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Introduction à la brochure « Salaires, prix et profits » de Karl Marx

samedi 24 novembre 2018, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

Introduction à la brochure « Salaires, prix et profits » de Karl Marx

Par Tiekoura Levi Hamed et Robert Paris

Quand Marx explique que les lois de l’économie sont une partie des lois de la lutte des classes

Dans sa conférence intitulée « Salaire, prix et profit », Karl Marx répond à deux conférences prononcées par John Weston, membre du Conseil Général de l’Association Internationale des Travailleurs, les 2 et 23 mai 1865.

Le but de Weston était de transformer l’AIT en une organisation réformiste, défenseur d’un progressisme apolitique et anti-lutte des classes, hostile en particulier aux grèves et aux révolutions sociales, hostile même à l’action des syndicats, en prétendant que les « lois de l’économie » étaient fondées sur la constance, sur l’équilibre, sur la fixité et que les actions tendant à changer la valeur des salaires, celles des ouvriers comme celles des patrons, ne menaient à rien, puisque tout revenait ensuite au niveau précédent, du fait de cette « loi économique ».

Karl Marx devait répondre aux conférences de Weston par deux rapports à l’AIT les 20 et 27 juin 1865 qui ont été édités et regroupés en brochure par Eléonore Marx, sa fille.

Marx y démontre d’abord que l’existence de lois économiques du capitalisme ne suppose nullement la fixité puisqu’il est évident que la production capitaliste ne cesse de croitre comme la richesse capitaliste, ainsi que la quantité d’industries, les capitaux et le prolétariat.

Donc les lois du capitalisme, loin d’être fondées sur l’équilibre, sur la constance, sur la fixité, sur l’absence d’intervention de classe des capitalistes comme des prolétaires, sont basées dessus.

Il démontre que la « loi de l’offre et de la demande », si elle est un mécanisme de régulation, ne sert nullement à déterminer la valeur des marchandises autour de laquelle cette « loi du marché » va faire osciller leur valeur d’échange.

Ensuite, Marx a démontré que la lutte des ouvriers pour les augmentations de salaires faisaient non seulement partie du combat de l’offre et de la demande de main d’œuvre mais aussi étaient partie intégrante de la valeur des marchandises. Et dire cela n’était pas évident.

On arrive là à la notion de valeur des marchandises fondées sur le temps de travail à la production de ces marchandises, couplée à une application de cette notion à la force de travail qui indique que le salaire est déterminée par le temps de travail nécessaire au maintien de la force de travail dans une société donnée à une époque donnée, situation déterminée justement par les rapports de forces entre classes sociales.

Cela signifie que les luttes sociales, ouvrières ou patronales, sont intégrées à l’établissement de la valeur d’échange, à la fois des marchandises et des salaires. La thèse selon laquelle les lois économiques d’établissement de la valeur des marchandises et des salaires serait indépendante des luttes est ainsi complètement renversée.

En fait, Marx va encore au-delà en démontrant que la composition du capital dévoile la même dépendance puisqu’est intégré à la valeur du capital l’argent dépensé pour les salaires autant que l’argent nécessaire aux matières premières, aux machines et aux terrains. La composition du capital démontre donc que l’opposition de classe, entre prolétaires et capitalistes, est fondamentalement inscrite dans le fonctionnement du système, c’est-à-dire dans la circulation du capital, dans sa transformation de capital-argent en machines, matières premières, salaires puis en produits fabriqués, puis à nouveau en capital-argent, intégrant la plus-value.

Marx disposait dès lors de l’interprétation de la plus-value, ce profit tiré du travail humain. En effet, ce ne sont pas les matière inertes qui avaient créé des valeurs supplémentaires ni d’ailleurs les machines, ni encore les astuces du commerçant, ni celles des prêteurs d’argent, mais bien le temps de travail non payé du salarié.

Ainsi, la lutte des ouvriers devenait une lutte, pour la réduction ou l’accroissement, de la part non payée des horaires de travail, pour la plus-value.

L’idée que la valeur d’échange d’une marchandise n’est pas déterminée par son échange mais par sa production ouvrait ainsi une perspective scientifique à la lutte des classes !!!

Marx avait seulement appliqué cette loi à la production de la force de travail qui est mesurée par le salaire et aussi interprété ainsi la plus-value.

Pourquoi Marx ne voyait-il pas de possibilité d’augmenter le profit dans les capacités du commerçant, dans celles du financier, dans celles du capitaliste, dans celles des machines, dans celles des technologies employées, dans les compétences en somme des capitalistes ? Eh bien, il faisait remarquer que tout cela permettait d’expliquer des changements de répartition de la plus value entre les capitalistes mais pas la production de cette richesse supplémentaire à chaque cycle de la production.

Quand un commerçant l’emportait sur l’autre ou un financier sur l’autre, ou une technologie sur une autre, l’argent gagné l’était seulement aux dépens du concurrent et donc ne changeait pas la valeur totale des profits.

