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Qu’est-ce que la révolution en chimie ?

vendredi 15 juin 2018, par Robert Paris

« Quoi qu’il en soit, on eût bien étonné les alchimistes en leur disant que le fondement de la chimie devait un jour consister dans la théorie que nous allons exposer, et que les atomes des philosophes y joueraient un rôle important. »

« D’une révolution en chimie », Paul de Rémusat, 1855

« L’importance de cet objet m’a paru fait pour amener une révolution en physique et en chimie. »

Antoine-Laurent de Lavoisier, 20 février 1773

« Il a beau être aussi progressif qu’on veut, le passage d’une forme de mouvement à l’autre reste toujours un bond, un tournant décisif. Ainsi, le passage de la mécanique des corps célestes à celle des masses plus petites sur un corps céleste isolé ; de même, celui de la mécanique des masses à la mécanique des molécules, - comprenant les mouvements que nous étudions dans la physique proprement dite : chaleur, lumière, électricité, magnétisme ; de même, le passage de la physique des molécules à la physique des atomes, - la chimie, - s’accomplit à son tour par un bond décidé, et c’est plus vrai encore du passage de l’action chimique ordinaire au chimisme de l’albumine, que nous appelons la vie. »

Friedrich Engels, L’ « Anti-Dühring »

« Ici, comme dans les sciences naturelles, se confirme la loi constatée par Hegel dans sa Logique, loi d’après laquelle de simples changements dans la quantité, parvenus à certain degré, amènent des différences dans la qualité… La théorie moléculaire de la chimie moderne, développée scientifiquement pour la première fois par Laurent et Gerhardt, a pour base cette loi »

Karl Marx, « Le Capital »

Qu’est-ce que la révolution en chimie ?

Un lecteur nous écrit : « Qu’y aurait-il de révolutionnaire dans la chimie pour qu’un site qui se revendique de la révolution sociale s’y intéresse ou en donne un point de vue particulier ? »

Et, en effet, il n’y aurait apparemment pas besoin de révolutionner ni la société, ni la pensée, ni même la science pour défendre les points de vue scientifiques actuels de la chimie.

Voire…

Ce n’est pas une révolution qu’a représenté la science chimique mais plusieurs. Elle a renversé, avec les expériences de laboratoire, la domination de la métaphysique en chimie, puis, avec Lavoisier notamment, la domination des « quatre éléments » en décomposant l’élément « air » et en cassant l’idée du fluide élémentaire « feu », cassé aussi l’illusion du continu développée en physique, avec l’énergie, le temps, l’espace et le mouvement mécanique continus, et développé, avec Dalton notamment, les preuves de l’existence des atomes, étayé la motion de molécules avec le « nombre d’Avogadro » (l’hypothèse d’Avogadro est formulée ainsi : un volume donné de gaz contient toujours le même nombre de constituants élémentaires, quel que soit le gaz), ensuite donné, avec Mendeleïev notamment, aux propriétés chimiques des éléments un fondement moléculaire, puis avec la chimie quantique donné aux liaisons chimiques des atomes et molécules un fondement quantique, qui donne naissance à toute une chimie physique, enfin une nouvelle imagerie des molécules et de leurs actions dynamiques avec une visualisation du microscopique et des mouvements ultra-rapides des atomes, etc.

Savez-vous que la chimie a été révolutionnée à la même époque et même un peu avant la physique et la plupart des autres sciences ? Savez-vous que l’atomisme, l’atome, la molécule, décriés par des physiciens comme Mach ou Ostwald, qui étaient énergétistes, a été révolutionnée par des chimistes comme Avogadro, Kekulé, Dalton, Mendeleïev, van t’Hoff, Brown, Curie et… Einstein. Eh oui ! Einstein n’a pas débuté par des travaux de physique mais de chimie, et ce dès sa thèse doctorale (un calcul, d’ailleurs faux et qu’il a lui-même corrigé ensuite, du nombre d’Avogadro en estimant le rayon moléculaire). Il n’a pas débuté par les quanta de lumière et de matière en physique, ni par la relativité, mais, en chimie, par la réalité des molécules, par l’interprétation du nombre d’Avogadro, par le mouvement brownien… Et l’essentiel de cette vague révolutionnaire là s’est déroulée dans un temps relativement court, entre 1880 et le début des années 1900. Si aujourd’hui la chimie physique et la chimie quantique semblent des dépendances de la physique, il n’en était rien à l’origine. La physique était entièrement dominée par l’idée de la continuité de l’énergie, de la lumière et de l’électromagnétisme et donc rétive à la discontinuité manifestée en chimie dans les travaux d’Avogadro, Brown, Kékulé ou Dalton… Quand Planck, étudiant l’émission du corps noir, a découvert le quanta, il a sursauté d’étonnement tant était profond le préjugé continuiste des physiciens d’alors et il a même rechigné devant l’idée d’Einstein du photon lumineux !

