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Lénine était-il pour la création d’organisations de jeunesse indépendantes ? Commentaire d’un appel du Groupe marxiste internationaliste (GMI) aux NPA-jeunes

jeudi 5 septembre 2024, par Alex

le Groupe marxiste internationaliste (GMI), ou plus précisément "Les militants jeunes du GMI", ont adressé leur appel Pour la construction des Jeunesses communistes internationalistes (Appel du 20 août) au(x) NPA-jeunes, sans préciser s’il s’agit du NPA-Jeunes-anticapitaliste et/ou du NPA-Jeunes-révolutionnaires résultats de la scission en 2022 du NPA en NPA-anticapitaliste et NPA-révolutionnaires.

Les révolutionnaires doivent s’adresser en permanence à la jeunesse, nous l’avons par exemple fait récemment dans cet article.

Les révolutionnaires peuvent aussi s’adresser aux organisations de jeunes, voire en créer, comme le le GMI en prend l’initiative dans son Appel.

Le GMI justifie son Appel par une citation de Lénine (1916). Mais que disait réellement Lénine sur cette question, en 1916 puis en 1921 ?

L’appel du GMI s’adresse non pas à la jeunesse dans son ensemble, mais à une organisation de jeunesse constituée depuis de nombreuses années, le NPA-Jeunes, filiale du NPA :

Camarades du NPA Jeunes, nous proposons de proclamer rapidement une organisation de jeunesse autonome, en lien avec la construction de l’internationale ouvrière révolutionnaire, en lien avec la construction du parti des travailleuses et des travailleurs, communiste et internationaliste. Nous sommes prêts à nous associer résolument et loyalement au NPA Jeunes pour cela.

Pourquoi le GMI n’a-t-il pas créé son organisation de jeunesse ?

En bons léninistes, soyons tout d’abord pointilleux sur les questions d’organisations, et remarquons par souci de clarté que le GMI ne semble pas lui même avoir d’organisation séparée de sa jeunesse. C’est un groupe informel de militants du GMI, les militants jeunes du GMI, qui s’adresse à une ou deux organisations NPA-jeunes, par son Appel du 20 août.

La première question qui vient à l’esprit, outre la raison d’ignorer la scission du NPA-jeunes, est la suivante. Le GMI veut "proclamer rapidement une organisation de jeunesse autonome". Le GMI ne l’a pas fait dans son propre parti, mais propose aux NPA-jeunes qui l’ont déjà fait ... de le faire. Difficile à comprendre.

Le GMI semble adresser une Offre Publique d’Achat (OPA), amicale, au NPA-jeunes , de plus par dessus la tête des deux NPAs. Des éléments des contacts non publics entre les deux organisations existent peut-être, mais l’Appel du GMI en lui-même, pour les non initiés, laisse ces points inexpliqués.

Mais ce n’est pas le plus important, car après tout ces cinq organisations (GMI+ deux NPAs + deux NPA-jeunes) font ce qu’elles veulent, même de rendre public seulement le sommet de l’iceberg de leurs discussions en vue de la fondation d’un nouveau parti. Cette démarche est d’ailleurs à saluer, elle alimente les débats.

Par contre, le GMI revendiquant publiquement le patronage de Lénine pour justifier sa démarche, tous les léninistes sont de fait concernés, interpelés. A ce sujet nous ne pouvons pas être en accord avec le GMI.

La citation de Lénine à l’appui de la démarche du GMI est :

Nous devons être, sans réserve, partisans de l’indépendance de l’Union de la jeunesse sur le plan de l’organisation… Sans une complète indépendance, la jeunesse ne pourra pas faire son éducation, ni se préparer à faire progresser le socialisme. (Lénine, L’Internationale de la jeunesse, décembre 1916)

Lénine (1916)

Donnons donc la parole à Lénine.

Lénine n’a jamais été partisan de la création d’organisations de jeunesse indépendantes

Le sous-titre précédent peut surprendre. Dans la citation de Lénine faite par le GMI, Lénine ne dit-il pas que les bolchéviks sont "sans réserve, partisans de l’indépendance de l’Union de la jeunesse sur le plan de l’organisation" ? Si, mais ce n’est pas Lénine qui a construit, créé cette "Union de la jeunesse" qui existait en 1916. Lénine était contre la création de telles organisations indépendantes de la jeunesse.

