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Haïti et le Chili : deux séismes, deux réponses différentes...

mercredi 24 mars 2010

I

Le séisme au Chili a atteint une énergie un très grand nombre fois supérieure à celui d’Haïti mais le nombre de morts est très inférieur. La réaction de la "communauté internationale" n’a rien à voir. Pas d’armée d’occupation américaine.... car pas de vide du pouvoir même si, dans les deux cas, ce sont les plus démunis qui ont été traités en ennemis...

II

On a beaucoup parlé des différences entre le Chili et Haïti, parce que le tremblement de terre dans la république sœur de la Caraïbe a atteint une quantité bien supérieure de morts (300.000) et des dégâts, tant en termes absolus que relatifs, bien plus importants. On a parlé de raisons géologiques et sismologiques, comme la plus forte profondeur de l’épicentre et l’aire où il a eu lieu, et elles ont, bien entendu, joué un rôle très claire. Mais surtout il faut chercher dans les raisons politiques, économiques et sociales l’explication du pourquoi un tremblement de terre de plus grande magnitude au Chili a eu un impact bien inférieur.

Il est certain que le Chili est un pays difficilement comparable à Haïti : il a une infrastructure très supérieur, une économie bien moins dépendante et moins atrophiée que la haïtienne (alors que Haïti est un cas extrême dans le contexte latino Amérique, le Chili jouit d’un demi siècle d’expériences de développement national avec des conséquences jusqu’à aujourd’hui) et une capacité de réponse institutionnelle face aux catastrophes naturelles, bien plus forte. La misère au Chili n’atteint pas des niveaux aussi sordides qu’à Haïti où la population des banlieues des villes doit faire usage de galettes de boue pour apaiser sa faim. Évidemment rien de cela n’est dû à une inexistante “supériorité” chilienne, que le chauvinisme créole exhibe à l’aide de comparaisons aussi fallacieuses que odieuses (le chilien est plus travailleur, est plus ingénieux, est plus comme ci et est plus comme ça), mais cela provient principalement des histoires différentes des deux républiques -histoires qui sont divergentes même à l’époque coloniale, outre le fait que le Chili n’a pas été transformé en un pays plantation ou un pays d’assemblage de pièces (maquila), et n’a pas été directement occupé et pillé par les USA. Le Chili, de plus, est un pays ayant une longue histoire de mouvements sismiques, ce qui lui donnait “un avantage” sur Haïti.

III

Ceci étant, on parle peu des similitudes. La plus visible est le fait que ceux qui souffrent le plus ce sont les pauvres. Même si un tremblement de terre touche tout le monde de façon égale, les uns sont mieux préparés que d’autres à recevoir le séisme et à combattre les difficultés qui surviennent ensuite. Le Chili n’a pas été une exception à cette règle et les secteurs les plus affectés sont les quartiers populaires, les maisons en torchis ; d’autre part, nous avons appris par des témoignages fiables, que l’aide est arrivée tard et de manière insuffisante dans les zones populaires qui n’ont fait l’objet d’aucune priorité pour personne, encore que ce sont les secteurs où devrait être concentrée l’aide, étant donné leur précarité.

Nouvel élément, une grande partie de la dévastation est due à une infrastructure inadaptée. Á la suite d’une forte expérience sismique et du fait que la moitié du pays a été démoli en 1985, une certaine conscience s’est fait jour de création d’infrastructure pouvant supporter les secousses d’une zone d’activité tectonique comme celle du Chili. Néanmoins, vers 1985, la Concertation des partis politiques, qui a continué à approfondir le néfaste modèle néo libéral hérité de la dictature, a entamé la privatisation et l’externalisation d’entreprises de travaux publics -nombre d’entre elles transnationales, qui ne répondront jamais pour les ponts, les autoroutes et les routes détruits qui ont immobilisé le pays et ont laissé des milliers de personnes dans le désarroi, alors qu’elles voyageaient. Il faut souligner que beaucoup de chantiers faits par le MOP [ministère des travaux publics] il y a des décennies sont toujours debout, alors que des routes coûteuses construites il y a à peine quelques années, pour lesquelles on a payé des péages excessifs, se sont écroulées comme des châteaux de cartes. Je peux donner un témoignage personnel de la raison de la fragilité de ces travaux de voirie : aux débuts de 2003 j’ai travaillé au « by pass » [bretelle d’autoroute] de Rancagua, dans le secteur Doñihue. Lorsque le géologue recommandait de creuser 1,80 mètres, 2 mètres sur certains tronçons à cause de l’instabilité du terrain, pour amoindrir les coûts, on donnait l’ordre au conducteur de la retro excavatrice (appelée la boucle) de ne pas baisser au-delà de 30 centimètres. Nous savions que ces chemins ne dureraient pas plus de dix ans. Maintenant le tremblement de terre va être une très opportune excuse pour expliquer sa destruction, mais le fait que l’infrastructure publique demeure intacte, alors que l’infrastructure privée s’écroule en morceau, est un fait incontestable.

