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On bloque tout et… après ?

mercredi 10 septembre 2025, par Karob, Robert Paris

On bloque tout et… après ? Les Gilets jaunes et la lutte des classes en France, quelle perspective ?

Le mouvement dit « Bloquons tout » qui commence le 10 septembre 2025 s’est affirmé, dès son début, comme le digne successeur du mouvement des Gilets jaunes débuté en 2018. Il en assume tous les engagements : auto-organisation, refus de pactiser, de négocier, de s’entendre avec les institutions de la société pourrie, des organisations qu’elle reconnait et finance, de tout son pouvoir à la botte des milliardaires, refus de réformer le système, refus de mettre le mouvement sous la coupe des bureaucraties des syndicats et des partis politiciens, refus d’accepter l’obéissance sociale liée au système d’exploitation et d’oppression, méthodes d’action directe, refus d’obéissance aux forces de répression, et on en passe.

C’est une vieille tradition révolutionnaire des exploités et des opprimés de France qui ressurgit et qui s’était déjà exprimée maintes fois dans des révoltes et révolutions multiformes, d’Etienne Marcel aux maillotins, des révoltes contre Louis XIII, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, des révolutions de 1789, 1793, 1795, 1830, 1848, 1871, 1936, 1968, 2018 et maintenant 2025 sans compter bien des mouvements sociaux de révolte dans lesquels les exploités ont pu s’organiser par eux-mêmes et se faire craindre des classes possédantes et des gouvernants. Oui, le peuple travailleur de France a un pouvoir de contestation qui dépasse de loin tous les politiciens même les plus à gauche, les plus faussement radicaux, même les dirigeants syndicaux quand ils se croient radicaux, et sans parler des autres ! En fait, dans toutes ces révoltes et révolutions, les pauvres ont eu comme ennemis de nombreux faux amis de gauche ou des syndicats qui prétendaient être de leur côté. Ils leur ont mis bien des bâtons dans les roues mais n’ont jamais pu tout à fait étouffer ces grands mouvemens de masse. Oui, les seules grandes évolutions politiques et sociales de la société française ont été le produit de ces révolutions et révoltes, de cette peur des classes possédantes. Jamais, à l’inverse, ces classes privilégiées n’ont eu peur des discours des politiciens et des bureaucraties syndicales, ni de leurs prétentions à changer l’ordre social en le réformant. Chasse-t-on des bêtes sauvages, des tigres, des boas ou des lions, en leur tenant des discours réformateurs et moralisateurs ou en défilant tranquilement devant eux même en grand nombre ? Et le parallèle est valable car les exploiteurs sont bien plus féroces que les pires hyènes et chacals ! On ne peut rien faire, pas même se défendre, sans se donner les moyens de les détruire physiquement et pas seulement de les dénoncer ou de se faire entendre d’eux ! Rappelons que, simplement en exploitant le peuple travailleur, le système d’exploitation fait autant de morts par an, par mois, par jour, par heure que pendant la deuxième guerre mondiale ! Et aucune de ces prétendus réformateurs ne lève le petit doigt contre cela, si même ils en parlent !

Dans tous ces mouvements, la principale tromperie a toujours été de mise chez les prétendus représentants politiques et syndicaux du peuple : cacher le vrai but des exploités, des opprimés, de tous les pauvres. Et cet objectif, sans cesse occulté, aujourd’hui comme hier est celui-ci : nous voulons gouverner par nous-mêmes, gérer les biens que nous produisons par nous-mêmes et ne laisser aucun pouvoir aux bandits qui nous dirigent et nous ont dirigé ou encore qui prétendent à nous diriger à l’avenir et qui ne veulent nullement renverser l’ancien système tout pourri et décrépi.

Bien sûr que nos faux amis ont plein de belles phrases pour critiquer tout ce qui est fait ou a été fait par le pouvoir mais ils gardent bien de faire un geste ou même de parler de renverser ce pouvoir et encore plus ils se gardent de faire le moindre geste en faveur du pouvoir du peuple travailleur. C’est pour cela qu’ils combattent toute tentative de mettre en place dans les quartiers et les entreprises, des comités élus par des assemblées souveraines du peuple travailleur en lutte. Car ces comités deviendraient vite des moyens de controler toute la société puis de la diriger et de remplacer l’ancien pouvoir d’une infime minorité par celui du peuple travailleur !

