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Les prolétaires n’ont aucune dette envers les capitalistes et leur Etat

samedi 5 octobre 2024, par Alex, Waraa

Les prolétaires n’ont aucune dette envers les capitalistes et leur Etat... Ils ne leur doivent qu’une seule chose : saisir les biens qu’ils leur ont volés et renverser leur pouvoir !

Marat et la prétendue dette nationale

Voyant des pauvres prêts à se sacrifier pour payer la « dette nationale », Marat s’adressait à eux, il y a exactement 235 ans, le 5 octobre 1789, mais également à nous, dont le gouvernement veut nous faire rembourser la dette de 3000 milliards d’euros de l’Agence France Trésor, rebaptisée dette de la France :

« Les dons patriotiques se multiplient chaque jour ; les citoyens de tous les rangs s’empressent de porter leur offrande ; est-ce l’amour de la patrie ? Est-ce l’envie de se distinguer ? Est-ce mauvaise honte de ne pas se montrer ? Peu m’importe. Mails il importe beaucoup au salut de l’Etat de faire quelques réflexions sur ce sujet.

Qu’appelle-t-on la dette nationale ? Les dépenses énormes où le faste et les vices scandaleux de la cour, l’inconduite, les déprédations et les folies du gouvernement ont entrainé la nation ; les dons immenses que le peintre a prodigués et prodigue encore à ses créatures ; les engagements onéreux qu’il a contractés pour anticiper sur les revenus publics. Et c’est par des transactions aussi criminelles que l’Etat est à deux doigts de sa perte ! Et c’est pour consacrer des engagements de cette nature que la nation se constitue solidaire ! Et c’est pour assurer les moyens de les remplir que le premier ministre des finances, après avoir perdu la nation en leur inspirant la science de l’agiotage, grève chaque citoyen d’un impôt vexatoire !
(…)
Qu’à la sollicitation, le prince envoie sa vaisselle d’argent à la monnaie, c’est un acte d’ostentation peu méritoire. Que lui fait la perte d’une argenterie entassée dans ses buffets ? Sa table n’en est pas moins ouverte. Que dis-je, c’est un faux sacrifice, onéreux à l’Etat : bientôt cette superbe vaisselle sera remplacée par une vaisselle plus superbe encore.

Que les ministres opulents imitent l’exemple du prince : rien de mieux ; le faste jure avec leur caractère apostolique et le sacrifice de leur vaisselle n’est qu’une petite restitution du bien des pauvres dont ils jouissent et des appointements énormes qu’ils tirent de l’Etat.

Qu’un duc verse 100.000 livres dans le Trésor Public, rien de mieux ; c’est une petite restitution des brigandages de ses ancêtres ou des largesses de quelques-uns de ses tyrans qui affamaient leur peuple pour engraisser leurs favoris.

Qu’un financier verse 10.000 écus dans le Trésor Public, rien de mieux ; c’est une petite restitution des vols qu’il a faits à l’Etat.

Que des communautés religieuses abandonnent tous leurs biens à l’Etat en se réservant une modeste pension, rien de mieux ; c’est lui restituer des fonds dont la superstition l’avait privé.

Mais que des indigents se cotisent pour donner à l’Etat le denier de la veuve ; qu’un ministre opulent les y invite sans pudeur, et que l’assemblée nationale y souscrive sans examen, voilà de ces traits inconnus dans l’histoire et réservés aux annales de nos jours. O Français ! Serez-vous donc toujours dans l’enfance, ne réfléchirez-vous jamais et faudra-t-il, sans cesse que l’ami du peuple vous décille les yeux !

Quoi ! C’est pour assurer la créance des rentiers, soudoyer les pensionnaires du prince, des ambassadeurs inutiles, des gouverneurs et des commandants dangereux, des femmes galantes des chevaliers d’industrie, des académiciens ignares et fainéants, (…) que de pauvres artisans, de pauvres ouvriers, de pauvres manœuvres, qui ne gagneront jamais rien, ni aux marchés ministériels, ni aux révolutions, achèveront de donner leurs tristes dépouilles ! Quoi ! C’est pour payer les friponneries des agioteurs, le brigandage des traitants, et conserver la fortune de leurs propres ennemis, de leurs déprédateurs, de leurs tyrans, que vingt millions d’hommes se réduisent à la mendicité ! Ah reprends tes haillons, homme infortuné ; apaise ta faim, et s’il te reste encore un morceau de pain à partager, regarde tes frères prêts à périr de misère. »
extraits de Marat, Réflexions sur les dettes du gouvernement devenues nationales

Ce mot d’ordre de Marat : le peuple des exploités ne doit pas payer les dettes de ses exploiteurs, le gouvernement ouvrier de Lénine et Trotsky le mit en œuvre en Octobre 1917 dans la Russie du pouvoir des soviets. Il reste d’actualité. La base idéologique mystique de cette caution solidaire dénoncée par Marat, c’est le patriotisme. Les organisations politiques et syndicales de gauche qui dénoncent les premières mesures de Barnier, mais se proclament les meilleurs patriotes (LFI, PC, PS, CGT), ne font que serrer les « chaines de l’esclavage » dénoncées par Marat.