Cette "Union de la jeunesse" qui existait en 1916 avait elle-même proclamé son indépendance, et Lénine souhait s’adresser à elle en assurant : notre parti ne souhaite pas vous annexer, rassurez-vous ! Et cette indépendance de l’Union de jeunesse de 1916 était une indépendance relativement aux opportunistes de la IIème internationale qui étaient dans l’Union sacrée. Car cette Union de la jeunesse était de fait une scission de gauche dans la social-démocratie, comme celle des bolchéviks de Lénine ou des menchéviks internationalistes autour de Trotsky depuis 1914. Lénine disait donc à cette union : vous avez pris votre indépendance par rapport aux opportunistes, restez indépendants d’eux !

En Russie une telle scission de gauche de la jeunesse n’était pas nécessaire, car tout jeune qui rompait sur la gauche des opportunistes avait depuis 1903 le parti bolchévik où atterrir. Quand des jeunes tels Boukharine ou Trotsky devenaient marxistes, Lénine les intégrait immédiatement à la direction du parti bolchévik, ne les encourageant pas à former une organisation de jeunes dont il aurait "respecté l’indépendance" ! Ainsi Boukharine né en 1888 devint bolchévik en 1906.

C’est à cause de l’opportunisme de la social-démocratie d’Europe de l’Ouest qu’une "Union de la jeunesse" apparut en 1916.

Ce n’est pas la politique de Lénine des années précédentes qui le conduisit, en 1916, à reconnaître et soutenir "l’indépendance" de cette Union de jeunes, mais le résultat de la politique bourgeoise de ses adversaires : les opportunistes depuis 20 ans (Bernstein, Millerand), transformés en socio-patriotes en 1914.

En tant que bolchéviks modernes, nous nous appuyons sur les 4 premiers congrès de l’Internationale communiste (IC) concernant les principes de construction des organisations. Or au 3ème Congrès fut voté une Résolution sur l’Internationale Communiste et le mouvement de la Jeunesse Communiste (1921), voyons ce qu’y disait Lénine.

La résolution de 1921 sur les organisations de jeunesse

La Résolution commence par expliquer que l’apparition d’organisations de jeunesse "indépendantes", sur la gauche de la IIème internationale, était bien la faute de l’opportunisme de celle-ci :

1. Le mouvement de la jeunesse socialiste est né sous la pression de l’exploitation capitaliste de la jeunesse laborieuse et du système illimité du militarisme bourgeois. Il est né comme réaction contre les tentatives d’empoisonnement de la jeunesse laborieuse par les idées bourgeoises nationalistes et contre la négligence et l’oubli dont s’étaient rendus coupables le parti social-démocrate et les syndicats dans la plupart des pays vis-à-vis des exigences économiques, politiques et spirituelles de la jeunesse.

Dans presque tous les pays les organisations de la jeunesse socialiste furent créées sans le concours des partis social-démocrates et des syndicats, qui devenaient toujours de plus en plus opportunistes et réformistes, et dans quelques pays ces organisations se formèrent même contre la volonté de ces partis et des syndicats. Ceux-ci virent un très gros danger dans l’apparition des jeunesses socialistes révolutionnaires indépendantes et essayèrent de réprimer ce mouvement, d’en changer le caractère et de lui imposer leur politique, en exerçant sur lui une tutelle bureaucratique, et en essayant de le priver de toute indépendance.

Lénine

Comme nous l’avons écrit plus haut, Lénine voulait avant tout rassurer les organisations de jeunesse en 1916 : nous bolchevik respecterons votre indépendance organisationnelle. Sinon Lénine serait apparu comme un nouvel agent des réformistes d’avant-guerre.