Et, aujourd’hui encore, toutes ces forces étatiques, institutionnelles, politiciennes, policières, militaires, judiciaires, syndicales, médiatiques et religieuses vont encore agir, chacune à sa manière, pour entraver cette volonté des exploités et des opprimés, pour l’empêcher de s’exprimer et d’agir. Ils prendront tous les prétextes possibles : ne pas diviser, ne pas radicaliser, ne pas s’isoler, renforcer le mouvement, ne pas se laisser manipuler par des extrémistes, ne pas aller à l’affrontement et à la violence, ne pas perdre des alliés et des soutiens, ne pas imposer des objectifs au mouvement et autres balivernes.

Eh oui, ce sont des balivernes parce que, devant l’animal féroce, sauvage et affamé, il ne sert à rien de se modérer : c’est ou lui ou nous. Le capitalisme parvenu à son terme est pire qu’un animal sauvage. On ne le convaincra pas de renoncer à sa proie, c’est ou lui ou nous. S’il ne parvient pas à nous faire payer, il est fichu. Les gouvernants, quels qu’ils soient, quelle que soit leur couleur politique, ne font que proposer ses politiques au grand capital. N’a-t-on pas vu, de Mélenchon au porte-parole du parti de Le Pen et à celui de Parti communiste ou des écologistes, tous en rang d’oignon se présenter comme des élèves de l’université d’été du MEDEF, c’est-à-dire du grand patronat ? Est-ce pour prendre ensuite fait et cause pour le peuple contre les milliardaires ? Surement pas ! N’a-t-on pas vu les dirigeants syndicaux avancer la date de leur réunion en intersyndicale, pressés qu’ils étaient par l’avancée du mouvement du 10 septembre, tout cela pour affirmer qu’ils n’y participeraient pas et organiseraient un contre-feu le… 18 septembre (une seule journée pour ne pas aller vers une grève générale), afin d’empêcher les salariés de bloquer en se mettant en grève le 10 septembre… N’a-t-on pas vu tous les partis s’engouffrer dans la naoeuvre de Bayrou et son « vote de confiance » pour affirmer leurs ambitions politiciennes à gouverner et présider le pouvoir des milliardaires ?

Bien entendu, tous ces gens-là, de Hollande à Le Pen en passant par Mélenchon et autres comme les dirigeants des appareils syndicaux, affirment comprendre et même exprimer la colére du peuple au point que celui-ci n’aurait besoin que de les soutenir et de se ranger derrière leur direction avisée. Ils prétendent aussi que le 10 sera l’expression de « la gauche » (encore une astuce pour diviser et affaiblir la mobilisation), celle qui affirme réformer le système et transformer des loups affamés en agneaux et partager les sacrifices entre riches et pauvres, une miette pour les riches et tout pour les pauvres, tout en partageant les riches, tout pour les riches et rien pour les pauvres !

Et surtout, tous ces faux amis affirment que le peuple ne peut pas gouverner par lui-même, décider par lui-même ni même s’organiser par lui-même pour mener à une nouvelle société où le peuple possèdera lui-même toutes les richesses qu’il a produites ! Ces faux amis, qui ne se sont jamais soumis aux suffrages réels et directs du peuple travailleur, qui sont par contre soumis au pouvoir des milliardaires, même s’ils le critiquent pour le réformer prétendent-ils, affirment que nous n’avons pas besoin d’assemblées souveraines, pas besoin de comités, de conseils, d’élus directs du peuple travailleur car leurs partis et syndicats seraient largement suffisants pour nous réprésenter ! Tous disent que leurs programmes répondent à nos aspirations mais aucun n’introduit nos objectifs dans son programme.

Eh bien, nous affirmons le contraire : ne sont nos amis que ceux qui défendent un tel programme révolutionnaire (assemblées souveraines et décisionnelles dirigeant toute la lutte insurrectionnelle visant au pouvoir du peuple travailleur exercé par des comités élus par les assemblées) en paroles comme en actes et de manière publique, ouverte et discutée devant tous, qui se soumettent aux suffrages du peuple, le seuls vrais, ceux des assemblées de la lutte. Et des pas celles des parodies de démocratie capitaliste !

