous êtes un canaille. » Lefebvre était toujours agité et inquiet pendant le congrès, qu’il ne manquerait quelqu’un ou quelque chose, qu’il ne parviendrait pas à entendre quelque chose ou à dire quelque chose de nécessaire à quelqu’un. Et il s’efforçait également d’absorber tout ce que le congrès pouvait lui apporter et, en même temps, de parler de ses pensées, de ses espoirs et de ses attentes. Déjà le deuxième ou le troisième jour du congrès, je remarquai Lefebvre dans une blouse à la russe. Il s’était efforcé, par son image extérieure, de porter le sceau de sa confiance en la Russie soviétique et son lien avec elle. Il n’a pas cherché sans cesse la vérification, comme Lepetit. Dans le passé, il n’appartenait pas à la classe qui avait été trompée, mais à cette classe qui trompait. Mais il avait rompu avec cette classe, complètement. Et il se tenait aux côtés de Lepetit. Certes, Lepetit le regardait un peu avec méfiance. Mais ils se seraient unis, un jour ou l’autre. Ils se seraient retrouvés ensemble aux postes de combat de la dictature prolétarienne, si la mer perfide n’avait englouti l’écorce sur laquelle ce trio, Lefebvre, Lepetit et Vergeat, tentaient de franchir la ligne du blocus impérialiste.

Si différents, d’origine et de personnalité, ces trois combattants seront à jamais unis dans la mémoire du prolétariat français et international : à la fin du congrès, ils ont pris le même chemin vers un seul et même but et ont péri à les uns et les autres, à une même étape. Nous ne les oublierons pas.

Léon Trotsky

26 février 1921

Héros et martyrs du communisme - Raymond Lefebvre - Ecrit par Victor Serge :

Une nouvelle désolante nous parvient : Raymond Lefebvre a péri.

Il nous avait quittés vers le 15 septembre, vaillant, plein d’enthousiasme, d’impressions neuves et de projets, ne pensant qu’à l’action prochaine. Son voyage de retour comportait des risques qu’il acceptait avec bonne humeur. Il allait rentrer de Russie éprouvé, affermi par deux mois de contact avec les réalités puissantes de la révolution.

Raymond Lefebvre appartenait à la jeune génération des écrivains de la guerre ; toute une élite d’intellectuels révolutionnaires est sortie des tranchées, comprenant quelles nécessités intérieures avaient conduit la vieille société au Grand Crime et bien résolue à chercher des voies nouvelles. Dès 1917 Raymond Lefebvre, après un long séjour au front dont il revenait malade et blessé, écœuré et révolté, publiait un roman, Le sacrifice d’Abraham, et se classait dans le groupe de ces écrivains qui, avec Henri Barbusse, Duhamel1, Martinet, Noël Garnier, Henry-Jacques2, — et bien d’autres — devaient tirer la pensée française des ornières boueuses de la guerre et l’orienter, plus ou moins consciemment, vers la révolution.

Au fur et a mesure que parvenaient sur la révolution russe des informations exactes et que les masses ouvrières se pénétraient pour elle d’un plus profond enthousiasme, la jeune avant-garde socialiste à laquelle appartenait Raymond Lefebvre devenait plus nettement, plus consciemment communiste.

Pour ne pas perdre contact avec les éléments des masses les plus éprouvés par la guerre, ce groupe participait à la fondation de l’Association Républicaine des Anciens Combattants, destinée dans l’esprit de quelques arrivistes en mal de députation à leur servir de tremplin politique, mais où Raymond Lefebvre et son ami Paul Vaillant-Couturier surent accomplir une large, incessante propagande révolutionnaire, pour la Russie des Soviets d’abord, pour la formation en France d’un Parti Communiste ensuite. Raymond Lefebvre parcourut la France entière afin de parler aux soldats d’hier de la révolution nécessaire et du devoir de s’y préparer.

