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Christian Rakovski et l’Opposition de gauche contre le stalinisme

lundi 3 février 2020, par Robert Paris

Christian Rakovski et l’Opposition de gauche contre le stalinisme

Qui était Christian Rakovski

Avertissement : la discussion au sein de l’ancien parti bolchevik est devenue violente à partir de 1923-1914 et s’achève en 1927. Ce parti est déchiré en trois grands blocs : l’Opposition de gauche (à laquelle appartient Rakovski et Trotsky) représentant le prolétariat révolutionnaire, l’opposition de droite (aile de Boukharine) représentant l’alliance avec le nepman et le koulak et l’aile du centre (celle de Staline) se situant « au centre » entre prolétariat et bourgeoisie et représentant la bureaucratie. Le « centrisme » est l’idéologie ou l’absence de perspectives de cette bureaucratie puisque les deux seules perspectives historiques sont celles du prolétariat et de la bourgeoisie. Les « capitalulards » sont les anciens membres de l’Opposition de gauche qui ont suivi Radek en affirmant qu’il y avait un réel tournant à gauche de la bureaucratie lorsque celle-ci a été amenée à casser les koulaks et les nepman et l’aile droite du parti, à mettre en place la dékoulakisation forcée, la planification forcée et la lutte contre les nepman. Ces actes de la bureaucratie ne ressemblaient en fait que formellement au programme de l’Opposition de gauche. C’est le double échec historique, à la fois de la révolution prolétarienne et de la contre-révolution impérialiste et bourgeoise lors de la guerre civile en Russie, qui a permis à cette couche bureaucratique sans perspectives historiques de jouer pourtant un rôle historique !!! Avec les déclarations de Rakovski, nous suivons les arguments de l’Opposition de gauche qui vise à maintenir au sein de l’ancien parti bolchevique un courant qui n’aura pas capitulé. Ce courant n’a pas d’illusions sur les possibilités du moment dans la Russie en pleine réaction, ni d’illusions sur le tournant prétendument à gauche du centrisme, mais il mise toujours sur la révolution en Allemagne et dans le monde. A juste titre puisqu’en 1930 la révolution prolétarienne est de nouveau en perspective en Allemagne et en Espagne notamment…

Dans le texte qui suit, Rakovski intervient pour souligner le soutien de la bourgeoisie occidentale à la bureaucratie contre l’Opposition de gauche.

Discours au quinzième congrès du parti

(Décembre 1927)

Camarades ! La sphère des relations internationales est la sphère qui nécessite la plus grande unité du parti. Notre ennemi étranger est le plus dangereux de tous les ennemis, tant pour notre parti que pour la dictature prolétarienne. [Voix : “C’est pour ça que vous cassez le parti. Vous auriez dû le savoir avant ! Vous auriez dû vous en souvenir le 7 novembre ! »] Bien que nous occupions un sixième du globe, notre ennemi en possède les cinq sixièmes. Dans ses mains, il y a le pouvoir de l’État ; dans ses mains, il y a du capital ; dans ses mains, il y a une technologie de pointe ; dans ses mains, il y a une énorme expérience politique d’exploitation et d’oppression du prolétariat et des peuples coloniaux et semi-coloniaux.

La minorité du parti a fait une déclaration lors de la plénière du mois d’août [Des voix : “Pas la minorité, mais une poignée !”], dont l’essentiel doit être répété par moi aujourd’hui.

Nous soutiendrons inconditionnellement et sans réserve les organes dirigeants du parti et du Komintern face à l’ennemi étranger qui attaquera l’Union soviétique, le gouvernement prolétarien, le gouvernement ouvrier et paysan. [Des voix : “Vous attaquez !” Bruit, rire. Des voix : « Honte ! la honte ! comment êtes-vous tombés aussi bas ! » ; « Et la thèse de Clemenceau ? Vous soutenez le parti comme la corde soutient le pendu ! »] Camarades, il en est ainsi, quel que soit le sort commun ou individuel de la minorité. [Des voix : “Une poignée ! une poignée ! et pas la minorité ! »] Mais dans la mesure où le danger extérieur est le plus grand, nous sommes tenus, en tant que communistes, membres du parti, de signaler des choses non observées ou omises et des erreurs commises par le parti.

Tout d’abord, mes camarades me permettent d’éclairer une légende qui a été créée à la suite de mon discours à la conférence du parti à la Gubernia à Moscou. [Voix : “Votre discours contre-révolutionnaire… Et que dire de Kharkov ?” Rire] Un fou, ou, devrais-je dire, une pensée idiote m’a été attribuée, à savoir qu’à mon avis, nous devrions exercer des représailles sur les provocations de Shanghai, Paris et Londres par une déclaration de guerre. [Agitation] Je me permettrai de lire dans le compte rendu textuel non corrigé la phrase qui a servi de point de départ à la création de cette légende, sans aucun motif. Je le répète, cela provient du compte rendu in extenso non corrigé :

« Camarades, lorsque l’opposant sent notre faiblesse, il ne l’élimine pas et ne remet pas à plus tard, mais il hâte la guerre. Si nous devions dire la vérité - personne ne nous entend ici - avec une corrélation de forces différente, dans une situation différente, la moitié de ce qui a été fait aurait suffi pour provoquer la guerre il y a longtemps. Quand nous avons été chassés de Pékin, quand nous avons été provoqués à Londres, quand nous avons été provoqués à Paris, ne pensez-vous pas que, si notre situation était différente, cela aurait permis de repousser ces actes d’une manière révolutionnaire méritante ? On m’a demandé ici : « Comment, par la guerre ? » Oui, camarades, même par la guerre - [rires, troubles. Des voix : "Il a corrigé quelque chose !"] - parce que nous sommes un État révolutionnaire prolétarien et non une secte tolstoïenne. "

Hier, nous pouvions lire dans les Izvestia une déclaration du camarade Cachin, député communiste au Parlement français, selon laquelle la paix ne serait maintenue que grâce à la « patience » du gouvernement soviétique. Nous devons dire au monde bourgeois : "Vos provocations sont telles que, dans des circonstances différentes, sans notre politique et notre patience, elles provoqueraient la guerre."

Lorsque le camarade Rykov a déclaré à Kharkov que les complications dans nos relations extérieures étaient devenues tellement accentuées qu’il était un temps où nous craignions les affrontements militaires, il a dit essentiellement la même chose.

Je reviens maintenant au sujet principal. Après avoir entendu le discours du camarade Staline et lu les discours de nos autres camarades du comité, je suis parvenu à la conclusion que le CC répète la même erreur lors du quinzième congrès qui avait été commise à la quatorzième sur la situation internationale. Qu’avons-nous dit au XIVe Congrès ? Ce qui suit a été dit dans la résolution de ce congrès :

« Dans le domaine des relations internationales, la consolidation et l’extension du « répit », qui est devenue une période entière de prétendue cohabitation pacifique de l’URSS avec les États capitalistes, est évidente. »

À peine quelques mois se sont écoulés depuis que cette estimation a été donnée et nous avons assisté à un développement houleux et rapide de la révolution chinoise, qui a abouti à sa défaite ; par la suite, nous avons rompu nos relations avec la Grande-Bretagne ; plus tard, nous avons eu un conflit avec la France et nous lisons tous les jours l’inévitabilité ou, du moins, la probabilité de complications militaires graves dans notre voisinage immédiat, susceptibles de modifier la corrélation effective des forces, ce qui rendrait la situation plutôt défavorable pour nous. [Levandovsky : “Vous contribuez à cela.”]

Je ne reviendrai pas, faute de temps, sur les discours des camarades Rykov, Tomsky et Boukharine à Kharkov, Leningrad et Moscou. Je ne parlerai que du discours du camarade Staline, que j’ai malheureusement mal entendu en raison de l’acoustique. [Rires] Je l’ai écouté et je ne peux citer que ce que j’ai pu entendre. Tout d’abord, j’aperçois que la formulation même de la question par le camarade Staline était fondamentalement fausse. D’une part, il a énuméré les réalisations des deux dernières années, y compris la liquidation de l’incident suisse, et d’autre part, comme pour contrebalancer cela, il a évoqué la défaite en Chine, la rupture anglo-soviétique et le récent conflit avec la France. Camarades, je déclare que ces deux éléments ne sont pas comparables et que, même si nous avions dans un secteur de notre politique internationale des conquêtes plus grandes que celles que nous avions réellement et dans l’autre, nous avions rompu nos relations avec la Grande-Bretagne, le conflit avec la France, conflit sur lequel il existe des opinions divergentes même dans la majorité - le « Bolchevik » le décrit comme une antichambre, comme un premier pas, un véritable pas vers la rupture - je dis que ce second secteur s’équilibre facilement la première. J’affirme en outre que même si nous avions maintenu des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne, même si nous n’avions pas eu le conflit avec la France - la défaite de la révolution chinoise a créé une situation si défavorable pour nous que nous pouvons dire qu’elle compense totalement tous les gains dans nos affaires étrangères. [Agitation] Le camarade Staline a correctement posé la question de l’attitude de la classe ouvrière, de la classe ouvrière internationale, vis-à-vis de l’Union soviétique. Oui, la classe ouvrière est notre rempart, à la fois dans notre parti, le Komintern, et la politique du gouvernement. Nous comprenons tous que l’utilisation des contradictions existant entre les États capitalistes, entre les groupes bourgeois et petits-bourgeois dans divers pays capitalistes, constituant l’un des moyens de manœuvre diplomatique, est de nature relative par rapport au facteur fondamental, la classe ouvrière. Mais je dois dire que je ne partage pas le pronostic optimiste et l’évaluation du camarade Staline. [Voix : “Bien sûr.” Vorochilov : “Si vous le partagiez, vous ne seriez pas dans l’opposition.”] À cet égard, nous avons entendu la déclaration suivante : “nous enregistrons une augmentation constante de la sympathie de la classe ouvrière pour l’Union Soviétique". Sous une forme aussi générale, cela ne nous donne pas une idée correcte des changements qui se produisent à l’étranger. Cela peut nous induire en erreur. Je dis que si les sympathies envers nous grandissent [Goloshchekin : « Ruth Fischer ne sympathise pas avec nous. »] Mais que l’activité de ces sympathies diminue, c’est le trait le plus alarmant de notre situation internationale. Prenons la Grande-Bretagne. Nous avons eu un conflit avec la Grande-Bretagne en 1923 à propos de la note Curzon. Nous avons eu des relations sérieuses avec la Grande-Bretagne en 1924 et avec elle en 1927. [Postychev : “Et nous en aurons une en 1930.“] Tous ceux qui observent ce qui se passe en Grande-Bretagne ont dû remarquer la passivité et l’indifférence envers notre récent conflit avec la Grande-Bretagne, qui s’est soldé par une rupture des relations diplomatiques. Et c’est le fait le plus alarmant qui témoigne de la croissance de l’influence social-démocrate. Parallèlement à l’augmentation du nombre de voix communistes, nous devons enregistrer [Felix Cohn : « Le soulèvement de Vienne ! »] Un fait extrêmement alarmant, à savoir la diminution [Voroshilov : « Quelle est votre conclusion ? »] Dans l’activité de la classe ouvrière. Face à ce fait alarmant, je ne peux pas me contenter de la déclaration de caractère général concernant la croissance de la sympathie pour nous. Qu’est-ce qui se passe maintenant ?

