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Révolution ouvrière (1978) et contre révolution Khomeyniste (1979) en Iran : comment la gauche réformiste a ouvert la voie au fascisme (3)

samedi 3 décembre 2022, par Alex

La brochure reproduite ci-dessous est le bilan tiré par des révolutionnaires, peu après les événements, de l’occasion manquée que fut la révolution de 1978 en Iran.

Cette partie (3) est la suite et fin des parties (1)
et (2)

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TROISIEME PARTIE : TACHES ET PERSPECTIVES

1. POUR LE RENVERSEMENT DU REGIME DE KHOMEINI

a- La consolidation du pouvoir clérical de Khomeini a correspondu à la défaite du mouvement révolutionnaire de masse. Il n’existe absolument aucune possibilité de relance de la révolution iranienne en dehors du renversement de ce régime. La direction de Khomeini à mesure qu’elle a établi le pouvoir de la contre-révolution et reconstruit l’Etat bour­geois, s’est complètement isolée. Tout ce qui reste de la révolution islamique aujourd’hui n’est qu’une dictature répressive et brutale haïe de l’immense majorité des ouvriers et paysans pauvres iraniens. La revendication politique centrale pour la grande majorité d’entre eux est le renversement du régime de Khomeini.

Cependant l’équilibre des forces actuel est extrêmement défavorable à la mise immédiate à l’ordre du jour de cette perspective. Il est clair qu’une période de travail de préparation politique et organisationnelle est nécessaire.

Cette préparation doit s’articuler autour des principales revendications non-satisfaites de la révolution iranienne qui, malgré sa défaite actu­elle, reste vive dans la mémoire des masses. La revendication d’une assemblée constituante démocrati­quement élue, exprimant la volonté des masses et basée sur leur auto-organisation, reste une revendica­tion centrale capable d’unifier la vaste majorité des masses laborieuses et opprimées dans l’action révolutionnaire. Elle doit être liée à la lutte pour la renaissance du mouvement des shoras qui incorpore l’expérience la plus immédiate des masses. Tous les gains de la révolution ont été engrangés par ce mouvement et perdus avec sa défaite.

La lutte contre la campagne belliciste réactionnaire de Khomeini et la revendication de la fin immédiate de la guerre avec l’Irak est une question clef de la situation politique actuelle qui traduit les intérêts de la vaste majorité des ouvriers et des paysans de l’Iran.

Ces revendications doivent également être liées à une série de mesures démocratiques, économiques et sociales spécifiques qui indiquent les tâches que la future assemblée constituante devra mettre à son ordre du jour. Parmi celles-ci, la revendication du droit des nationalités opprimées à l’autodétermination (et à des assemblées constituantes nationales),
l’égalité pleine et entière des droits des femmes, le contrôle ouvrier et paysan sur la production et la distribution et un plan de solution à la crise actuelle.

Ces revendications et la lutte pour ce programme peuvent fournir les moyens de rassembler dans un mouvement unifié tous les secteurs des masses, mouvement qui entreprendrait
la nécessaire pour le renversement du régime de Khomeini

b- Le régime de Khomeini, en réprimant la révolution et en réétablissant le pouvoir de l’Etat bourgeois répressif a créé les conditions nécessaires au retour au pouvoir bourgeois "normal". La contre-révolution islamique est en train de se transformer rapidement en campagne ouvertement capitaliste pour la stabilisation. Il en découle une situa­tion ou le pouvoir clérical de la fraction Khomeini est en train de devenir de plus en plus inacceptable pour la bourgeoisie. La direction de Khomeini a rendu un service historique à la bourgeoisie et à ses maîtres impérialistes. S’étant acquittée de cette tâche, elle est maintenant priée de se retirer et de laisser la voie libre au gouvernement direct de la bourgeoisie.

L’énormité de la crise économique, les ravages de la guerre, le chômage massif, l’effondrement de l’industrie et de l’agriculture iranienne, accompa­gnés de l’extrême impopularité du régime actuel, créent une atmosphère de plus en plus susceptible de mener au passage à une république bourgeoise ou même à un retour de la monarchie. Chaque jour du pouvoir de Khomeini rend la monarchie iranienne plus populaire.

Cependant, cette transformation avance de façon, contradictoire et parsemée de crises. Le pouvoir du clergé est fondamentalement incompatible avec le fonctionnement normal de l’Etat bourgeois. La bourgeoisie ne l’a accepté que comme mesure transi­toire et temporaire. Tandis que la fraction Khomeini du clergé n’est pas disposée à abandonner le pouvoir qu’elle a conquis si aisément. C’est dans ce contexte qu’il faut appréhender l’instabilité actuelle du régime islamique.