La situation en 1916, date de la citation que le GMI emprunte à Lénine, n’était que l’aboutissement de celle d’avant 1914 :

2. En outre, la guerre impérialiste et l’attitude prise dans la plupart des pays par les partis social-démocrates devaient agrandir l’abîme creusé entre les partis social-démocrates et les jeunesses internationales et révolutionnaires et accélérer le conflit. La situation de la jeunesse laborieuse empira pendant la guerre à cause de la mobilisation, de l’exploitation renforcée dans les industries militaires et de la militarisation derrière le front. La meilleure partie de la jeunesse socialiste prit résolument position contre la guerre et le nationalisme, se sépara des partis social-démocrates et commença une action politique propre (Conférences Internationales de la Jeunesse à Berne, en 1915, à Iéna, en 1916).

Dans leur combat contre la guerre, les meilleurs groupes révolutionnaires des ouvriers adultes soutinrent les jeunesses socialistes qui devinrent par là un point de rassemblement des forces révolutionnaires. Elles prirent ainsi sur elles les fonctions des partis révolutionnaires qui faisaient défaut. Elles devinrent l’avant-garde dans le combat révolutionnaire et prirent la forme d’organisations politiques indépendantes.

Lénine

C’est bien l’indépendance vis-à-vis des opportunistes que la résolution salue, pas l’indépendance vis-à-vis des bolchéviks dont au contraire ces organisations de jeunesse se rapprochaient.

Lorsqu’un parti communiste véritable, c’est-à-dire bolchévik existe, la tactique de Lénine de 1916 ne s’applique pas.

En présence d’un parti bolchévik dans un pays : pas question d’organisations de jeunesse indépendantes

La Résolution continue en expliquant les principes généraux concernant les organisations de jeunesse :

3. Avec l’apparition de l’Internationale Communiste et de partis communistes dans différents pays, le rôle des jeunesses révolutionnaires dans tout le mouvement du prolétariat se modifie. De par sa situation économique et grâce à des traits psychologiques particuliers, la jeunesse ouvrière est plus facilement accessible aux idées communistes et fait preuve, lors des combats révolutionnaires, d’un enthousiasme révolutionnaire plus grand que ses aînés les ouvriers. Toutefois ce sont les partis communistes qui prennent sur eux le rôle d’avant-garde qu’avaient joué les jeunes, en ce qui concerne l’action politique indépendante et la direction politique. Si les organisations de la jeunesse communiste continuaient à exister en qualité d’organisations indépendantes au point de vue politique et en jouant un rôle dirigeant, l’on verrait l’existence de deux partis communistes concurrents qui ne se distingueraient entre eux que par l’âge de leurs membres.

(...)

5. (...) La direction politique ne peut appartenir au point de vue international qu’à l’Internationale. Il est du devoir des organisations de la jeunesse communiste de se subordonner à cette direction politique (programme, tactique et directives politiques) et de s’incorporer au front révolutionnaire commun.

Lénine

C’est dans ce cadre, et seulement dans ce cadre que la création d’organisations de jeunesse devient possible et même nécessaire :

8. Les rapports entre l’Internationale Communiste et l’Internationale de la Jeunesse sont encore plus étroits qu’entre l’Internationale et les Partis Communistes. Le rôle de l’Internationale Communiste de la Jeunesse consiste à centraliser et à diriger le mouvement de la jeunesse communiste, à soutenir et encourager moralement et matériellement les différentes unions, à créer de nouvelles organisations de la jeunesse communiste là où elles n’existent pas et à faire la propagande internationale pour le mouvement de la jeunesse communiste et pour son programme.

Lénine

Conclusion (temporaire)

Les principes généraux de Lénine concernant les organisations de jeunesse sont résumés dans la Résolution de 1921 dont nous avons cité des extraits.

C’est une tactique de 1916 de Lénine concernant les organisations de jeunesse qui est citée par le GMI : elle est valable lorsqu’une sicission de gauche s’est produite, dans des organisations de jeunesse, contre le camp opportuniste.

Or les NPA-jeunes ne sont que des clones du NPA, embourbés dans le marais opportuniste créé par Bernstein en 1897, dont l’anticapitalisme n’est qu’une des régions. A notre avis, la tactique de 1916 de Lénine ne s’applique à aucun des groupes de jeunes politiques ou syndicaux d’extrême-gauche en France, en tout cas pas au NPA-jeunes auquel s’adresse le GMI.

Un article suivra à ce sujet....

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