Ce fut son idée dominante. Nous la retrouvons dans une brochure qu’il avait publiée quelque temps avant de se rendre en Russie, sous ce titre : La Révolution ou la Mort. Ce fut aussi le thème de ses meilleurs articles publiés par l’Humanité. Pour fonder enfin la paix, — pour sauver la race française, disait-il, la révolution est nécessaire ; en dehors d’elle, point de salut. Et pour la révolution l’organisation s’impose, forte, cohérente, internationale. Cette nette intelligence de la situation révolutionnaire actuelle avait amené Raymond Lefebvre au Comité de la 3e Internationale et en avait fait au congrès de Strasbourg le défenseur le plus ardent de l’adhésion à l’Internationale Communiste. On se souvient que la police démocratique crut devoir l’arrêter à Strasbourg et qu’il fut question de le traduire en justice pour je ne sais quels propos subversifs.

Orateur puissant et disert, sachant à la fois émouvoir et convaincre, journaliste d’un talent littéraire incontestable, Raymond Lefebvre mettait au service du Communisme français une énergie précieuse.

* * *

Il vint en Russie à l’occasion du 2e Congrès de l’Internationale Communiste, muni d’un mandat du Comité de la 3e Internationale. Au congrès de Moscou il ne manqua pas de condamner en termes sévères les anciens errements de l’opportunisme socialiste français. Il préconisait l’adhésion pure et simple, sans réserves, du P. S. U. à la 3e Internationale.

Nous n’oublierons pas sa joie presque enfantine devant les grandes scènes des fêtes de Moscou. Tandis que défilaient sous les murs du Kremlin, sur la vaste place ensoleillée, toute tendue de draperies rouges, plus de deux cent mille travailleurs, hommes, femmes et enfants, armés, heureux, acclamant les communistes étrangers. Raymond Lefebvre, vêtu d’une large blouse russe, penchait à la tribune sa grande taille, comme pour embrasser plus et plus d’espace d’un coup d’œil ; et l’on sentait bien qu’il garderait pour toujours ce souvenir.

Il emporta de Russie une riche moisson d’impressions. En Ukraine il avait visité les villes dévastées par les pogroms ; il avait vu Kharkov, Moscou, Pétrograd, s’intéressant à tout. Nous suivîmes ensemble les cercueils des Communistes finlandais assassinés. Sous les fenêtres du Palais d’Hiver, il prit la parole après ces funérailles, pour crier à la foule des soldats et des ouvriers de Pétrograd : « ...Nos ennemis peuvent tuer des individus ! nous, c’est leur classe que nous tuerons ! » — Et le voici qui tombe lui aussi...

Car il est mort en communiste. Pour se tendre la main il faut, par ce temps d’abjecte dictature bourgeoise dans toutes les démocraties du monde, que les meilleurs des militants risquent maintes fois leur liberté et leur vie. A la révolution russe et à la 3e Internationale la France ouvrière avait déjà donné le sang de Jeanne Labourbe3 ; en de tout autres circonstances Raymond Lefebvre meurt vaillamment pour la même cause.

Nous saluons sa mémoire avec une profonde douleur. Mais la confiance nous reste que l’œuvre révolutionnaire de sa vibrante parole, de sa plume, de toute sa vie, sera continuée et achevée...

* * *

En même temps que notre ami Raymond Lefebvre, deux autres vaillants camarades français ont trouvé la mort. Tant qu’il nous a été possible de douter de l’étendue de la catastrophe nous nous sommes refusés à y croire. Aujourd’hui le doute n’est plus possible : Lepetit et Vergeat, délégués des Syndicats minoritaires de la Seine, sont morts, eux aussi, morts pour la révolution.

Ils avaient accompli en Russie une enquête très vaste et très consciencieuse. Accueillis partout avec joie, invités au Congrès de la 3e Internationale, ils n’avaient presque pas quitté Raymond Lefebvre. C’est enrichis d’une profonde expérience révolutionnaire, c’est complètement acquis à la révolution communiste qu’ils partirent de Russie en septembre dernier, — non sans y avoir noué de nombreuses amitiés.,

Lepetit et Vergeat appartenaient à deux tendances différentes du mouvement révolutionnaire français. Lepetit, anarchiste, ancien collaborateur du Libertaire, avait été longuement emprisonné pendant la guerre pour sa participation en 1917 à la propagande antimilitariste clandestine : car il avait été un des rares militants qui, à cette époque, osèrent tenter l’accomplissement de leur devoir révolutionnaire. Vergeat, syndicaliste-révolutionnaire, tour à tour collaborateur de l’Internationale et de la Vie Ouvrière était, bien que très jeune, des ouvriers de la première heure du Communisme français.