Avogadro

Dalton

Kékulé

Brown

Cannizzaro

Mendeleïev

van t’Hoff

Lavoisier

Bacon

Pauling

Les chimistes

On n’imagine pas à quel point le point de vue métaphysique régnait il y a peu d’années dans une chimie, pas encore sortie de l’alchimie, et de la conception des quatre éléments : air, eau, feu et terre !

« La chimie, selon les Persans, est une science superstitieuse qui tire ce qu’il y a de plus subtil dans les corps terrestres pour s’en servir aux usages magiques… Louis de Fontenettes, dans l’épître dédicatoire de son Hippocrate dépaysé, dit que « d’aucuns prétendent que » la chimie, qui est un art diabolique, a été inventée par Cham. » écrivait encore Collin de Plancy, dans son « Dictionnaire infernal » en 1863 !

L’encyclopédie de Diderot et D’Alembert précisait en introduction du terme « Chymie » :

« La Chimie est peu cultivée parmi nous ; cette science n’est que très-médiocrement répandue, même parmi les savans, malgré la prétention à l’universalité de connoissances qui fait aujourd’hui le goût dominant. Les Chimistes forment encore un peuple distinct, très-peu nombreux, ayant sa langue, ses lois, ses mysteres, & vivant presque isolé au milieu d’un grand peuple peu curieux de son commerce n’attendant presque rien de son industrie. Cette incuriosité, soit réelle, soit simulée, est toûjours peu philosophique, puisqu’elle porte tout-au-plus sur un jugement hasardé ; car il est au moins possible de se tromper quand on prononce sur des objets qu’on ne connoît que superficiellement. Or comme il est précisément arrivé qu’on s’est trompé, & même qu’on a conçu plus d’un préjugé sur la nature & l’étendue des connoissances chimiques, ce ne sera pas une affaire aisée & de légere discussion, que de déterminer d’une maniere incontestable & précise ce que c’est que la Chimie… La Chimie est une science qui s’occupe des séparations & des unions des principes constituans des corps, soit opérées par la nature, soit opérées par l’art, dans la vûe de découvrir les qualités de ces corps, ou de les rendre propres à divers usages.

Les objets particuliers de la Chimie sont tous les phénomenes, soit naturels, soit artificiels, qui dépendent des séparations & des unions des principes des corps. Les naturels sont la maturation des fruits, la formation des gommes, des extraits, des résines, des sels végétaux, &c. l’élaboration & les diverses altérations des alimens des animaux, & de leurs diverses humeurs ; la génération des métaux, des pierres, des crystallisations naturelles, des sels fossiles, du soufre, des bitumes, &c. l’imprégnation & la chaleur des eaux minérales, l’inflammation des volcans, la nature de la foudre & des autres feux allumés dans l’atmosphere, &c. en un mot tous les phénomenes de la Botanique physique, excepté ceux qui appartiennent à l’organisation des végétaux ; tous ceux qui appartiennent à cette branche de l’œconomie animale qui est fondée sur les affections des humeurs ; tous ceux qui constituent l’œconomie ninerale que Becher a appellée physique soûterraine, ou qui sont dûs aux changemens chimiques survenus dans ces corps ; & enfin ceux que présentent dans l’atmosphere certaines matieres détachées des végétaux, des animaux, ou des minéraux. »

A cette époque, on croyait encore au « feu » comme l’un des éléments de base, source d’énergie, appelée encore « le phlogistique » et l’Encyclopédie tentait de discuter ce point de vue :

« Le caractere le plus essentiel du feu, celui que tout le monde lui reconnoît, est de donner de la chaleur. Ainsi on peut définir en général le feu, la matiere qui par son action produit immédiatement la chaleur en nous. Mais le feu est-il une matiere particuliere ? ou n’est-ce que la matiere des corps mise en mouvement ? c’est sur quoi les Philosophes sont partagés. Les scholastiques regardent le feu comme un des quatre élémens ou principes des corps, en quoi ils ne sont pas fort éloignés des principes de la chimie moderne… Il est difficile, selon quelques philosophes, de penser que le feu ne soit autre chose que du mouvement, puisque le mouvement se perd en se communiquant, & que le feu s’augmente au contraire à mesure qu’il se communique. Cette preuve ne nous paroît pas sans réplique ; car 1°. le mouvement peut s’augmenter par la communication, comme il arrive dans le choc des corps élastiques & dans les fluides. 2°. Il ne seroit pas moins difficile d’expliquer, en regardant le feu comme une matiere particuliere, comment une petite portion de cette matiere mise en mouvement, communique son mouvement avec tant de force & de rapidité à un beaucoup plus grand nombre d’autres parties de la même matiere. Quelques physiciens ont pensé que le feu étoit plus approchant de la nature de l’esprit que de celle du corps ; ils ont nié que ce fût une matiere… Le feu est-il un fluide, comme plusieurs physiciens le prétendent ? Il est certain qu’il a une des propriétés des fluides, la mobilité & la ténuité des parties ; mais les fluides ont d’autres propriétés qui ne les caractérisent pas moins, & qu’on n’a point encore reconnus dans le feu, comme la propriété de presser également en tous sens, celle de se mettre de niveau, &c. »

Pour savoir à quel point la chimie a changé radicalement, il suffit de rapporter les termes les plus courants de la chimie de l’époque de Diderot :Phlogistique, Agrégat, Mixtion, Menstrue, Raréfaction, Confusion et Extraction, Syncrèse, Principes,Lymphes, Humeurs, Fluides, etc…

Voici un exemple de ce type d’explications dans l’Encyclopédie :

« Les opérations chimiques s’exécutent par deux agens généraux, la chaleur & les menstrues.