À l’occasion du dixième anniversaire de la révolution d’Octobre, nous assistons à une attaque idéologique vicieuse de la dictature prolétarienne par la presse bourgeoise. [Boukharine : “Nous voyons votre manifestation le 7 novembre.”] L’un de nos soi-disant journaux sympathiques, le Chemnitz-Zeitung, est publié dans son édition hebdomadaire destinée aux Allemands à l’étranger (tous ceux qui le souhaitent peuvent l’acheter au kiosque à journaux situé en face du Kremlin), dit (je dis d’avance que, bien entendu, je ne signe pas la déclaration, mais c’est un fait alarmant) que, dès le dixième anniversaire de la révolution d’octobre, la Russie soviétique n’est plus considérée comme une menace idéologique, mais comme n’importe quel autre état. [Agitation] L’Union soviétique a cessé d’être une menace idéologique [Boukharine : "Et c’est pourquoi ils ne nous envahissent pas !"] Pour les États capitalistes. [Agitation, des cris. Kaganovich : "La Chemnitz-Zeitung est-elle un journal bourgeois ?" Rakovskyi "C’est un journal bourgeois." Goloshchekine : "Oh, c’est ce que c’est !" Rire] C’est un journal bourgeois, mais je vous avertis à ce sujet. [Agitation. Des voix : « Nous avons également été avertis en 1917. Nous pouvons nous passer de ces signaleurs. »] Il s’agit d’un phénomène nouveau dans notre situation internationale. Jamais l’Union soviétique et le Parti communiste n’ont été soumis à une telle attaque idéologique qu’aujourd’hui. [Boukharine : “Vous êtes attaqué !” Agitation, rire]

Comment le monde capitaliste considère-t-il la controverse de notre parti ? J’ai plusieurs documents intéressants. [Agitation] Voici une copie d’une publication de l’Institut de recherche de la chambre de commerce de Londres. Il est consacré à l’Union soviétique - [Agitation] - il ne porte pas la signature de l’auteur, mais comme on peut le voir sur le document lui-même, il a sans doute été écrit par un espion britannique qui dit avoir eu l’occasion officieusement d’observer pendant deux ans ce qui se passait en Union soviétique. Je devrais attirer votre attention sur le fait que cela a été publié en décembre dernier. [Agitation] Que trouvons-nous ici ? « Il ressort d’une enquête menée sur la Russie que le destin du pays repose actuellement sur deux facteurs diamétralement opposés. Le communisme doctrinaire, d’une part, essaie toujours de s’en tenir aux idéaux et aux principes de la révolution bolchevique de 1917 - [rire, agitation] -, tandis que, d’autre part, les réalités obstinées de la vie obligent tout le monde, à l’exception des les plus grands fanatiques communistes, à accepter un à un les principes sur lesquels est fondée la civilisation occidentale. "

Camarades, je n’ai pas le temps de traiter ici de tout ce que les journaux bourgeois écrivent. Mais je citerai un article fréquemment cité par le camarade Boukharine - l’Arbeiter Zeitung - un journal de travail publié par Otto Bauer. [Voix : “Il existe une affinité touchante entre vous et Bauer !”] Il suffira de lire uniquement le début. [Agitation, cris d’indignation] Dans les numéros des 16 et 20 novembre, on lit :

« Les critiques de l’opposition jusqu’à présent ont sans aucun doute empêché Staline d’adopter une ligne de conduite cohérente, sans avoir à regarder en arrière vers les illusions utopiques, sur une voie plus réaliste dans le domaine de la politique économique et étrangère. »

La même chose est dite dans le numéro du 20. En même temps, il y a l’hommage américain. [Boukharine : “C’est faible, c’est faible !” Sol’ts : “En général, vous devez vous tourner vers la presse bourgeoise pour confirmer l’exactitude de votre position.”] J’ai devant moi le New York Times, qui dit que garder l’opposition signifie garder la matière explosive qui se cache sous le monde capitaliste. [Rires, agitation, cris, protestations et indignation]

C’est une coïncidence alarmante. Ici, on nous dit qu’il faut combattre l’opposition et à l’étranger, on entend aussi qu’il est nécessaire de combattre l’opposition. [Agitation. Voix : "Vos amis, Ruth Fischer et Maslow, disent à l’étranger qu’il est nécessaire que vous miniez le parti !"]

Autre point, camarades, la majorité ou, en tout état de cause, de nombreux journaux réactionnaires disent que tout ce qui est fait contre l’opposition est correct, mais insuffisant. [Kossior : « Vous ne lisez rien d’autre que des journaux bourgeois ? »] J’ai sous les yeux le Temps du 8 novembre où, à propos des réponses du camarade Staline aux questions de la délégation internationale des travailleurs, il est dit :

"Malgré la surface trompeuse, la machine soviétique ne peut pas se développer sérieusement et la Russie ne peut espérer être secourue autrement que par la destruction finale de la dictature prolétarienne."

Je n’ai présenté ici qu’une partie insignifiante de ce qui est écrit jour après jour. J’ai cité ceux qui disent que « tout va bien mais qui sont insuffisants » et ceux qui disent « il nous faut des preuves plus convaincantes ». [Sol’ts : “Vous nous avez donné le point de vue de la bourgeoisie !”] Qu’est-ce qui est alarmant à propos de ce phénomène ? Le phénomène le plus récent dans notre situation internationale, les tentatives arrogantes de l’impérialisme mondial pour s’immiscer dans la controverse de notre parti interne en vue de jeter leur poids aux côtés de la majorité. La situation actuelle se caractérise par la détérioration de notre position internationale. En même temps, tout l’effort de l’impérialisme mondial, fondé sur la droite du parti, tout l’effort de la bourgeoisie mondiale, a pour but de nous isoler idéologiquement du prolétariat mondial - de nous faire divorcer idéologiquement du prolétariat mondial. Camarades, tous les membres du parti se souviennent du conseil de Lénine - [Voix : « Vous ne vous en souvenez pas, vous l’avez oublié ! Mencheviks ! Agents de la bourgeoisie mondiale ! ”] - qu’il nous faut manœuvrer dans les affaires étrangères. Les États capitalistes nous reprochent parfois de jouer de leurs rivalités. [Agitation] Cependant, ils jouent eux-mêmes le même jeu les uns contre les autres. Nous devons le faire dans une mesure encore plus grande. Nous sommes un État prolétarien, soumis à des difficultés extrêmes et incomparables. Mais dans les manœuvres, il faut prendre deux points principaux pour notre départ. Tout d’abord, il faut connaître les limites des manœuvres. [Voix : “Que comptez-vous faire à l’avenir ? Pourquoi ne nous parlez-vous pas de cela ? »] Le camarade Tomsky s’est plaint à Léningrad de ce que l’opposition avait interféré avec le Bureau politique en adoptant les décisions nécessaires et logiques. Il a dit que pour manœuvrer librement, nous devons nous débarrasser de l’opposition. [Voix : “Tout à fait juste !” Agitation] Je vous demande si l’aile gauche du parti doit être expulsée ....

[Des voix : “Sortez du parti et finissez-en ! Dehors ces mencheviks ! Ce n’est pas une gauche, mais une aile menchevique. » Le Congrès insiste pour qu’il soit limogé. "En bas, en bas !" Le président sonne la cloche.

Président : "Qui est en faveur de permettre au camarade Rakovsky de continuer son discours ?"

["Personne."]

Déclaration sur l’expulsion du parti

(Décembre 1927)

Au Congrès, il a été proposé que nous soyons expulsés du PCUS. Nous estimons qu’il est de notre devoir de faire la déclaration suivante à ce sujet au Congrès :

(1) L’expulsion du parti nous prive de ses droits, mais elle ne peut nous libérer des devoirs que chacun de nous a assumés en rejoignant les rangs, nous restons comme avant fidèles au programme de notre parti, à ses traditions, à ses bannière. Nous travaillerons pour le renforcement du parti communiste et son influence sur la classe ouvrière.

(2) Nous avons déclaré et déclarons maintenant que nous nous soumettons aux décisions du quinzième Congrès sur la dissolution de notre faction. Nous nous sommes engagés à défendre nos points de vue dans les limites des statuts du parti. Nous nous sommes engagés, et nous nous engageons maintenant, à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver l’unité de notre parti qui est à la tête de l’État ouvrier. Nous rejetons catégoriquement l’intention d’organiser un second parti, ce qui nous est imputé, comme incompatible avec la dictature prolétarienne et contre les enseignements de Lénine. L’expulsion du parti ne changera pas nos opinions ni notre attitude face à la question de l’unité au sein du PCUS.

(3) Nous rejetons tout aussi catégoriquement les affirmations concernant les tendances anti-soviétiques dans notre lutte. Chacun de nous, sous une forme ou une autre, participe à la construction de l’État soviétique, premier pays des travailleurs. Notre objectif est de renforcer le gouvernement soviétique sur la base d’une alliance des ouvriers et des paysans. Notre voie est la voie de la réforme du parti interne. Nous nous efforcerons de faire triompher nos vues uniquement sur cette voie.

(4) Nos opinions ont été qualifiées d’opinions mencheviks lors du Congrès. Le menchevisme était et est opposé à la révolution d’octobre et est le champion de la démocratie bourgeoise, qui est une forme de domination capitaliste.

Nous participons à la lutte pour le renversement du capitalisme et l’instauration d’une dictature prolétarienne. Le sens de la lutte de notre parti interne réside dans la défense de la dictature socialiste contre les erreurs qui pourraient en résulter après le retour, après plusieurs étapes politiques, de la démocratie bourgeoise.

(5) Nous renions l’épithète « trotskyste » de l’opposition, qui repose sur des tentatives artificielles et délibérées de relier les plus grands problèmes de notre époque à des différences prérévolutionnaires qui ont depuis longtemps été liquidées et avec lesquelles la plupart été connecté. Nous nous associons pleinement aux bases historiques du bolchevisme.

(6) Nous sommes expulsés pour nos opinions. Elles ont été définies dans notre plate-forme et thèses. Nous considérons ces points de vue comme des vues bolchéviques-léninistes. Nous ne pouvons pas y renoncer car la marche des événements confirme leur exactitude.

(7) Plus d’un millier de communistes de l’opposition ont déjà été expulsés du parti. L’expulsion des leaders de l’opposition par le Congrès marquera l’expulsion de milliers de personnes supplémentaires. Ces expulsions signifieront - que le Congrès le veuille ou non - un retournement de la politique du parti, un renforcement des classes et des groupes du pays hostiles au prolétariat et une incitation aux empiétements impérialistes venant de l’extérieur.

Il est impossible de limiter avec succès le koulak, de combattre la bureaucratie et d’introduire la journée de sept heures en coupant en même temps avec les éléments du parti qui s’efforçaient, ces dernières années, de repousser la force croissante du koulak, continuellement à parler contre les distorsions bureaucratiques et à mettre à l’ordre du jour la question d’une amélioration plus rapide des conditions de travail des travailleurs. Il est impossible de poursuivre les préparatifs en vue de la défense des conquêtes d’Octobre contre les assauts de l’impérialisme et en même temps de chasser du parti les éléments que la bourgeoisie mondiale considère comme des adversaires irréconciliables.

(8) Le régime de parti qui entraîne notre expulsion entraîne inévitablement un nouveau démembrement du parti et de nouvelles expulsions. Seul un régime de démocratie interne au parti peut garantir l’élaboration d’une ligne de parti correcte et renforcer ses liens avec la classe ouvrière.

(9) L’expulsion des opposants ainsi que les autres mesures répressives prises à leur encontre visent à briser par leurs racines les idées de l’opposition du parti. Mais, dans la mesure où ces idées reflètent correctement les intérêts historiques du prolétariat et les tâches essentielles du parti, elles vivront dans le parti et y trouveront de nouveaux champions.

Les ouvriers-bolcheviks sont le cœur du parti. En temps de danger croissant, leur voix sera déterminante pour le sort du parti et de la révolution.

(10) Étant expulsés du parti, nous travaillerons pour notre retour dans ses rangs. Nous sommes convaincus que notre expulsion sera temporaire car le développement de la lutte de classe et de nos activités convaincra chaque membre du parti de l’injustice des accusations qui ont conduit à notre expulsion.

(11) La lutte dans les rangs du PCUS ne pouvait laisser les rangs du Komintern intacts. L’opposition a ses partisans et ses sympathisants, qui subissent la répression comme nous le sommes presque dans tous les partis communistes fraternels. Nous doutons que les opposants expulsés des autres partis choisissent la voie pour créer des partis en double, c’est-à-dire la scission du Komintern. La correction des erreurs et le redressement de la ligne de conduite peuvent et doivent être faits dans les limites de l’unité. Une élucidation patiente de nos points de vue sur la base des événements, une participation active à la lutte des partis communistes contre la bourgeoisie et les sociaux-démocrates, rétabliront l’unité du Komintern sur la base solide établie par Lénine lors de la nouvelle montée du flot du mouvement ouvrier.

(12) Fidèles aux enseignements de Marx et de Lénine, liés de manière vitale au PCUS et au Komintern, nous répondons à notre expulsion du PCUS par notre ferme décision de nous battre sous la bannière des bolcheviks sans retenue pour le triomphe de la révolution mondiale, pour la l’unité des partis communistes en tant qu’avant-gardes du prolétariat, pour la défense des conquêtes de la révolution d’octobre pour le communisme, pour le PCUS et le Komintern.

Signé : I. Smilga, N. Muralov, C. Rakovsky, K. Radek

18 décembre 1927

Les dangers professionnels du pouvoir

Cher camarade Valentinov,

Dans vos Réflexions sur les masses datées du 9 juillet, en soulevant la question de "l’activité" de la classe ouvrière vous abordez un problème-clé, celui de savoir comment conserver au prolétariat son rôle dirigeant dans notre Etat. Bien que toutes les revendications de l’Opposition tendent précisément vers ce but, je suis d’accord avec vous que tout n’a pas été dit sur cette question. Jusqu’à présent, nous l’avons toujours examinée en liaison avec l’ensemble du problème de la prise et de la conservation du pouvoir politique, alors que, pour l’éclairer davantage, il eût fallu lui réserver un sort particulier, la traiter comme une question spécifique et à part entière, caractère qu’en fait les événements se sont eux-mêmes chargés de lui donner.

