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La révolution française a commencé...

vendredi 11 janvier 2019, par Robert Paris

La révolution française a commencé le 17 novembre 2018 quand l’auto-organisation des opprimés en masse s’est déclarée en permanence…

Ce qu’indique le haut niveau de la cagnotte pour les forces de répression, c’est l’engagement des milliardaires aux côtés de ceux qui défendent l’ordre des riches contre les pauvres, des oppresseurs contre les opprimés, des exploiteurs contre les exploités !

Tout ce qui est collecté pour les flics l’est pour défendre les milliardaires contre ceux qui ne vivent que de leur travail !

La cagnotte des gilets jaunes est bloquée par les banques et l’Etat des milliardaires !!!

Que l’on parle de cagnotte, de violence, de démocratie, d’impôts, de salaires, d’emplois, de services publics, d’aides sociales, de retraites, tout oppose violemment le monde des riches et le monde des pauvres !

Le bras de fer entre les Gilets jaunes et le pouvoir des milliardaires en France concerne tous les domaines : la solidarité avec celle des gouvernants et des banques à l’égard des forces de répression qui les défendent et la solidarité du mouvement à l’égard des Gilets jaunes frappés, blessés, arrêtés et tués ; la démocratie avec d’un côté le prétendu « dialogue national », mascarade qui se refuse à débattre des questions posées par le mouvement et qui mène à un référendum-plébiscite du pouvoir alors que le véritable dialogue, celui des comités des ronds-points, celui des assemblées des Gilets jaunes est stigmatisé, interdit par le pouvoir ; la question des impôts alors que les patrons comme celui de Renault paient le moins possible ou sont libérés des impôts quand les petites gens, qui ne vivent que de leur travail, n’obtiennent, eux, aucun CICE, aucun cadeau d’impôts ; les inégalités sociales explosives qui sont à la source du mouvement et dont le gouvernement refuse même de débattre et évidemment de les remettre en cause alors qu’on annonce que jamais les capitalistes n’ont fait autant de profits en France ; la violence antisociale du pouvoir qui atteint des niveaux jamais atteints en termes de répression mais aussi en termes de vols des revenus des plus démunis, de destruction des services publics (jamais une fraction aussi petite des impôts publics n’a servi la population).
Pas un domaine de la vie sociale, économique ou politique n’est en dehors de la lutte menée par les Gilets jaunes. C’est la domination des exploiteurs et des profiteurs ainsi que leur mainmise sur le pouvoir d’Etat qui est mise en cause par l’insurrection.

Pas étonnant du coup que nombre de commentateurs ne se refusent plus à parler d’une nouvelle « révolution française », ce qui ne signifie nullement qu’elle reste sur le seul terrain national, puisque les révolutions de France ont toujours eu une vocation à devenir des porte-drapeaux à l’échelle internationale, qu’il s’agisse des deux révolutions dites bourgeoises de 1789 et 1793, des révolutions de 1830 et 1848, ou de la révolution prolétarienne de 1871. Toutes ont marqué l’Histoire et le monde ! Partout dans le monde, les opprimés se sont reconnus dans ces révolutions sociales et politiques. Partout, elles ont servi d’exemple et d’encouragement, et même de leçon pour l’avenir.

Certes, les Gilets jaunes n’ont renversé encore aucun pouvoir, n’ont cassé aucun régime, n’ont fait chuter aucun système, mais aucune des révolutions précédemment citées n’a commencé par faire chuter quoique ce soit. Elles ont toutes commencé par une explosion… d’organisation, de débats massifs, de réunions, d’ébullition politique et sociale dans lesquelles les plus démunis étaient au centre. C’est cette nouvelle démocratie des opprimés et des exploités, des plus pauvres, des plus opprimés aussi, notamment des femmes, qui a toujours caractérisé les révolutions. Cette nouvelle démocratie est d’autant plus remarquable que, même dans la prétendue démocratie française, les opprimés et les exploités n’ont aucun moyen de s’exprimer ni d’être entendus.