L’action de ces deux causes se complique diversement dans les différentes opérations, selon le petit nombre de lois suivantes.

1°. La chaleur seule opere rarement des séparations pures ; & les corps résistent d’autant plus à son action dissociante, qu’ils sont d’un ordre de mixtion moins composé. Nos corps simples & nos mixtes parfaits sont inaltérables par la chaleur seule, du moins par le plus haut degré de chaleur que nous sachions leur appliquer dans les vaisseaux fermés, c’est-à-dire sans le concours de l’air, de l’eau, & du feu menstrue ; plusieurs composés même éludent absolument cette action. Tels sont le tartre vitriolé, le sel marin, &c.

2°. La chaleur est nécessaire à toute action menstruelle, au moins comme condition essentielle ; car il est impossible, du moins il est très-rare que cette derniere action ait lieu entre deux corps solides ou gelés (ce qui est proprement la même chose), & elle ne peut être exercée que l’aggrégation de l’un des deux corps ne soit très-lâche : or cette laxité suffisante ne se trouve ordinairement que dans l’état de liquidité, qui est essentiellement dépendent de la chaleur. C’est sur cette observation qu’est fondé l’axiome chimique, menstrua non agunt nisi sint soluta.

3°. Non-seulement tout menstrue doit pour agir être secondé d’une chaleur absolue, mais même son activité est proportionnelle au degré de chaleur dont il est animé ; ou, pour parler sans figure, à son degré de rareté ou d’expansion : car, comme nous l’avons déjà observé, & comme nous le prouverons au mot, le méchanisme de la dissolution ne consiste point du tout dans le mouvement du menstrue ; & cette division du corps à dissoudre, par laquelle on se figure ordinairement son action, n’en donne qu’une fausse idée.

4°. La chaleur appliquée à un corps composé, non seulement desunit ses différens principes, mais même les met ordinairement en jeu, & favorise par là de nouvelles combinaisons. L’extrait d’une plante, par exemple, est une substance très-composée, portant en soi des principes de réaction. Ces principes dégagés de leurs premiers liens par un feu suffisant, exercent l’action menstruelle en opérant des précipitations qui supposent des dégagemens & des combinaisons nouvelles. »

On peut également y lire :

« Les chimistes modernes ont admis assez généralement pour leurs principes premiers & inaltérables, les quatre élémens des Péripatéticiens ; le feu qu’ils appellent phlogistique avec les Stahlliens, l’air, l’eau, & la terre. Mais cette énumération est incomplette & inexacte, en ce qu’il y a plusieurs especes de terre véritablement inaltérables & incommutables, & qui seront par conséquent pour eux autant de premiers principes, tant qu’ils n’auront pas su simplifier ces especes de terre jusqu’au point de parvenir à un principe terreux, unique & commun. »

En 1790, Jean-Antoine Chaptal écrit dans « Élémens de chimie » :

« Il a suffi à l’Être suprême de donner aux molécules de la matière une force d’attraction réciproque pour nécessiter l’arrangement que nous présentent les corps de cet univers : par une suite très-naturelle de cette loi primordiale, les élémens des corps ont dû se presser sur eux-mêmes, il a dû se former des masses par leur réunion, et insensiblement se sont établis des corps solides et compactes vers lesquels, comme vers un centre, ont dû peser les corps plus foibles et plus légers.

Cette loi d’attraction que les Chimistes appellent affinité, tend sans cesse à rapprocher les principes qui sont désunis, retient avec plus ou moins d’énergie ceux qui sont déjà combinés ; et on ne peut opérer aucun changement dans la nature sans rompre ou modifier cette puissance attractive.

Il est donc naturel, il est même nécessaire de parler de la loi des affinités, avant de s’occuper des moyens d’analyse.

L’affinité s’exerce, ou bien entre des principes de même nature, ou bien entre des principes de nature différente.

D’après cela, nous pouvons distinguer deux espèces d’affinité par rapport à la nature des corps, 1°. l’affinité d’aggrégation, ou celle qui existe entre deux principes de même nature ; 2°. l’affinité de composition, ou celle qui retient dans un état de combinaison deux ou plusieurs principes de nature différente…

Le principal agent que la nature emploie pour balancer le pouvoir et l’effet naturel de l’attraction, c’est le feu : par l’effet naturel de l’attraction nous n’aurions que des corps solides et compactes, mais le calorique dispersé inégalement dans les corps tend sans cesse à rompre cette adhésion des molécules, et c’est à lui que nous devons cette variété de consistance sous laquelle se présentent les corps à nos yeux : les diverses substances qui composent cet univers sont donc soumises, d’un côté à une loi générale qui cherche à les rapprocher, de l’autre à un agent puissant qui tend à les éloigner l’une de l’autre ; c’est de l’énergie respective de ces deux forces que dépend la consistance de tous les corps ; lorsque l’affinité prévaut ils sont à l’état solide, ils sont à l’état gazeux lorsque le calorique domine, et l’état liquide paroît être le point d’équilibre entre ces deux puissances.

