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La révolution du néolithique

mardi 25 juin 2019, par Robert Paris

Que penser de la notion de « révolution néolithique » ?

Le terme "néolithique" a retenu, pour caractériser cette période, l’outillage de pierre (lithique) qui était devenu la pierre polie, mais ce n’est pas ce qui caractérise le mieux la révolution en question qui serait bien mieux décrite par le passage des chasseurs-cueilleurs nomades aux agriculteurs sédentaires et urbains.

La révolution du néolithique

Le néolithique est souvent présenté comme un progrès continu alors que c’est véritablement une révolution, ce qui veut dire un changement radical qui a renversé l’ancienne société avec de fortes réactions de celle-ci et c’est même plusieurs révolutions sociales successives suivies de plusieurs contre-révolutions.

Il est curieux de présenter ce changement radical qui a bouleversé l’histoire de l’humanité comme un progrès car, pour l’essentiel des êtres humains, cela a d’abord amené l’esclavage et l’exploitation violente. S’il y a eu accumulation de richesses comme jamais, à un pôle, l’autre pôle était celui de l’immense majorité des hommes, esclavagisés, violentés, terrorisés, souvent massacrés, puis soumis,

Y voir seulement des progrès technologiques ou de techniques sociales, par exemple présenter l’urbanisation comme une simple technique d’organisation, c’est faire un contresens énorme. Même le fait de cultiver au lieu de se contenter de cueillir est un changement qui n’est pas seulement culturel mais social et politique. D’autre part, l’une des révolutions du néolithique est, ne l’oublions pas, la soumission violente des femmes, le détrônement des déesses au profit des dieux, des cheffes traditionnelles au profit des chefs, etc, Ce n’est pas un progrès social. Même le niveau de vie des populations n’a pas nécessairement progressé par rapport au niveau de vie des chasseurs-cueilleurs. Il a même parfois considérablement régressé. C’est pour accumuler des masses de richesses à un pôle que l’essentiel de la société a été contraint au travail forcé, sous de multiples formes (esclavage, servage, tribut imposé, exploitation économique des oppositions tribales, etc). Il a fallu pour cela détruire des traditions bien ancrées, celles du communisme primitif, celles du tribalisme, celles des propriétés communes et, comme on l’a dit, celles du matriarcat.

La première chose qu’il ne faut pas oublier est que le néolithique est autant une révolution politique, sociale qu’une révolution technologique et que, du coup, elle signifie de multiples résistances, réactions et même contre-révolutions des anciennes sociétés qui l’ont précédé et notamment des chasseurs-cuilleurs et des éleveurs nomades. Il suffit de lire l’Ancien Testament pour savoir que des tribus nomades d’éleveurs ont combattu les cultivateurs. Ne lit-on pas en effet dans la Bible (Genèse) en accusation de celui qui avait violé l’interdit de la connaissance de la fabrication des plantes du jardin d’Eden et qui avait voulu modifier la fabrication naturelle de celles-ci pour la rendre plus productive et qui, pour punition, serait exploité toute sa vie :

« Maudit soit le sol à cause de toi ! C’est dans la peine que tu en tireras ta nourriture, tous les jours de ta vie. De lui-même, il te donnera épines et chardons, mais tu auras ta nourriture en cultivant les champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris, et tu retourneras dans la poussière. »

Dans ce texte religieux des Hébreux, la culture de la terre est considérée comme une punition et non comme un don de dieu, contrairement à d’autres religions de sociétés agraires ! Cela signifie que ce texte est bel et bien écrit par des hommes qui considèrent le développement de la culture de la terre comme une agression à l’égard de leur société et de leur ancien mode de vie !

Comme le disait l’Ancien Testament aux Hébreux de l’Etat de Juda fondé par les éléveurs attirés par Israël, essentiellement agraire, « n’oublie pas que tu es descendant de pasteurs nomades araméens ».

Le mythe d’Abel et Caïn ne dit pas autre chose que la haine qui opposait tribus d’éleveurs et tribus de cultivateurs ainsi que les Etats de Juda et d’Israël, respectivement appuyés sur des sociétés d’éleveurs et de cultivateurs.

