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Les nombres décrivent-ils toute la réalité ? Le monde matériel est-il totalement mathématique ?
samedi 1er mars 2025, par
Les nombres décrivent-ils toute la réalité ? Le monde matériel est-il totalement mathématique ?
Il est certain que l’étude de la réalité (matérielle comme humaine et sociale) suggère l’emploi du dénombrement et des mathématiques pour classer, pour comparer, pour décrire, pour étudier l’évolution, pour interpréter, pour choisir les hypothèses et les vérifier. Cela est attesté par le fait que des civilisations, des cultures différentes et sans liaison entre elles ont employé différents moyens pour mettre sur pied un mode de dénombrement et une mathématique visant à ce but commun : décrire quantitativement la réalité.
Cependant, il convient de remarquer qu’on ne peut décrire aucun phénomène, qu’il soit naturel, humain ou social, par les seuls nombres, par les seules mathématiques. Le quantitatif est incapable de se substituer au qualitatif.
Par exemple, la démographie utilise sans cesse des statistiques mais les nombres n’y sont pas employés tous seuls. Il faut y rajouter des qualités comme : hommes, femmes, enfants, de tel ou tel pays, de telle ou telle région, de telle ou telle profession ou secteur d’activité, de telle ou telle fortune, de tel ou tel cursus scolaire, etc.
Cette remarque n’est nullement particulière à la démographie. On peut en dire tout autant en Physique, en Chimie, en Astronomie, en Géologie, en Evolution et Développement, en Biologie, en Pharmacie, en Médecine, en Climatologie, en Vulcanologie, en Psychanalyse, en Psychiatrie, etc…
Pour comparer des objets, des situations, pour décrire une évolution, pour établir une loi, il faut non seulement des quantités mais aussi des qualités et les différences entre ces qualités ne se ramènent nullement à des différences quantitatives.
Distinguer un homme et une femme ne peut pas se faire en se contentant de comparer des quantités, pas plus que pour comparer un type d’étoile et un autre ou une étoile et une planète, ou encore une planète et une autre, un électron et un proton (et il n’y a pas de différence numérique entre particules du même type), ou un noyau atomique et un autre, une molécule et une autre, une roche et une autre, un individu vivant et un autre, une ville ou un pays d’un autre, etc. On ne peut pas décrire un tableau de peintre par les seuls nombres et encore moins le riche tableau de la nature…
Pour utiliser les mathématiques en sciences, il ne faut pas seulement disposer des bons outils mathématiques (ceux adéquats à cette science, car ce ne sont pas les mêmes outils qui servent dans différentes questions de sciences et certains outils mathématiques ont même été fabriqués spécialement pour aider à résoudre telle ou telle question scientifique). Il faut encore disposer d’une théorie de cette science qui ait adopté des paramètres (ceux auxquels on va attribuer ces valeurs numériques) et disposer encore d’unités de mesure.
Une taille, un poids, une durée, une charge électrique, ces paramètres ne sont pas des nombres sans unités. Et les seules valeurs numériques pures sont des rapports entre deux paramètres du même type avec les mêmes unités. En effet, aucun objet n’a de mesure qui vaut 3 ni 5,2 ni 1,574. Les mesures sont 3 mètres, 5,2 kilos ou 1,574 km/h. Et avant d’effectuer ces mesures, il est indispensable de disposer des concepts de distance, de poids et de vitesse. Ces paramètres doivent être d’abord définis par une théorie (pas seulement par des valeurs numériques) et par des méthodes de mesure reconnues, vérifiées, étalonées, avec des méthodes techniques reconnues, la marge d’erreur étant étudiée et calculée, l’incertitude sur la valeur réelle acceptée.
Mais l’essentiel, c’est que le paramètre n’apparait pas de manière directe dans l’observation. C’est une conception théorique qui le fait naitre, et même je dirais, c’est une philosophie, c’est-à-dire une pensée abstraite, détachée de la réalité.
La réalité n’agit pas par une opération numérique (ni géométrique, ni mathématique, qu’elle soit simple ou complexe). Certes, un mouton plus un mouton, cela fait deux moutons, mais aucune opération mathématique ne fait… un mouton ! Pas plus qu’aucune opération mathématique ne fabrique un électron, une particule, un atome, une molécule, etc.
D’ailleurs, l’opération d’addition entraine souvent une surprise au bout de quelques additions… Déjà un électron plus un électron (qui restent proches), cela fait autre chose que deux électrons (ils mettent de l’énergie en commun…). Et l’addition d’un grand nombre de molécules donne tout autre chose qu’une simple somme (par exemple une planète ou une étoile ou autre chose encore).