L’Opposition a, en temps voulu, sonné l’alarme devant l’effroyable déclin du militantisme des masses travailleuses et leur indifférence croissante envers la destinée de la dictature du prolétariat et de l’Etat soviétique, et ce fait restera à jamais son mérite vis-à-vis du parti.

Dans le déferlement actuel de manifestations d’un arbitraire sans précédent, le fait le plus caractéristique, et qui en constitue le principal danger, tient précisément à cette passivité des masses (passivité plus grande encore parmi les communistes que chez les sans-parti) envers ces actes scandaleux. Des ouvriers en ont été témoins, mais, par crainte des puissants ou par indifférence politique, ils les ont laissé passer sans protester ou bien se sont contentés de ronchonner. Depuis l’affaire de Tchoubarovo (pour ne pas remonter plus haut) jusqu’aux tout derniers abus de Smolensk, d’Artemovka (1) , etc, on entend toujours le même refrain "Nous le savions depuis longtemps déjà".

Vols, prévarication, violences physiques, extorsion de fonds, abus de pouvoir inouïs, arbitraire illimité, ivrognerie, débauche : on parle de tout cela comme de faits déjà connus, non depuis des mois mais depuis des années, et que tout le monde tolère sans savoir pourquoi.

Je n’ai pas besoin d’expliquer que quand la bourgeoisie mondiale vocifère sur les vices de l’Etat soviétique, nous pouvons l’ignorer avec un tranquille mépris. Nous ne connaissons que trop la "pureté" de mœurs des gouvernements et parlements bourgeois du monde entier. Mais ce n’est pas sur eux que nous devons prendre modèle : chez nous, il s’agit d’un Etat ouvrier.

Aujourd’hui, nul ne peut nier les terribles ravages provoqués dans la classe ouvrière par son indifférence quant à la marche de la société.

Sous cet aspect, la question des causes de cette indifférence et des moyens pour l’éliminer s’avère essentielle.

Mais cela même nous oblige à la traiter en allant à la racine du problème, scientifiquement, et à en soumettre toutes les facettes à l’analyse. Ce phénomène mérite que nous lui accordions la plus extrême attention.

L’interprétation que vous en donnez est, indiscutablement, correcte : chacun de nous l’a déjà exposée dans ses interventions et elle a déjà en partie trouvé son expression dans notre Plate-forme (2). Néanmoins, ces explications et les remèdes proposés pour sortir d’une aussi grave situation ont eu et ont encore un caractère empirique ; ils se réfèrent à des cas particuliers sans résoudre le fond de la question.

A mon avis, cela provient de ce que cette question est, en soi, nouvelle. Jusqu’à présent nous avions connu un grand nombre de cas où l’esprit d’initiative de la classe ouvrière avait faibli, sombré non seulement dans une apathie petite-bourgeoise généralisée, mais même reculé jusqu’au stade de la réaction politique. Mais ces exemples nous étaient apparus en une période où, aussi bien ici qu’à l’étranger, le prolétariat luttait encore pour la conquête du pouvoir politique.
Nous ne pouvions pas avoir d’exemples de déclin de l’ardeur du prolétariat à une époque où il aurait déjà en le pouvoir, pour la simple raison que, dans l’histoire, nous nous trouvons pour la première fois dans un cas où le prolétariat a gardé le pouvoir aussi longtemps.

Jusqu’à présent, nous savions ce qui pouvait arriver au prolétariat, c’est-à-dire à quelles fluctuations pouvait être soumis son état d’esprit, quand il était une classe opprimée et exploitée. Mais c’est maintenant seulement que nous pouvons évaluer, sur la base des faits, les changements d’état d’esprit d’une classe ouvrière devenue une classe dirigeante.

Cette position politique (de classe dirigeante) n’est pas exempte de dangers ; ils sont, au contraire, très grands. Je n’entends pas ici les difficultés objectives dues à l’ensemble des conditions historiques (encerclement capitaliste à l’extérieur, pression petite-bourgeoise à l’intérieur du pays), mais les difficultés inhérentes à toute nouvelle classe dirigeante, en tant que conséquences de la prise et de l’exercice du pouvoir lui-même, et de la façon dont on sait ou pas s’en servir.

Vous comprenez que ces difficultés subsisteraient à un degré ou à un autre même si, un instant, nous admettions le pays uniquement habité par des masses prolétariennes et son environnement constitué d’États prolétariens. Ces difficultés, on pourrait les appeler les "dangers professionnels" du pouvoir.

En effet, la situation d’une classe qui lutte pour la prise du pouvoir diffère de celle d’une classe qui détient déjà le pouvoir depuis quelque temps et, répétons-le, j’envisage ici non pas ce qui différencie ces situations sous l’angle des rapports du prolétariat avec les autres classes, mais du point de vue des nouveaux rapports qui se créent dans la classe victorieuse elle-même.

Que représente une classe passant à l’offensive ? Un maximum d’unité et de cohésion. L’esprit corporatiste, les particularismes, sans parler de l’intérêt individuel, tout cela passe à l’arrière-plan. L’initiative est totalement entre les mains mêmes de la masse en lutte et de son avant-garde révolutionnaire, liée organiquement à cette masse de la façon la plus intime.

Quand une classe s’est emparée du pouvoir, une certaine partie de cette classe devient l’agent de ce pouvoir. C’est ainsi qu’apparaît la bureaucratie. Dans un Etat prolétarien, où l’accumulation capitaliste est interdite aux membres du parti dirigeant, cette différenciation commence par être fonctionnelle, par la suite elle devient sociale. Je ne dis pas de classe, mais sociale. Je pense ici à la position sociale d’un communiste qui dispose d’une voiture, d’un bon appartement, de vacances régulières, et qui perçoit le salaire maximum autorisé par le parti. Sa position diffère de celle du communiste qui travaille dans les mines de charbon et qui reçoit un salaire de 50 à 60 roubles par mois (parce que ce dont nous discutons ici, c’est des ouvriers et des employés, et vous savez qu’on les a classés en dix-huit catégories différentes) (3).

Cela a aussi pour effet que certaines des fonctions remplies autrefois par le parti tout entier, par la classe tout entière, sont désormais du ressort du pouvoir, c’est-à-dire de quelques personnes seulement dans ce parti et dans cette classe.

L’unité et la cohésion, auparavant conséquences naturelles de la lutte de classe révolutionnaire, ne peuvent plus maintenant être conservées que grâce à tout un système de mesures ayant pour but de préserver un équilibre entre les différents groupes de cette classe et de ce parti, et de subordonner ces groupes au but fondamental.

Mais cela constitue un processus long et délicat. Il consiste à éduquer politiquement la classe dominante, à lui faire acquérir l’art de prendre en main l’appareil de son Etat, de son parti, de ses syndicats, de les contrôler et de les diriger.

Je le répète. il s’agit bien là d’une question d’éducation. Aucune classe n’est venue au monde en possession de l’art de gouverner. Cet art s’acquiert seulement par l’expérience, en commettant des erreurs et en tirant les leçons de ses propres fautes. Aucune Constitution soviétique, fût-elle idéale, ne peut assurer à la classe ouvrière l’exercice sans obstacle de, sa dictature et de son contrôle de classe si cette classe ne sait pas utiliser les droits que lui accorde la Constitution.

L’inadéquation entre les capacités politiques d’une classe donnée, son habileté à gouverner et les formes juridico-constitutionnelles qu’elle établit à son usage après la prise du pouvoir, est un fait d’histoire. On peut l’observer dans le développement historique de toutes les classes, et tout particulièrement dans celui de la bourgeoisie. La bourgeoisie anglaise, par exemple, livra plus d’une bataille, non seulement pour remodeler la constitution en fonction de ses propres intérêts, mais aussi pour pouvoir profiter pleinement et sans entrave de ses droits, et en particulier de son droit de vote. Le roman de Charles Dickens, Les aventures de M. Pickwick, comprend bien des scènes de cette époque du constitutionnalisme anglais où la tendance dirigeante, assistée de son appareil administratif, renversait dans le fossé le coche amenant aux urnes les électeurs de l’opposition, afin que ceux-ci ne puissent arriver à temps pour voter.

Ce processus de différenciation est parfaitement naturel chez la bourgeoisie triomphante et qui a déjà remporté plus d’un succès. En effet, prise dans le plus large sens du terme, la bourgeoisie se présente comme une série de groupements et même de classes économiques. Nous connaissons l’existence de la grande, de la moyenne et de la petite bourgeoisies ; nous savons qu’il y a une bourgeoisie financière, une bourgeoisie commerçante, une bourgeoisie industrielle et une bourgeoisie agraire. A la suite de certains événements, tels que des guerres et des révolutions, des regroupements s’effectuent au sein même de la bourgeoisie ; de nouvelles couches apparaissent, commencent à jouer un rôle qui leur est propre, comme par exemple les propriétaires et les acquéreurs de biens nationaux, ceux que l’on appelle les "nouveaux riches" et qui font leur apparition après chaque guerre tant soit peu durable. Pendant la révolution française, sous le Directoire, ces nouveaux riches constituèrent un des facteurs de la réaction.

D’une façon générale, l’histoire de la victoire du Tiers Etat en France en 1789 est extrêmement instructive. En premier lieu, ce Tiers Etat était lui-même des plus disparates. Il englobait tous ceux qui n’appartenaient pas à la noblesse ou au clergé ; il comprenait ainsi non seulement toutes les variétés de la bourgeoisie, mais également les ouvriers et les paysans pauvres. Ce n’est que graduellement, après une longue lutte et des interventions armées répétées, que tout le Tiers Etat acquit en 1792 la possibilité légale de participer à l’administration du pays. La réaction politique, qui débuta avant Thermidor, consista en ceci que le pouvoir commença à passer à la fois formellement et effectivement dans les mains d’un nombre de citoyens de plus en plus restreint. Peu à peu, d’abord dans les faits puis légalement, les masses populaires furent éliminées de la direction du pays.

Il est vrai que, dans ce cas, la pression de la réaction s’exerça avant toute chose sur les coutures réunissant ces tissus de classe différents qui constituaient le Tiers Etat. Il est également vrai que si l’on examine une fraction particulière de la bourgeoisie, elle ne présente pas des contours de classe aussi vifs que ceux qui, par exemple, séparent la bourgeoisie et le prolétariat, c’est-à-dire deux classes jouant un rôle entièrement différent dans la production.

Mais, pendant la période de déclin de la révolution française, le pouvoir, en taillant dans le tissu social suivant ses lignes de différenciation, ne fit pas qu’écarter des groupes sociaux qui, hier encore, marchaient ensemble et étaient unis par le même but révolutionnaire ; il désintégra aussi une masse sociale jusqu’alors plus ou moins homogène. Des suites d’une spécialisation fonctionnelle qui vit une oligarchie dirigeante faite de fonctionnaires se séparer de cette classe, des fissures s’y produisirent qui allaient se transformer en gouffres béants sous la pression accrue de la contre-révolution. Cette contradiction eut pour résultat d’engendrer une lutte dans les rangs même de la classe dominante.

Les contemporains de la révolution française, ceux qui y participèrent et plus encore les historiens de l’époque suivante, furent préoccupés par la question des causes de la dégénérescence du parti jacobin.

Plus d’une fois, Robespierre avait mis en garde ses partisans contre les conséquences que l’ivresse du pouvoir pouvait entraîner. Il les avait avertis que, détenant le pouvoir, ils ne devraient pas céder à l’infatuation, en être enflés comme il disait, ou, comme nous le dirions maintenant, être infectés de "vanité jacobine". Mais, comme nous le verrons plus loin, Robespierre lui-même contribua largement à désaisir du pouvoir la petite bourgeoisie s’appuyant sur les ouvriers parisiens.

Nous ne citerons pas ici toutes les indications fournies par les contemporains concernant les diverses causes de la décomposition du parti des Jacobins, comme par exemple, leur tendance à s’enrichir, leurs liens avec les entreprises, leur participation aux contrats sur les fournitures, etc. Mentionnons plutôt un fait curieux et bien connu : l’opinion de Babeuf d’après laquelle la chute des Jacobins fut grandement facilitée par les nobles dames dont ils s’étaient tellement entichés. Il s’adressait aux Jacobins en ces termes - "Que faites-vous donc, pusillanimes plébéiens ? Aujourd’hui, elles vous serrent dans leurs bras, demain elles vous étrangleront !". (Si les automobiles avaient existé au temps de la révolution française, nous aurions eu aussi le facteur "harem,-automobile", dont le rôle - comme l’a montré le camarade Sosnovski – ne fut pas négligeable dans la formation de l’idéologie de notre bureaucratie des soviets et du parti).