Et c’est loin d’être la seule réaction des nomades, des chasseurs-cueilleurs ou des éleveurs contre les agriculteurs que l’on connaisse dans le monde. Ce type de réaction, qui s’assimile au combat entre des systèmes sociaux concurrents, ont eu lieu aux quatre coins de la planète. Longtemps, les seuls qui ont menacé la société agraire du Moyen-Orient ont été les éleveurs, les nomades et les chasseurs-cueilleurs. En Egypte, les nomades du désert étaient présentés comme l’ennemi traditionnel et le plus dangereux, assimilés au dieu de la destruction Seth. Au point que le dictature militaire pharaonique fondait principalement sa justification dans l’écrasement des révoltes des nomades.

Cultiver la terre, ce n’est donc pas seulement avoir découvert la technologie permettant de semer et de récolter, et de sélectionner les plantes favorables et les multiplier en supprimant les plantes défavorables (ce fameux secret que l’homme a volé au « Jardin d’Eden »). C’est d’abord effectuer une révolution contre les traditions et leurs défenseurs.

Quand est-ce que cette révolution a eu lieu ? On a eu l’habitude de la présenter comme particulière au « Croissant fertile », puis se propageant à l’Europe comme si le monde entier avait connu la civilisation grâce aux seules sociétés du Moyen-Orient, alors qu’elle a eu lieu sur tous les continents de manière indépendante, mais dans la même ère géologique, c’est-à-dire à une période climatique bien particulière, et sous des latitudes semblables.

D’abord, quels sont les noms des peuples qui ont réalisé ces révolutions, sans doute les plus essentielles dans la construction du monde moderne ? Ce sont les Natoufiens du Croissant fertile (de la Palestine à l’Irak en passant par la Syrie) à partir de 10.000 avant JC et jusqu’à 8000 avant JC, puis les Anatoliens de 7000 avant JC, puis les peuples des Balkans de 6500 avant JC suivis des peuples du Danube en 5500 avant JC, allant jusqu’à la France en 4800 et à l’Angleterre en 4500 avant JC. Toute cette vague de néolithisation ne s’est pas produite de manière continue et par influence économique, sociale et culturelle. Ce n’est pas la progression d’une culture mais une invasion, une colonisation violente qui a amené les « progrès » à étendre leur zone d’influence.

D’autre part, et de manière sans doute indépendante, la néolithisation s’est également produite en moins 8000 en Chine puis en – 7000 en Nouvelle Guinée ; et également au Mexique et en Amérique centrale en – 8000, dans les Andes en – 5000, en Amazonie en – 3000, dans le Mississipi en – 2000.

Les différentes étapes du néolithique ne sont pas advenues de manière culturelle, par l’influence du progrès, mais ont été le produit de nécessités économiques et sociales qui se sont produites en différents endroits de la planète. Il a fallu pour cela renverser des anciennes sociétés pour mettre en place les nouvelles. Il a fallu combattre aussi les assauts de ces anciennes sociétés qui s’étaient maintenues en périphérie. On se souvient que la hantise des Egyptiens étaient les assauts des nomades. Les sociétés mésoaméricaines étaient elles aussi attaquées par les vieilles sociétés de chasseurs-cueilleurs, les sociétés normades, les sociétés gentilices, les sociétés matriarcales, les sociétés communistes primitives, etc.

Ce qui est sorti de cette révolution, c’est non seulement les villes, le grand commerce et la production à grande échelle (l’artisanat, l’art, l’industrie), mais aussi l’exploitation de l’homme par l’homme, la guerre permanente, l’exploitation de l’homme, l’esclavage, les classes sociales, l’enrichissement d’une infime minorité et, pour l’étayer, le pouvoir d’Etat.

Ce que l’on appelle pudiquement l’extension progressive des « cultures »,
comme les champs d’urnes, comme les mégalithes, comme la « culture cardiaque », la « culture rubannée », comme la « civilisation campaniforme », comme la « civilisation de Halstatt », comme la « civilisation de La Tène », cette expansion dont un artisanat ou une construction a marqué l’expansion progressive du territoire, reflète en réalité des progressions militaires et colonisatrices de sociétés armées, imposées aux anciennes populations qui ont souvent tout perdu et même qui ont souvent été éliminées. C’est seulement au néolithique que la guerre est devenue une menace permanente, n’en déplaise aux auteurs qui continuent à prétendre que la guerre est le propre de l’homme, de la même manière que certains auteurs continuent de prétendre que le patriarcat a toujours existé ou de faire comme si les inégalités et l’Etat avaient toujours existé.

