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Travailleurs d’Inde : construire nos comités de base

mardi 6 juillet 2021, par Robert Paris

Article de WSWS :

Des travailleurs en Inde discutent de la nécessité de créer des comités de base pour lutter contre les patrons de l’automobile

Inspirés par la lutte que mènent aux États-Unis les grévistes de l’usine de camions Volvo à Dublin, en Virginie, contre le constructeur automobile transnational et le syndicat UAW pro-patronat, plusieurs travailleurs indiens de l’automobile ont parlé aux reporters du World Socialist Web Site de la nécessité de construire des comités de la base, indépendants des syndicats pro-capitalistes, pour faire valoir leurs intérêts de classe.

Le récent reportage du WSWS sur le travailleur martyr de Maruti Suzuki, Jiyalal, a également figuré dans les discussions. Il en va de même pour la campagne de libérer les onze travailleurs survivants de l’usine de montage de voitures Maruti Suzuki de Manesar, emprisonnés à vie sur la base d’accusations de meurtre fabriquées de toute pièce, suite à leur opposition à un régime de travail brutal et à leur statut précaire d’intérimaires.

Les reporters du WSWS ont transmis aux travailleurs le contenu de la lettre ouverte du 14 juin que le Comité de la base des travailleurs Volvo (VWRFC) a envoyée à l’UAW, intitulée, « Quelle est votre stratégie pour l’emporter ? » Ceux-ci ont ensuite utilisé Google Translate pour traduire la lettre en tamoul. La lettre avance une série de revendications basées sur les choses dont les travailleurs ont réellement besoin, et non sur ce que l’entreprise prétend pouvoir se permettre ; elle insiste sur le fait qu’un combat pour élargir la lutte des travailleurs de Volvo et assurer ainsi la victoire est essentiel.

« Nous exigeons que des limites soient fixées, que cette grève se traduise par une victoire claire pour les travailleurs », indique la lettre du VWRFC. « S’ils sont informés de notre lutte, les travailleurs de tout le pays et même du monde entier comprendront que c’est dans l’intérêt de tous les travailleurs. Ils comprendront qu’il s’agit d’une grève non seulement pour nous, mais pour l’avenir. Une lutte réussie ici chez Volvo renforcera chaque travailleur de l’automobile, et en fait toute la classe ouvrière.

« Si vous n’êtes pas prêt à mener un tel combat, alors dégagez. La base élira son propre comité de négociation et de grève qui est prêt à mener la lutte qui est nécessaire. »

Les travailleurs indiens ont exprimé leur appréciation envers la lutte menée par le VWRFC pour faire avancer les intérêts indépendants des travailleurs de Volvo contre l’UAW corrompu. Ils se sentaient politiquement clarifiés sur le but d’un comité de la base et comprenaient pourquoi le VWRFC insistait pour dire que les travailleurs étaient dans une guerre sur deux fronts. Un premier front constitué par la multinationale géante Volvo qui parcourt le monde pour maximiser ses profits, un second constitué par l’UAW qui fonctionne comme un partenaire subalterne de la direction de Volvo et agit pour imposer les abandons que l’entreprise exige de la part des travailleurs.

Ces travailleurs ont également déclaré que le développement de liens internationaux entre les travailleurs, comme demandé par l’Alliance ouvrière internationale des comités de base récemment créée, avait beaucoup de sens étant donné que les travailleurs de l’automobile de chaque pays étaient confrontés aux mêmes sociétés transnationales.

Parmi les travailleurs qui se sont entretenus avec les reporters du WSWS il y en avait plusieurs de la société Renault-Nissan et de la société productrice de motos Royal Enfield dans l’État du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, et un salarié intérimaire de 26 ans de Maruti Suzuki.

Environ 5 000 travailleurs de Renault Nissan ont récemment contraint la direction à suspendre ses activités pendant cinq jours en raison de conditions de travail dangereuses au milieu de la pandémie de COVID-19. Au moins six de leurs collègues sont morts et des centaines d’autres ont été infectés. Dans l’usine automobile voisine de Hyundai, 12 travailleurs sont morts et des centaines ont été infectés.

Le DMK, le parti régional récemment arrivé au pouvoir au Tamil Nadu dans le cadre d’une alliance électorale avec les deux principaux partis staliniens, le CPM et le CPI, a poursuivi les politiques désastreuses en matière de pandémie du gouvernement national du Premier ministre Narendra Modi et de son Bharatiya Janata Party (BJP), mettant en péril la santé et la vie des travailleurs de l’automobile.