Tout cela ne signifie pas, bien entendu, que l’ensemble des travailleurs et de tous ceux qui subissent et pâtissent de la société dominante soit conscient de leur tâche, c’est-à-dire aspirent clairement à gouverner par eux-mêmes. Toute la vie sociale mène les travailleurs à se soumettre à un ordre dans lequel ils l’ont aucun mot à dire. Rien ne les prépare à décider par eux-mêmes, en se dotant d’organisations qui leur soient propres. Tout leur indique qu’ils n’ont qu’un seul droit démocratique, celui de voter pour des gens qu’ils n’ont pas choisi, qui ne les défendent nullement, qui sont attachés à un ordre social qui leur ennemi.

Et l’idée d’une révolution sociale est loin d’enchanter la majorité des travailleurs qui préféreraient que le système capitaliste continue de fonctionner sans à-coups, de leur payer des salaires corrects pour un travail correct, leur permettant d’avoir une vie calme et sereine plutôt que d’avoir à faire la révolution et à renverser le pouvoir en se heurtant violemment à lui en risquant leurs vies. C’est tout à fait normal et ce n’est pas cela qui empêche les révolutions car ce sont les exactions insupportables des classes possédantes qui les provoquent et les rendent inévitables. C’est seulement quand le système démontre que toute autre solution est impossible que les travailleurs se révolvent à recourir à cette solution.

Les plus modérés des travailleurs et ceux qui croient avoir un travail stable et bien payé sont bien sûr les moins enclins à se lancer dans une telle aventure, mais, si la société dominante démontre qu’elle peut, du jour au lendemain, leur faire perdre tous ces avantages, ils peuvent se joindre aux plus démunis, s’ils ne se laissent pas tromper par les réformistes, sans cesse prêts à leur faire croire qu’un arrangement est possible et que l’on peut faire s’entendre le loup et les agneaux…

Malgré le poids considérable des institutions, des médias, des organisations, de la répression, des fausses croyances, de la soumission sociale, de la résignation, des échecs passés, les révolutions réapparaissent partout dans le monde et elles reviennent en France en même temps que la crise aigue du système y frappe, avec ses conséquences de plus en plus dramatiques pour les emplois, pour les salaires, les retraites, le chômage, les services sociaux, les aides sociales, la santé, le logement et tout. L’attaque est tous azimuts. Ce n’est pas seulement tel ou tel gouvernement qui en est cause même si les candidats à les remplacer le prétendent. C’est une nécessité pour les classes dirigeantes de faire payer les plus pauvres et de continuer à enrichir les plus riches et ils ne peuvent pas faire autrement. C’est une nécessité pour eux de s’affronter aux travailleurs et de les écraser. La confrontation ne provient pas seulement du mécontentement des plus démunis, elle provient aussi de la situation des classes possédantes : celle d’un système qui atteint ses limites et ne peut perdurer qu’en pressurant de plus en plus les exploités.

Même si la majorité des travailleurs ne souhaitait pas se battre, la situation va de plus en plus les convaincre que la lutte est inéluctable et aussi que ce n’est pas une lutte réformiste mais révolutionnaire. On ne peut pas replâtrer le système. On ne peut pas continuer à servir des profits au grand capital sans pressurer à mort les travailleurs. On ne peut pas rendre le pouvoir politique plus favorable aux travailleurs car il est entièrement au service des milliardaires.

Le précédent mouvement des Gilets jaunes, tout comme le mouvement du 10 septembre, n’est pas le produit de tels ou tels courants de pensée, ou de tels ou tels dirigeants de lutte, ni encore de telle ou telle tendance radicale, ils sont le produit d’une crise générale de tout le système social et politique qui attérit dans une impasse, faillite générale, financière, sociale et politique. Le bateau prend l’eau et, si on ne se décide pas à partir de là, on coule avec.