Ce n’est pas seulement le caractère progressiste des évolutions technologiques ou sociales qui a déterminé le remplacement des anciennes sociétés par les nouvelles mais leur écrasement violent, souvent tout simplement par l’élimination des anciennes populations ou leur esclavagisation, parfois par leur assimilation. De la même manière que le capitalisme occidental n’a pas vaincu le reste du monde par la seule force de ses capacités technologiques et sociales, mais par la force des armes et en écrasant les anciennes sociétés.

Certains font appel pour comprendre le néolithique à une révolution culturelle qui s’expliquerait pas une modification du cerveau humain ou de la cognivité humaine. Mais les changements du cerveau humain semblent bien plutôt être produits, longtemps après, de changements du mode de vie humain que l’inverse.

Une autre remarque est indispensable : les diverses révolutions qui caractériseront le « stade néolithique » ont eu lieu indépendamment les unes des autres.

D’autre part, les « progrès » humains, loin d’être le fait d’un seul peuple, d’une seule région, qui les avait toutes enchaînées, qui les avait conçues dans un seul mouvement, en les liant les unes aux autres, en vivant la révolution néolithique comme un tout, ont été construites, créées, inventées séparément sans projet d’ensemble, sans lien, sans plan les mettant en connexion, sans que ce soit un même peuple qui les aient tous conçus en un même lieu, à une même époque.

En parlant de néolithique comme un seul mouvement, comme un seul événement, comme une seule progression, comme le produit d’un seul peuple, nous construisons dans notre tête une image tout autre que ce que nous indiquent les découvertes archéologiques qui nous parlent, au contraire, de diverses révolutions indépendantes. Nous imaginons un peuple ou une société qui, en un moment donné, aurait tout révolutionné et ce peuple n’a jamais existé. Non, les avancées révolutionnaires se sont couplées avec des conservatismes solides et inversement. Si la société a finalement basculé sur l’ensemble des modes de vie et des modes de production, ce n’est pas parce qu’intellectuellement, conceptuellement ou culturellement, un peuple aurait été révolutionnaire, mais parce que la situation l’était.

Non seulement ces « découvertes », ces « progrès », ces « invention » ne sont pas simplement découvertes ou créées mais développées par toute une société, ce qui suppose non un homme ou un groupe qui les lance mais un besoin collectif qui les fasse réussir, qui parvienne à franchir les obstacles de toutes les sortes de conservatismes. Mais surtout, chaque saut est particulier, indépendant des sauts précédents et suivants, et généralement il n’a pas été réalisé en même temps, dans la même région, par le même peuple, au même stade de transformation de la société, dans un même élan.

Enfin, une erreur classique dans toute étude d’une dynamique évolutive, et dans celle de l’apparition du néolithique en particulier, consiste à imaginer une intentionnalité qui partirait du résultat, considéré comme consciemment attendu, pour expliquer les points de départ, ce qui n’est quasiment jamais le cas et absolument pas celui de l’origine ou plutôt des multiples origines des révolutions néolithiques.

Cela provient d’une erreur encore plus fondamentale, celle de l’idéalisme philosophique, qui suppose que la pensée précède l’être dans l’humanité, ce qui signifie que les changements de la vie des hommes devraient d’abord être pensés avant d’être réalisés. Il aurait fallu penser d’abord la société néolithique, comme celle de l’esclavage romain, celle du féodalisme ou celle du capitalisme pour la réaliser. Et on se demande alors qui a eu cette pensée et pourquoi la société l’a suivi… Et surtout comment disposer d’une telle pensée de l’avenir qui corresponde aux besoins des hommes et des sociétés d’une époque. Les penseurs se placent ainsi au-dessus de la société mais, pensant ainsi, ils ne savent pas penser le changement social historique.