Avec le soutien des tribunaux, le Tamil Nadu et tous les autres gouvernements des États ont ordonné aux sociétés d’exportation et aux « industries de transformation continue », qui comprennent la production automobile non essentielle, de continuer à fonctionner. Ceci malgré de nombreuses épidémies majeures de COVID-19 dans des usines à travers l’Inde.

Les travailleurs de Renault-Nissan ont montré à nos reporters une lettre en tamoul envoyée par l’entreprise à la direction du syndicat local, Renault Nissan India Thozhillar Sangam (RNITS), qui déclarait sans ambages que l’entreprise ne pouvait pas mettre en œuvre dans l’usine même les mesures de distanciation sociale minimale prescrites par le gouvernement. La direction syndicale a caché cette information aux travailleurs.

En plus des conditions de travail dangereuses, les travailleurs se sont plaints des bas salaires et de l’absence d’augmentations au cours des 3 dernières années. Ils ont également dénoncé l’attitude de plus en plus bureaucratique du RNITS envers la base. Le RNITS est affilié à la Fédération unie du travail (ULF).

On peut lire ci-dessous les sentiments et commentaires exprimés par les travailleurs indiens de l’automobile aux reporters du WSWS. Les noms sont modifiés pour les protéger des représailles de la part des entreprises.

Les travailleurs de Renault-Nissan ont déclaré : « Nous soutenons totalement la campagne visant à libérer les 11 autres travailleurs de Maruti Suzuki victimes d’un coup monté. Dans notre entreprise, au moins 6 travailleurs sont décédés et plus de 1 000 travailleurs ont été testés positifs en raison de conditions de travail dangereuses. Notre syndicat, la Fédération unie du travail (ULF), n’a ni parlé de la mort de Jiyaalal, ni de la nécessité de libérer les 13 travailleurs persécutés de Maruti Suzuki.

« Quand vous avez résumé les leçons politiques des trahisons des grèves de travailleurs de l’automobile par les syndicats de la zone industrielle de Sriperumbudur- Oragadam (connue comme le ‘Detroit de l’Inde’) nous avons compris que ce sont les syndicats tels que le CITU, l’AICCTU et le LTUC au Tamil Nadu et aussi notre propre syndicat, la Fédération unie du travail (ULF), qui ont systématiquement travaillé à isoler ces luttes. Il est nécessaire de mobiliser largement les travailleurs pour combattre les grandes entreprises et aussi ces bureaucraties syndicales.

« Vous avez clarifié nos doutes sur les relations entre les syndicats et les comités de la base. Vous avez cité l’exemple des travailleurs de Volvo et aussi des enseignants aux États-Unis. Nous comprenons maintenant que les comités de base ont une stratégie socialiste internationale où les discussions sont menées par les travailleurs de manière démocratique. Nous avons compris que nous avons le droit démocratique fondamental de former des comités de la base et ces comités briseront l’isolement des travailleurs. Nous devons nous unir à l’échelle mondiale pour lutter contre ces entreprises transnationales.

« Bien que tous nos collègues de travail n’aient pas encore complètement accepté votre point de vue, ils sont néanmoins impatients de connaître l’analyse du WSWS. Nous partagerons et discuterons vos articles avec nos collègues et serons en contact avec vous. »

Sridharan, qui est intérimaire et opérateur de machine à la société Royal Enfield dans le Tamil Nadu, a déclaré : « Je soutiens totalement la campagne de défense pour libérer les 11 travailleurs de Maruti Suzuki qui sont toujours persécutés. J’ai commencé à lire de la littérature marxiste pendant mes années d’université. Pourtant, je n’ai adhéré à aucun des mouvements de gauche. J’ai été menacé à plusieurs reprises par des cadres fascistes hindous pour les avoir critiqués avec ma vision de gauche. Plus tard, j’ai intégré la société TVS Sundaram à Hosur, Karnataka, où j’ai été choqué par la surexploitation et les conditions d’esclavage qui y régnaient.

« Alors, j’ai commencé à lire davantage sur la classe ouvrière et l’exploitation expliquée par le marxisme. Par la suite, j’ai intégré la société de motos Royal Enfield. La situation ici était encore pire. A cette époque, voyant mes commentaires de gauche en ligne, de nombreux cadres de divers mouvements de gauche m’ont contacté pour rejoindre leurs mouvements. Mais je n’ai pas été convaincu par leurs arguments. Maintenant, pour la première fois, je suis vraiment attiré par votre argument que ce qu’il faut vraiment c’est une stratégie internationaliste et ‘l’unité internationale de la classe ouvrière’. Je sens que j’apprends beaucoup de vous.