Il importe donc essentiellement de parler du feu, puisqu’il joue un si beau rôle dans cet univers, et qu’il est impossible de s’occuper d’un corps quelconque sans reconnoître l’influence de cet agent.

Il y a deux choses à considérer dans le feu, la chaleur et la lumière.

Ces deux principes qu’on a très-souvent confondus paroissent très-distincts, puisqu’ils ne sont presque jamais en proportion et que chacun peut exister séparément.

L’acception la plus ordinaire du mot feu comprend chaleur et lumière, et ses principaux phénomènes doivent être connus depuis bien long-temps : la découverte du feu doit être presque aussi ancienne que l’existence de l’espèce humaine sur ce globe ; le choc de deux cailloux, le jeu des météores, l’action des volcans, ont dû en donner la première idée, et il est très-étonnant que les habitans des Isles mariannes ne le connussent point avant l’invasion des Espagnols : ces insulaires qui n’apprirent à connoître ce terrible élément que par ses ravages, le regardoient d’abord comme un être mal-faisant qui s’attachoit à tous les corps et les dévoroit sans les abandonner. V. l’hist, phil. et pol. par M. l’Abbé Raynal… Les corps qui se sont emparés du principe de la chaleur, l’abandonnent avec plus ou moins de facilité : si on observe attentivement un corps qui se refroidit, on verra un léger mouvement d’ondulation dans l’air qui l’entoure, et l’on peut comparer cet effet au phénomène que nous présente le mélange de deux liqueurs de densité et de pesanteur inégales.

Il est difficile de concevoir ce phénomène, sans admettre un fluide particulier qui passe d’abord du corps qui chauffe à celui qui est chauffé, se combine avec le dernier, y produit les effets dont nous venons de parler, et s’échappe ensuite pour s’unir à d’autres corps selon ses affinités et la loi de l’équilibre vers lequel tendent tous les fluides.

Ce fluide de la chaleur que nous appellons calorique est contenu en plus ou moins grande quantité dans les corps, selon les divers degrés d’affinité qu’il a avec eux. »

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« Les hommes de la liberté » de Claude Manceron :

« En février 1774, un court flash de Grimm, dans sa « Correspondance littéraire », apprenait aux milieux bien informés que… « M. de Lavoisier, de notre Académie des sciences, vient de traduire et de rassembler en un volume in-8 tout ce qui a été écrit et s’est dit depuis deux ans sur « La découverte de l’air fixe »… On dit cet ouvrage très curieux et très intéressant dans l’histoire de la chimie. » Ce n’était encore, il est vrai, qu’un « recueil des différents ouvrages qui ont paru en Angleterre sur cette question », mais qui annonçait son homme. Lavoisier engageait prudemment sa première grande bataille, couvert par le bouclier des expériences anglaises. Un an plus tard, en juin 1775, il est déjà en pleine guerre ; la guerre de sa vie. Il a pris conscience de l’enjeu ; en entreprenant une suite de recherches audacieuses « sur les fluides élastiques dégagés par la fermentation et la distillation pour analyser la nature de l’air absorbé par la combustion, il se proposait de réunir assez de faits pour constituer un corps de doctrines. Seul des savants de l’Europe, il prévoyait dès ce moment l’avenir de la chimie des gaz ». Et il avait écrit, le 20 février 1773, en tête de son registre de laboratoire : « L’importance de cet objet m’a paru fait pour amener une révolution en physique et en chimie. » (…)

Et si le feu n’était pas un élément ? Le monde tremble sur ses bases. On n’est plus sûr de rien. Où sommes-nous ? Dans quoi nous mouvons-nous ? Il était si facile jusqu’alors de compter sur ses doigts : l’air, la terre, l’eau et le feu. Tout ce qui existe est un mélange des quatre. Hors des quatre éléments, c’est le rien, le vide, l’esprit, les anges ou le hasard. La mission des savants se réduit à démêler la part de chacun des éléments dans les choses mortes ou vivantes, quitte à trouver enfin l’élixir de longue vie ou la pierre philosophale : il n’y a pas deux siècles qu’on parlait encore d’alchimie aussi bien que de chimie, et qu’on réservait ce domaine-là aux initiés…

La nature des corps et leur combinaison, qui étaient le secret de Dieu et des savants, passent dans le domaine public ; le dogme des quatre éléments est en train de s’effondrer…

La querelle de Lavoisier, c’est la guerre du phlogistique. Il n’y a plus de respect. C’étaient pourtant Becher et Stahl qui avaient inventé ce beau nom-là, deux Allemands d’il y a cent ans, quoi de plus crédible ?