...Le deuil qui atteint ainsi les camarades français est terrible. Qu’ils sachent bien qu’il ne sont pas seuls à le porter et que tous les militants russes ou français de Russie qui ont eu le bonheur d’approcher et d’apprécier les trois chers disparus s’y associent profondément.

Aux noms des communistes français tombés sur le sol de la Russie rouge pour la révolution internationale, aux noms de Jeanne Labourbe et de Michel fusillés à Odessa, de Barberet4 tué au front sud, des marins français mitraillés à Sébastopol par leurs propres chefs, nous ajouterons pour ne plus les oublier, ceux de Lepetit, Vergeat, Raymond Lefebvre, péris en mer au retour d’une mission fraternelle en Russie.

Victor SERGE.

7 avril 1921

Notes

1 Georges Duhamel (1884-1966).

2 Henry-Jacques (1886-1973).

3 Jeanne Labourbe (1877-1919), née en France, émigre en Pologne, et rejoint les bolcheviks en 1905. En août 1918 elle fonde le « Groupe communiste français de Moscou ». Arrêtée à Odessa par les russes blancs alors qu’elle menait un travail de propagande pour la fraternisation entre les marins français envoyés par le gouvernement Clemenceau contre la révolution. Elle est exécutée le 2 mars 1919.

4 Henri Barberet.

Le récit de Pierre Pascal

Dès le départ, les impérialistes ont tenté d’incriminer les Russes dans leur mort

Certains ont, sans spécialement de preuve, essayé de faire peser le poids de ce crime sur les Russes, spécifiquement Zinoviev

Voline, lui, les accuse directement et particulièrement Trotsky

Retransmission d’un article de Vaillant-Couturier dans le journal communiste l’Humanité

Sur Raymond Lefebvre

Le témoignage d’Alfred Rosmer dans « Moscou sous Lénine » :

Le congrès était déjà commencé quand arrivèrent trois Français, connus chacun pour son sérieux et sa valeur. Journaliste et écrivain de talent, Raymond Lefebvre était acquis au communisme ; Vergeat, ouvrier mécanicien, était syndicaliste ; Lepetit, du syndicat des terrassiers, était anarchiste : le choix avait été excellent et cette délégation, petite par le nombre, était bien représentative des tendances présentes du mouvement ouvrier français. Raymond Lefebvre était le plus enthousiaste ; il participait avec une ardeur juvénile aux discussions entre délégués, questionnant, s’informant. “ Tout ce que nous avons fait jusqu’ici est à reprendre ”, me dit-il un jour ; c’était la conclusion de ce qu’il avait vu et appris durant son séjour. Vergeat, par tempérament et du fait qu’il restait hors du parti, était plus réservé ; c’était un militant solide qui ne se prononçait pas sans réflexion ; il était de ces syndicalistes qui, entièrement dévoués à la Révolution russe, avaient encore besoin de se concerter, d’examiner entre eux le grave problème que posait l’adhésion à un parti politique. Des trois, Lepetit était naturellement le plus critique ; cependant les lettres qu’il écrivit de Moscou et que publia le Libertaire, montraient que ses critiques, même vives, n’entamaient pas sa sympathie pour le nouveau régime.

Je les avais laissés à Moscou quand je partis pour Bakou, certain de les y retrouver, et d’avoir alors avec eux les bonnes conversations que les travaux du congrès n’avaient pas permises. Mais ils étaient tous trois impatients de rentrer en France pour y reprendre leur activité de militants. À cette époque, le chemin de retour était via Mourmansk, d’où les bateaux se dirigeaient sur les ports de l’Occident. Quand ils arrivèrent à Mourmansk, une tempête sévissait ; la mer était démontée. Cependant un bateau partait, ils s’embarquèrent. Depuis on était sans nouvelles, et ce qui causait les plus vives inquiétudes, c’était que les délégués partis de Mourmansk après eux étaient déjà arrivés à Paris. Nous nous cramponnions à l’espoir de les retrouver ; on fit faire partout des recherches : en vain. Il fallut se résigner à leur disparition. C’était pour le mouvement ouvrier français un lourd tribut payé à la révolution.

