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Haiti : l’inévitable secousse

jeudi 14 janvier 2010

Haïti : l’inévitable secousse

(Agence Science-Presse) - Des plaques tectoniques ont bougé. Un épicentre à moins de 25 kilomètres de la capitale, d’où les dégâts considérables. Ce n’était pas la première fois, et ce ne sera pas la dernière.

La secousse n’a pas vraiment surpris les spécialistes. Haïti a connu sept tremblements de terre majeurs depuis trois siècles et pour cause : elle est assise sur la faille qui sépare deux plaques tectoniques (voir la carte ci-contre) tout comme la Californie est assise sur la célèbre faille de San Andreas.

Or, qu’est-ce qu’un tremblement de terre ? Ce sont deux plaques qui glissent lentement l’une contre l’autre. Dans ce cas-ci, à raison de 2 centimètres par an. Pendant un certain temps — un temps qui se mesure en décennies — l’une empiète progressivement sur l’autre. Jusqu’à ce que se produise un point de rupture : l’une des deux plaques « casse » sur une partie de sa longueur ; cela dégage une énergie tantôt faible, tantôt énorme. Le 12 janvier, elle fut énorme.

La faille en question fait environ 500 km de long ; elle passe au sud de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Au nord de la faille, c’est la plaque tectonique de l’Amérique du Nord ; au sud, celle, plus petite, des Caraïbes. Ce qui explique que toute cette zone soit connue des géologues comme une zone de risques sismiques (les Antilles françaises en ont connu, mais de moins grande amplitude, en 2004 et 2005).

Le quotidien Libération donne d’ailleurs la parole à un géologue français qui donnait un cours sur les risques de séismes aux autorités haïtiennes en 2002, et dont les propos sont reproduits sur le site web du Bureau des Mines et de l’Énergie d’Haïti :

Comme dans la plupart des régions sismiquement actives du globe, les séismes majeurs, capables d’engendrer des dégâts significatifs, ne sont pas courants en Haïti. On sait cependant que chacun des siècles passés a été marqué par au moins un séisme majeur en Hispaniola : destruction de Port au Prince en 1751 et 1771, destruction de Cap-Haïtien en 1842, séismes de 1887 et 1904 dans le nord du pays avec dégâts majeurs à Port de Paix et Cap-Haïtien, séisme de 1946 dans le nord-est de la République Dominicaine accompagné d’un tsunami dans la région de Nagua. Il y a eu des séismes majeurs en Haïti, il y aura donc des séismes majeurs dans le futur à l’échelle de quelques dizaines ou de la centaine d’années : c’est une évidence scientifique.

Mais ils ont beau être au courant des risques, Haïti n’est pas la Californie, où l’étude des tremblements de terre est pratiquement une industrie locale, et où des milliards de dollars ont pu être investis au fil des décennies dans les mesures de prévention : bâtiments à l’épreuve des séismes, entraînement des policiers et des services d’urgence et préparation de la population aux risques. La science est de bien peu d’utilité si on habite le pays le plus pauvre des Amériques...

Pascal Lapointe

Messages

  • Je vous transmet un article du Monde ou dans une interiew le responsable de l’onu du maintient de la paix montre la peur des impérialistes devant cette situation qui peut leur échapper :

    Le Français Alain Le Roy est responsable, depuis 2008, des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Il fait le point sur le rôle de l’ONU et des Etats-Unis dans les opérations de secours aux sinistrés d’Haïti.

    La police haïtienne est invisible, on parle de coups de feu, de scènes de pillage. Craignez-vous des troubles de l’ordre public ?

    Les premières 36 heures ont été une période de choc pour la population. La situation était chaotique, mais elle est restée relativement calme. Compte tenu de l’histoire d’Haïti, on ne peut pas exclure de nouveaux pillages et des exactions.

    C’est notre rôle, en ce moment, de patrouiller pour essayer, autant que possible, de jouer un rôle dissuasif. Mais il est clair que la situation va forcément se compliquer, en termes de sécurité, au cours des prochains jours.

    Qui dirige aujourd’hui cette opération de sauvetage ?

    Il y a plusieurs opérations, avec plusieurs pays qui envoient une assistance importante.

    Qui coordonne ?

    Les autorités haïtiennes. Mais comme l’essentiel de leurs moyens administratifs ont été détruits, c’est avant tout la Minustah (Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti) qui joue ce rôle. Ce sera difficile, à cause de l’ampleur énorme de ces opérations.

    Les Etats-Unis, qui déploient des milliers d’hommes, des navires et des avions, et assurent désormais le fonctionnement de l’aéroport de Port-au-Prince, n’ont-ils pas tendance à prendre le dessus ?