Il fallait faire tenir tranquille tous les agités qui demandaient pourquoi le feu se trouvait par-ci, par-là, et ce qui le différenciait fondamentalement des trois autres éléments. On avait appris aux bonnes gens qu’il s’agissait du phlogistique : le « principe inflammatoire » que tous les corps combustibles étaient censés contenir… Mais Scheele, un Suédois, vient de prouver que « l’air atmosphérique », tenu de toute antiquité pour un fluide unique indécomposable, est en fait un mélange de fluides. Il n’y a pas un air, il y a deux, dix, vingt airs différents…

Un savant bourguignon, Louis-Bernard Guyton de Morveau vient voir Lavoisier au printemps 1775 pour confronter leurs expériences… Mais Guyton est encore trop brouillon et trop attaché aux principes de Stahl pour ne pas trembler devant l’audace d’un Lavoisier qui lui assure que les corps en combustion, notamment le phosphore et les métaux, loin de s’alléger en libérant le soi-disant phlogiston, acquièrent au contraire « quelque chose de plus », et que ce « quelque chose » ne peut être qu’une des parties constituantes de l’air atmosphérique. De l’air qui devient matière ! Guyton s’affole : « J’avoue que je n’ai pas vu sans peine ces phénomènes se réaliser sous mes yeux… Cet aspect menace d’une ruine prochaine la plus belle partie de nos connaissances. »

Lavoisier l’avait taquiné, non sans humour : « Quand on met des écrevisses dans une chaudière, on les retire, après cuisson, du plus beau rouge… Où est donc le phlogistique qui leur a donné cette couleur ? » Mais il savait bien que Guyton exprimait le scepticisme, voire la panique, de la quasi-totalité des autorités scientifiques. Contre lui : Fourcroy, Berthollet, Macquer, Baumé, Sage, et quasiment tous les étrangers (Scheele et Priestley eux-mêmes n’osent pas aller au bout de leurs observations)… A la rentrée de Pâques 1775, Lavoisier occupe trois quarts d’heure la tribune de l’Académie des sciences, à Paris… Quant au phlogistique, « pourquoi supposer un principe dont on peut se passer ? » (…)

Le 10 mai 1777, Lavoisier lit à l’Académie des sciences, dont il est maintenant membre, un « Mémoire sur les altérations qui arrivent à l’air dan différentes circonstances, et sur les moyens de ramener l’air vicié, par la respiration des hommes ou des animaux, soit par telle autre cause que ce soit, à l’état respirable. » (…) Il vient de réaliser, dans son beau laboratoire tout neuf, l’expérience qui jette « l’air atmosphérique » à bas de son trône. Du mercure porté à l’ébullition en milieu clos a mangé tout l’oxygène, qui s’est converti en oxyde rouge : il ne restait plus que les quatre cinquièmes de l’atmosphère primitive, devenue de la « moflette » irrespirable (on dira bientôt de l’azote)… Personne ne s’aperçoit qu’une révolution passe dans ce texte : l’air n’est plus un des « quatre éléments » - c’est fini…

Le sujet qu’on a donné mandat à Lavoisier de traiter est d’actualité, même s’il le complique par ses hypothèses de chimiste… Paris pue. On y suffoque. On y côtoie la crève. La démographie galopante des grandes capitales, où quelques égouts commencent à peine à être creusés, met à l’ordre du jour les méfaits de l’ « air vicié ». Paris bat tous les records… La Seine n’est plus qu’un immense collecteur de sang et de merde. Les bouchers abattent les bêtes en pleine rue, devant leur boutique… Les maisons sont puantes et les habitants perpétuellement incommodés. Il s’exhale une vapeur infecte de la multitude de fosses d’aisance… »

En 1780, Lavoisier a déjà établi expérimentalement, avec Laplace, dans un célèbre mémoire, que la chaleur n’est pas un fluide, mais le résultat de l’agitation de ce que les savants appellent déjà des molécules.

Les expériences de Lavoisier sont parmi les premières expériences chimiques véritablement quantitatives jamais exécutées : c’est en ce sens qu’il assure le passage de l’alchimie, discipline symbolique à visée spirituelle plus qu’expérimentale, à la chimie, dont il est le fondateur. Il a prouvé que, bien que la matière change d’état dans une réaction chimique, la masse totale des réactifs et des produits reste identique du début jusqu’à la fin de la réaction. Il brûla du phosphore et du soufre dans l’air, et montra que les produits pesaient plus que les réactifs de départ. Néanmoins, le poids gagné était perdu par l’air. Ces expériences ont été des preuves à la base de la loi de conservation de la matière. Lavoisier a aussi étudié la composition de l’eau, et il appelle ses composants « oxygène » et « hydrogène ».

