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L’exploitation de l’homme dans l’Egypte antique

jeudi 25 avril 2019, par Robert Paris

L’exploitation de l’homme dans l’Egypte antique

Enseignement du roi Kheti II à son fils Mérikaré :

« Si tu rencontres un homme dont les partisans sont nombreux une fois assemblés, et qui soit agréable aux yeux de ses gens, un homme qui soit un orateur prolixe, chassez-le, supprimez-le, efface son nom, chasse son souvenir ainsi que celui de ses partisans. C’est aussi une cause de troubles pour les citoyens qu’un homme au cœur violent, il provoque des factions parmi les jeunes. »

Enseignement de Khéty, Satire des Métiers, Papyrus Sallier II

"Le paysan gémit sans cesse,
sa voix est rauque comme le croassement du corbeau.

Ses doigts et ses bras suppurent et puent à l’excès.

Il est fatigué de se tenir debout dans la fange, vêtu de guenilles et de haillons [...].

Lorsqu’il quitte son champ et rentre chez lui le soir, il arrive complètement épuisé par la marche."

« Chaque charpentier qui porte l’herminette est plus lasse qu’un homme de terrain. Son champ est son bois, sa houe est la hache. Il n’ya pas de fin à son travail et il doit travailler excessivement dans son activité. La nuit, il doit encore allumer sa lampe.
Le bijoutier perce la pierre en enfilant des perles dans toutes sortes de pierres dures. Quand il a terminé l’incrustation des amulettes oculaires, sa force disparaît et il est fatigué. Il reste assis jusqu’à l’arrivée du soleil, les genoux et le dos pliés à Aku-Re.

Le coiffeur se rase jusqu’à la fin de la soirée. Mais il doit se lever tôt, criant, sa cuvette sur son bras. Il se promène de rue en rue pour chercher quelqu’un à raser. Il utilise ses bras pour se remplir le ventre, à la manière des abeilles qui mangent (uniquement) selon leur travail.

Le coupeur de roseaux descend le Delta pour se chercher des flèches. Il doit travailler excessivement dans son activité. Lorsque les moucherons le piquent et que les puces du sable le mordent également, il est jugé.

Le potier est recouvert de terre, bien que sa vie soit encore parmi les vivants. Il creuse plus dans le champ que le porc pour faire cuire ses récipients de cuisson. Ses vêtements étant raides de boue, son couvre-chef est constitué uniquement de chiffons, de sorte que l’air qui sort de sa fournaise en feu pénètre dans son nez. Il manipule un pilon avec lequel il est lui-même pilonné, pénétrant dans la cour de chaque maison et enfonçant la terre dans chaque lieu ouvert.
Je vais aussi vous décrire le maçon. Ses reins sont douloureux. Quand il doit être dehors dans le vent, il pose des briques sans vêtement. Sa ceinture est une corde pour son dos, une ficelle pour ses fesses. Sa force a disparu à cause de la fatigue et de la raideur, en pétrissant tous ses excréments. Il mange du pain avec ses doigts, bien qu’il ne se lave qu’une fois par jour.

Il est misérable pour le charpentier de raboter la poutre de toit. C’est le toit d’une chambre 10 par 6 coudées. Un mois se passe pour poser les poutres et étendre les nattes. Tout le travail est accompli. Mais en ce qui concerne la nourriture qui doit être donnée à son ménage (pendant son absence), il n’y a personne qui s’occupe de ses enfants.

Le vigneron porte son empiècement d’épaule. Chacune de ses épaules est chargée d’âge. Une tuméfaction est sur son cou et elle disparaît. Il passe la matinée à arroser les poireaux et la soirée à la coriandre, après avoir passé le midi dans la palmeraie. Il se trouve qu’il tombe (enfin) et meurt par ses livraisons, plus que dans toute autre profession.