Quant à la violence qui est reprochée aux Gilets jaunes, elle provient d’abord du pouvoir des profiteurs et exploiteurs, du caractère insupportable. Tant que le mouvement social est resté pacifique, qu’il est resté dans les clous de l’ordre des dominants, sous la houlette des partis politiciens et de leurs élections nationales prétendument démocratiques, ou sous la houlette des syndicats et de leurs journées d’action prétendant exprimer la colère des travailleurs en la canalisant et en l’étouffant, les exploités ne se sont jamais fait entendre ! Ils ne sont pas représentés au parlement, au gouvernement, dans les administrations, dans les directions du public, du semi-public et du privé, dans les organes de répression, dans les médias, dans les spécialistes, dans tous les pouvoirs.

Eh bien, les exploités et les opprimés ont commencé à se donner à eux-mêmes la parole, à se parler entre eux, à cesser de quémander quoique ce soit, à cesser d’attendre quoique ce soit du pouvoir et des profiteurs, à ne compter que sur eux-mêmes, et c’est cela qui caractérise une révolution et qui permet de comparer celle que nous vivons aux révolutions passées !

La démocratie des riches n’est pas la démocratie des pauvres et c’est l’immense fossé qui s’est considérablement élargi ces dernières années, depuis l’effondrement capitaliste de 2007-2008, qui a transformé la colère sociale en révolution sociale…

L’ordre que les classes possédantes ont sans cesse à la bouche n’est plus accepté des plus pauvres parce que cet ordre est celui dans lequel ils n’ont plus le droit qu’à dépérir et mourir.

Le consensus social est mort et personne ne lui redonnera vie. Ce n’est pas seulement Macron-Philippe qui n’ont plus de solution, qui n’ont plus d’interlocuteurs pour négocier une fin de mouvement, qui n’ont plus les moyens de convaincre ou de calmer, ce sont carrément toutes les classes possédantes.

Ce qui caractérise une révolution, c’est que l’ordre établi ne puisse plus fonctionner, que toutes les règles qui stabilisaient la société la déstabilisent au contraire, que les classes dirigeantes elles-mêmes ne puissent plus accepter de laisser les choses en l’état, et que les plus opprimés et exploités ne soient plus prêts à plier l’échine, à subir l’injustice et la violence sociales, qu’ils s’organisent par eux-mêmes, qu’ils construisent ainsi déjà des embryons d’un autre pouvoir, d’une autre société, d’une autre démocratie, d’autres lois et d’autres règles, qu’ils bâtissent déjà un nouveau monde complètement incompatible avec l’ancien monde.

Devant cette insurrection des exploités, les exploiteurs ne peuvent que se radicaliser aussi, entrant dans un cercle qui va amener le mouvement à s’enraciner, à se développer, à prendre de plus en plus conscience de lui-même.

Le pouvoir a beau dénoncer la violence des manifestants, sa propagande se heurte aux sentiments d’une fraction considérable de la population : depuis le 17 novembre 2018, il y a toujours eu une majorité de la population du côté des Gilets jaunes et le pouvoir n’a rien pu y faire. Il a beau se prévaloir de l’élection qui l’a porté au pouvoir, c’est lui qui apparaît clairement comme ne représentant que l’infime minorité, celle des moins de un pourcent de possesseurs du grand capital.

Malgré une offensive politique, répressive, médiatique, de multiples organisations politiques, associatives et syndicales, contre le mouvement, il y a toujours plus de 60% de la population qui exprime son soutien aux Gilets jaunes ! Personne ne croit au prétendu débat national, personne ne croit aux mesures économiques et sociales prises par le pouvoir, personne ne croit plus aux impôts, aux cadeaux aux capitalistes camouflées en aides à l’économie et à l’emploi et on en passe…

L’ordre en place ne peut plus continuer comme avant, que ce soit du point de vue des exploiteurs ou de celui des exploités !!! C’est cela qui marque la révolution.

Les réponses politiques du pouvoir des milliardaires ne convainquent pas davantage que ses mesures répressives ou ses prétendues mesures économiques (comme la prime de cent euros). Il ne suffit pas de calomnier ou d’insulter tous les jours le mouvement social massif pour l’éteindre ou le démoraliser.