Lavoisier affirme que « dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications. »

Avec le chimiste Claude Louis Berthollet et d’autres, Lavoisier conçoit une nomenclature chimique ou un système des noms qui sert de base au système moderne. Il la décrit dans la Méthode de nomenclature chimique (1787). Ce système est toujours en grande partie en service au XXIe siècle, y compris des noms tels que l’acide sulfurique, les sulfates et les sulfites.

Son Traité élémentaire de chimie (1789) est considéré comme le premier manuel chimique moderne, et présente une vue unifiée des nouvelles théories de chimie, fournit un rapport clair de la loi de la conservation de la masse et nie l’existence du phlogiston. En outre, Lavoisier clarifie le concept d’un élément comme substance simple qui ne peut être décomposée par aucune méthode connue d’analyse chimique, et conçoit une théorie de la formation des composés chimiques des éléments.

De plus, son ouvrage contient une liste d’éléments ou substances qui ne peuvent être décomposés davantage, incluant l’oxygène, l’azote, l’hydrogène, le phosphore, le mercure, le zinc et le soufre. Dans sa liste figurent aussi la lumière et la chaleur, toutes deux qui ne sont plus considérées comme étant de la matière selon la physique moderne.

Cependant, la théorie aristotélicienne, était encore défendue jusqu’après 1787 devant la Société royale de Londres par Richard Kirwan et son collègue Joseph Priestley, selon laquelle la matière est composée de quatre éléments fondamentaux — la terre, l’air, l’eau et le feu —, dont les variations de dosage détermineraient la nature des corps.

Traité élémentaire de chimie » de Lavoisier

La critique de la thèse du « phlogistique » en 1774

La défense du « phlogistique » en 1867

« Tendances nouvelles de la Chimie », A. de Quatrefages (1842) :