Pierre Pascal avait éprouvé pour deux d’entre eux, Vergeat et Lepetit, une sympathie particulière ; il les aida et les guida durant leur séjour en Russie, les faisant profiter de la connaissance qu’il avait des hommes, du régime et du pays. Il écrivit de Moscou : “ Vergeat et Lepetit ont quitté la Russie bien changés. Ils ont appris ici une grande vérité qui leur manquait en France. Ils se figuraient jadis, plus ou moins consciemment, que la société nouvelle de leurs rêves, sans classes ni exploitation, pouvait être instaurée d’un jour à l’autre, et succéder toute faite au régime capitaliste au lendemain de la révolution. Ils ont appris en Russie que cette société doit au contraire se forger dans la peine et dans l’effort de longues années... Et puis, leur éducation avait été complétée par Lénine en personne, oralement et par écrit. Ils eurent avec lui un long et cordial entretien ; ils lurent la traduction française de son ouvrage, L’Etat et la Révolution. Cette lecture fut pour eux une véritable révélation... Leur sentiment du devoir fut cause de leur mort. Ils périrent victimes de leur hâte à rapporter en France la bonne parole du communisme. ” (Bulletin communiste, 17 février 1921.)

Source

Une lettre d’Alexandre Chliapnikov :

Les derniers jours de Lepetit et de Vergeat

1er juillet 1921. Moscou-Kremlin.
Chers camarades,

J’ai rencontré Pour la dernière fois, le 20 septembre de l’année dernière, à Mourmansk, en revenant de Norvège, les camarades Marcel Vergeat, du syndicat des métaux de Paris, et Lepetit, du syndicat des terrassiers la Seine.

Je me suis entretenu avec eux pendant plusieurs heures, ai regardé leurs papiers, les passeports lesquels ils s’en retournaient ; je ne les ai pas trouvés tout à fait en ordre et j’y ai introduit certaines modifications. Nous nous sommes entendus au sujet d’un travail commun à l’échelle internationale, en particulier dans le syndicat des métaux. Les deux camarades étaient enthousiasmés par le travail grandiose et la lutte qui avaient lieu dans notre pays est brûlaient d’impatience de rentrer en France pour utiliser les matériaux qu’ils avaient recueillis dans le but d’affermir dans leur pays le travail révolutionnaire.

L’océan que j’avais traversé était alors extrêmement agité. J’avais voyagé à bord d’un transport chargé de charbon américain. Les vagues tumultueuses déferlaient sur notre petit vapeur. Les camarades Vergeat et Lepetit devaient s’embarquer à bord d’un canot automobile de pêche et longer la côte jusqu’à l’un des villages du Petchenga. Là les attendait un navire de pêcheur qui devait les prendre pour les conduire à Bergen. Ce navire était, me semble-t-il, un voilier, mais de tannage relativement plus grand que les canots automobiles de pêche sur lesquels s’effectuaient les traversées entre Mourmansk et Vardo (port norvégien). Le jour même, par le train allant sur Petrograd, je quittai les deux camarades. Ils devaient’ s’embarquer quelques heures plus tard.

La tempête sur l’océan a duré plusieurs jours et les a évidemment anéantis quelque part à proximité des côtes de Norvège. Je sais par, les camarades de Mourmansk qu’ils étaient arrivés heureusement jusqu’à un village du Petchenga. Je sais aussi qu’ils s’étaient embarquées sur le navire à voile qui les attendait, mais personne ne peut rien communiquer quant à leur voyage ultérieur. Ils ont été obligés de choisir un chemin aussi dangereux parce que la police norvégienne des ports-frontières les plus proches de la Russie avait une attitude de provocation à l’égard de tous les citoyens venant de Russie, ne permettait pas de débarquer et de faire usage des navires à vapeur pour continuer le voyage et se permettait d’arrêter les voyageurs, même munis de tous les documents nécessaires au passage à travers la Norvège.