Mais ce qui joua le rôle le plus important dans l’isolement de Robespierre et du Club des Jacobins, ce qui les coupa complètement des masses ouvrières et petites-bourgeoises, ce fut, outre la liquidation de tous les éléments de gauche, en commençant par les Enragés d’Hébert et de Chaumette (et de toute la Commune de Paris en général), l’élimination graduelle du principe électif et son remplacement par le principe des nominations.

L’envoi de commissaires aux armées et dans les villes où la contre-révolution relevait la tête, ou s’y essayait, n’était pas seulement légitime mais indispensable. Mais quand, petit à petit, Robespierre commença à remplacer les juges et les commissaires des différentes sections de Paris qui, jusqu’alors, avaient été élus ; quand il commença à nommer les présidents des comités révolutionnaires et en arriva même à substituer des fonctionnaires à toute la direction de la Commune, il ne pouvait, par toutes ces mesures que renforcer le bureaucratisme et tuer l’initiative populaire.

Ainsi, le régime de Robespierre, au lieu de développer l’activité révolutionnaire des masses, déjà bridée par la crise économique et en particulier par la crise alimentaire, ne fit qu’aggraver le mal et faciliter le travail des forces antidémocratiques.

Dumas, le président du Tribunal révolutionnaire, se plaignit à Robespierre de ne pas pouvoir trouver de jurés pour ce tribunal, personne ne voulant remplir de telles fonctions.

Mais Robespierre fit sur lui-même l’expérience de cette indifférence des masses parisiennes, le 10 thermidor, quand on lui fit traverser Paris, blessé et ensanglanté, sans nulle crainte que les masses populaires interviennent en faveur du dictateur de la veille.

De toute évidence, il serait ridicule d’attribuer la chute de Robespierre et la défaite de la démocratie révolutionnaire au principe des nominations.

Mais il accéléra, sans aucun doute, l’action d’autres facteurs. Parmi ceux-ci, le plus déterminant tenait aux difficultés de ravitaillement dues, en grande partie, à deux années de mauvaises récoltes (et aux perturbations engendrées par la transformation de la grande propriété féodale en petite exploitation paysanne) et au fait que, face à une hausse constante des prix du pain et de la viande, les Jacobins ne voulurent pas, au début, recourir à des mesures administratives pour réprimer l’avidité des paysans riches et des spéculateurs. Et quand, sous l’impétueuse pression des masses, ils se décidèrent enfin à faire voter la loi du maximum, celle-ci, dans les conditions de la liberté du marché et de la production capitaliste, ne pouvait être qu’un palliatif.

Passons maintenant à la réalité dans laquelle nous vivons. Je tiens pour avant tout nécessaire d’indiquer que, lorsque nous employons des expressions comme "le parti" et "les masses", nous ne devrions pas perdre de vue le contenu que l’histoire des dix dernières années a mis dans ces termes.
Ni la classe ouvrière ni le parti ne sont plus ni physiquement ni moralement ce qu’ils étaient voici une dizaine d’années. Je ne pense guère exagérer quand je dis que le membre du parti de 1917 aurait peine à se reconnaître en celui de 1928.

Un changement profond a eu lieu dans l’anatomie et dans la physiologie de la classe ouvrière.

A mon avis, il est nécessaire de concentrer notre attention sur l’étude des modifications survenues tant dans les tissus que dans leurs fonctions. L’analyse de ces changements aura à nous montrer la façon de sortir de la situation ainsi créée.

Je ne prétends pas le faire, en tout cas dans cette lettre ; je me bornerai à quelques remarques.

En parlant de la classe ouvrière il faudrait trouver une réponse à toute une série de questions, par exemple :

Quelle est la proportion d’ouvriers employés actuellement dans notre industrie qui y sont entrés après la révolution, et quelle est la proportion de ceux qui y travaillaient auparavant ?

Quelle est la proportion de ceux qui ont participé autrefois au mouvement révolutionnaire, à des grèves, ont été déportés, emprisonnés, ont pris part à la guerre civile ou combattu dans l’Armée rouge ?

Quelle est la proportion d’ouvriers employés dans l’industrie qui y travaillent sans interruption ? Combien d’entre eux n’y travaillent que provisoirement ?

Dans l’industrie, quelle est la proportion d’éléments semi-prolétariens, semi-paysans, etc ?

Si nous descendons et pénétrons dans les profondeurs même du prolétariat, du semi-prolétariat, et plus largement des masses travailleuses, nous tomberons sur des pans entiers de la population dont il est à peine question chez nous. Je ne veux pas parler ici uniquement des chômeurs (un phénomène constituant un danger toujours croissant que l’Opposition a, en tout cas, clairement indiqué), mais des masses réduites à la pauvreté ou à demi-paupérisées, subsistant grâce aux aides dérisoires de l’Etat, et qui se trouvent à la limite de la misère, du vol et de la prostitution.

Nous ne pouvons pas imaginer comment et quels gens vivent parfois à peine à quelques pas de nous. Il arrive à l’occasion qu’on se heurte à des phénomènes dont on n’aurait même pas pu soupçonner l’existence dans un Etat soviétique et qui donnent l’impression que l’on voit soudainement s’ouvrir un abîme. Bien sûr, cela existait déjà auparavant. Il ne s’agit pas de plaider la cause du pouvoir soviétique, en invoquant le fait qu’il n’a pas réussi à se débarrasser de ce qui reste encore le lourd héritage laissé par le régime tsariste et capitaliste. Non, mais à notre époque, sous notre régime, nous constatons l’existence, dans le corps de la classe ouvrière, de crevasses par où la bourgeoisie pourrait se forcer un passage.

Auparavant, sous le régime bourgeois, la partie consciente de la classe ouvrière entraînait à sa suite cette masse nombreuse, y compris les semi-vagabonds. La chute du régime capitaliste devait amener la libération de la classe ouvrière dans son entier. Les éléments semi-déclassés rendaient la bourgeoisie et l’Etat capitaliste responsables de leur situation et considéraient que la révolution devait apporter un changement à leur condition. Ces gens maintenant sont loin d’être satisfaits ; leur situation ne s’est pas améliorée ou guère. Ils commencent à considérer avec hostilité le pouvoir soviétique ainsi que la partie de la classe ouvrière qui a un emploi dans l’industrie. Ils deviennent surtout les ennemis des fonctionnaires des soviets, du parti et des syndicats. On les entend parfois parler des sommets de la classe ouvrière comme de la "nouvelle noblesse".

Je ne m’étendrai pas ici sur la différenciation que le pouvoir a introduite au sein de la classe ouvrière, et que j’ai qualifiée plus haut de "fonctionnelle". La fonction a introduit des modifications dans l’organe même, c’est-à-dire dans la psychologie de ceux qui sont chargés des diverses tâches de direction dans l’administration et l’économie étatiques, et cela à un point tel que, non seulement objectivement mais subjectivement, physiquement mais aussi moralement, ils ont cessé de faire partie de cette même classe ouvrière. Ainsi, un directeur d’usine jouant au "satrape" bien qu’il soit un communiste, n’incarnera pas aux yeux des ouvriers les meilleures qualités du prolétariat, et cela malgré son origine prolétarienne, malgré le fait qu’il travaillait peut-être à l’établi il y a quelques années encore. Molotov peut, aussi souvent qu’il le voudra, mettre un signe d’égalité entre la dictature du prolétariat et notre Etat avec ses déformations bureaucratiques et, qui plus est, avec ses brutes de Smolensk, ses escrocs de Tachkent et ses aventuriers d’Artemovka. Ce faisant il ne réussit qu’à discréditer la dictature du prolétariat sans désarmer le légitime mécontentement des ouvriers.

Si nous passons au parti lui-même, à la bigarrure que nous trouvons déjà dans la classe ouvrière, il convient d’ajouter la coloration que lui donnent les transfuges des autres classes. La structure sociale du parti est bien plus hétérogène que celle de la classe ouvrière. Il en a toujours été ainsi, naturellement avec cette différence que lorsque le parti avait une vie idéologique intense, il fondait cet amalgame social en un seul alliage grâce à la lutte d’une classe révolutionnaire en action.

Mais le pouvoir est une cause, aussi bien dans la classe ouvrière que dans le parti, de la même différenciation révélant les coutures qui existent entre les différentes couches sociales.

La bureaucratie des soviets et du parti constitue un phénomène d’un nouvel ordre. Il ne s’agit pas de faits isolés ou passagers, de lacunes individuelles, de défaillances dans la conduite de tel ou tel camarade, mais plutôt d’une nouvelle catégorie sociologique, à laquelle il faudrait consacrer tout un traité.

Au sujet du projet de programme de l’Internationale communiste (4), j’écrivais entre autres choses à Léon Davidovitch (Trotsky) :

"En ce qui concerne le chapitre IV (la période de transition). La façon dont est formulé le rôle des partis communistes dans la période de la dictature du prolétariat est tout à fait inconsistante. Il est probable que le brouillard dans lequel on noie la question du rôle du parti envers la classe ouvrière et l’Etat n’est pas un effet du hasard. On le voit bien dans la manière dont est posée l’antithèse démocratie prolétarienne-démocratie bourgeoise, sans qu’un seul mot vienne expliquer ce que le parti doit faire pour réaliser, concrètement cette démocratie prolétarienne. "Attirer les masses et les faire participer à la construction ", "rééduquer sa propre nature" (Boukharine se plaît à développer ce dernier point, entre autres, spécialement sous l’angle de la révolution culturelle) : ce sont des affirmations vraies du point de vue de l’histoire et connues depuis des lustres, mais qui se réduisent à des lieux communs si l’on n’y introduit pas l’expérience accumulée au cours de dix années de dictature du prolétariat en URSS. C’est ici que se pose avec toute son acuité la question des méthodes de direction, dont le rôle est tellement énorme.

Mais nos dirigeants n’aiment pas en parler, de peur qu’il ne devienne évident qu’eux-mêmes sont encore loin d’avoir "rééduqué leur propre nature".

Si j’avais eu à écrire un projet de programme pour l’Internationale communiste, j’aurais consacré beaucoup de place, dans ce chapitre (la période de transition), à la théorie de Lénine sur l’Etat pendant la dictature du prolétariat et au rôle du parti et de sa direction dans la création d’une démocratie prolétarienne, telle qu’elle devrait être au lieu de cette bureaucratie des soviets et du parti que nous avons actuellement.

Le camarade Préobrajenski a promis de consacrer un chapitre spécial, dans son livre Les conquêtes de la dictature du prolétariat en l’an XI de la révolution, à la bureaucratie soviétique. J’espère qu’il n’oubliera pas la bureaucratie du parti, qui joue un rôle bien plus grand dans l’Etat soviétique que sa soeur des soviets. Je lui ai exprimé l’espoir qu’il étudiera ce phénomène sociologique spécifique sous tous ses aspects. Il n’y a pas de brochure communiste qui, relatant la trahison de la social-démocratie allemande du 4 août 1914, n’indique en même temps quel rôle fatal les sommets bureaucratiques du parti et des syndicats ont joué dans l’histoire de la chute de ce parti. Mais très peu a été dit, et encore en termes très généraux, sur le rôle joué par notre bureaucratie des soviets et du parti, dans la décomposition du parti et de l’Etat soviétique. C’est un phénomène sociologique de la plus haute importance qui ne peut, cependant, être compris et saisi dans toute sa portée que si l’on examine quelles conséquences il a eues dans le changement d’idéologie du parti et de la classe ouvrière.

Vous demandez ce qu’il est advenu de l’esprit militant du parti et de notre prolétariat ? Où a disparu leur initiative révolutionnaire ? Où sont passés leur intérêt pour les idées, leur vaillance révolutionnaire, leur fierté plébéienne ? Vous vous étonnez qu’il y ait tant d’apathie, de bassesse, de pusillanimité, de carriérisme et tant d’autres choses que je pourrais ajouter moi-même. Comment se fait-il que des gens qui ont un riche passé de révolutionnaires, dont l’honnêteté personnelle ne fait aucun doute, qui ont donné maintes preuves de leur abnégation en tant que révolutionnaires, se soient transformés en de pitoyables bureaucrates ? D’où vient cette ambiance de servilité abjecte à la Smerdiakov (5) dont parle Trotsky dans sa lettre sur les déclarations de Krestinski et d’ Antonov-Ovseenko ?

Mais si l’on peut s’attendre à ce que des transfuges de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie, des intellectuels et, d’une façon générale, des gens habitués à faire "cavalier seul", glissent du point de vue des idées et de la moralité, comment expliquer que le même phénomène s’applique à la classe ouvrière ? Beaucoup de camarades ont noté le fait de sa passivité et ne peuvent dissimuler leur déception.