La seule chose qui permettait l’amoncellement de richesses qu’allait connaître le capitalisme, provenant de la plus-value réalisée à chaque cycle et réinvestie dans la production de richesses nouvelles, c’est la valeur supplémentaire extraite du travail humain, c’est-à-dire la différence entre le salaire, mesuré en temps de travail, et le temps de travail réel effectué. Cette différence, le temps de travail volé ou plus-value, une fois accumulé produisait la richesse croissance de richesses du système capitaliste.

Loin d’être fondé sur l’équilibre, sur la fixité, sur l’égalité, sur l’échange égal, le capitalisme se révélait fondé sur le déséquilibre, sur l’inégalité, sur le vol de richesses permanent aux dépens des prolétaires.

Ce vol était fondé sur un premier vol historique, celui de la propriété des moyens de production arrachée aux petits paysans, aux petits artisans, aux populations des époques précédent la domination de la bourgeoisie.

La « loi économique » s’avérait donc être une loi humaine et sociale, issue de la division du travail, de la division de la société en classes sociales aux intérêts diamétralement opposées et la lutte des classes, loin de ne servir à rien face aux lois inaltérables de l’économie, se révélait être une expression de la lutte des classes qui faisait partie des lois mêmes de l’économie capitaliste.

Marx montrait du coup que faisaient partie de cette lutte, les grèves pour les salaires mais aussi les luttes pour la réduction de la journée de travail, les luttes contre le travail des enfants et les luttes pour les conditions de travail et de logement, etc.

Marx démontre même que les machines, loin d’augmenter le profit du capitaliste, réduisent la part du capital-salaires et donc celle du capital-plus value puisque ce dernier est une fraction du capital-salaires. C’est la loi de la réduction du taux de profit, c’est-à-dire du rapport entre le profit et le capital investi.

Le capitaliste combat cette tendance en profitant du machinisme pour augmenter le taux d’exploitation, rendre le travail plus rapide, plus dur, plus efficace, plus parcellaire, moins spécialisé, moins payé, mais il n’empêche que les machines, de plus en plus développées et couteuses, ponctionnent quand même relativement la plus-value au lieu de l’augmenter.

Il est inévitable que le capitalisme aille tout seul vers ses limites qui sont celles des bases mêmes du système. Accroissant inévitablement sans cesse son échelle tant qu’il réinvestit ses plus-values dans la production, il doit sans cesse accroitre la production, accroitre aussi le nombre et la force sociale des producteurs, gagner d’autres secteurs d’activité au capitalisme, d’autres régions du monde, d’autres domaines, etc. Dès qu’il se heurte à une limite, c’est le système lui-même qui en est menacé car il ne trouve plus alors des investissements suffisamment rentables pour fabriquer de nouvelles plus-values alors qu’il doit fournir aux capitaux des revenus pour ses prêts. Le capital financier s’accroit alors sans cesse, puisque le capital investi dans la production décroît et les subterfuges étatiques pour cacher cette tendance fondamentale à la chute, symétrique de la tendance inéluctable précédente à la croissance, ne peut empêcher que le capitalisme a dès lors fait son temps et n’est plus capable de maintenir en place son système d’exploitation. Nous sommes alors arrivés à la situation actuelle : celle de l’agonie du capitalisme. Elle ne se fera pas en un jour mais elle est inéluctable.

Remarquons la conclusion de Marx qui n’est nullement un soutien du caractère réformiste de la lutte syndicale, bien au contraire :

« En même temps, et tout à fait en dehors de l’asservissement général qu’implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent pas s’exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne.

Ils ne doivent pas oublier qu’ils luttent ainsi contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu’il ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu’ils n’appliquent que des palliatifs, mais sans guérir le mal.

Ils ne doivent pas se laisser absorber exclusivement par ces escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiètements ininterrompus du capital ou les variations du marché.

Il faut qu’ils comprennent que le régime actuel, avec toutes les misères dont il les accable, engendre en même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la transformation économique de la société.

Au lieu du mot d’ordre conservateur : « Un salaire équitable pour une journée de travail équitable », ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d’ordre révolutionnaire : « Abolition du salariat »…

Les syndicats agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiètements du capital. Ils manquent en partie leur but dès qu’ils font un emploi eu judicieux de leur puissance. Ils manquent entièrement leur but dès qu’ils se bornent à une guerre d’escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur force organisée comme d’un levier pour l’émancipation définitive de la classe travailleuse, c’est-à-dire pour l’abolition définitive de l’exploitation capitaliste des salariés.

Lire ici le texte de Marx : « Salaires, prix et profit »

LIRE AUSSI :

« Double caractère du travail présenté par la marchandise », dans Le Capital de Karl Marx

« La valeur de la marchandise », dans Le Capital

« Le caractère fétiche de la marchandise et son secret » dans Le Capital

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