« La théorie du phlogistique régna sans partage sur tout le monde savant Jusque vers le dernier tiers du XVIIIe siècle. Grace à la vigoureuse impulsion que lui dut la chimie, de nombreuses et brillantes découvertes signalent cette période. Nous ne pouvons en donner ici les détails, mais il est impossible de passer entièrement sous silence les travaux de Scheele et de Priestley, qui tous deux défendirent jusqu’à leur mort les doctrines de Stahl, tandis que chacune de leurs admirables découvertes était un nouveau coup porté à leur idole. Le premier, pharmacien modeste, relégué volontairement dans un village de la Suède, peut être cité comme un modèle dans l’art des expériences. On lui doit la connaissance d’un grand nombre de corps simples ou composés, entre autres celle du chlore, dont l’industrie et la médecine ont lait depuis un si grand usage, et celle de l’acide prussique, substance terrible qui réalise tout ce que les anciens nous ont transmis sur les plus violens poisons préparés par Locuste. Le second, né en Angleterre, théologien fougueux et intolérant, consuma la plus grande partie de sa vie dans des querelles religieuses qui le forcèrent à s’expatrier. Ce m’est pour ainsi dire qu’à ses momens perdus qu’il s’occupa de chimie, et ses travaux n’en ont pas moins une haute importance. Avant lui on ne connaissait que deux gaz, l’hydrogène et l’acide carbonique ; il en découvrit neuf, et parmi eux se trouve l’oxigène, qu’il appelait air vital, dont il apprécia assez bien le rôle essentiel. Scheele et Priestley étudièrent tous deux à peu près en même temps la composition de l’air. L’un et l’autre reconnurent qu’il était formé de deux principes, dont un seul, l’air vital, entretenait la respiration et la combustion. comment se fait-il qu’ils ne soient pas devenus les chefs de la grande révolution qui se préparait ? C’est qu’il leur a manqué, comme à Stahl, de compter pour quelque chose le poids des corps, de renoncer à ce culte absolu de la forme qui pesait depuis tant de siècles sur la chimie. En science, toute modification profonde a son origine dans un mode nouveau d’observation ou d’expérimentation.
Tandis que Scheele, en Suède, et Priestley, en Angleterre, persévéraient dans la voie ouverte par le génie de Stahl, la France voyait s’élever dans son sein un de ces hommes dont une nation, dont le genre humain tout entier ont le droit de s’enorgueillir. Dès 1770, Lavoisier fait paraître son premier mémoire, et dans ce début d’un jeune homme de vingt-huit ans se révèle déjà une de ces idées qui remplissent toute une vie et changent la face d’une science. Il s’agit de savoir si, comme on l’a cru, l’eau jouit de la propriété de se changer en terre. Pour décider la question, Lavoisier ne se fie pas au témoignage de ses yeux. Il a recours à un instrument jusque-là négligé, à la balance. La notion de poids entre pour la première fois dans les considérations d’un chimiste. Par quelle filière de raisonnemens, Lavoisier a-t-il été conduit à employer ce nouveau réactif, si l’on peut s’exprimer ainsi ? Nous l’ignorons ; mais dès ce premier essai, comme dans tous les travaux de ce grand homme, on retrouve cette pensée ; fondement de la chimie moderne : — Rien ne se perd, rien ne se crée dans la nature. Chaque changement d’état d’un corps tient à l’addition ou à la soustraction de quelqu’un de ses élémens. — Pendant treize ans, Lavoisier travaille, toujours guidé, dans le labyrinthe des expériences, par ce fil qu’il a saisi d’une main ferme. Aussi, tandis que Scheele et Priestley s’égarent d’autant plus que les résultats s’accumulent davantage autour d’eux, tandis qu’ils déclarent hautement que plus ils avancent dans la science, moins ils en comprennent les lois, nous voyons au contraire le chaos se dissiper devant cet émule qui sera bientôt leur vainqueur, les faits s’enchaîner et prendre place naturellement dans un cadre préparé d’avance ; et lorsqu’enfin, sûr de lui-même, Lavoisier se décide, en 1783, à attaquer en face la doctrine du phlogistique, un seul mémoire lui suffit pour l’anéantir à jamais.
Ce serait un magnifique tableau à dérouler que cet ensemble de recherches de toute espèce entreprises par Lavoisier, que cette série de travaux sans cesse dominés par l’idée mère et fondamentale. C’est avec un intérêt puissant : qu’on voit ce génie, éminemment créateur, aux prises avec une théorie dont il sent toute l’insuffisance, ramasser un à un tous ses matériaux, et ne porter la hache sur l’ancien édifice que lorsqu’il est certain de pouvoir le remplacer par un nouveau monument. Ses mémoires portent tous ce double caractère ; il ne suffit pas de détruire, il faut encore édifier, et, pour cela, il est nécessaire d’aller toujours au fond des choses. Priestley avait découvert l’oxigène dans l’air ; Lavoisier analyse ce dernier, isole ses deux principes, les étudie séparément, puis, en les mélangeant, il reproduit l’air atmosphérique. Cavendisch avait soupçonné que l’eau était un composé ; Lavoisier sépare les deux gaz qui lui donnent naissance, et reproduit ensuite de toutes pièces ce corps, de tout temps réputé élémentaire. Enfin il ne se contente pas d’opposer aux défenseurs du phlogistique le fait déjà connu de l’augmentation du poids des métaux dans la calcination, il ajoute que cette augmentation tient à la combinaison du métal avec un des principes de l’air, l’oxigène ; il prouve qu’on peut reproduire ce dernier sous sa forme primitive, et que son poids représente exactement ce que le métal avait gagné par son union avec lui. Il détruit ainsi d’un seul coup toute la théorie de Stahl. Sans doute, ses adversaires ne cédèrent pas au premier choc : une erreur qui règne en vertu du droit de la vieille barbe, comme dit Mallebranche, ne se laisse pas facilement extirper ; mais le génie sortit victorieux de la lutte qu’il avait engagée contre l’erreur, et, à l’époque où commençaient les gigantesques mouvemens politiques du dernier siècle, Lavoisier mettait la dernière main à la plus grande, à la plus complète des révolutions que la science ait consignée dans ses annales.
Nous ne dirons rien des travaux de Lavoisier sur la physique proprement dite, ce serait s’écarter trop loin de notre sujet ; mais nous devons indiquer ses recherches sur la chaleur. Il reconnut qu’un corps, en absorbant du calorique, n’augmente pas de poids, et caractérisa ce fluide par l’épithète d’impondérable, qui s’applique à quelques autres encore. Il distingua le calorique libre ou sensible, dont le thermomètre nous révèle la présence, du calorique combiné ou latent, qui sert à changer l’état des corps, à transformer, par exemple, la glace en eau liquide ou en vapeur. Les gaz sont pour lui des vapeurs permanentes, les solides sont des liquides qui ont perdu leur calorique latent. Si la température de notre globe s’abaissait au-dessous de zéro, toute l’eau qui se trouve à sa surface se changerait en roches de glaces ; si la diminution de chaleur atteignait certaines limites, notre atmosphère elle-même se liquéfierait ou se solidifierait en tout ou en partie. On sait que l’expérience est venue confirmer ces magnifiques prévisions ; ainsi, entre les mains de Lavoisier, la chimie, toujours appuyée sur les faits, ose aborder pour la première fois la physique générale du globe. »

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La Chimie dans l’antiquité et au moyen-âge

Il est également intéressant de lire les « Leçons sur la philosophie chimique » (1837) de Jean-Baptiste Dumas : cliquer ici dont nous citerons ce passage :

« La Philosophie chimique fait abstraction des propriétés spéciales des corps ; elle met de côté les particularités qu’ils peuvent présenter, et n’examine que l’essence des diverses réactions. Prise au point de vue de la Chimie actuelle, elle se compose de l’étude générale des particules matérielles que les chimistes, appellent atomes, et de celle des forces auxquelles sont soumises ces particules. Ainsi, elle comprend la recherche de toutes les propriétés des atomes, l’examen de l’action chimique, de ses effets, de sa cause et de ses diverses modifications ; elle cherche à démêler les rapports de ressemblance et de dissemblance que présentent les corps de la nature, et elle essaye d’en découvrir les causes secrètes. »

On est loin déjà des quatre éléments et des forces mystiques !!!