Il est vrai que d’autres camarades ont vu en une certaine campagne menée pour la collecte du blé (6), des symptômes d’une robuste santé révolutionnaire et la preuve que les réflexes de classe sont encore vivants dans le parti. Tout à fait récemment, le camarade Ichtchenko m’écrivait (ou plutôt, a écrit dans des thèses qu’il doit avoir envoyées à d’autres camarades aussi) que la collecte du blé et l’autocritique sont dues à la résistance de la fraction prolétarienne de la direction et du parti. Malheureusement, je dois dire que ce n’est pas exact. Ces deux faits résultent d’une combinaison manigancée dans les hautes sphères et ne doivent rien à la pression de la critique des ouvriers : c’est pour des raisons ayant un caractère politique et parfois même tendancieux ou, devrais-je dire, fractionnel, qu’une partie des sommets dirigeants s’est engagée dans cette ligne. Il n’y a qu’une seule pression prolétarienne dont on puisse parler : celle dirigée par l’opposition. Mais, on doit le dire clairement, cette pression n’a pas été suffisante pour ne serait-ce que maintenir l’Opposition à l’intérieur du parti et a fortiori pour changer la politique de ce dernier. Je suis d’accord avec Léon Davidovitch (Trotsky) qui a montré, par une série d’exemples irréfutables, le rôle révolutionnaire véritable et positif que certains mouvements révolutionnaires ont joué par leur défaite : la Commune de Paris, l’insurrection de décembre 1905 à Moscou. La première assura le maintien de sa forme républicaine au gouvernement de la France, la seconde a ouvert la voie à la réforme constitutionnelle en Russie. Cependant, les effets de ces défaites conquérantes sont de courte durée si une nouvelle vague révolutionnaire ne vient pas à leur rescousse.

Le fait le plus affligeant est l’absence de réactions de la part du parti et des masses. Pendant deux ans, une lutte exceptionnellement âpre s’est poursuivie entre l’Opposition et la majorité des hautes sphères du parti et, ces huit derniers mois, des événements se sont déroulés qui auraient dû ouvrir les yeux aux plus aveugles. Cela sans que, durant tout ce temps, la masse du parti n’intervienne et le fasse sentir.

Aussi, compréhensible est le pessimisme de certains camarades, celui-là même que je sens percer à travers vos questions.

Babeuf, regardant tout autour de lui après sa sortie de la prison de l’Abbaye, commença à se demander ce qu’étaient devenus ce peuple de Paris, ces ouvriers des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau qui, le 14 juillet 1789, avaient pris la Bastille, le 10 août 1792 les Tuileries, assiégé la Convention le 30 mai 1793, sans parler de leurs nombreuses autres interventions armées. Il résuma ses observations en une phrase dans laquelle on sent l’amertume du révolutionnaire : "Il est plus difficile de rééduquer le peuple dans l’amour de la Liberté que de la conquérir".

Nous avons vu pourquoi le peuple de Paris se déprit de la Liberté. La famine, le chômage, la liquidation des cadres révolutionnaires (nombre de leurs dirigeants avaient été guillotinés), l’élimination des masses de la direction du pays, tout cela entraîna une si grande lassitude morale et physique des masses que le peuple de Paris et du reste de la France eut besoin de trente-sept années de répit avant de commencer une nouvelle révolution.

Babeuf formula son programme en deux mots (je parle ici de son programme de 1794) : "La Liberté et une Commune élue".

Je dois ici faire un aveu : je ne me suis jamais laissé bercer par l’illusion qu’il suffisait aux leaders de l’Opposition d’apparaître dans les meetings du parti et dans les réunions ouvrières pour faire passer les masses du côté de l’Opposition. J’ai toujours considéré de tels espoirs, caressés par les dirigeants de Léningrad (Zinoviev et autres), comme une certaine survivance de la période où ils prenaient les ovations et les applaudissements officiels pour l’expression du véritable sentiment des masses en les attribuant à ce qu’ils imaginaient être leur popularité.

J’irai même plus loin : c’est cela qui explique pour moi le brusque revirement de leur conduite auquel nous venons d’assister.

Ils étaient passés à l’opposition dans l’espoir de prendre rapidement le pouvoir. C’est dans ce but qu’ils s’étaient unis à l’opposition de 1923 (7). Quand quelqu’un du "groupe sans leaders" (8) reprocha à Zinoviev et Kamenev d’avoir laissé tomber leur allié Trotsky, Kamenev répondit : "Nous avions besoin de Trotsky pour gouverner. Pour rentrer dans le parti, il est un poids mort".

Cependant, il aurait fallu toujours poser comme prémisse que l’oeuvre d’éducation du parti et de la classe ouvrière est une tâche longue et difficile, qu’elle l’est d’autant plus que les esprits doivent être tout d’abord nettoyés de toutes les impuretés introduites en eux par ce que sont réellement nos soviets et notre parti et par la bureaucratie de ces institutions.

On ne doit pas perdre de vue que la majorité des membres du parti (sans parler de ceux de la jeunesse communiste) a la conception la plus erronée des tâches, des fonctions et de la structure du parti, à savoir la conception que la bureaucratie leur enseigne par son exemple, sa façon d’agir et ses formules stéréotypées. Les ouvriers qui rejoignirent le parti après la guerre civile, dans leur écrasante majorité après 1923 (la promotion Lénine), n’ont aucune idée de ce qu’était autrefois le régime du parti. La majorité de ces ouvriers est dépourvue de cette éducation révolutionnaire de classe que l’on acquiert pendant la lutte, dans la vie, dans l’action consciente. Dans le temps, cette conscience de classe s’obtenait dans la lutte contre le capitalisme, aujourd’hui, elle doit se former en participant à la construction du socialisme. Mais, notre bureaucratie ayant réduit cette participation à une phrase creuse, les ouvriers n’ont nulle part où ils pourraient acquérir une telle conscience. J’exclus, bien entendu, comme un moyen anormal d’éduquer la classe le fait que notre bureaucratie, en abaissant les salaires réels, en aggravant les conditions de travail, en favorisant le développement du chômage, pousse les ouvriers à la lutte de classe et à se former une conscience de classe, mais sur une base alors hostile à l’Etat socialiste.

Selon la conception de Lénine et de nous tous, la tâche de la direction du parti consistait précisément à préserver le parti comme la classe ouvrière de l’influence corruptrice des privilèges, passe-droit et faveurs inhérents au pouvoir en raison de son contact avec les débris de l’ancienne noblesse et de la petite bourgeoisie ; à les prémunir contre l’influence néfaste de la NEP, contre la tentation de l’idéologie et de la morale bourgeoises.

Nous avions l’espoir que, en même temps, la direction du parti saurait créer un nouvel appareil, véritablement ouvrier et paysan, de nouveaux syndicats, vraiment prolétariens, une nouvelle morale de la vie quotidienne.
Il faut le reconnaître franchement, clairement et à haute voix : l’appareil du parti n’a pas accompli cette tâche qui était la sienne. Il a montré l’incompétence la plus complète dans cette double tâche de préservation et d’éducation, il a échoué et fait banqueroute.

Nous étions convaincus depuis longtemps - et les huit derniers mois auraient dû le prouver à chacun - que la direction du parti s’avançait sur le plus périlleux des chemins. Et elle continue à suivre cette route.

Les reproches que nous lui adressons ne concernent, pour ainsi dire, pas l’aspect quantitatif de son travail, mais son côté qualitatif. Ce point doit être souligné, sinon l’on va à nouveau nous submerger de chiffres sur les succès innombrables et intégraux obtenus par les appareils du parti et des soviets.

Il est grand temps de mettre fin à ce charlatanisme statistique.

Ouvrez les comptes rendus du XVème congrès du parti (9). Lisez le rapport de Kossior sur l’activité organisationnelle. Qu’y trouvez-vous ? Je le cite littéralement : "Le plus prodigieux développement de la démocratie dans le parti", "L’activité organisationnelle du parti s’est accrue de façon colossale ".

Et puis, bien entendu, pour renforcer tout cela : des chiffres, des chiffres et encore des chiffres. Et l’on nous dit cela alors qu’il y a dans les dossiers du Comité central des documents apportant la preuve de la pire corruption des appareils du parti et des soviets, de l’étouffement de tout contrôle des masses, de l’oppression la plus horrible, des persécutions, d’une terreur jouant avec la vie et l’existence des membres du parti et des ouvriers.
Voici comment la Pravda du 11 avril caractérise notre bureaucratie : "Un milieu de fonctionnaires hostiles, Paresseux, incompétents et pleins de morgue se trouve en mesure de chasser les meilleurs inventeurs soviétiques au delà des frontières de l’URSS, à moins qu’une bonne fois pour toutes un grand coup ne soit frappé contre ces éléments, de toute notre force, avec toute notre détermination et de manière impitoyable".

Connaissant notre bureaucratie, je ne serais cependant pas surpris d’entendre ou de lire à nouveau des discours sur "le développement prodigieux" et "colossal" de l’activité des masses du parti, du travail organisationnel du Comité central pour implanter la démocratie.

Je suis persuadé que la bureaucratie du parti et des soviets existant actuellement va continuer avec le même succès à cultiver autour d’elle des abcès purulents, malgré les bruyants procès de ces derniers mois. Cette bureaucratie ne changera pas par le fait qu’on la soumettra à une épuration. Je ne nie pas, bien entendu, l’utilité relative et l’absolue nécessité d’une telle épuration. Je désire simplement souligner le fait qu’il s’agit non pas uniquement de changer de personnel, mais de changer de méthodes.

A mon avis, la première condition pour rendre la direction de notre parti capable d’exercer un rôle éducatif, c’est de réduire la taille et les fonctions de cette direction. Les trois quarts de l’appareil devraient être licenciés et les tâches du quart restant devraient avoir des limites strictement déterminées. Cela devrait s’appliquer également aux tâches, aux fonctions et aux droits des organismes centraux. Les membres du parti doivent recouvrer leurs droits qui ont été foulés aux pieds et recevoir de solides garanties contre l’arbitraire auquel les cercles dirigeants nous ont accoutumés.

On peine à imaginer ce qui se passe dans les couches inférieures de l’appareil du parti. C’est spécialement dans la lutte contre l’Opposition que s’est manifestée l’indigence idéologique de ces cadres, ainsi que l’influence corruptrice qu’ils exercent sur la base ouvrière du parti. Si, au sommet, il existait encore une certaine ligne idéologique (bien qu’elle soit erronée, faite de sophismes et mêlée, il est vrai, à une forte dose de mauvaise foi), à l’échelon inférieur cette fois, on a surtout eu recours aux arguments de la plus effrénée des démagogies contre l’opposition. Les agents du parti n’ont pas hésité à user de l’antisémitisme, de la xénophobie, de la haine des intellectuels, etc.

Je suis persuadé que toute réforme du parti qui s’appuie sur la bureaucratie n’est qu’utopie.

Résumons-nous : tout en notant, comme vous, l’absence d’esprit militant révolutionnaire à la base du parti, je ne vois rien de surprenant à ce phénomène. Il résulte de tous les changements qui ont eu lieu dans le parti et dans la composition même de la classe ouvrière. Il convient de rééduquer les masses travailleuses et les masses du parti dans le cadre du parti et des syndicats. Ce processus est en soi long et difficile, mais il est inévitable et il a déjà commencé. La lutte de l’Opposition, l’exclusion de centaines et de centaines de camarades, les emprisonnements, les déportations, bien que n’ayant pas encore fait beaucoup pour l’éducation communiste de notre parti, ont, en tout cas, eu plus d’effets en ce sens que n’en a eu tout l’appareil pris ensemble. En fait, les deux facteurs ne peuvent même pas être comparés : l’appareil a gaspillé le capital du parti légué par Lénine, d’une façon non seulement inutile mais nuisible. Il a démoli tandis que l’Opposition construisait.

Jusqu’ici, j’ai raisonné en faisant "abstraction" des faits de notre vie économique et politique qui ont été soumis à l’analyse dans la Plate-forme de l’Opposition. Je l’ai fait délibérément, car tout mon propos était de souligner les changements intervenus dans la composition et la psychologie du prolétariat et du parti, en rapport avec la prise du pouvoir lui-même. Cela a peut-être donné un caractère unilatéral à mon exposé. Mais sans procéder à cette analyse préliminaire, il est difficile de comprendre l’origine des erreurs économiques et politiques fatales commises par notre direction en ce qui concerne tant les paysans que les ouvriers ou les problèmes de l’industrialisation, du régime intérieur du parti et, finalement, de la gestion de l’Etat.

Salutations communistes,

C Rakovsky

Astrakhan, le 6 août 1928.

Notes

(1) Scandales financiers et affaires de moeurs impliquant des Bureaucrates que venaient de révéler la presse et la justice soviétiques.