L’homme de terrain crie plus que la pintade. Sa voix est plus forte que celle du corbeau. Ses doigts sont devenus ulcéreux avec un excès de puanteur. Quand il est emmené pour être enrôlé dans le travail du Delta, il est en lambeaux. Il souffre lorsqu’il se rend sur l’île et la maladie est son salaire. Le travail forcé est alors triplé. S’il revient des marais, il atteint sa maison usée, car le travail forcé l’a ruiné.

Le tisserand à l’intérieur de la maison de tissage est plus misérable qu’une femme. Ses genoux sont tirés contre son ventre. Il ne peut pas respirer l’air. S’il perd un seul jour sans tisser, il est battu avec 50 coups de fouet. Il doit donner à manger au concierge pour lui permettre de sortir au grand jour.

Le fabricant de flèches, complètement misérable, se rend dans le désert. Son salaire est supérieur à ce qu’il doit dépenser par la suite pour son ânesse. Ce qui est formidable, c’est aussi ce qu’il doit donner à l’informateur pour le mettre sur la bonne voie jusqu’à la source de silex. Quand il arrive chez lui le soir, le voyage l’a ruiné.

En 1300 avant J. C., texte attribué au Pharaon Ramsès II :

"Oh ! Travailleurs choisis et vaillants !

Oh ! Vous les bons combattants qui ignorez la fatigue, qui exécutez les travaux avec fermeté et efficacité.

Je ne vous ménagerai pas mes bienfaits, les aliments vous inonderont.

Je pourvoirai à vos besoins de toutes les façons, ainsi vous travaillerez pour moi d’un cœur aimant.
Je suis le défenseur de votre métier (...)

Votre nourriture sera très copieuse, car je connais votre travail véritablement pénible, pour lequel le travailleur ne peut exulter que lorsque son ventre est plein (...)

J’ai aussi mis en place un nombreux personnel pour subvenir à vos besoins :
des pêcheurs vous apporteront des poissons,
d’autres, des jardiniers feront pousser des légumes,
des potiers travailleront au tour afin de fabriquer de nombreuses cruches,

ainsi pour vous, l’eau sera fraîche à la saison d’été".

Lamentations d’Ipouer :

" Nous ne savons pas ce qui est arrivé à travers le pays

C’est donc ainsi : les femmes sont stériles, car on ne conçoit plus. Et Khnoum ne crée plus à cause de l’état du pays.

C’est donc ainsi : les hommes démunis sont devenus propriétaires de richesses. Celui qui ne pouvait faire pour lui même une paire de sandales possède des monceaux.

C’est donc ainsi : beaucoup de morts sont jetés au fleuve, le flot est une tombe et la Place pure est maintenant dans les flots..

C’est donc ainsi : les riches se lamentent, les miséreux sont dans la joie, et chaque ville dit : " Laissez-nous chasser les puissants de chez nous."

C’est donc ainsi : le peuple est semblable aux ibis, et les souillures sont à travers le pays, personne ne porte de vêtements blancs, en ce temps.

C’est donc ainsi : le pays tourne comme un tour de potier, le voleur est en possession de trésors…

… Voyez donc ce qui se produit : le pays est privé de la royauté par quelques personnes dépourvues de raisons. »

G.R. Tabouis, dans « Le pharaon Tout Ank Amon » :