La résistance du clergé aux oppositions monarchiste et républicaine bourgeoise, de l’intérieur comme de l’extérieur, ne doit nullement être interpré­tée comme l’effet des pressions de la révolution iranienne. Elle représente simplement les tentatives du clergé de s’agripper au pouvoir aussi longtemps que possible.

Il ne faut pas concevoir le régime de Khomeini comme un régime bourgeois normal qui comprend clairement les besoins de la classe qu’il représente. Dans le meilleur des cas, c’est un instrument extrême­ment arriéré de la bourgeoisie dont celle-ci doit maintenant se débarasser. Par la force, si nécessaire. Les révolutionnaires ne doivent en aucune manière relâcher leur détermination de se battre pour le renversement de ce régime parce que des forces bour­geoises s’y opposent aussi. De fait, chaque jour du pouvoir de ce régime islamique barbare qui passe, rend plus populaire le pouvoir normal de la bour­geoisie. La stabilité du pouvoir bourgeois normal qui succédera éventuellement à Khomeini dépendra directement des luttes que les masses mènent au­jourd’hui pour le renversement de la république islamique. Si les masses ne s’organisent pas au­jourd’hui pour accomplir cette tâche, la bourgeoisie finira par établir un régime encore plus stable sur les ruines de la révolution iranienne.

2. RECONSTRUIRE LES ORGANISATIONS OUVRIERES

a- S’inspirant des traditions de combat et d’organisation de la classe ouvrière iranienne, les révolutionnaires doivent axer leurs efforts sur la stimulation de tous les facteurs favorables à la réorganisation du mouvement ouvrier.

L’expérience de la révolution iranienne et le rôle de la grève générale dans le soulèvement révolutionnaire des masses ont déjà montré, sans conteste, la place économique et sociale centrale du prolétariat iranien.
La démonstration a été faite que la croissance du capitalisme au cours des dernières décennies a placé la classe ouvrière iranienne à la tête de tous les changements révolutionnaires en Iran. L’élément qui peut amener un rapport de force favorable face au régime islamique aujourd’hui
réside dans l’organisation de la classe ouvrière. Si celle-ci lançait sa force organisée dans les
luttes de la vaste majorité de la population contre Khomeini, rien n’empêcherait une renaissance de la situation révolutionnaire. En tous cas, c’est le seul moyen de mettre un terme aux rêves de retour au "bon vieux temps" caressés par la bourgeoisie.

b- malgré la répression, la possibilité pour la classe ouvrière de s’organiser et de résister à l’offensive capitaliste existe effectivement. La révolution, la longue période de contrôle ouvrier et le mouvement des shoras ont imprégné la classe ouvrière iranienne d’une expérience révolutionnaire qu’il faut mettre à profit dans l’organisation de la lutte aujourd’hui. Cette expérience, acquise au travers de luttes révolutionnaires actives, a dégagé toute une couche de militants ouvriers qui, bien que décapitée par la contre-révolution islamique, n’a pas été complètement détruite. Aujourd’hui, c’est à cette couche principalement qu’incombe la tâche de réorqanisation.

Et de fait, un tel mouvement existe déjà au sein de la classe ouvrière, sur la base de sa propre expérience. On assiste dans de nombreuses grandes industries à des tentatives de former des comités d’action ouvriers, clandestins, indépendants et combatifs, afin de préparer l’intervention dans les luttes quotidiennes. Dans de nombreuses usines, des cercles ou comités ouvriers clandestins existent déjà et mènent des activités. Le grand nombre de grèves organisées au cours des deux dernières années de la plus sévère répression indique le potentiel qui existe encore au sein de la classe ouvrière.

Les révolutionnaires doivent prendre appui sur ce courant et chercher à susciter, étendre et unifier le mouvement pour les comités d’usine. Cet objectif peut se réaliser dans des luttes pour des revendications immédiates et contre les nouvelles lois capitalistes privant la classe ouvrière de tous ses droits face à l’offensive capitaliste d’aug­mentation du taux d’exploitation.