(2) La Plate-forme de l’opposition de Gauche fut signée par treize dirigeants du Parti Communiste de l’URSS et publiée, en 1927, pour le XVème Congrès du parti.

(3) Un certain égalitarisme des revenus s’était maintenu jusque vers 1927. La bureaucratie a ensuite fortement ouvert l’éventail des salaires pour trouver des appuis dans l’aristocratie ouvrière et justifier l’accroissement de ses propres privilèges.

(4) Les quatre premiers congrès de l’Internationale Communiste se déroulèrent sous la direction de Lénine et Trotsky. Le cinquième sous celle de Zinoviev, allié à Staline contre Trotsky. Le sixième congrès (été 1928) d’une Internationale désormais contrôlée par les seuls staliniens adopta ce programme que Trotsky critiqua dans un ouvrage connu sous le nom de L’Internationale Communiste après Lénine.

(5) Personnage particulièrement répugnant dans Les Frères Karazamov de Dostoievski.

(6) Campagne lancée au début de 1928 face aux difficultés croissantes de ravitaillement et à laquelle prirent part des ouvriers voulant en découdre avec les koulaks (paysans riches). Ce revirement de la fraction au pouvoir contre des koulaks dont elle avait favorisé l’enrichissement et qui devenaient menaçants pour le régime, fut le prélude au retournement de Staline contre ses alliés, Boukharine-Rykov, chantres de l’enrichissement des campagnes.

(7) Devenue l’opposition Unifiée en 1925 quand elle fut rejointe, pour un temps, Par Zinoviev et Kamenev que Staline était en train d’écarter du pouvoir et qui avaient fondé la Nouvelle Opposition.

(8) Zinoviévistes qui, en 1927, refusèrent de suivre Zinoviev-Kamenev dans leur ralliement à Staline après l’exclusion du parti des dirigeants oppositionnels.

(9) Le XVème congrès s’était tenu en décembre 1927.

L’opposition russe répond aux capitulards

(1929)

Le départ des capitulards de l’opposition a été à l’origine de la formation d’une crise qui se préparait au sein de l’opposition (arrestations massives, provocations partout, isolement cellulaire, conditions matérielles dures des exilés résultant de la réduction de la indemnité de moitié, le bannissement de L. Trotsky, etc., et d’autre part une certaine division dans l’opposition provoquée par le « cours de gauche » de la direction centriste.) Sans les persécutions sévères, le cours de gauche aurait poussé à nouveau sympathisants dans les rangs de l’opposition, car cela signifierait la faillite intellectuelle du centrisme. Mais il est tout aussi vrai de dire que sans le nouveau cours, les persécutions n’auraient pas eu le même effet, ce qu’elles ont maintenant obtenu. Le « cours de gauche » a joué le rôle de feuille de vigne dans la décadence centriste et l’opportunisme.

Entre deux feux

Il est superflu de caractériser les méthodes de persécution. Nous noterons seulement qu’elle s’est manifestée non seulement par la violence ouverte, mais aussi par la privation des droits élémentaires de la correspondance à l’Opposition, ainsi que par « l’aide technique » de son genre particulier que le G.P.U. étendu aux capitulards, jusqu’au point où l’appareil lui-même, du moins dans certaines localités, a distribué les documents des capitulards. Certains des capitulards, demeurant au sein de l’opposition, ont agi conformément aux instructions de l’appareil (Istchenko) ou aux termes de l’accord préalable conclu avec lui, dans le cadre de négociations entre Preobrazhensky et Yaroslavsky, ou de Preobrazhensky et Ordjonikidze) selon lesquelles le "bombardement" de l’Opposition procéder de deux rivages : le centriste et les opposants. L’opposition était prise entre deux incendies. La fameuse « liberté de correspondance » équivalait en réalité à une véritable liberté pour les capitulards et à une « liberté abstraite » pour l’opposition léniniste. Il convient de noter également que même dans ce cas, une politique postale différenciée a été appliquée : les documents des capitulants n’étaient pas autorisés à atteindre les camarades à qui on aurait pu s’attendre à une véritable résistance. Les réponses aux documents des capitulants ont été totalement supprimées.

La crise intellectuelle avait déjà commencé il y a un an, en avril dernier. Preobrazhensky et Radek ont été les incitateurs de la « revalorisation des valeurs ». Le premier avec une certaine consistance, le second, comme à son habitude, se tortille et fait des sauts de l’extrême gauche à l’extrême droite puis vice-versa. En passant, Radek a reproché à Preobrazhensky ses négociations avec Yaroslavsky.

Preobrazhensky écrivait et disait approximativement ce qui suit :

« La direction des centristes commence à remplir une partie de la plate-forme, sa partie économique ; en ce qui concerne la partie politique de la plate-forme, elle sera réalisée par la vie elle-même. L’Opposition a rempli sa mission historique. Elle a épuisé ses valeurs. Cela devrait revenir au Parti et s’appuyer sur le cours naturel des événements. »

Ainsi, la question de l’interprétation de la plate-forme a créé deux camps : le camp léniniste révolutionnaire luttant pour la réalisation de l’ensemble de sa plate-forme, comme le Parti se battait auparavant pour l’ensemble du programme, et le camp capitulaire opportuniste, qui a exprimé sa volonté de se satisfaire l ’« industrialisation » et la politique agricole collective, sans se préoccuper du fait que, sans la réalisation de la partie politique de la Plateforme, toute la construction socialiste pourrait voler en éclats.

Défections dans l’Opposition

L’Opposition, issue du parti, n’est pas libre, dans certaines de ses sections, des défauts et des habitudes cultivés par l’appareil année après année. Ce n’est pas tout d’abord libre d’une certaine dose de philistinisme. L’atavisme bureaucratique est particulièrement difficile à tuer chez les opposants qui s’étaient tenus au plus près des dirigeants du parti ou de l’appareil soviétique. Il est en partie infecté par le fétichisme du livre du parti, contrairement à la loyauté envers le parti lui-même, à ses idéaux, à sa tâche historique - loyauté inhérente à ceux qui veulent encore se battre pour la réforme du parti. Enfin, il n’est pas exempt de la psychologie la plus préjudiciable des falsificateurs du léninisme, cultivée par le même appareil. C’est pourquoi chaque capitulard, fuyant l’Opposition, ne manquera pas une occasion de frapper Trotsky avec son petit sabot, chaussé avec les clous de l’usine Yaroslavsky-Radek. Dans des conditions différentes, cet héritage de l’appareil serait facilement dépassé. Dans les conditions actuelles de forte répression, il apparaît sur le corps de l’Opposition sous la forme d’une éruption de capitulards. Le tri de ceux qui n’avaient pas pensé à la Plate-forme jusqu’au bout, qui rêvaient d’un réconfort silencieux, la dissimulant naïvement sous le désir de prendre part à des « combats grandioses » était inévitable. De plus, cette élimination peut avoir un effet salutaire sur les rangs de l’Opposition. Ceux qui restent ne considèrent pas la Plateforme comme une sorte de menu de restaurant dans lequel chacun peut choisir un plat à son goût. La plate-forme était et reste la bannière de la guerre du léninisme, et seule sa réalisation complète peut faire sortir le parti et le prolétarien de l’impasse dans laquelle ils ont été encerclés par les dirigeants centristes.

Ceux qui comprennent que le combat de l’Opposition est précisément ce qu’il s’agit du « combat grandiose » dont dépend l’avenir de la construction socialiste, le sort du pouvoir soviétique, de la révolution mondiale - ceux-ci ne quitteront pas leurs postes.

Comme leitmotiv dans les thèses des capitulards, la même pensée a été répétée encore et encore : nous devons revenir au Parti. Celui qui ne connaît pas l’histoire de notre expulsion du Parti pourrait penser que nous l’avons laissé nous-mêmes et que nous nous sommes volontairement exilés. Poser la question de cette façon signifie transférer la responsabilité de notre exil et de notre parti hors de la direction du parti centriste de droite à l’Opposition.

Nous étions dans le parti et nous souhaitions y rester même lorsque la direction de la droite centriste a nié la nécessité d’élaborer un plan quinquennal et a calmement encouragé « les Koulaks à devenir socialistes ». Nous souhaitons encore davantage faire partie du parti maintenant, même si ce n’est que dans une partie de celui-ci, qu’un virage à gauche est en cours et qu’il a des tâches gigantesques à accomplir. Mais la question qui nous occupe est d’un tout autre ordre : conviendrons-nous de sortir de la ligne léniniste pour plaire à l’opportunisme centriste ? Le plus grand ennemi de la dictature prolétarienne est une attitude malhonnête à l’égard de ses convictions. Si la direction du parti, imitant l’église catholique qui, à son lit de mort, oblige un athée à se convertir au catholicisme, prie les opposants de reconnaître leurs erreurs imaginaires et de nier leurs propres convictions léninistes, elle perd de ce fait même, tout droit d’être respectée. L’opposionniste qui change ses convictions du jour au lendemain ne mérite que le mépris total. Cette pratique développe une attitude sceptique, claire et lucide, à l’égard du léninisme, dont Radek est redevenu le représentant typique, diffusant généreusement à droite et à gauche ses aphorismes philistins sur la « modération ». Les types de Shchedrin [1] sont éternels. Ils sont reproduits à chaque époque de relations sociopolitiques, seuls leurs costumes historiques ayant été modifiés.

Arguments des capitulards

L’une des méthodes préférées des capitulards est de semer la panique en présentant les conditions actuelles dans le pays comme des « conditions antérieures à Kronstadt » (expression de Preobrazhensky). En se rendant à Moscou, à la gare d’Ishim, Radek a représenté la lutte entre les Droites et les Centristes similairement à celle qui avait eu lieu dans la Convention à la veille du 9 thermidor (révolution française). "Ils se préparent des arrestations les uns pour les autres", a ajouté Radek. Les droits de la personne pourraient être acquis au Comité central et à la Commission de contrôle centrale, bien que sur environ 300 membres et candidats à la dernière séance plénière, les Droites n’ont pas recueilli plus d’une douzaine de voix. Les mêmes personnes qui, dans leur déclaration du 13 juillet, affirment que les dirigeants centristes ont complètement empêché le retour en arrière ou le « roulement » (comme ils s’expriment avec délicatesse afin de sauver la modestie virginale des dirigeants) disent maintenant : dans d’autres circonstances, quelque chose de tout à fait différent Lequel croire ? Mais même si nous acceptons la première hypothèse, n’en résulte-t-il pas qu’il faille sacrifier le léninisme à l’opportunisme centriste ? Bien sûr que non !

Dans les brefs moments de son illumination intellectuelle, Radek l’a parfaitement compris. L’année dernière, après la réunion plénière du Comité central en juillet, il a écrit à Rakovsky d’Astrakhan que Staline avait complètement renoncé à sa position, que les Droites prendront le pouvoir, que Thermidor est sur le seuil, que ce que l’Opposition léniniste doit faire est préserver « l’héritage théorique du léninisme ». Un homme politique doit prendre en compte les variations possibles des événements à venir, mais sa tactique deviendrait un aventurisme risqué s’il ne les fondait que sur des suppositions confuses. Le petit exemple suivant montre à quel point il est inadmissible : I. N. Smirnov a supposé que la C.-B., compte tenu des conditions difficiles dans le pays, n’exigerait pas d’un document capitulaire de la part de la Trinité. Smirnov a écrit une carte postale le 12 juillet : « Je pense que l’atténuation de la crise (la moisson) y a joué un rôle décisif ». Les capitulards eux-mêmes ont d’ailleurs fait circuler des rumeurs au sujet de l’humeur conciliatrice des dirigeants centristes envers les Droites, en liaison avec la récolte susmentionnée. Il est douteux que même ces humeurs perdurent. La liquidation des dirigeants de droite, leur retrait des postes de responsabilité, semble être une question réglée.

Radek est "toujours prêt !"

Les dirigeants centristes ont dégagé le chemin à gauche et à droite pour manœuvrer. S’ils sont décidés à adopter un nouveau virage à droite, la révocation des dirigeants de droite les assurera contre la perte de pouvoir. De la même manière, il est indispensable de supprimer l’Opposition de gauche : de supprimer un groupe politique qui pourrait être à la tête du courant de gauche dans le parti et qui se bat maintenant particulièrement contre les méthodes bureaucratiques de rationalisation au détriment de la classe ouvrière. En réponse à une question sur Trotsky, Radek a déclaré à Ishim : "Nous devrons peut-être faire des concessions aux paysans, et Trotsky nous accusera de thermidorianisme." voulant plaire aux désirs cachés des dirigeants centristes, cette « jeunesse communiste » politique crie d’avance : « Toujours prêts ! ». Personne ne peut garantir qu’en cas de nouvelle grève des céréales, les dirigeants centristes ne sauteront pas Article 107 - contre le Koulak - au Néo-Nep. Au contraire, il est très probable qu’ils le feront.