Les retraites ne sont pas une dépense publique

Parmi les premières mesures pour réduire les dettes de l’Etat, le premier ministre M. Barnier a annoncé :

« La traditionnelle revalorisation des pensions de retraite en fonction de l’inflation en début d’année est reportée au 1 er juillet prochain. Elle devrait être proche de la prévision d’inflation de 1,8 % en 2025, laisse entendre Bercy. La mesure devrait dégager 3 milliards d’euros d’économies.
(…)
Après le somnifère, le coup de bambou budgétaire. L’effet Barnier a deux lames. Bercy a levé le voile ce mercredi sur les efforts que le pays devra consentir pour réduire le déficit en 2025 : 60 milliards d’euros dont 20 de hausses d’impôts et pas moins de 40 de baisses des dépenses publiques. Chacune est une bombe politique et sociale en puissance, comme le décalage de six mois de la revalorisation des pensions de retraite en fonction de l’inflation.

Le petit jeu consistant à savoir quand tombera le gouvernement Barnier devient moins drôle tout à coup. C’est utile un Barnier s’attaquant à ce mur, disent en privé ceux qui ne l’apprécient guère, et ils sont nombreux. « On n’est pas fâché de ne pas se colleter la marche du budget », souffle un macroniste. »
Les Echos, 2 octobre 2024

Or, dans notre « système par répartition », les retraites ne sont pas une dépense publique, mais une partie du salaire collectivisé, les cotisations prélevées sur les salaires des actifs. C’est une augmentation des salaires bruts qui augmentera les pensions retraites. Les organisations politiques et syndicales de gauche qui font semblant de réclamer à Barnier l’abrogation de la réforme des retraites (LFI, PC, PS, CGT) se focalisent sur la question des 64 ans, sans lier la lutte contre cette réforme à une lutte massive générale pour l’augmentation des salaires.

La dette et les rivalités impérialistes

La dette des Etats a toujours été une aubaine pour les différentes bourgeoisies. Un des premiers parmi eux, Jacob Fugger dit le riche, fit fortune en finançant les guerres des empereurs Habsbourg d’Autriche. Que la dette publique enrichisse les banquiers et les marchands de canon est dans les gènes du capitalisme, c’est aujourd’hui un des traits les pires : il fait payer ses profits en double : par l’impôt en argent et par l’impôt du sang.

En plus de ponctionner son peuple, une bourgeoisie peut au moyen de la dette nationale ponctionner d’autres peuples. L’Egypte et en général l’Empire Ottoman, sont des exemples de pays mis sous la coupe financière et donc politique des impérialistes français et anglais au moyen de la dette nationale à l’époque coloniale, sans coloniser directement.

Mais les bourgeoisies impérialistes peuvent également s’attaquer entre elles.

Le défaut de paiement de l’Allemagne fin 1922 fournit l’occasion rêvée à l’impérialisme français pour occuper l’Allemagne en 1923.

La France avait prétendument gagné la guerre en 1918, mais à quel prix ? Humainement, c’est sur un vaste cimetière que cette paix fut « célébrée », prix trop cher à payer, qui rend méfiant depuis les exploités de France vis-à-vis de toutes les guerres « justes ».

Cette guerre fut trop chère pour les deux puissances impérialistes dominant l’Europe, la France et l’Allemagne. La France était endettée vis-à-vis des USA, et s’acharna au cri de « l’Allemagne paiera », pour pouvoir rembourser les USA, qui encourageaient l’Allemagne à ne pas rembourser la France. L’Allemagne ne pouvant plus, le militarisme français fut à nouveau déchainé par l’invasion de la Ruhr. 1923 marque l’échec final de la tentative française de dominer l’Europe continentale, à travers la domination financière et militaire de la France sur l’Allemagne. Les USA se firent un plaisir d’intervenir, c’est le début de la tutelle des USA sur l’Europe. En juillet 1933, le président Roosevelt organisa par contre le lâchage financier de l’Europe par les USA en empêchant un accord international à la Conférence de Londres par son communiqué sabotant la conférence :

« Le monde ne sera plus endormi par la tromperie spécieuse d’arriver à une temporaire et probablement artificielle stabilité des changes internationaux à partir de l’accord de quelques pays puissants. Un système économique national sain est un meilleur facteur de son bien-être que le cours de son change fixé selon les variations des autres nations (…) les vieux fétiches des banquiers internationaux doivent être remplacés par des efforts pour définir les valeurs nationales. »

Faute de relève de la bourgeoisie par le prolétariat, l’Europe marcha à la guerre.

C’est aujourd’hui le cœur des problèmes du gouvernement : le capital financier français garde une relative puissance seulement au moyen de la tutelle du capital financier USA. L’Etat français n’est plus maître de son destin financier. « La France paiera ! » se disent déjà certains de ses concurrents.