Jean-Paul Demoule, dans « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire » écrit ainsi :

« A partir de moins 12 000 ans, le climat se réchauffe progressivement, en oscillations successives, les terres septentrionales sont peu à peu libérée des glaces, le niveau des mers remonte –et ne sera stabilisé que dans les tout derniers millénaires avant notre ère. C’est alors que commence la période mésolithique, pendant laquelle, en plusieurs points du monde, de petits groupes de chasseurs-cueilleurs entreprennent des expériences de domestication des plantes et des animaux, qui conduiront bientôt aux premières sociétés agricoles de l’histoire. Plus généralement, ces groupes ou d’autres font montre de beaucoup plus d’inventivité qu’auparavant. Alors que la longue durée du Paléolithique supérieur n’avait été marquée par aucune invention notable, l’archéologie révèle pour la première fois dans l’histoire humaine la présence nouvelle de l’arc, de la pirogue, de la poterie, de bâtiments en pierre, de nasses et filets à poisson, entre autres. On pourrait objecter que ce fut peut-être aussi le résultat d’une évolution du psychisme humain, indépendamment des changements climatiques… Mais un bond cognitif aussi rapide, dans le mince espace de temps qui voit l’invention de l’agriculture et de l’élevage est inconcevable.

D’autant que, pour la plupart des « inventions », aucune d’entre elles ne s’est faite d’un seul coup, en un seul lieu et du fait d’un « génie » particulier. Certaines sont restées longtemps sans lendemain, pour être réinventées plus tard et ailleurs. Ainsi, il y a 25 000 ans, dans les plaines glacées de l’Ukraine et de la Russie méridionale, des chasseurs de la civilisation dite gravertienne construisaient déjà des habitations « en dur », utilisant la matière première la plus accessible : des ossements de mammouth ! A la même époque, un peu plus à l’ouest, à Dolni Vestonice, en République tchèque, ont été découverts les plus anciens objets en argile cuite, dont des statuettes féminines – une invention qui en restera là. A l’autre bout de l’Eurasie pourtant, et évidemment sans lien, ont été découvertes, dans la grotte de Yuchanyan en Chine du Sud, les plus anciennes poteries connues, une invention datée de moins 18 000 ans qui ne s’étendra que très lentement. Les premières poteries du Japon, dans la culture de Jomon, remontent à moins 14 000 ans, et on en trouve un peu plus tard sur certains sites de Sibérie, toujours sans lien avec l’agriculture…

La domestication des plantes ne s’est pas produite autrement que celle des animaux et n’a pas plus résulté des intuitions d’un inventeur génial. En réalité, l’ethnologie nous montre que beaucoup de sociétés de chasseurs-cueilleurs connaissaient le principe de la reproduction des plantes… Ainsi, la question de la domestication des plantes n’est pas celle de son commencement, mais celle de sa généralisation, en particulier en dehors de l’habitat naturel de ces plantes sauvages. Plus que planter, c’est transplanter qui fut le geste important…

Ce sont donc seulement dans les régions où ces activités représentaient un « plus » que ces activités se sont développées.

Trois autres conditions ont été nécessaires. Il a fallu que les chasseurs-cueilleurs qui ont adopté agriculture et élevage soient déjà sédentaires afin de pratiquer l’agriculture, c’est-à-dire bénéficient à l’origine d’un environnement favorable, dont les ressources alimentaires soient suffisantes et réparties sur l’ensemble de l’année, ce qui est souvent le cas des ressources aquatiques – poissons, coquillages, mammifères marins.

La deuxième condition est la capacité technique de mettre en œuvre agriculture et élevage, et en particulier de pouvoir stocker les produits agricoles…

La domestication des animaux et des plantes suppose un rapport nouveau à la nature…

Ceux qui passèrent progressivement à l’agriculture n’ont évidemment jamais été conscinets des conséquences à long terme de leur choix. Il a fallu pourtant regarder la nature autrement…

En prenant le contrôle de certains animaux et de certaines plantes, les humains se sont comme extraits de la nature, ils se sont « dé-naturés »…

L’archéologue français Jacques Cauvin a même suggéré, au moins pour le Proche-Orient, l’idée d’une « révolution des symboles », d’une révolution dans la culture, qui aurait précédé la révolution technique de l’agriculture : au lieu de se percevoir au milieu de la nature, les humains se seraient sentis en droit d’en prendre possession.