* * *

La déclaration du trio du 13 juillet est un document faux et opportuniste. Une partie de celle-ci est une continuation du travail que les trois ont déjà été mené l’année dernière, et particulièrement au cours des derniers mois, diffusant de fausses idées sur les opinions prévalant au sein de l’Opposition. En portant l’accusation contre Trotsky et l’Opposition, en prétendant qu’ils affirment que le pouvoir n’est pas entre les mains de la classe ouvrière, que Trotsky "révise le léninisme" et que l’Opposition dans son ensemble se dirige vers la création d’un nouveau parti, De ce fait, les trois capitulards fournissent une nouvelle arme aux dirigeants du parti pour la poursuite de la persécution de l’Opposition. Dans sa deuxième partie, la déclaration du 13 juillet tente de réhabiliter non seulement la majorité des C.C. mais aussi toute la politique passée du bloc centre-droite. La politique du bloc centre-droite, qui a favorisé le renforcement de l’ennemi de classe, est maintenant présentée comme une politique « léniniste » ; la politique de l’Opposition léniniste, au contraire, sous l’influence directe de laquelle la ligne du parti, même si partielle, a été redressée - est présentée sur « [mots manquants] ».

Avec leur déclaration du 13 juin [13], le trio a ouvertement [mots manquants] la corruption du léninisme dans laquelle la majorité est engagée. Au lieu d’une discussion marxiste sur les changements concrets intervenus dans l’État soviétique au cours de son existence (ses institutions économiques, politiques et juridiques et dans les relations des classes dans le [mot manquant], les capitulards ont lancé un débat métaphysique sur la nature et "l’essence" de la dictature prolétarienne en général. Ils imitent les métaphysiciens, érudits et sophistes batteurs de paille qui se rebellent contre chaque page et chaque ligne des travaux de Marx, Engels et Lénine. Ceci, du point de vue du matérialisme historique, L’argument « bon à rien » a néanmoins poursuivi un objectif concret : déformer sans cérémonie les textes empruntés aux documents de leurs adversaires, en remplaçant les termes « centrisme » et « direction centriste » par les termes « gouvernement soviétique » et « dictature prolétarienne », les capitulards avaient l’intention de s’approcher, pas à pas, au point de pouvoir appeler centrisme cent pour cent le léninisme. De telles méthodes de polémique autre que la falsification théorique sont impossibles.

Ce que Radek et Cie ont négligé

Dans leur document, les capitulards écrivent : « Nous avons négligé (!) le fait que la politique de la C.C. était et reste léniniste ». Comment se fait-il qu’elle "soit" léniniste, alors qu’elle était à moitié adopté par les Droites, contre lequel les capitulards appellent à une lutte dans le même document ? Mais vous ne pouvez pas exiger des gens qui ont accepté la voie de la capitulation intellectuelle d’être logiques. Même avant la présentation de leur déclaration, le trio préparait les camarades en exil pour leur « évolution ». Déjà dans une lettre de Radek à Barnaoul, le 21 mai, le mot « Centrisme » disparaît et apparaît à la place d’un « Noyau stalinien », qui se révèle être plus à gauche que le secteur ouvrier du parti. Dans le document « Questions et réponses » - un commentaire sur le projet de déclaration avec lequel Preobrazhensky était parti pour Moscou - le terme « centrisme » est déjà placé entre guillemets. Cependant, alors qu’il usait des marches avant du C.C., Preobrazhensky perdit les guillemets ainsi que le terme lui-même, ainsi que son brouillon de la déclaration. Certaines personnes affirment qu’il n’y a jamais eu qu’un seul exemplaire de ce projet. Preobrazhensky ne souhaitait probablement pas laisser de traces matérielles des métamorphoses rapides auxquelles sa « nature » sociologique était condamnée. Il ne restait plus rien de la pose héroïque que Smilga, lors du voyage de Minusinnsk à Moscou, prit contre le centrisme.

Le problème fondamental entre les capitulards et l’Opposition léniniste était et reste le centrisme. Pour ceux dont la mémoire est courte, il est nécessaire de rappeler comment le centrisme a été défini par la plate-forme. Le centrisme, comme en témoigne son nom, représente une tendance « à rester assis sur la barrière » : il ne reflète pas systématiquement les intérêts du prolétariat ni ceux de la bourgeoisie. Le centrisme se distingue par son éclectisme. Elle introduisit dans le communisme ses propres substituts intellectuels, tels que la construction du socialisme dans un pays, le développement - sans conflit - de l’économie socialiste, la transformation de la paysannerie moyenne en paysans moyens et des inventions similaires. La Plate-forme considérait comme la base du centrisme les « upravlentzy » - le parti et la bureaucratie soviétique, se séparant de plus en plus de la classe ouvrière et aspirant à des emplois à vie, ou selon Preobrazhensky dans Questions et réponses - des "héréditaires".

La troisième particularité du groupe appareil-centriste consiste, selon la Plateforme, dans sa volonté de se substituer au parti en s’emparant de plus en plus de pouvoir entre ses mains, dans une attitude hautaine et méprisante envers les masses - en particulier envers les travailleurs non qualifiés et des ouvriers agricoles, dans l’intolérance des discussions et de la persécution de l’Opposition de gauche (« Feu à gauche ! »).

Les capitulards se tournent vers la calomnie

Impuissants à combattre l’Opposition léniniste avec l’aide de la Plate-forme, voyant l’impossibilité d’acquérir un nombre considérable de sympathisants en faisant le tour métaphysique autour de « l’essence » du pouvoir, les capitulards se sont tournés vers la calomnie - une méthode favorite de tout mouvement battu sur le terrain théorique. Ils ont accusé Trotsky de jouer avec "l’idée" d’une révolte et "l’idée d’un bloc avec les droits". C’est une double hypocrisie lorsque de telles accusations viennent de personnes qui connaissent la loyauté totale et durable de Trotsky non seulement envers le gouvernement soviétique, mais également envers ses ennemis au sein du parti. De telles accusations, de leur côté, sont un geste démagogique visant à couvrir leurs propres sympathies pour les droits. Cela est particulièrement vrai pour Radek, à propos duquel il est prouvé qu’il était en exil et qu’il n’a pas caché ses sympathies pour les disciples de Brandler. Plus tard, Radek donna des explications compliquées sur son comportement, semblables à celles qu’il avait fournies au moment où il fut découvert que lui, Radek et personne d’autre, insistait en janvier 1928 pour que Trotsky donne une longue interview (il serait plus correct de dire : déclaration politique extensive) au correspondant à Moscou du Berliner Tageblatt. Ces prétendus ennemis de la droite vont maintenant essayer d’étouffer l’Opposition léniniste, en compagnie des Droites et des Centristes.

Le bannissement de Trotsky a uni les dirigeants du centre droit avec les capitulards. De Boukharine, qui a voté pour le bannissement, à Radek et Smilga, un front uni a été formé contre l’Opposition léniniste. Nous pouvons affirmer avec confiance qu’en accomplissant son acte thermidorien, les dirigeants centristes devaient faciliter le travail des capitulards. À leur tour, Radek et Smilga, en lançant une campagne pour la séparation de Trotsky, venaient à la rescousse des dirigeants du parti. Si ce dernier n’avait pas été assuré du soutien des capitulards, il n’aurait jamais osé une telle performance.

1. Un célèbre satiriste russe de la fin des années 1890.

La politique de la direction et du régime du parti

(1929)

Le centrisme est objectivement condamné par l’histoire. C’est précisément pour cette raison, dans sa volonté de se maintenir en tant que groupe dirigeant, il prend des mesures afin de se renforcer encore davantage sur le plan organisationnel et idéologique. À cette fin, il utilise le pouvoir gigantesque que la révolution a concentré entre les mains de la direction du parti. Le centrisme est exclu et excluent toujours les droites des dirigeants des syndicats et du Komintern, des organisations soviétiques et du parti, mais uniquement dans le but de remplacer les centristes par les centristes. Mais ce qui caractérise le plus la direction du centre, c’est qu’avec une énergie doublée et triplée, elle concentre sa sévérité contre l’opposition léniniste, enrichissant chaque jour son arsenal de nouvelles armes de contrainte. L’invention la plus remarquable à cet égard, qui a été faite après l’écriture de notre plate-forme, est l’invention qui laisse son empreinte sur l’époque actuelle et qui ressuscite en Union soviétique, la méthode cléricale du Moyen Âge. C’est l’effort pour contraindre tous les opposants du Parti communiste à renoncer à leurs vues communistes (ce qui a été prouvé par l’attitude envers les soi-disant « centristes de gauche » - Schatzkin, Sten et d’autres ; Le centrisme, a récemment augmenté encore plus). La vie a prouvé toute l’incohérence des idéaux centristes en zig-zags et anti-léninistes.

Mais le centrisme, ayant le monopole de la presse, continue de falsifier les enseignements léninistes et induit en erreur le Parti et la classe ouvrière en disant que ce n’est pas le Koulak qui nous attaque, mais nous attaquons le Koulak (Bauman, Molotov). L’affirmation des capitulateurs selon laquelle le centrisme a changé même s’il repose toujours sur le même socle social, qui ne cesse de s’élargir - les "fonctionnaires" dotés d’une idéologie correspondante et les méthodes particulières de son appareil pour diriger le pays et le parti ne fait que prouver que les capitulants ont perdu toute conscience théorique et se sont jetés dans la boue du centrisme. Parce que le centrisme est condamné par l’histoire comme un courant ne possédant pas les qualités requises et qu’il cessera tôt ou tard d’être un facteur déterminant de la vie du parti, la liquidation de l’opposition léniniste, sa dissolution dans la boue centriste ne signifieraient rien d’autre que la présentation du pouvoir aux Droites. En trahissant l’opposition, les capitulants trahissent les intérêts du communisme, du parti et de la classe ouvrière.

Les changements dans les relations des classes

Les capitulatards s’embrouillent dans la question capitale : quel genre de tournant a lieu par rapport aux forces de classe dans le pays ? Comme nous le verrons, ils en parlent parfois, mais seulement s’ils doivent semer la panique au milieu de l’opposition. Mais normalement, pour eux, le tournant du pays et du parti est couvert par le tournant de la politique des dirigeants centristes - ce qui, bien sûr, n’est pas le même. Le tournant dans le pays continue à se dérouler de manière défavorable pour le prolétariat. Il y a sans aucun doute un tournant de gauche dans le parti, mais ses raisons et son caractère se distinguent du tournant de la direction. Pour les dirigeants centristes, le tournant vers la lutte contre le capitalisme agraire était une question de contrainte. C’est un tournant du groupe bureaucratique sous la pression des événements, mais le tournant du parti - nous pensons à la partie travailleuse de celui-ci - est un tournant de classe. Mais alors que le Centre fait des pas à gauche sur la question agraire, avec des excuses s’adaptant au moment présent, le tournant du parti est un véritable tournant révolutionnaire.

La direction centriste cache très soigneusement les processus contradictoires en cours dans le pays. L’une des particularités les plus préjudiciables de la direction centriste est de dissimuler les traces et de tout présenter de manière rose (tout va de mieux en mieux). Mais cela ne réussit pas à tout cacher. Les bruits scandaleux qui se produisent périodiquement prouvent à quel point la décomposition de l’appareil de centre-droite est allée aussi bien dans le parti que dans les soviets et les syndicats. Commençant par les hauteurs des commissariats eux-mêmes et se terminant par les comités de comté, la rouille bourgeoise pénètre dans les pores de la dictature prolétarienne. Les propriétaires privés du village ont déjà réussi à obtenir en partie l’appareil, le subordonnant à leurs intérêts de classe.

Parfois, à travers les documents officiels qui présentent un tableau du bien-être général et des relations idylliques entre la classe ouvrière et notre gouvernement, des faits tragiques, tels que le meurtre et le lynchage à la gare de Grivno, traversent comme une lueur, lumière sur les réalités. La presse a dû enregistrer les propos de la défense au procès : « Une querelle passagère s’est produite entre la classe ouvrière et l’appareil créé par celle-ci ». Dans le même journal, dans les discours du procureur, il a été noté le comportement passif et indifférent des communistes et des jeunes communistes présents dans la foule pendant la scène de lynchage sauvage. Celui qui peut analyser politiquement l’événement de la gare de Grivno comprendra qu’il revêt une signification plus symptomatique que l’une ou l’autre résolution adoptée lors d’une conférence du parti. Un fait non moins symptomatique est le fait qu’un ouvrier a été boycotté par ses collègues pour être devenu membre du Parti communiste, ou que le rapport contenait des informations sur les conditions d’organisation à Bakinsk, où la chute du nombre d’ouvriers atteint 25% une année. Les travailleurs quittent le parti malgré le fait que leur adhésion assure dans une certaine mesure la perte de leur emploi. En ce qui concerne l’humeur du village, il est important de souligner que les résultats obtenus grâce au « caractère chaotique des collectes de céréales » ont abouti à ce que le village se situe dans un bloc entre les paysans pauvres et moyens aux côtés des Koulaks.