Quand les molécules n’étaient encore qu’une hypothèse de la chimie, Jean Perrin écrivait ainsi :

« Peut-être y a-t-il parmi vous certains étudiants qui, sachant déjà beaucoup de chimie, n’ont pas encore entendu parler de cette hypothèse. Alors je ne doute pas qu’ils ne ressentent un peu de cette indignation méprisante qu’éprouvèrent la majorité des chimistes quand Arrhenius exposa ses idées. »

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La thèse de Jean Perrin sur « Les atomes »

Annales de chimie et de physique en 1816

« Leçons sur la philosophie chimique » de M. Dumas en 1878

La théorie atomique, en 1886

La chimie contemporaine en 1889

Histoire de la chimie en 1891

La Chimie physique en 1903

Histoire de la chimie en 1920

Jean Perrin et la chimie physique

L’avènement de la chimie moderne, en 1951

La structure de la matière : de l’alchimie à la chimie

Ce qu’écrivait Trotsky des découvertes de Mendéléïev

Lire sur la chimie physique moderne :

Eléments de chimie physique

Introduction à la chimie quantique

Eléments de chimie quantique

Lire encore :

W.J. Heyre, L. Radom, P.V. Schleyer et J. Pople, « Ab Initio Molecular Orbital Theory » (1986)

A.M. Halpern, “Experimental Physical Chemistery” (1997)

Messages

  • La dernière révolution de la Chimie, la chimie quantique :

    Lire aussi

  • Diderot dans l’Encyclopédie (article Chymie) :

    « Les Chimistes seroient fort médiocrement tentés de quelques-unes des prérogatives sur lesquelles est établie la prééminence qu’on accorde ici à la Physique, par exemple de ces spéculations délicates par lesquelles elle résout les principes chimiques en petits corps mûs & figurés d’une infinité de façons ; parce qu’ils ne sont curieux ni de l’infini, ni des romans physiques : mais ils ne passeront pas condamnation sur cet esprit confus, enveloppé, moins net, moins simple que celui de la Physique ; ils conviendront encore moins que la Physique aille plus loin que la Chimie ; ils se flatteront au contraire que celle-ci pénetre jusqu’à l’intérieur de certains corps dont la physique ne connoît que la surface & la figure extérieure ; quam & boves & asini discernunt, dit peu poliment Becher dans sa physiq. soûterr. Ils ne croiront pas même hasarder un paradoxe absolument téméraire, s’ils avancent que sur la plûpart des questions qui sont désignées par ces mots, elle remonte jusqu’aux premieres origines, la Physique n’a fait jusqu’à présent que confondre des notions abstraites avec des vérités d’existence, & par conséquent qu’elle a manqué la nature nommément sur la composition des corps sensibles, sur la nature de la matiere, sur sa divisibilité, sur sa prétendue homogénéité, sur la porosité des corps, sur l’essence de la solidité, de la fluidité, de la mollesse, de l’élasticité, sur la nature du feu, des couleurs, des odeurs, sur la théorie de l’évaporation, &c. » (III, 409a-b.). »

    « Il est clair que la révolution qui placerait la chimie dans le rang qu’elle mérite, qui la mettrait au moins à côté de la physique calculée, que cette révolution, dis-je, ne peut être opérée que par un chimiste habile, enthousiaste et hardi, qui, se trouvant dans une position favorable, et profitant habilement de quelques circonstances heureuses, saurait réveiller l’attention des savants, d’abord par une ostentation bruyante, par un ton décidé et affirmatif, et ensuite par des raisons, si ses premières armes avaient entamé le préjugé ». (Paris, 1753, t. III, p. 409).

    « Les chimistes… peuple distinct ayant son propre langage dont l’idiome découle de l’exercice immédiat des sens… qui reflète l’expérience unique qu’ils ont de la diversité de la nature… qui joint intimement leur science à leurs sensations… ».

    « Le chimiste Venel se montre fort vexé de se voir refuser l’accès aux « spéculations délicates », la remontée « aux premières origines ». Mais cet interdit épistémologique auquel s’affrontent les chimistes leur donne l’occasion de renverser le problème et de mettre en accusation la métaphysique des physiciens précisément parce qu’elle relève de spéculations gratuites, là où le chimiste est en contact direct avec la matière et ses constituants. La chimie « pénetre jusqu’à l’intérieur de certains corps dont la Physique ne connoît que la surface et la figure extérieures ».

    Dans « Le rêve de D’Alembert » :

    « … Le corps, selon quelques philosophes, est, pur lui-même, sans action et sans force ; c’est une terrible fausseté, bien contraire à toute bonne physique, à toute bonne chimie : par lui-même, par la nature de ses qualités essentielles, soit qu’on le considère en molécules, soit qu’on le considère en masse, il est plein d’action et de force… »

    Dans « Principes philosophiques sur la matière et le mouvement » :

    « … c’est qu’ils oublient que, tandis qu’ils raisonnent de l’indifférence du corps au mouvement ou au repos, le bloc de marbre tend à sa dissolution… »

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