En 1923, l’impérialisme états-unien pu venir au secours des bourgeoisies d’Europe (se remplissant les poches au passage), puis les lâcher en 1933, uniquement parce que les opportunistes du mouvement ouvrier, avaient fait rater au prolétariat les révolutions prolétariennes en 1919 en Hongrie, en 1920 en Italie, en 1923 en Allemagne, en 1926 en Angleterre, en 1927 en Chine, en 1936 en Espagne et en France. Les opportunistes ne surent saisir les occasions révolutionnaires que donnent les divers heurts entre les impérialistes, les questions financières en faisant partie. La direction de la CGT (Léon Jouhaux) fut le principal agent de l’impérialisme dans la classe ouvrière depuis 1914. L’extrême gauche électoraliste (LO, les NPAs) qui dénonce en paroles cet impérialisme, prétend le faire tout en ne reprenant pas la lutte que menèrent Monatte et Rosmer contre Jouhaux. Des prétendus révolutionnaires qui sont dans les syndicats, sans reprendre le drapeau des syndicalistes révolutionnaires, servent aux travailleurs le mensonge que les dirigeants syndicaux ne feraient pas partie des « chaines de l’esclavage » dénoncées par Marat, dans leur version moderne qu’est l’esclavage du salariat.

Les bolchéviques en Russie avaient montré la solution au problème de la dette du Tsar : le prolétariat au pouvoir ne reconnut pas ces dettes !

Aujourd’hui aucune organisation syndicale ou politique de gauche ou d’extrême gauche ne mène de campagne : « le prolétariat ne paiera pas les dettes des bourgeois ! »

Crise politique ?

Alors Pourquoi gouverner la France est devenu d’un seul coup impossible ? Pour des raisons politiciennes ou parce que les caisses sont pleines de dettes ?

Tout d’abord, le gouvernement de cohabitation entre macronistes et droite ne peut être justifié d’un point de vue politicien puisque l’apport de la droite est juste de 5% des voix au parlement. Il n’y a aucune raison que ce gouvernement ne soit pas rapidement blackboulé par une motion de censure à moins qu’il ne mène une politique carrément à l’extrême droite. La seule raison serait de permettre au RN d’attendre les élections présidentielles….

Le refus de Macron d’en appeler à une cohabitation avec la gauche (qui a le plus d’élus au parlement) ou avec le RN (qui a le plus voix aux élections législatives) rend le pays ingouvernable sur le simple plan politicien. La gauche et le RN clament que cela confirme que Macron n’a rien d’un démocrate. Mais cette réponse politique, si elle sert aux opposants à ne pas trop se discréditer en passant pour des impuissants, ne permet pas d’expliquer le calcul de Macron… Elle montre que RN et gauche sont aussi démunis face au pouvoir présidentiel, à moins d’aller dans le sens de la démonstration de Macron : prouver que le pays est maintenant ingouvernable et nécessite un coup d’état. Même si ni RN ni gauche n’en appellent réellement au peuple dans les rues, leur contestation crédite l’accusation de Macron selon laquelle le pays est désormais au bord de la guerre civile….

Mais expliquer une situation aussi inédite (pas de gouvernement dans une durée aussi longue suivi d’un gouvernement sans poids suffisant) ne peut s’expliquer seulement par des lubies de Macron ni par des arguments purement politiciens et électoraux.

Ce sont les intérêts des classes possédantes en France et d’abord la situation de celles-ci qui l’explique.

Macron et son ancien ministre de l’Economie Bruno Le Maire ont volé les caisses publiques au profit des capitalistes français bien au-delà de ce qu’il était possible de faire au point qu’un gouvernement « normal » devrait les traduire en justice et les faire arrêter ! Ils ont ruiné l’Etat français non pas pour des mois ou des années mais pour… toujours… Et les ponctions en termes de taxes et d’impôts que se propose Antoine Armand, nouveau ministre de l’Economie, ne sont que de la poudre aux yeux pour faire croire que la situation n’est pas aussi catastrophique et ne pas accuser le gouvernement précédent…

La dette nationale n’est pas la dette du prolétariat. La faillite de l’Etat bourgeois peut être une chance pour le prolétariat, celle de détruire cet Etat.

Conclusion

C’est seulement envers les prolétariats et les opprimés des autres pays que nous pouvons avoir une dette, mais politique. Les populations africaines ont chassé l’armée française du Mali, Burkina Faso et Niger. D’autres révoltes anti-coloniales ont lieu à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie : chassons donc les impérialistes français de Mayotte dans l’Océan indien, de la Martinique aux Antilles, de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique. La faillite de l’Etat bourgeois français serait l’occasion de le renverser et de prendre le contrôle des banques, refusons de payer sa dette, comme le fit le prolétariat de Russie en 1917 !

Reconnaitre les dettes, c’est admettre qu’il était juste de sacrifier toute la population aux intérêts des seuls capitalistes par le « quoi qu’il en coûte », c’est se soumettre en esclavage sans même pouvoir réellement sauver le système social bien trop vermoulu pour être rafistolable.

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