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Les inondations en Europe et la faillite du capitalisme

mercredi 21 juillet 2021, par Robert Paris

Les inondations en Europe et la faillite du capitalisme

Mesurées au nombre des morts, les inondations actuelles en Allemagne constituent la pire catastrophe due aux inondations depuis la tempête sur les côtes de la mer du Nord en 1962. Officiellement, plus de 180 personnes sont mortes jusqu’à présent, dont au moins 156 en Allemagne et 31 en Belgique. Des milliers de personnes sont toujours portées disparues.

Partout dans le monde, les gens sont horrifiés par les ravages causés par ces inondations. Des vidéos de drones et des images avant-après révèlent l’étendue des ravages. Les inondations ont eu un impact particulièrement horrible dans la région de l’Eifel. Les villages le long de rivières d’habitude petites comme l’Ahr, l’Erft et la Rur, ainsi que leurs affluents, ont été en grande partie détruits.

Des routes entières ont été sapées par l’eau et emportées par les flots. Des chemins, des tronçons de voies ferrées et des ponts ont été rendus impraticables, certains détruits. Des centaines de milliers de personnes ont été privées d’électricité après l’inondation de plusieurs centres de distribution. Dans certaines régions, les réseaux de téléphonie mobile et l’approvisionnement en eau potable se sont effondrés.

La conséquence la plus dramatique des inondations, cependant, est le nombre des morts, qui continue d’augmenter.

Dans le seul arrondissement d’Ahrweiler, il y a eu 110 morts dont au moins 28 dans la commune de Schuld (660 habitants) et la petite ville de Sinzig (17 642 habitants). Il est difficile de trouver les mots pour décrire le destin des individus. Les gens ont perdu leurs parents, leurs frères, leurs sœurs et leurs enfants. Parmi les morts à Sinzig figuraient 12 résidents d’un foyer pour personnes handicapées, qui n’a pas été évacué à temps.

Des scènes tout aussi dramatiques menacent maintenant de se répéter dans certaines parties de la Bavière, de la Saxe et de l’Autriche. Depuis samedi soir, les fortes pluies se sont déplacées vers le sud-est, faisant monter les eaux du Danube, de l’Isar, de l’Inn et des affluents de l’Elbe. En Bavière, les centres-villes de Passau et Berchtesgaden ont été inondés, et en Saxe, des villages comme Bad Schandau et Krippen ont subi le même sort.

La catastrophe entraînée par les inondations révèle sous bien des rapports la faillite du capitalisme et de ses représentants politiques.

Premièrement, elle est le produit direct de la crise climatique produite par le système de profit capitaliste, qui conduit à des événements météorologiques de plus en plus extrêmes. « Il y a déjà plus de trente ans, les modèles climatiques prédisaient que les précipitations extrêmes se produiraient plus souvent, tandis que les jours de pluie légère seraient moins fréquents », a commenté Stefan Rahnstorf, professeur à l’Institut de recherche de Potsdam sur les conséquences du changement climatique. Pour chaque degré de réchauffement, « l’air [peut] absorber 7 % de vapeur d’eau en plus, puis la faire tomber en pluie ».

Les conséquences du changement climatique alimentent des événements tels que les inondations catastrophiques actuelles et menacent finalement la survie même de la planète et de toute l’humanité. On s’attend à ces conséquences depuis longtemps. Mais la classe dirigeante n’est ni capable ni disposée à adopter des mesures sérieuses de protection climatique, car cela saperait ses intérêts économiques et géostratégiques. Les accords et traités fréquents sur le changement climatique ne valent pas le papier sur lequel ils sont écrits.

Deuxièmement, les effets mortels du changement climatique sont le résultat de décennies de sous-financement et de coupes budgétaires dans les infrastructures, notamment les barrières contre les inondations, un système d’alerte précoce fonctionnel et un système de prévention des catastrophes. Des experts internationaux ont souligné que le nombre élevé de morts est directement lié aux insuffisances dans ces domaines.

« En 2021, nous ne devrions pas connaître ce nombre de décès dus aux inondations. C’est tout simplement inacceptable », a déclaré Hannah Cloke, professeur d’hydrologie à l’Université de Reading au Royaume-Uni.

La professeure a parlé à la chaîne de télévision ZDF des problèmes liés aux systèmes d’alerte précoce. « Déjà, plusieurs jours à l’avance, il était possible de voir ce qui se préparait », a-t-elle déclaré. Toutes les alertes nécessaires ont été émises par les services météorologiques », a commenté Cloke, qui a participé à la construction du système européen d’alerte aux inondations EFAS. « Mais cette chaîne d’avertissements s’est rompue quelque part de sorte qu’ils ne sont jamais parvenus jusqu’aux gens ».