on peut en dire autant des logements : depuis la fin des années 1990, avec les scandales des maisons COPEVA, qui au bout de quelques mois commençaient à se fissurer, se casser et prendre l’eau, au point que leurs propriétaires devaient les couvrir de plastic pour passer l’hiver (nombre d’entre elles furent purement et simplement démolies peu après), il est évident que la politique du logement (anti) social de ce pays -et de l’habitat en général- est uniquement un business pour les capitalistes de l’immobilier. Une affaire, en outre, facilitée par toute une série de corruptions et de négligences au sein même des gouvernements de la Concertation, dont certains personnages ont directement participé à ces affaires si lucratives. Rappelons que le scandale de COPEVA porte le nom d’un ex ministre de l’Intérieur démocrate-chrétien, Pérez Yoma. Nous voyons aujourd’hui de nombreuses constructions modernes, beaucoup d’ensembles d’habitats pour des gens ayant fait de grands sacrifices pour obtenir le “rêve d’une maison à soi”, en pièces sur le sol, avec de graves cassures structurelles graves qui les rendent inhabitables. Le cas le plus dramatique est celui de l’immeuble de 15 étages à Conception qui s’est abattu avec environ une centaine de personnes à l’intérieur. Un édifice neuf, avec encore des appartements en vente. Il est vrai qu’un tremblement de terre si puissant entraîne toujours des dommages et que ne pourra jamais en faire assez pour éviter des victimes ; mais il est injustifiable que ce soient précisément les travaux les plus modernes qui aient subi les plus de dégâts.

Comme à Haïti, il est probable qu’aucun capitaliste n’ait jamais à répondre de ces actes criminels. C’est pourquoi il est nécessaire que le peuple se mobilise et exige la justice, car la politique de privatisation des travaux publics, immobiliers et de voirie est une politique ouvertement criminelle, comme le démontre ce tremblement de terre. Il y a ici des responsables et si le peuple n’exige pas une réponse pour ces dommages, il ne l’aura jamais.

IV

Une autre similitude avec Haïti c’est la réponse par la répression et la militarisation de la réponse humanitaire. Encore que dans les deux cas elles soient évidemment différentes (à Haïti la militarisation humanitaire a approfondi l’occupation du pays et a livré une importante enclave géo stratégique aux États-Unis, ce qui acquiert tout son sens dans son plan de militarisation de la région des Caraïbes et de la recomposition hégémonique en Amérique Latine), dans les deux cas on a joué avec l’hystérie face aux “pillards” pour justifier une présence de forces protégeant les intérêts de la clase de l’élite.

À Conception, durant un jour et demi, de nombreuses personnes n’ont eu aucune sorte d’aide. Cela est surtout valable dans les quartiers populaires où jusqu’à la date de ce message peu ou rien n’est arrivé. Face au désespoir, le peuple applique simplement l’impulsion la plus élémentaire de l’être humain, celui de la conservation. Le peuple est entré dans les super marchés, les stations service, les pharmacies, pour se pourvoir des éléments et des articles les plus basiques pour nourrir leurs familles. Ou bien aurions-nous dû attendre que le peuple demeure les bras croisés, endurant la fatigue, la faim et la soif, alors que les super marchés regorgeaient de produits ? C’est vraiment le peuple à l’état pur, les gens ordinaires, les mères, pères, jeunes qui arrachaient des paquets de lait, de riz, avec ce qu’ils pouvaient récupérer.