Le désir de ne pas être en butte aux provocations du gouvernement norvégien a incité Vergeat et Lepetit à chercher d’autres routes. La seule, à cette époque, était la route illégale avec les pêcheurs norvégiens ou finlandais, à travers tous les cordons de police et par le tempétueux Océan glacial. En outre, il fallait descendre le plus profondément possible au sud et, dans ces ports, trouver la possibilité de s’embarquer à bord d’un paquebot ou bien se diriger par chemin de fer vers d’autres frontières.

Il est évident qu’un navire de pêcheurs n’a pas pu triompher des vents et des vagues de l’Océan et a péri quelque part dans le secteur des îles de Vardo. Toutefois, ce n’est là qu’une hypothèse personnelle, aucune donnée matérielle qui permettrait d’en juger ne se trouvant en ma possession. Une seule chose est acquise, c’est que les deux camarades en question, dans la fleur de l’âge, en pleine aspiration et en pleine lutte, croyant fermement et profondément en la victoire révolutionnaire de la classe ouvrière, ont été ensevelis sous les froides eaux du Grand Océan et que cette mort doit être imputée à la provocation policière capitaliste et immédiatement mise au compte et à l’actif du « gouvernement démocratique » norvégien.

Salutations communistes.

Source

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Encore en anglais

Toujours en anglais

Wikipedia ment en faisant croire que les trois étaient anarchistes alors qu’un d’entre eux, Lefebvre était communiste !

Le même article reconnaît cependant que

« Dans une autre lettre du 1er septembre 1920 publiée dans Le Libertaire du 12 décembre, il précise : « La Révolution enfante dans le sang et dans les larmes, dans la peine et dans la douleur, mais l’essentiel est qu’elle donne naissance à quelque chose de sain et de beau. Je crois que, malgré toutes ses fautes, la Révolution russe, qui n’en est encore qu’à sa première période, pourra, si les autres peuples savent l’aider, procréer une société véritablement belle. Mais encore faut-il que les prolétaires de l’Occident ne l’abandonnent pas à ses propres forces ». »

Il ne semble pas que cela justifie que les bolcheviks l’assassinent !!! Quant à Lefebvre, il était communiste !!!

Par contre, les forces armées blanches et les armées impérialistes campant à Mourmansk dans leur guerre contre la révolution russe avaient infiniment plus de raisons de tuer les révolutionnaires venant au pays des soviets !!! Ils l’ont fait maintes et maintes fois..

Sur Marcel Vergeat

Un article de l’Art Libre

La bourgeoisie elle, au travers du journal Le Figaro, ne se gêne pas pour inventer et accuser les bolcheviks

Ce qui peut laisser penser à un crime des armées blanches résidant à Mourmansk

Vergeat, Lepetit and Lefebvre, by Leon Trotsky :

IN SEPTEMBER last year three revolutionaries, three young Frenchmen, were drowned in the cold waters of the north en route from Russia to Norway : the civil war embraces the whole world and its tragic episodes unfold not only on dry land but on water too.

Over these years every one of us has lost many friends in battle. In all countries the number of such losses is huge and it continues to grow each day. And yet the death of Lefebvre, Lepetit and Vergeat stands out from the background of even our time by the exceptional nature of its setting and by its (if one is permitted to say it) tragic romanticism.

Of the three deceased comrades, so different one from the other and yet so fundamentally kindred, I knew Vergeat least. I had seen him only in Moscow, and fleetingly at that, and only once did I speak to him at great length. The charm of simplicity and honesty radiated from him. He had come to see with his own eyes, to find out and to fight. As far as appearances went Vergeat was not the enthusiast type. Despite his youth there could be sensed in him a calm confidence which looks about itself alertly, distinguishes the trivial from the important and the superficial from the fundamental and has no need of fervency in order to display a lofty courage at the decisive moment. The French proletariat needs such people.