L’accusation de fascisme et de dictature lancée contre l’ensemble des gilets jaunes, on a pu l’entendre le pouvoir (Macron, ses ministres, des députés, ses responsables) et tous ses soutiens, plus ou moins cachés, y compris des partis, des associations et des syndicats qui se prétendent d’un autre bord politique et même social, et, bien entendu, l’essentiel de médias et des prétendus commentateurs, experts et éditorialistes, lancer cette accusation depuis le début du mouvement.

Cela ne signifie pas que cette affirmation soit fondée. Cela signifie surtout que les gilets jaunes s’en prennent radicalement au pouvoir des milliardaires et que beaucoup d’organisations se sont adapté à ce pouvoir pendant de longues années et sont démasquées par le fait que ce mouvement refuse de plier devant ce pouvoir.

Les gilets jaunes sont accusés de dictature parce qu’ils bloquent, ici des bâtiments, là des commerces, ailleurs des administrations, des moyens de transport, des activités diverses. Mais s’imagine-t-on que le pouvoir aurait reculé d’un pouce s’ils ne l’avaient pas fait ? Pourquoi ce pouvoir des milliardaires n’a reculé devant aucune action modérée des syndicats pendant de multiples journées d’action parfois massives, concernant les retraites, le code du travail, la SNCF, les hôpitaux ou d’autres services publics, la défense des retraités, des chômeurs et bien d’autres ? N’est-ce pas justement parce que les mouvements dirigés par les syndicats et associations réformistes ne bloquaient rien, de menaçaient rien, ne s’attaquaient à rien que les classes possédantes n’avaient alors pas reculé d’un seul pas alors qu’elles l’ont fait un petit peu cette fois-ci ?

Est-ce que c’est dictatorial de bloquer des activités économiques et sociales ? Si c’est le cas, pourquoi les capitalistes ont-ils le feu vert des gouvernants et de la loi pour le faire quand les patrons ferment des usines ou des commerces, empêchent des salariés d’exercer leur activité en les licenciant, quand le gouvernement lui-même casse des emplois publics et s’en revendique même hautement ?!!! Est-ce que ce n’est pas, là aussi, de la dictature, celle du grand capital contre le travail ?

Eh bien, il ne s’en indigne que lorsque le travail entend riposter pour se défendre !!!

La dictature qui s’impose par la force, qui le fait en faveur d’une infime minorité et contre l’immense majorité, c’est celle du grand capital qui représente moins de un pourcent de la population.

Bien sûr, le gouvernement affirme que, puisque ce sont les élections qui ont donné la présidence à Macron, cela signifierait qu’il est démocratiquement habilité à prendre toutes les décisions en faveur des milliardaires et contre l’immense majorité de la population. C’est une version trompeuse de la vraie démocratie sociale comme politique. Il suffit alors d’avoir été élu pour agir complètement à l’envers des droits de l’immense majorité de la population pour se dire l’expression de la plus large démocratie ?!!! Une « démocratie » qui décide ouvertement que les plus riches n’ont pas à payer d’impôts ?!! Une « démocratie » qui décide que les impôts chargés de financer des services publics ne servent plus qu’à financer des aides à des intérêts privés, et pas n’importe lesquels : seulement ceux des milliardaires !!! Et on devrait tomber d’accord que c’est cela qui est le plus démocratique au monde !!!

Quiconque conteste cela dans la rue, quiconque bloque, quiconque se réunit pour discuter de changer l’ordre social n’est rien d’autre qu’un dictateur, qu’un fasciste méritant seulement d’être frappé, matraqué, gazé, arrêté, condamné, traité comme un bandit ?!!! Et pendant ce temps le banditisme des banquiers, des financiers, des PDG comme Ghosn, des capitalistes a atteint un niveau jamais atteint et a la meilleure couverture officielle de la part du gouvernement, de l’administration, de la justice, de la police, des médias…

Oui, il y a maintenant deux forces sociales diamétralement opposées, aux objectifs incompatibles et l’affrontement entre eux ne peut que s’approfondir sans cesse, que devenir de plus en plus conscient de sa réalité, de sa profondeur.