Industrialisation et les classes

Les capitulards tentent de distinguer l’industrialisation et la construction de fermes collectives de toute la chaîne de mesures centristes - de sa politique générale. Les considérant comme une sorte de « questions qui leur sont propres », ils tentent également de considérer le « nouveau cours » du centrisme comme indépendant des raisons immédiates qui l’appelaient. Enfin, ils évitent ou occultent les questions les plus importantes et les plus élémentaires : quelles conditions doivent être remplies pour que l’industrialisation et la construction de fermes collectives ne restent pas de simples résolutions écrites (comme la résolution sur la démocratie du parti à la fin de 1923), être arrêtés à mi-chemin, ou qu’ils ne doivent pas donner des résultats directement opposés à ceux attendus.

Les nouveaux agents du centrisme bureaucratique et leurs comptables, les capitulards, partisans de l’absence de principes et du possiblisme, évitent d’analyser les aspects les plus importants de la question de l’industrialisation et de la lutte contre le capitalisme agraire, sachant qu’une discussion honnête de ces questions ferait apparaître le double visage et les contradictions du centrisme, son incapacité à prendre la voie de la construction socialiste. En réalité, une telle discussion aurait révélé que

1. La politique du centrisme reste « à gauche » sur la question du travail et le régime du parti (ici même, il est déjà allé au pire par rapport au passé) et en partie dans le village (ne permettant pas les unions de paysans pauvres]. L’aggravation de la lutte des classes [quelques mots manquants], la nouvelle loi sur les taxes sur les denrées alimentaires, la hausse des prix des céréales qui donnait aux paysans aisés 350 millions de roubles supplémentaires, tout cela ne perturbe pas seulement l’industrialisation et la construction de fermes collectives, mais les met également sous la menace d’une rupture critique.

2. Le mouvement de centre gauche (industrialisation, construction de fermes collectives) est impérieux - d’une part, sous la pression des Droites qui voulaient balayer le Centre avec l’aide du Koulak et des grèves du grain, et d’autre part, sous la pression de l’insatisfaction de la classe ouvrière, dont les intérêts ont été touchés par la grève des céréales ; et enfin par la pression de l’opposition léniniste. La suppression de l’effet de ces deux derniers facteurs créerait immédiatement la condition pour un nouveau basculement du centre à droite, soit avec les chefs restant à la tête, soit en destituant les dirigeants actuels de la partie du parti qui suit les leaders de droite.

3. Les seules garanties réelles contre un nouveau recul du centre vers la droite sont les oppositions léninistes qui expriment systématiquement les intérêts du prolétariat et des pauvres du village.

Le plan quinquennal

Les capitulards considèrent le plan quinquennal du point de vue arithmétique exclusivement, sans tenir compte, même selon une telle approche, qu’en raison de l’inflation et de la chute du pouvoir d’achat du tchervonetz, le chiffre des investissements est en réalité beaucoup plus réduit que le plan quinquennal ne le montre. Ils omettent la question principale : quel changement dans les relations de classe dans le pays le plan quinquennal apportera-t-il ? Cet « oubli » de la part de Radek and co est parfaitement compris dans la mesure où le plan quinquennal est la feuille de vigne pour dissimuler leur capitulation. En attendant, voici ce qu’un co-éditeur de l’organe officiel du Gosplan Planned Economy (Strumlin) est obligé d’admettre. Si le plan quinquennal sera pleinement réalisé - au bout de cinq ans, le revenu national par habitant augmentera de 51% dans la ville, de 62% dans le village et de 40% pour la partie aisée du pays. village. Cela est toutefois subordonné à la stabilisation des prix des produits agricoles à hauteur de 114%, soit 14% de plus qu’en 1927-1928. Entre-temps, l’indice du secteur agricole privé a augmenté de 37,9% au cours de cette année seulement.

En outre, le revenu réel du travailleur (de la ville) devrait augmenter de 58% d’ici la fin des cinq années, mais sa productivité devrait augmenter de 100 à 110%. Dans le même temps, le village, grâce à la seule différence de prix, obtiendra 3,5 milliards de roubles et les dépenses publiques consacrées à l’industrialisation ne seront affectées qu’à environ 10%. La croissance des salaires dans la première partie de cette année s’est élevée à 7,1%, mais l’indice des prix du secteur collectivisé a augmenté de 8,5%, celui du secteur privé, de 19,3% et du secteur agricole, comme nous l’avons déjà vu, de 37,9%. La conclusion : le centre de gravité de la partie riche du village dans l’économie générale du pays va continuer à se développer, malgré les discussions sur la lutte contre le capitalisme agraire.

Sans les unions de paysans pauvres, l’influence politique de la paysannerie riche [et des] Nep’men de la ville et des riches augmentera encore, dans la mesure où le Koulak continuera à grouper autour de lui les payasans moyens et une partie des paysans pauvres. En outre, les méthodes bureaucratiques de rationalisation, à l’aide de pressions administratives, de « listes noires » et de manigances à la Larin peuvent créer une telle rupture de la classe ouvrière avec le Parti, un tel revers politique, qu’il sera impossible de compenser par les meilleures réalisations de l’industrialisation. Les dirigeants du parti s’attendent à subvenir aux besoins des groupes de pauvres du village, mais ces derniers ne sont qu’une fiction. « Il n’ya presque pas de travail effectué parmi les groupes de pauvres », écrit l’un des membres du collège du Commissariat à l’agriculture de Latzis. (Pravda, 23 décembre 1928) Un autre fait : il y a 15 000 coopératives en Sibérie et seulement 266 groupes de pauvres organisés (chiffres de Komarov, membre du comité de territoire).

Les centristes craignent les ouvriers et les paysans pauvres

En ce qui concerne la classe ouvrière ainsi que les paysans pauvres, le centrisme poursuit son ancienne politique de peur et de manque de confiance en soi, caractéristique du bureaucratisme en général. Le centrisme craint la participation réelle des masses laborieuses à la construction socialiste. Bien sûr, il voudrait s’appuyer sur eux, mais aux conditions voulant que les masses ne s’occupent pas de la "politique", c’est-à-dire ne jugent pas et, en plus, critiquent la "ligne générale". Le centrisme tue l’initiative même des masses. Si le centrisme devait autoriser les unions de paysans pauvres, il serait placé sous un contrôle bureaucratique tel qu’il ressemblerait très rapidement à nos syndicats, à partir desquels le bureaucratisme a castré son contenu de classe révolutionnaire. L’industrialisation et la lutte contre le capitalisme agraire, dirigée par l’appareil en partie usé, qui a perdu son enthousiasme révolutionnaire et se décompose dans nombre de ses liens, seront constamment menacées de rupture.

Le régime du parti

L’opposition des années 1923-1924 prévoyait les torts considérables que la perversion du régime du Parti causait à la dictature prolétarienne. Les événements ont complètement justifié le pronostic : l’ennemi est entré par la fenêtre bureaucratique.

Maintenant plus que jamais, il faut le dire haut et fort : un régime de parti démocratique correct est la pierre de touche du cours actuel de la gauche.

Certains révolutionnaires convaincus sont même d’avis qu’une « ligne juste » dans le domaine de l’économie doit « créer par elle-même un régime du Parti correct ». Ce point de vue, sous prétexte de dialectique, est unilatéral et anti-dialectique, car il ignore le fait que, dans le processus historique, les causes et les effets changent de place à plusieurs reprises. Une mauvaise ligne politique augmentera un mauvais régime et un mauvais régime défigurera encore plus la ligne politique.

Sous Lénine, il y avait une ligne correcte. Mais c’est précisément Lénine qui a souligné que l’appareil, avec ses méthodes anti-prolétariennes, transforme une ligne correcte en son contraire.

« La machine ne va pas où nous la guidons, mais là où certains spéculateurs dérivés ou hommes d’affaires capitalistes privés, illégaux ou sans foi ni loi, le guident. Une machine ne voyage pas toujours exactement comme elle le fait, et souvent elle ne se déplace pas exactement comme elle le fait, l’homme imagine qui est assis au volant. "

C’est ainsi que Lénine s’est exprimé lors du congrès du parti où il est apparu pour la dernière fois. Ce que Lénine signait à l’époque - comme preuve de l’influence de la bourgeoisie sur l’appareil, s’est développé grâce à la politique du sommet centriste. En sélectionnant des personnes non pas en fonction de leurs capacités, de leur expérience et de leur honnêteté éprouvée, mais exclusivement en fonction du principe d’adaptabilité, les centristes ont conféré à ce bouquet somptueux les adeptes de la chanson dont les noms portent le nom de nos grandes villes : Smolensk, Bakou, etc. Le centrisme n’a pas créé le bureaucratisme. Il en a hérité avec les autres particularités générales, culturelles et autres - avec les conditions de notre pays. Mais au lieu de lutter contre le bureaucratisme, le centrisme l’a développé en un système de gouvernement, l’a reporté. Staline et l’appareil centriste introduisent dans le parti quelques appareils de l’appareil soviétique et donnent à ce dernier des formes et des dimensions inouïes, indéfendables, compte tenu du rôle de leadership politique que le parti doit assumer.

La bureaucratie stalinienne

En plus de cela, la direction du centre a élevé aux dogmes communistes (les « principes d’organisation du léninisme ») les méthodes de commandement et de contrainte, les affinant à un degré rarement connu dans l’histoire de la virtuosité bureaucratique. Avec l’aide de ces méthodes démoralisantes, transformant des machines en des communistes pensants, en tuant la volonté, le caractère et la dignité humaine - le sommet centriste a réussi à devenir une oligarchie irremplaçable et inviolable, remplaçant le parti et la classe.

Les capitulards n’aiment plus parler du régime du parti et de la bureaucratie du parti. Cela leur semble maintenant naturel, comme si cela faisait partie de la dictature prolétarienne. À partir du moment où les capitulards ont décidé de se faire une place sous notre soleil bureaucratique soviétique, le régime stalinien est devenu pour eux le plus beau ou le meilleur ; un régime démocratique, un régime ouvrier et un régime du parti communiste. Radek est devenu un apologiste particulièrement cynique du régime bureaucratique. Il menace facilement ses anciens camarades de l’article 58 ; dans sa déclaration du 13 juillet, il tente de défendre les méthodes de la direction, qui ont servi à décomposer l’appareil dans le pays et ont porté atteinte à la dictature en dehors du pays. Ceux qui parlent de démocratie de parti (il est évident que Lénine doit être inclus) ne sont que des libéraux vulgaires, luttant pour la liberté dans l’abstrait ! En attendant, la lutte contre l’ennemi de classe, qui se régénère et devient plus laide, sera également gênée à l’avenir par le mauvais régime du Parti, qui est extrêmement anormal.

Les anciennes méthodes sont déjà condamnées, elles se sont effondrées avec un crash. C’est ce que le haut responsable du centre reconnaît, mais comme toujours, il essaie de se débarrasser de ses responsabilités, de jeter de la poussière dans les yeux, de tromper les masses, à l’insatisfaction justifiée de qui il vient, et de lancer quelques boucs émissaires. Il essaie de tromper les masses avec une soi-disant autocritique. Chacun est autorisé à se critiquer, mais ceux qui sont principalement responsables et coupables non seulement ne se critiquent pas eux-mêmes, mais ne permettent même pas au parti de les critiquer. Ils sont doués de l’attribut divin d’infaillibilité.

Quel chemin ?

Cependant, ils ne peuvent dissimuler les conditions au parti et à la classe ouvrière. La question est posée de manière marginale et il est nécessaire de donner une réponse. Cela doit être fait sans délai. Avant que le parti ne soit deux voies - soit il sera capable de donner à la dictature prolétarienne une organisation dirigeante basée sur la confiance et dont Lénine a parlé, qui serait capable d’établir une démocratie ouvrière et de contenir un appareil indiscipliné et obstiné - ses abus et la mauvaise gestion, dont l’incapacité coûte des centaines de millions de roubles, en plus du tort moral considérable qu’elle cause à la dictature prolétarienne. Soit le parti sera suffisamment mûr pour faire tout cela, soit il l’aidera - contre sa volonté et pour le plus grand tort à lui-même, à la révolution et au communisme - l’ennemi de classe qui envahira ainsi notre forteresse soviétique sous le drapeau de une fausse démocratie hypocrite, vile et bourgeoise afin de paver ensuite la voie à un fascisme débridé. Ou l’un ou l’autre, il n’y a pas d’autre issue. »

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