I knew Lepetit back in my Paris days. A short stocky figure, an intelligent and distinctive face and an alert and suspicious expression marked him out at once. A metallic voice forced you to listen to him. This navvy had been made out of fine, fighting material ! Lepetit, a vivid personality, at the same time embodied in himself the principal traits of the French and particularly the Paris proletariat. In him there lay the inborn revolutionary leader who awaited his hour to step forward. In France there have been and are a lot of talented workers who, having raised themselves up on the backs of the proletariat, became the upstarts of bourgeois parliamentarism or of lap-dog syndicalism and hand in hand with the lawyers and journalists betrayed the working class. Lepetit concentrated in himself the indignation of the deceived masses not only against the capitalist class but also against their numerous agents in the proletariat itself. Lepetit did not wish to take anything on trust. Though doubtless of an ardent inner nature he was reserved and distrustful. Too many times those whom he had represented had been deceived ! He had arrived in the Soviet Republic with his stock of distrust, his sullen glance and a thirst to find out in order to act. He looked everything over two or three times, checked, once again asked a question and once again checked. Lepetit regarded himself as an anarchist. His anarchism had nothing in common with that drawing-room, priestly-intellectual, individualist claptrap which is so widespread in France. His anarchism was the expression, though theoretically incorrect, of a profound, genuinely proletarian indignation at the villainy of the capitalist world and at the baseness of those socialists and syndicalists who crawled on their knees before this world. But precisely because at the root of this anarchism there lay an indissoluble link with the masses and a readiness to fight to the end, Lepetit would have in the course of things, the course of the struggle, and the course of his own thought, inevitably arrived at the dictatorship of the proletariat and the Communist International had not the waves of the northern ocean swallowed him up on the way.

Lefebvre was an intellectual and, unless I am mistaken, came from a completely bourgeois family. He was the pure form of the revolutionary enthusiast. With him too I only became acquainted in Moscow during the Second Congress. But I observed him at close quarters as I was to work with him in the commission on Parliamentary activity. I recall incidentally how, at one of the Commission’s sessions, in a discussion with the Italian communist Bordiga, Lefebvre, after recognizing that in our era parliamentarism could not have a decisive significance, added, softly as always, and looking through his large horn-rimmed spectacles : “But all the same you can’t deny the benefit and pleasure derived from the opportunity of saying to Millerand in parliament, at only a metre’s distance from his face, ‘you are a scoundrel’.” Lefebvre always got agitated and worried during the congress that he would miss someone or something, would not manage to hear something or not say something necessary to someone. And he strove equally to absorb everything the congress could give him and at the same time to speak out his thoughts, hopes and expectations. Already on the second or third day of the congress I noticed Lefebvre in a Russian-style blouse. He strove by his external image to carry the stamp of his trust in Soviet Russia and his link with it. He did not seek verification like Lepetit. In the past he had belonged not to the class which was deceived but to that class which deceived. But he had broken from that class to the end. And he stood alongside Lepetit. True, Lepetit looked upon him a little suspiciously. But they would have come together a month sooner or later. They would have come together at the combat posts of the proletarian dictatorship had not the treacherous sea swallowed up the bark on which this threesome, Lefebvre, Lepetit and Vergeat attempted to cross the line of the imperialist blockade.

So different in origin and in personality, these three fighters will be for ever united together in the memory of the French and the international proletariat : in the end they took one and the same path to one and the same goal and perished at one and the same stage. We shall not forget them.

February 26, 1921

NOTRE CONCLUSION :

La bourgeoisie, en accord cette fois avec les anarchistes, affirme que les bolcheviks avaient plus intérêt à éliminer ces trois militants que les vieux roublards de Cachin et Frossard. C’est tout ce qu’il y a de moins crédible. Les trois, même si certains étaient plus anarchistes ou syndicalistes, étaient plus proches des révolutionnaires que de nombreux autres militants étrangers venus en Russie révolutionnaire et revenus vivants. Personne ne peut prétendre savoir ce qui s’est vraiment passé, bien sûr. Donc nous ne pouvons pas être absolument affirmatifs mais ceux qui le sont, sont généralement peu crédibles d’accuser les dirigeants révolutionnaires russes. Les crimes des armées blanches et des armées impérialistes, à Mourmansk et ailleurs sont multiples et il est plus crédible de penser que des révolutionnaires aient été assassinés par les Blancs que par des Rouges !!!

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