« Bien que notre syndicat WPTUC (Conseil syndical des travailleurs, dirigé par un certain Kuchelar, un responsable syndical pro-stalinien) ait initialement soulevé les conditions des travailleurs intérimaires pendant la grève de 2018, ils n’ont jamais mobilisé les 4 000 travailleurs intérimaires sur les 5 000 au total des effectifs de notre usine d’Enfield. Plus tard, le syndicat a abandonné ces revendications et a complètement cessé de parler des travailleurs intérimaires.

« Pendant la deuxième vague (de la pandémie) et le confinement qui a suivi, de nombreux travailleurs ayant quitté la ville pour sauver leur vie, n’ont pas pu revenir lorsque l’usine a été rouverte à la hâte. Au moins 100 travailleurs intérimaires ont été immédiatement licenciés sans préavis. De nombreux intérimaires sont fâchés et n’aiment pas non plus les soi-disant contrôles de sécurité. Ils vérifient nos chaussures, nos poches intérieures, etc. et même les sacs et sacs à main des travailleuses. Tout cela au nom de la sécurité.

« Je suis tout à fait d’accord pour dire que ces syndicats s’adaptent aux politiques de division réactionnaires de la direction et des gouvernements capitalistes. Ils n’uniront pas les travailleurs permanents et les intérimaires, et se battront encore moins pour nous unir avec nos homologues dans le monde.

« Je soutiens pleinement l’Alliance ouvrière internationale des comités de base proposée par votre mouvement et la politique bolchevique d’unification de la classe ouvrière internationale pour une future société socialiste. »

Fin 2018, des milliers de travailleurs de Yamaha, MSI et Royal Enfield déclenchèrent une grève au Tamil Nadu. Murugesan, qui a joué un rôle de premier plan dans la grève de Royal Enfield, fut victime de représailles et il parle des leçons qu’il a tirées de ses expériences :

« J’ai travaillé dans l’usine d’assemblage Royal Enfield à Oragadam jusqu’en 2019. J’ai été victime de représailles et transféré dans une salle d’exposition du Gujarat située à 1 500 kilomètres (plus de 900 miles) de chez moi. C’était une punition pour avoir participé aux luttes en 2018 chez Yamaha, Royal Enfield, MSI. Avec moi, 150 de mes collègues qui menaient également la lutte ont été soit transférés, soit licenciés. Notre syndicat, WPTUC, n’a pas pu obtenir ma réintégration à Oragadam où ma famille réside toujours. J’ai perdu confiance dans les luttes juridiques et syndicales, qui semblent à présent bidon. Les décisions prises par les bureaucrates syndicaux sont tenues secrètes et ne sont pas expliquées ouvertement aux travailleurs.

« Je peux comprendre les grandes difficultés rencontrées par les 13 travailleurs victimes de Maruti Suzuki. J’ai été contraint de signer un « accord de bonne conduite » par la direction. Ils m’ont pris pour cible pour mon militantisme et parce que je me souciais de mes collègues. Je soutiens la campagne pour la libération des 11 travailleurs restants de Maruti Suzuki. Leur persécution est une leçon vitale pour tous les travailleurs. Nous devons mobiliser la classe ouvrière au niveau international. Veuillez partager vos articles avec moi car j’aimerais en savoir plus sur l’Alliance ouvrière internationale des comités de base. »

Manuj, intérimaire de 26 ans, victime de la politique de Maruti Suzuki consistant à licencier les intérimaires à tout moment, a parlé au WSWS. Il est originaire de Sikar, une ville située à environ 280 kilomètres de la capitale indienne, Delhi. Il a déménagé dans la ceinture industrielle Gurgaon-Manesar à la périphérie de Delhi où se trouve l’usine de Maruti Suzuki pour améliorer ses conditions de vie. Il est maintenant sans emploi et vit avec sa famille et un petit enfant. Il connaît de grandes difficultés financières et il devient difficile de s’occuper de sa famille.

« Je travaillais comme intérimaire à l’usine d’assemblage de Maruti Suzuki à Manesar, mais j’ai été soudainement licencié de mon travail en février 2021. Cela était dû à l’impact du COVID-19 et aux confinements qui ont suivi. Même maintenant, 470 voitures sont fabriquées en 8 heures. Seulement 7 minutes sont accordées pour la pause thé et seulement 20 minutes pour le déjeuner, ce qui signifie que nous sommes toujours dans les mêmes conditions d’esclavage contre lesquelles le Syndicat des travailleurs de Maruti Suzuki (MSWU) s’est battu lors de sa formation en 2011-2012. Maintenant, le MSWU ne se bat pas pour nous.

« Votre idée de comités de la base est vraiment bonne et pour moi elle est également nouvelle. Je lirai vos articles et soutiendrai également votre campagne pour la libération des 11 travailleurs de Maruti Suzuki emprisonnés à vie. »

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