« Dans une ruelle obscure, il y a une maison borgne : c’est la « maison de bière ». Les jeunes gens de la ville, les matelots, les soldats viennent s’y enivrer. Les ouvriers des temples s’y concertent aussi pour faire grève. (…) Deux ouvriers, la peau couverte de glaise, hurlent : « Nous avons soif, car nous n’avons plus de vêtements, plus d’huile, plus de poisson, plus de légumes ; Pharaon doit nous fournir de quoi vivre ! » Ce sont là les symptômes d’un malaise social. Le vizir décide prudemment de fermer pour quelques jours la « maison de bière ». (…) Le Pharaon Tout Ank Amon se dirige vers le temps (…) Soudain, une rumeur sourde s’élève, s’amplifie alors que le cortège longe les murailles crénelées du palais du gouvernement de Thèbes. Une bousculade terrible se produit à l’issue d’une rue transversale : les « Mazaiou », hommes de police, sont renversés par une cinquantaine d’ouvriers demi-nus, corps et visage barbouillés de glaise, qui hurlent : « Nous venons poursuivis par la faim, et il y a dix-huit jours encore jusqu’au mois prochain ; qu’on nous donne du grain ! » (papyrus hiératique de Turin) Ils poussent devant eux quelques scribes et des prêtres, l’air effaré. Les maçons qui travaillent à la construction du temple de Khonsou sont en grève ; ils veulent porter leurs doléances au gouverneur de Thèbes, directeur en chef des travaux du roi. Les grèves sont chose courante à Thèbes. Les ouvriers sont payés en blés, en dourah, en huile, le premier de chaque mois. Généralement, en quelques jours, tout est mangé et ces malheureux n’ont plus pour les soutenir, à leur travail et pour apaiser leur faim, que quelques galettes, avalées à midi. Certaines administrations, pour éviter que ces émeutes se généralisent à date fixe, ont modifié le mode et la date des paiements. Ils les ont échelonnées de huit jours en huit jours. Mais, rien n’y a fait. Ces émeutes ont accompagné les diverses époques de l’histoire de l’Egypte, comme le rapporte Maspero. Tout Ank Amon a reçu, il y a peu de temps, l’officier de police et le scribe chargés de lui porter les revendications des grévistes ; il a donné l’ordre que des prêtres fussent délégués pour régler le conflit. Les ouvriers ont dit aux prêtres : « Nous n’avons plus d’huile, plus de poisson, plus de légumes ; mandez-le à Pharaon, notre maître, afin qu’on nous fournisse de quoi vivre. » Et Tout Ank Amon leur a fait distribuer une cinquantaine de sacs de blé. Ces provisions n’ont eu qu’un temps ; le mois n’est pas encore fini et les ouvriers, ce matin, refusent de reprendre le travail. Pharaon sait très bien que, depuis le directeur des travaux jusqu’au scribe chargé de payer à chacun sa ration de salaires, il n’est personne qui ne vole quelque peu et ne prélève sa dîme. Quoi d’étonnant si l’émeute gronde ? « Par Amon, par ce souverain dont la colère tue, nous ne travaillerons plus ! » vocifèrent les grévistes, qui montent à l’assaut du palais du gouverneur. Les grilles cèdent. (Rapporté par le Papyrus de Turin) Pharaon voit les émeutiers se répandre dans les cours, prêts à piller les magasins d’approvisionnement. (…) Le Pharaon fait distribuer par le gouverneur les vivres retenues indûment sur leurs rations. Ses « Mazaïou » appréhendent quelques récalcitrants pour la bastonnade ou la prison. (…) Le gouverneur dit à son intendant : « Vous ce que tu as de blé dans les greniers et donne-en à ces gens-là », et, devant ceux qui étaient déjà entrés dans sa cour ; « vous, courez au grenier et prenez ce qu’il vous donnera. »

Viviane Koenig dans « L’Egypte au temps des pharaons » :