Une campagne de propagande expliquant les tâches fondamentales de la révolution iranienne et les moyens de préparer la classe ouvrière a la grève générale pour des changements révolutionnaires, peut aménager le terrain en vue de la reprise de l’action de masse à plus grande échelle et fournir aux comités d’usine existants le cadre politique nécessaire à leurs activités.

c- Le principal allié du prolétariat, à savoir la paysannerie pauvre (notamment émigrée vers les villes), commence également à comprendre que la voie de la défense des acquis de la révolution passe par la lutte contre les attaques du nouveau régime. Les révolutionnaires doivent prendre note
de la nouvelle attitude de ces couches, attitude favorisant la reconstruction et la renaissance de leurs propres organisations indépendantes (notamment les shoras paysannes et les comités de quartier). La vague montante des luttes contre le retour des grands zamindarans fournit une base nouvelle à la réorganisation des paysans pauvres. De même l’aggravation du problème du logement fournit une impulsion à la réorganisation des pauvres urbains en comités de quartier.

La reconstruction des organisations de tous les opprimés (paysans pauvres, soldats, femmes, jeunes) doit aller de pair avec les tentatives de liaison avec les comités d’usine. Les coopératives de producteurs et de consommateurs qui s’étaient développées au cours de la révolution (et qui sont devenues des instruments du système de rationnement de l’Etat) ont déjà apporté aux masses une riche expérience des moyens de tisser et de multiplier leurs liens avec d’autre couches sociales. Les luttes contre 1’émasculation des coopératives par le gouverne­ment central peuvent devenir une base pour l’unifica­tion de tous les opprimés dans une lutte commune contre le régime de Khorneini.

3. LA CONSTRUCTION DU PARTI REVOLUTIONNAIRE

a- La défaite de la révolution iranienne est particulièrement visible dans la décimation de toutes les forces de gauche. Quasiment toute la direction des organisations révolutionnaires a été ou bien physiquement détruite ou bien forcée à s’exiler. La grande majorité des cadres dirigeants les groupements opportunistes de collaboration de classe ont publiquement dénoncé le marxisme et proclamé leur soumission à "la ligne de l’imam".

Les erreurs, vacillements et franches trahisons de ces groupes ont entraîné un état de profonde démorali­sation dans l’avant-garde ouvrière et de méfiance généralisée à l’égard de la gauche. Une longue période de travail patient sera nécessaire pour reconstruire l’influence de la gauche dans le mouvement des ouvriers et des masses laborieuses en Iran.

Par contre, ces défaites ont également démontré la faillite complète du stalinisme et du populisme petit-bourgeois qui sont depuis longtemps les fléaux historiques de la gauche iranienne. C’est l’opportunisme et la collaboration de classe qui ont subi la défaite. Le socialisme révolutionnaire n’est nullement discrédité aux yeux de l’avant-garde par l’expérience de la révolution iranienne.

Pour de nombreux militants, il a désormais été démontré que seule une stratégie socialiste révolutionnaire fournit le moindre espoir de construction d’une direction authentiqueraient révolutionnaire.

Les conditions idéologiques et politiques de la construction des fondations du noyau d’un parti ouvrier révolutionnaire sont donc mûres. Des courants socialistes révolutionnaires critiques des traditions opportunistes apparaissent dans de nombreuses organisations de gauche. Les dénonciations du stalinisme et de la théorie de la révolution par étapes sont maintenant partagées par de nombreux courants en cours de développement. C’est la révolution elle-même qui a clos le débat et mis fin aux doutes sur la centralité du rôle de la classe ouvrière iranienne. Ces éléments fournissent la base pour commencer la lutte pour la construction d’un parti révolutionnaire dans la situation actuelle.

b- II est donc clair que cette lutte doit prendre pour point de départ le regroupement de tous les courants révolutionnaires en cours de développement aujourd’hui. Cela facilitera et suscitera en même temps la formation de courants semblables dans d’autres organisations. Aujourd’hui, il faut absolument une démarche non-sectaire et patiente pour faire avancer le processus de regroupement de la gauche révolutionnaire en Iran, démarche qui comprendra la discussion franche et démocratique de tous les grands problèmes de la révolution iranienne, du bilan de la gauche et des enseignements à en tirer.

Ce processus doit s’accompagner d’une lutte résolue contre l’opportunisme et la collaboration de classe et d’une défense conséquente des principes révolutionnaires sur la base desquels une stratégie authentiquement révolutionnaire peut être édifié. Toutes les forces qui se disent révolutionnaires doivent en faire la preuve pratique en balayant d’abord devant leur porte.
C’est la seule voie qui permettra à la gauche révolutionnaire de retrouver son influence dans l’avant-garde et de renouer ses liens avec le mouvement de masse.

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