Cette analyse est confirmée par les témoignages de victimes des inondations relatés au WSWS. Un habitant d’Ahrweiler a expliqué que lui et sa famille n’avaient été avertis des inondations dans la zone que deux heures avant. Les sacs de sable qu’on leur avait donné alors n’étaient pas remplis. En raison de la masse d’eau qui approchait, la famille n’avait plus eu le temps de trouver du sable. En peu de temps, la cave et la partie inférieure de la maison ont été totalement inondées.

C’est « incroyablement frustrant », a poursuivi Cloke. En Allemagne, il y avait eu des manquements à tous les niveaux, a-t-elle déclaré. Premièrement, il n’y avait « pas d’approche nationale centralisée des risques d’inondation », même si « des plans d’inondation différents pour divers scénarios » étaient nécessaires. Deuxièmement, « les collectivités locales n’[avaient] souvent pas les ressources nécessaires pour se préparer de manière appropriée ».

En fait, de nombreuses communes sont en faillite en raison du frein à l’endettement inscrit dans la constitution allemande. Ces dernières années, des coupes sombres ont été effectuées dans les budgets de protection contre les catastrophes. Cela vaut pour la construction d’hôpitaux de crise, pour la formation et l’équipement de dizaines de milliers de volontaires de la protection civile et pour le maintien de stocks nationaux d’équipements et de fournitures médicales. Le réseau de sirènes d’alerte a lui aussi été en grande partie démantelé.

L’Office fédéral de la protection de la population et de l’aide en cas de catastrophe, qui fait partie du ministère fédéral de l’Intérieur, ne compte que 344 employés et un minable budget annuel de moins de 250 millions d’euros.

Les dépenses nécessaires pour la protection contre les inondations n’ont pas été allouées. « La mise en œuvre des mesures liées aux inondations » avait été « restreinte en raison d’un manque de ressources financières allouées », note un rapport de l’Agence comptable européenne de 2018 sur la mise en œuvre des directives européennes contre les inondations. Les États membres ne sont souvent « pas en mesure » de « calculer l’impact du changement climatique sur l’étendue, la fréquence et la zone d’apparition des inondations ».

Les mêmes politiciens qui vont à présent dans les zones sinistrées pour y verser des larmes de crocodile et y répéter à l’infini la promesse d’« une aide d’urgence rapide et non bureaucratique » sont responsables de cette situation. Au cours des dernières années, ils ont fourni aux banques et aux entreprises des centaines de milliards d’euros sans aucune condition et ont augmenté à maintes reprises les dépenses militaires. Dans le même temps, ils ont coupé massivement les dépenses budgétaires et ont plongé des millions de travailleurs et leurs familles dans la pauvreté.

La classe dirigeante a exploité la pandémie pour intensifier sa politique de redistribution des richesses du bas vers le haut. Dans le cadre du plan de sauvetage d’urgence du coronavirus, tous les partis ont soutenu au parlement l’injection de milliards d’euros dans les grandes entreprises et les banques. Tous les partis au gouvernement laissent le virus se propager afin de garantir les profits de l’oligarchie financière, rejetant toute mesure scientifique pour protéger la population. Le résultat en est plus de 4 millions de morts dans le monde, dont plus d’un million en Europe et plus de 91 000 en Allemagne.

La même indifférence à la vie humaine et au bien-être de la population se répète dans la catastrophe actuelle des inondations. Les plaisanteries et les rires du ministre-président de Rhénanie du Nord-Westphalie et candidat chrétien-démocrate à la chancellerie, Armin Laschet, capturés sur vidéo dans l’une des zones sinistrées, ne sont que les exemples les plus écoeurants de cela.

Après le choc initial, les travailleurs et les jeunes commenceront à tirer de ces expériences d’importantes leçons.

La lutte contre le changement climatique, comme celle contre la pandémie et le danger du fascisme et de la guerre, est une question politique, celle de la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière contre le capitalisme. La population ouvrière du monde entier porte le principal fardeau des conséquences du réchauffement climatique. En même temps, elle est poussée dans la lutte et se caractérise objectivement toujours plus comme une classe internationale dont les intérêts élémentaires sont inconciliables avec la propriété privée capitaliste des moyens de production.

« Aucun problème social ne peut être résolu sans exproprier les banques et les grandes entreprises et sans les placer sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière », indique la déclaration électorale du Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste allemand). « Leurs profits et leurs richesses doivent être confisqués et les milliards qu’ils ont reçus l’année dernière, repris. L’économie mondiale doit être réorganisée sur la base d’un plan scientifique et rationnel. »

C’est la leçon décisive de ces derniers jours. Seule la réorganisation socialiste de la société peut assurer la victoire de la lutte contre le changement climatique et un avenir sûr et juste pour tous.

Johannes Stern

WSWS

Messages

  • Des inondations tout aussi catastrophiques en Chine : des soldats sont mobilisés pour soit disant renforcer des digues à coup de pelle...elle est belle l’histoire pour un régime qui racontait aux médias construire des hopitaux en 10 jrs. Les soldats sont surtout "utiles" pour l’Etat Chinois en cas de débordement d’un autre fleuve ..celui de la colère des exploités !

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