« Vers 2260, à la fin du long règne du pharaon Pépi II, (...), l’autorité royale s’effrite, surtout en Haute Egypte, région si éloignée de la capitale. L’Etat se disloque. Au nord, le peuple s’agite. Une révolution violente, sanglante, implacable éclate. Dépossédés de leurs biens, les riches émigrent ou découvrent la misère. La peur règne partout. Les brigands parcourent la campagne. Les paysans ne cultivent plus. La famine fait des ravages. Les fonctionnaires, débordés, voient leurs bureaux mis à sac. Les artisans abandonnent leurs ateliers. Le palais royal brûle. (...) Même les dieux sont délaissés. (...) Les pauvres possèdent les richesses. (...) Les nobles dames meurent de faim. (...) L’ordre social est bouleversé. L’Ancien Empire devient un souvenir. (...) Le temps est fini où, dans l’ordre et le calme, les paysans obéissaient au scribe surveillant l’engrangement du blé. (...) Pendant plus de deux siècles, Pharaon n’existe plus (...). Les troubles violents qui ont mis fin au vieil empire sont terminés. Ils ont été d’une violence inouïe : une véritable révolution. (...) Vers 2050, Mentouhotep devient le pharaon Mentouhotep 1er. » Elle présente un témoignage écrit : « Je te présente le pays sens dessus dessous. Ce qui se passe ne s’était jamais passé.(...) Quelques hommes sans foi ni loi sont allés jusqu’à déposséder le pays de la royauté, la résidence royale a été ravagée en une heure, celui qui ne pouvait se construire un réduit est propriétaire des murs, celui qui ne pouvait se faire construire une barque est propriétaire des bateaux… » C’est bien une révolution sociale qui a renversé l’ordre. Un changement va apparaître dans le nouvel empire : les grands nobles sont surveillés par le pharaon, les stocks de blé ne peuvent plus être détournés par corruption, les gouverneurs deviennent des fonctionnaires qui répondent de leur vie au cas où les greniers de réserve sont vides, les pauvres accèdent à la vie éternelle et ont droit de traduire leur noble en justice. La classe pauvre est reconnue, la classe riche a perdu de son pouvoir en faveur de l’Etat et la classe moyenne voit son nombre considérablement accru. La réforme de l’Etat sert fondamentalement la classe noble même si elle est dépossédée du pouvoir direct. Et Pharaon doit désormais justifier de sa nécessité, se faire de la propagande politique : des écrits exposent les problèmes de la société et combien Pharaon est indispensable pour les résoudre. L’idéologie dominante est elle aussi modifiée. Pharaon a modifié la religion qui fait mine de se tourner désormais vers le peuple. En achetant quelques formules magiques, n’importe qui peut aller dans l’au-delà.

« Histoire des croyances et des idées religieuses » de Mircea Eliade :

« Pépi II fut le dernier pharaon de la sixième dynastie. Peu de temps après sa mort, vers 2.200 avant J.-C., l’Egypte fut gravement secouée par la guerre civile, et l’Etat s’effondra… Pendant quelques temps, l’anarchie ravagea le pays… Un certain Ipu-wer se présente devant le Pharaon pour lui rapporter les proportions du désastre : « Voici le pays est dépouillé de la royauté par quelques individus irresponsables !... Voici, les hommes se rebellent contre l’Uraeus royal… qui avait pacifié les Deux Pays… La Résidence royale peut être rasée dans une heure !... Le roi a été emporté par les pauvres…. Roi, tu aurais dû être le berger de ton peuple. Mais c’est la confusion que tu installes partout dans le pays, conjointement avec le bruit des querelles. Si chacun se jette sur son voisin, c’est le résultat des ordres que tu leur a donné. Ceci montre que tes actes ont créé cette situation et que tu as proféré des mensonges. » Une deuxième crise du pouvoir pharaonique fut déclenchée après l’extinction de la douzième dynastie… On ignore les causes de la désintégration de l’Etat, qui eut lieu deux générations avant l’attaque des Hyksos en 1674 avant J.-C. »

Révolution sociale dans l’Egypte antique

Grève de 10.000 travailleurs dans l’Egypte antique

Les ouvriers en grève expriment ainsi leurs revendications : ”Nous sommes venus ici poussés par la faim et la soif ; il n’y a pas de vêtements, pas de graisse, pas de poissons, pas de légumes. Écrivez à ce propos à Pharaon, notre bon seigneur, écrivez au vizir, notre chef, pour que l’on nous donne de quoi vivre.”

Les ouvriers égyptiens en grève ont laissé des traces

Tract papyrus de la grève !!!

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