Certes, aucune fatalité ne mène obligatoirement ce mouvement à réussir à éviter tous les pièges que ses ennemis comme ses faux amis ne manqueront pas de dresser devant lui.

En s’organisant en masse, en débattant de leurs propres intérêts en masse, en mettant sur leurs drapeaux le mot « auto-organisation », les opprimés et les exploités n’ont certes fait que le premier pas de la révolution sociale. Mais ce premier pas est fait et la lutte va nécessairement développer sa propre logique qui ne peut plus être cantonnée dans le cadre étouffant des règles du grand capital. On le voit dans tous les domaines : les Gilets jaunes vont être amenés à s’affronter non seulement aux forces de polices, aux médias, mais aussi aux trusts et aux banques, à tout l’ordre social, à tous les bandits qui détiennent le pouvoir !

Il est inutile d’insulter les Gilets jaunes en les traitant de dictature, de fascistes ou de casseurs car la dictature, le fascisme et la casse sont exactement ce dont les opprimés accusent leurs oppresseurs !

« Discutons », nous dit le pouvoir, et quand nous voulons discuter entre nous, on nous dit que cela est interdit aux gilets jaunes.

On nous dit qu’un référendum sera organisé mais pas pour donner la parole aux gilets jaunes !!!

On nous demande ce qu’on veut mais on n’a pas le droit de se réunir, on nous demande de dire quelles sont nos demandes mais on n’a pas le droit de se rassembler, on nous dit de protester pacifiquement mais on nous matraque et on nous gaze quand on manifeste pacifiquement, on n’a pas le droit si on bloque mais on n’a pas le droit si on occupe des ronds-points même sans bloquer, on n’a pas le droit de manifester mais on n’a pas le droit de rester sur place, on n’a pas le droit de nous organiser mais on nous reproche de nous organiser…

On nous dit : comportez-vous comme des citoyens mais pour avoir une vie normale, là on n’est plus de citoyens, pour avoir le droit de nous exprimer, là on n’est plus des citoyens, pour avoir une vie normale, pour avoir de quoi nous loger, nous nourrir, nous occuper de nos familles, là on n’est plus de citoyens.

Alors, disons-le, nous sommes des insurgés, nous sommes des révoltés, et nous sommes des prolétaires !

Puisqu’ils se sont débrouillés pour que nous n’ayons rien à perdre, alors n’ayons pas peur de tout réclamer, de leur faire tout perdre !!!

Tout est à nous ! Rien n’est à eux ! Tout ce qu’ils ont, ces milliardaires, ils nous l’ont volé ! Y compris le pouvoir politique !

Ils nous demandent ce que nous voulons ?

Eh bien, nous voulons toutes les richesses et que le peuple travailleur soit au pouvoir !

Messages

  • Victor Hugo écrit :

    "Qui arrête la révolution à mi-côte ? La bourgeoisie. Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie est l’intérêt arrivé à satisfaction. (...) Il y en a qui disent qu’il faut me tirer un coup de fusil comme un chien. Pauvre bourgeoisie. Uniquement parce qu’elle a peur pour sa pièce de cent sous. (...) Ouvriers de Paris, vous faites votre devoir et c’est bien. Vous donnez là un bel exemple. La civilisation vous remercie."

    "Désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation"

    "La Révolution, c’est la France sublimée. Il s’est trouvé, un jour, que la France a été dans la fournaise ; les fournaises à de certaines martyres guerrières font pousser des ailes, et de ces flammes cette géante est sortie archange.

    Aujourd’hui pour toute la terre de France s’appelle Révolution ; et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie. Je le répète, ne cherchez pas ailleurs le point d’origine et le lieu de naissance de la littérature du dix-neuvième siècle.

    Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos oeuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poèmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, pour tout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, oui, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution !"

    Victor HUGO

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