Même l’emploi des mathématiques de telle ou telle manière (faut-il des chiffres, des nombres positifs, négatifs ou relatifs, réels ou complexes, des vecteurs, des matrices, des espaces de quel type, etc.), ce n’est pas les mathématiques elles-mêmes qui peuvent donner la réponse.
Il ne suffit pas d’observer et de calculer pour comprendre la nature et tout le monde réel, il faut une pensée humaine, il faut une philosophie, eh oui ! Il faut que cette pensée soit capable de construire des abstractions qui ne sont pas seulement mathématiques. Les concepts qu’utilise par exemple la physique sont des créations de ce type : énergie, matière, lumière, interactions, émergence de structure, interaction d’échelle, niveaux d’organisation, structuration, chaos déterministe, relativité, vide, charge, champ, etc.
Le type des concepts choisi a été le produit de longues réflexions et discussions et été l’objet de nombreux changements, de tout un processus de pensée qui reste inachevé. Dans toute cette production d’abstractions visant à décrire la réalité, le calcul mathématique ne joue qu’un tout petit rôle. Les raisonnements utilisés par les scientifiques pour y parvenir sont du domaine de la philosophie et pas de ceux du raisonnement mathématique.
Le type de logique de la science n’est pas celui des mathématiques. L’univers des concepts scientifiques n’est pas identique à un univers mathématique : pas le même type de vérité, pas le même type de vérification, pas la même logique, pas le même espace, etc.
Même lorsqu’il s’agit du type de mathématiques qu’il faut employer dans une quesiton scientifique, la réponse ne peut pas être donnée par les mathématiques qui ne peuvent pas trancher entre leurs diverses sortes d’outils. Ainsi, s’agit-il d’une mathématique avec des infinis ou pas, d’une mathématique du continu ou du discontinu, d’une mathématique de logique pure ou dialectique, etc., c’est la science en question qui peut le dire et pas les mathématiques eux-mêmes, cela provient des propréités du réel qu’il s’agit de décrire.
Quant à considérer que la nature serait purement mathématique, ne contenant donc aucun autre concept ou raisonnement humain, c’est parfaitement impossible, pas plus que de penser que la réalité serait « numérique » au sens informatique. C’est une philosophie erronée et qui ne mène qu’à une impasse. La nature n’est pas seulement le développement d’une théorie de l’information.
Lire encore :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4482
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4071
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3099
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2228
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4588
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2024
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2008
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5623
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1134
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5439
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article761
https://www.matierevolution.fr/spip.php?breve253
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2511
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1999
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4086
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6054
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2398
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6261
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5361
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1828
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5910
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4174
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2494
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4140
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3379
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article7412
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4045
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2282
https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1969_num_67_95_5502
https://ditdactique.hypotheses.org/221
https://fr.quora.com/La-physique-est-elle-une-branche-des-math%C3%A9matiques
Des thèses différentes des nôtres :
Pythagore et ses disciples pensaient que le secret du monde tenait en quelques mots : « Toute chose est nombre. » Aujourd’hui, la science est parfois tentée de reprendre l’idée pythagoricienne en l’étendant sous la forme « Tout est mathématique », ce que Galilée disait déjà : « Le livre de la nature est écrit en langage mathématique. » Le sens et la portée de ces liens entre la science et les mathématiques sont un permanent sujet d’intérêt.
Le cas de la physique est frappant : plus que toute autre discipline, la physique s’appuie sur les mathématiques. La question est alors : les entités que les mathématiques décrivent (les groupes, les variétés, les fonctions...) sont-elles différentes de celles dont la physique affirme l’existence (les électrons, les champs magnétiques, les photons...). Cette interrogation est centrale si nous voulons comprendre ce que le physicien Eugene Wigner (1902-1995) a appelé « La déraisonnable efficacité des mathématiques dans les sciences de la nature ».
Pour expliquer la déraisonnable efficacité des mathématiques, Max Tegmark suggère une méthode radicale : considérer que le monde physique est purement mathématique.
https://www.pourlascience.fr/sd/mathematiques/l-univers-est-il-mathematique-2176.php
Pourquoi le monde est-il mathématique ?
de John D. Barrow,
http://thomas.lepeltier.free.fr/cr/barrow.html
Le mathématicien nous rend compte de l’impression très forte que donnent les mathématiques d’exister comme un monde indépendant de l’homme et préexistant à lui.
L’ « Hypothèse de l’univers mathématique »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypoth%C3%A8se_de_l%27univers_math%C3%A9matique
« Tout dans l’univers, y compris les humains, fait parti d’une structure mathématique »
Selon le cosmologiste Max Tegmark
La déraisonnable efficacité des mathématiques
https://www.insmi.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/la-deraisonnable-efficacite-des-mathematiques