Une hypothèse séduisante, proposée sous des formes voisines dès le XIXe siècle par l’ethnologue allemand Eduard Hahn, et plus récemment par le philosophe français René Girard, peine à être démontrée dans les faits…

L’interaction entre causes économiques et environnementales et causes culturelles et idéologiques a d’ailleurs fonctionné dans les deux sens, et les domestications ont eu un effet sur la vision du monde des sociétés… Le rapport au monde et sa compréhension sont de ce point de vue indissociables. »

Lire encore :

La révolution néolithique

Le néolithique d’hier et d’aujourd’hui

Le néolithique (mise au point scientifique)

La révolution néolithique

Encore sur la révolution néolithique

Une brève histoire de la sédentarisation

Chronologie de la préhistoire et de l’Antiquité au Moyen-Orient

La disparition de la civilisation mégalithique sans laisser d’autres traces que de grandes pierres : une des grandes discontinuités de l’histoire de la société humaine

L’émergence de l’homme, parmi les hominidés, une conséquence… du communisme des chasseurs-cueilleurs !

Herxheim : Caïn, le chasseur-cueilleur, qu’as-tu fait de ton frère Abel, le cultivateur ?

La civilisation chinoise n’a pas été créée par l’Etat, par le pouvoir central, le royaume ni l’empire

La société des chasseurs-cueilleurs en voie de disparition

Le renversement du matriarcat

Les hommes ne sont pas depuis toujours en guerre les uns contre les autres

L’apparition du mode de vie néolithique

Habitat et architecture au néolithique

Le rôle de ces constructions dans l’organisation sociale des communautés néolithiques

L’expansion des grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.

La néolithisiation de l’Europe

Quelques conclusions :

Le fait que le stade néolithique soit apparu, même si c’est avec des variantes assez différentes, en des points éloignés et probablement non connectés de la planète, et donc séparément, sans s’influencer mutuellement, renforce l’idée que c’est un « stade » de la dynamique sociale qui n’est pas seulement accidentel, dépendant d’actions aléatoires des hommes, mais déterministe, nécessaire, produit par des causes fondamentales du développement climatique, environnemental, économique et social. Ce n’est pas le produit conjoncturel de tel ou tel génie, de tel ou tel grand chef d’Etat, de tel ou tel inventeur, ni même de tel ou tel groupe d’hommes plus novateurs. Ce qui importe n’est pas seulement l’invention d’une innovation, c’est le fait que la société se mette brutalement à accepter des changements qu’elle refusait la veille. C’est la société qui entre en révolution et pas le coup de génie qui la met en révolution. La transformation révolutionnaire apparaît brutalement indispensable à toute une société parvenue à une étape donnée de son développement, dans des circonstances données. Il est donc juste de parler de « lois dynamiques du développement de la société », des lois fondées sur des déterminismes matériels et se produisant par discontinuités radicales. La transformation de la société et de son système de production n’est pas essentiellement technologique mais d’abord sociale, car fondée sur un mode de production, sur des classes sociales, sur un mode d’exploitation du travail humain et sur un mode d’apprpriation des richesses, et surtout un mode de propriété des moyens de production. L’exploitation de l’homme par l’homme n’est pas apparue du fait de telle ou telle tendance des classes aisées locales, avidité, aspiration à dominer ou autre, mais du fait que les capacités humaines, à un stade donné, permettaient d’accumuler des richesses tirées du travail humain. Bien sûr, la conscience humaine joue un rôle dans l’évolution des sociétés mais elle ne vient pas agir comme locomotive de la transformation ni comme pilote de celle-ci contrairement aux thèses d’une « évolution culturelle » pilotant la transformation sociale. La transformation sociale trouve, quand elle en a besoin, des capacités intellectuelles pour les mettre à son service dans le sens où elle en a besoin. Et parfois elle ne les trouve pas… Mais lorsqu’elle les trouve et parvient à les mettre en oeuvre, cela ne signifie pas que le cerveau humain ait anticipé les transformations dont la société avait besoin, ni qu’il les ait entièrement inventées dans sa tête, et encore moins qu’il les ait produites. Dans les cerveaux humains, on trouve infiniment plus de combinaisons, d’idées, d’imaginations qu’il n’en est nécessaire à la société. Ce qui est remarquable, c’est qu’à un moment bien précis, dans des circonstances bien précises, quand la société passe à une phase donnée de son développement qu’elle peut changer collectivement de manière brutale et cela ne provient pas des lois du fonctionnement des cerveaux humains mais des lois du fonctionnement des sociétés.

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