La société française court vers l’impasse et ce n’est pas les seuls révolutionnaires ou les pauvres seuls qui le soulignent. C’est de toutes les couches sociales que proviennent le message. Or, la définition même de la situation révolutionnaire par les marxistes a toujours été : quand les pauvres ne peuvent plus et que les riches ne veulent plus et aussi que la couche moyenne n’en peut plus. Et aussi que cela a lieu sur tout les plans : investissements, dettes, financier, bancaire, industriel, commercial, social, ouvrier, paysan, salariés, chômeurs, retraités, étudiants, jeunes, femmes, politique, institutionnel, du régime, idéologique, syndical, religieux, etc. Tout est en crise, tout s’effrite, tout s’effondre. Tout sème la méfiance, le mécontentement, la révolte. Au point que la bourgeoisie mondiale se demande si la France ne va pas être le maillon faible de la chaîne mondiale impérialiste et capitaliste !

Bien sûr, les classes dirigeantes poursuivent le combat, elles esssaient de faire fonctionner tous les pièges politiciens classiques, tous les pièges institutionnels, les pièges sociaux et politiciens, les pièges répressifs, dictatoriaux et guerriers. La classe dirigeante complètement dépassée ne cèdera pas sans combat !

La clef de toutes les attaques (antisociales, dictatoriales, fascistes, racistes, terroristes, guerrières, etc.) est dans l’effort des capitalistes et de leurs valets au pouvoir ou candidats au pouvoir des milliardaires pour contrer l’effort du peuple travailleur de s’auto-organiser en vue de construire le pouvoir des exploités et des opprimés. Il n’y a pas d’autre alternative. Pour les salariés, les chômeurs, les retraités, les jeunes, les femmes, il n’y a pas d’autre espoir que de prendre la tête de la révolte, en s’unissant aux classes moyennes (petits commerçants, artisans, taxis, petits paysans, auto-entrepreneurs, pêcheurs, etc.) frappées ou menacées et révoltées par la crise et de s’adresser aussi aux petits soldats et petits policiers pour les mettre de notre côté ou gagner leur sympathie. Il faut déstabiliser le pouvoir d’Etat, mettre en place un double pouvoir des comités révolutionnaires, puis renverser et casser complètement le pouvoir capitaliste.

Ce qui doit être construit, c’est le pouvoir du peuple qui doit émerger de la révolte sous la forme de l’élection des délégués, des comités et leur fédération prenant des décisions concernant toute la société jusqu’à la contrôler, puis la diriger et en finir définitivement avec l’ancien pouvoir.

Les Gilets jaunes ont commencé. Le 10 septembre a pris la suite. Ce n’est qu’un début, le combat continue !

On bloque tout et après ?

Après on s’organise, on se structure, on se fédère, on élit nous délégués, on forme nos programmes, on prépare la société nouvelle, on constitue le nouveau pouvoir !

Ceux qui nous affaiblissent, ceux qui nous diffusent, ceux qui nous trompent, ceux qui nous nuisent sont tous ceux qui refusent d’aller de l’avant au-delà du seul blocage, qui repoussent la perspective du mouvement, laissant les forces adverses reprendre l’initative.

C’est seulement en défendant clairement, publiquement et dans les actes cette perspective que nous pourrons déjouer les manœuvres, manipulations, attaques et répressions et, déjà, distinguer nos vrais amis des faux et battre nos ennemis.

On prendra le temps qu’il faudra ! On y mettra l’énergie qu’il faudra ! On fera les sacrifices qu’il faudra ! Mais les Gilets jaunes gagneront !

Lire encore :

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https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5178

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5340

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5188

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5218

Des points de vue faussement d’extrême gauche à critiquer

NPA

https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/sur-le-developpement-des-luttes-des-classes-en-france

https://www.matierevolution.fr/spip.php?breve975

Lutte Ouvrière

https://www.lutte-ouvriere.org/mensuel/article/2018-12-16-les-revolutionnaires-et-le-mouvement-des-gilets-jaunes_115715.html

https://www.lutte-ouvriere.org/portail/revue-de-presse/en-regions-bourgogne-franche-comte-presse-politiquement-les-perspectives-des-gilets-jaunes-sont-trop-limitees-121215.html

https://www.lutte-ouvriere.org/portail/revue-de-presse/en-regions-bourgogne-franche-comte-presse-lo-espere-que-des-gilets-jaunes-rejoindront-ses-futures-luttes-120774.html

https://www.matierevolution.fr/spip.php?breve968

https://www.wsws.org/fr/articles/2019/01/16/logj-j16.html

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