    Nous considérons qu’il est très important que les Etats-Unis soient mobilisés. Et loin de nous l’idée de penser qu’ils en font trop ! Ils apportent énormément à Haïti, et en très peu de temps.

    La France est également intervenue très rapidement, avec les unités de protection civile venues de la Guadeloupe puis de métropole. Nous accueillons avec une énorme satisfaction cette aide.

    Evidemment, cela pose des problèmes logistiques, mais c’est à nous, en liaison avec ces donateurs, de trouver des solutions.

    On est toujours sans nouvelle du chef de la Minustah, Hédi Annabi. Au moins 36 employés de l’ONU sont morts, près de 200 sont portés disparus. La mission peut-elle fonctionner ?

    Elle fonctionne, même si ce n’est pas à pleine capacité. Il y a 3 000 de nos personnels à Port-au-Prince, essentiellement des militaires et des policiers. Ils font un travail énorme et admirable de dégagement des personnes sous les décombres et de sécurisation des places principales, comme le palais présidentiel, l’aéroport ou le port. Ils patrouillent dans les rues de la ville pour assurer la sécurité.

    Tout cela fonctionne. Mais il nous faut maintenant renforcer notre coordination de l’action humanitaire. C’est pourquoi nous envoyons des personnels supplémentaires en Haïti.

    • Il est particulièrement frappant d’entendre à la radio aujourd’hui même que des équipes de sauveteurs français sont bloquées sur des aéroports à Saint Domingue ou ailleurs et sont obligées de se débrouiller par leurs propres moyens pour rejoindre Haïti alors que les équipes des forces armées débarquent toutes les minutes sur un aéroport débordé ! Alors que l’arrivée des sauveteurs est particulièrement importante les premiers jours, les premières heures.

      Pour les grandes puissances, ce qui importe, ce sont les forces de l’ordre.

      Il est certain que l’essentiel des aides financières récoltées ne serviront pas plus la population la plus sinistrées que dans d’autres catastrophes comme celle du tsunami ! Il est certain que les "élites" pourries d’Haïti et d’ailleurs profiteront de l’essentiel de cet argent.

      La population haitienne, une fois de plus, subit non seulement des catastrophes naturelles mais des catastrophes sociales liées à la domination du système capitaliste et elle seule peut en finir avec cette oppression.

      L’aide des pays riches consiste à empêcher le peuple haïtien d’obtenir sa libération par la seule voie qui existe : a révolution. On peut compter sur les grandes puissances pour affirmer que les révoltés sont des brigands et des pillards. Ne traitaient-ils pas de même les communards de 1871 ?

  • Haïti, ravagé par le séisme et par l’impérialisme

    100 000 morts ? On ne saura pas de sitôt combien de victimes a fait le tremblement de terre du 12 janvier. Mais c’est maintenant la misère qui tue les Haïtiens : des bâtiments fragiles, pas de pelleteuses pour dégager les débris, peu de médecins, d’équipes de soin, d’ambulances. C’est bien le moins que les pays riches envoient quelques équipes de secours, mais les moyens qu’ils mobilisent (trois avions et 200 hommes pour la France) sont dérisoires. Comparons, par exemple, par rapport à ceux déployés en Irak ou en Afghanistan !

    Et encore les médias d’ici s’inquiètent-ils sans décence des « risques de pillage » ! Par contre, du pillage colonial et impérialiste dont, depuis cinq siècles, Haïti est victime, il n’est pas question. C’est pourtant tout ce qui explique comment une catastrophe naturelle peut avoir de telles conséquences.

  • Oui, mais justement il n’y a pas eu en Haïti que le séisme et le pillage impérialiste.... Il y a eu aussi la révolution menée par les masses populaires d’Haïti et qui pouvait avoir une tout autre issue sans les réformistes de tous poils,des staliniens aux syndicalistes et aux religieux, qui ont détourné et calmé. la leçon à tirer n’est pas : le capitalisme est fort et méchant. C’est : les prolétaires qui font une révolution et ne la mènent pas jusqu’à la prise du pouvoir vont vers des bains de sang car les classes dirigeantes ne leur pardonneront jamais de leur avoir fait peur, de les avoir menacé de perdre le pouvoir....

  • Un Haïtien célèbre, le docteur Daniel Mathurin. Ce spécialiste de sismologie a vu sa triste prophétie se réaliser. Vingt ans qu’il avertit les autorités du risque sismique, accentué par l’anarchie des constructions et la déforestation. Vingt ans que le pouvoir fait la sourde oreille. "J’ai encore proposé il y a un an un plan de prévention au gouvernement. La classe politique porte une lourde responsabilité dans le désastre actuel", est-il venu rappeler aux auditeurs.

