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La construction du système immunologique

jeudi 26 juin 2008, par Robert Paris

C’est un processus faisant appel à l’apoptose qui explique également la formation du système immunitaire.
Rappelons ce qu’est notre système immunitaire, constitué de dizaines de milliards de cellules appartenant à plus d’une dizaine de familles cellulaires différentes, voyageant à travers notre corps, pénétrant nos tissus et nos organes, parcourant nos vaisseaux sanguins et nos vaisseaux lymphatiques, et reliant les milliers de petits ganglions qui parsèment notre corps. Notre système immunitaire est une armée en alerte. Il nous défend et nous protège en permanence contre un univers invisible et perpétuellement changeant, les innombrables microbes (bactéries, virus et parasites) dont certains habitent notre corps en permanence. Tout microbe qui pénètre en nous, y compris le moins dangereux, puise dans les ressources de notre corps, s’y nourrit, s’y reproduit, et en se multipliant, finirait par nous faire disparaître.
Face à l’attaque microbienne, le corps a deux sortes de réactions : l’une limitée et rapide, réalisée par les cellules dites " sentinelles ", l’autre plus longue à se mettre en route, mais de destruction massive des adversaires en cas d’atteinte vitale, celle des lymphocytes. Une fois la défense réalisée contre l’attaque microbienne, une partie des lymphocytes va donner des cellules mémoires capables en cas de nouvelle attaque de sélectionner la riposte la plus efficace et la plus rapide. Le combat contre les microbes a en effet nécessité le déverrouillage de certains gênes jusque-là inhibés (encore une inhibition d’inhibition), gênes qui une fois activés produisent les protéines nécessaires. Plus tard, la mémoire de l’attaque permettra d’activer plus vite la fabrication de ces protéines.
Les lymphocytes les plus importants sont les lymphocytes T (ceux formés dans le thymus) et qui ont un rôle particulier dans le combat contre les microbes. Nous en possédons plusieurs centaines de milliers qui sont tous différents les uns des autres. Chaque lymphocyte possède sur une partie de sa structure biochimique une zone appelée " récepteur " et capable d’identifier la présence d’un microbe. En effet, par un système de liaison de type serrure-clef, le lymphocyte se fixe sur une partie du corps étranger et déclenche alors l’alerte anti-microbienne.

« Le soi immunitaire n’est pas un sujet immuable défini par un ensemble fixé d’anti-gènes. Le soi immunitaire ressemble plutôt à une série de phrases immunitaires évolutives, constituées d’antigènes en relation spécifique avec des signaux spécifiques. Le soi immunitaire n’est pas le sujet d’une l’histoire. Le soi immunitaire est l’histoire. Une histoire qui s’écrit elle-même et qui prend son sens de page en page. Il s’agit donc ici de l’auto-organisation d’un soi. »
Henri Atlan (ouvrage collectif …)

Comment notre système immunitaire produit à notre naissance a-t-il permis de fabriquer ces lymphocytes et leurs récepteurs capables de détecter autant de corps étrangers ? Le mystère est d’autant plus grand que quand notre système immunitaire s’est formé, nous étions enfouis dans le ventre notre mère, à l’abri des attaques extérieures. L’autre mystère est le nombre extraordinaire et les formes multiples de récepteurs de corps étrangers qu’il faut produire pour détecter tous les types d’attaques. Encore une fois, la méthode choisie par la nature va être d’explorer toutes les configurations possibles au hasard et de ne conserver que celles qui sont adéquates, en supprimant celles qui sont inutiles par apoptose. Chaque récepteur est formé de quatre protéines provenant de quatre gênes différents. Au départ, la méthode va consister à les fabriquer de toutes les manières possibles. Cela signifie qu’une partie des récepteurs va être sensible aux protéines fabriquées par notre corps. De tels lymphocytes pourraient avoir un effet destructeur puisqu’ils enclencheraient des attaques contre des parties de notre corps lui-même. C’est ce qu’il se produit dans ce que l’on appelle les maladies auto-immunes. C’est l’apoptose qui va permettre, lors de la formation de l’embryon, d’éliminer les lymphocytes ayant de tels récepteurs.
Les protéines que l’on trouve dans notre corps sont en effet uniques. Aucun autre être humain n’a exactement les mêmes, pas même notre mère. C’est cela qui va permettre à notre système immunitaire de distinguer tout corps étranger et c’est aussi pour cela que se produit le phénomène de rejet de greffes. C’est en trois jours, au cours de la formation de l’embryon, que vont être sélectionnés dans une petite glande appelée le thymus les lymphocytes T se fixant sur des protéines étrangères, celles du non-soi.
Au sein du thymus les lymphocytes T vont circuler lentement, rencontrant tous les fragments de protéines du soi, préalablement découpés par les cellules sentinelles, et leur présentant ses récepteurs. Tout lymphocyte qui se fixe sur une protéine du soi de façon trop liée va devenir une nouvelle molécule qui ne reçoit plus de signaux de survie et se suicide. En trois jours, c’est 99% des lymphocytes produits au hasard qui vont mourir au sein du thymus et ceux qui survivent ne sont pas assez sensibles à des liaisons avec le soi pour risquer des réactions auto-immunes.
Le lymphocyte qui rencontre un microbe ne reconnaît pas ce corps étranger grâce à une mémoire préalable de tous les microbes possibles, contrairement à ce que l’on a longtemps cru. Il a au contraire une espèce de mémoire de non-reconnaissance du soi. Il est sélectionné pour ne pas se fixer sur nos protéines. Dès qu’il se fixe, on peut être sûr que c’est sur une protéine étrangère.
Nous reconnaissons là encore une fois une procédure classique au sein du vivant bien qu’inattendue pour nous. Lorsque nous créons des objets, nous êtres humains nous travaillons à l’économie. Nous cherchons à concevoir d’avance comment devra être l’objet en fonction du but recherché. Nous faisons des plans et nous nous guidons sur un objectif. Nous ne faisons certainement pas tous les objets possibles avec un matériau donné avant de rejeter 99% des résultats comme inadéquats. C’est pourtant ce que semble faire la nature.
Ce qui nous paraît extraordinairement bien adapté dans les mécanismes naturels, que ce soit un organe à une fonction, que ce soit une coadaptation entre deux animaux, que ce soit une cellule à sa fonction, que ce soit un être vivant à ses conditions naturelles ne résulte pas d’une planification préalable. Un tel programme préétabli aurait l’inconvénient d’être complètement perturbé en cas de changement de l’environnement. Ce qui nous semble un mécanisme parfait est le produit d’un tâtonnement, d’un bricolage au hasard utilisant les lois de la biochimie et les conditions locales existantes. Et surtout l’ordre qui nous semble si parfait ne se réalise qu’après coup en supprimant la plupart des êtres vivants, la plupart des cellules, la plupart des molécules biochimiques qu’un mécanisme de sélection a jugé inacceptables. Ce mécanisme n’est pas extérieur et n’est pas un pilote. C’est un automatisme au sein du matériel vivant. C’est l’apoptose qui dit à la cellule qu’elle doit mourir immédiatement. Et elle ne survit que grâce à des liaisons adéquates avec d’autres éléments du vivant. Il n’y a pas de vie individuelle. Aucune vie n’est possible sans relation avec des congénères ou avec d’autres formes de vie.

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