  • Le béton utilisé dans la plupart des bâtiments, par exemple, était dangereusement pauvre en ciment (le béton consiste essentiellement en petits cailloux mélangés avec du ciment. Le ciment est le composant le plus coûteux, mais également le plus essentiel à la durabilité de l’ensemble. Le béton bon marché contient moins de ciment et engendre des bâtiments moins solides). De plus, certaines photos suggèrent que la plupart des constructions à Port-au-Prince n’étaient pas suffisamment renforcées. "De nombreux petits bâtiments consistaient en murs de parpaings simplement empilés, sans armature d’aucune sorte" confirme Cox. Le béton par lui-même peut résister aux efforts de compression, mais pour résister aux efforts de flexion, il lui faut une armature d’acier, un ferraillage, voire du câble.

    Ces lacunes sont pour beaucoup une conséquence de l’extrême pauvreté, mais les experts évoquent également la corruption qui prévaut dans le secteur du bâtiment à Haïti. "Les codes de la construction ne sont tout simplement pas respectés", indique Pedro de Alba, ingénieur des travaux publics et spécialiste de l’ingénierie sismique à l’université du New Hampshire. "Ce point, à lui seul, peut faire la différence entre 100 victimes et 100 000 victimes". La preuve : en 1989, une secousse sismique de magnitude 7.0 à San Francisco fit moins de 70 victimes, en grande partie grâce à la stabilité des immeubles conçus de façon à résister aux tremblements de terre. "Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que les tremblements de terre ne tuent personne. Ce sont les bâtiments qui s’effondrent qui tuent", rappelle de Alba. "Il est possible de réduire de façon drastique les effondrements de structure, même dans des régions aussi pauvres, même pour un tremblement de terre aussi grave".

  • Haïti : Le désastre était annoncé

    À Haïti, depuis longtemps des géologues, ingénieurs et autres spécialistes sonnaient l’alerte.

    Pour ne citer que les alertes les plus récentes, en septembre 2008, après que la terre eut tremblé à plusieurs reprises, un professeur de géologie écrivait : « En 1751 et en 1771, cette ville a été complètement détruite par un séisme et je parie mes yeux que cela se reproduira. Toutes les conditions sont réunies pour qu’un séisme majeur se produise à Port-au-Prince. Les habitants de la capitale haïtienne doivent se préparer à ce scénario qui finira, tôt ou tard, par arriver. » Et le directeur du Bureau des mines confirmait alors : « Ces secousses mineures sont inquiétantes. Elles annoncent généralement des secousses de plus forte intensité. »

    Au mois de mars dernier, lors d’une conférence, après avoir rappelé les tremblements de terre qui, du 16e au 19e siècle, ont lourdement frappé l’île, un géologue haïtien mettait en garde : « On doit s’attendre, disait-il, à ce qu’un séisme se reproduise dans le futur et à n’importe quel moment. De même qu’il y avait eu de grands dégâts à l’époque, on doit s’attendre au pire aujourd’hui en raison de notre condition environnementale alarmante. Nous devons, par conséquent, penser aux impacts de cette menace sur la population, sur les infrastructures routières, hydrauliques et électriques, et poser des actions pour au moins diminuer notre vulnérabilité et limiter les dégâts. »

    C’est en 1910 que Wegener émit l’idée de la dérive des continents. Depuis, on sait que les plaques continentales se déplacent, que ces mouvements conduisent à des fractures, des failles, entre les plaques qui s’affrontent, et que c’est là la cause de la plupart des tremblements de terre. On connaît le tracé des plaques, la cartographie des failles, notamment celle sur laquelle se situe Port-au-Prince. On sait parfaitement construire selon des normes antisismiques, afin que les bâtiments ne s’effondrent pas sous l’effet des secousses. Et on le fait... au Japon et en Californie, mais pas à Haïti.

    La date du 12 janvier ne pouvait peut-être pas être prédite, mais le séisme et ses conséquences dramatiques étaient, eux, totalement prévisibles.

  • Si le tremblement de terre est un fait de la nature, le nombre de victimes est un fait social. Il résulte de la pauvreté des habitants, du “non respect des normes sismiques” et des taudis .!
    Port-au-Prince située sur une faille susceptible d’être frappée de tremblements de terre était connu et les scientifiques ;
    Mais pourquoi se soucier de cela alors que personne ne s’est soucié de la mort ordinaire de tant de pauvres, de faim, de pauvreté, de maladies faciles à soigner ?
    Car nous savons que avant ce terrible tremblement de terre déjà , les hôpitaux manquaient de tout, de médecins, d’infirmières et de médicaments.

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