“Pillage” ont crié les autorités pour diaboliser la juste demande du droit à vivre, à manger, à calmer la soif, à soigner ses enfants. Elles ont déformé l’histoire au point que, selon elles, les “pillards” n’avaient aucun besoin, car ils volaient exclusivement des articles somptuaires, électroniques ou des CD et des DVD, alors que la vérité est tout autre. Il a suffi, enfin, qu’on touche à une ou deux banques pour que l’hystérie soit complète. “Lumpen” ont crié à nouveau les autorités, pour déshumaniser le peuple affamé et dans le besoin, car ce mot vague justifie depuis toujours l’assassinat policier. À l’époque de Pinochet on les appelait “humanoïdes” -le terme change, la logique politique répressive se maintient.

Le même “lumpen” de La Nouvelle Orléans, de Port-au-Prince apparaît maintenant dans les rues de Conception, et dès le premier moment le président élu Sebastián Piñera, avec ses partisans dans les gouvernements locaux, comme la docteur Van Rysselberghe à Conception, se sont scandalisés du peu de respect de la part des pouilleux de la propriété des grandes chaînes de super marchés. Et alors que l’aide tardait à arriver, il n’y eut aucun problème pour mobiliser quelques milliers de trouffions pour assurer la loi martiale à Conception. Lors que l’eau n’arrivait pas aux bouches assoiffées, on n’a pas fait de demi-mesure pour remplir les réservoirs des camions à eau pour réprimer le “lumpen” qui “pillait” les “honnêtes” commerçants comme Lider (Wal Mart) et Santa Isabel. Le gouvernement a décrété l’état de siège et le couvre feu, en se faisant écho de la droite politique et des grands entrepreneurs et des commerçants qui, tout en ouvrant bien grande la bouche en parlant de “solidarité”, ne sont pas capables de mettre quelques paquets de riz dans leurs super marchés à la disposition du peuple. Ce recours à l’armée n’a pas été fait depuis 1987 -pour ceux qui auraient une mauvaise mémoire, depuis l’époque de la dictature. Cela démontre que des habitudes autoritaires n’ont pas disparu après des décennies de “démocratie surveillée”.

Les citoyens bien sous tous rapports doivent faire la queue, souffrir de la faim et de la soif et endurer les pleurs de leurs enfants. L’ordre a été réinstauré grâces aux bottes militaires La grande propriété privée est redevenue intouchable.

C’est dans ces moments de crise que le système montre réellement son visage. Et à Conception, comme à Port-au-Prince, il l’a montré dans toute sa cruauté : la propriété des capitalistes est plus importante que la vie et le bien-être de centaines de milliers de personnes dans le besoin. Ce n’est pas un hasard qu’on ajoute si souvent au capitalisme le terme de “sauvage”.

V

Mais Haïti et le Chili se ressemblent aussi, car face à la nécessité on a vu surgir cet instinct essentiel d’entraide qui permet au peuple de survivre, d’avancer et de devenir acteur de plein droit devant l’Histoire. C’est aux secteurs populaires de développer ces tendances à l’organisation du peuple, à la solidarité, pour qu’elles s’approfondissent et dépassent la simple survie. Afin qu’elles puissent constituer une société différente, une société solidaire, una société libertaire, qui abandonne le poids pesant de l’individualisme imposé par le modèle néo libéral féroce appliqué par la dictature et approfondit par la “démocratie surveillée”.

Messages

  • Le séisme a fait tomber des maisons, des hôtels, des hôpitaux et même les principaux bâtiments publics de la capitale, dont le palais présidentiel. L’effondrement de tous ces batiments a provoqué un gigantesque nuage qui a plané au-dessus de la ville et une pluie de poussière sur le sol dévasté.

    Selon les estimations, on compterait plus de 100.000 morts pour une métropole de 2 millions d’habitants. Ceux qui ont survécu vivent dans la rue par crainte de retourner dans les constructions qui sont encore debout.

    Partout dans le monde, les Haïtiens tentent d’entrer en contact avec leurs familles et amis mais la plupart des lignes téléphoniques du pays sont coupées.

    Alors que la majorité des gens ont réagi à cette crise en cherchant comment fournir de l’aide ou faire un don, le fanatique de la Droite Chrétienne (US), Pat Robertson, s’est distingué par une déclaration raciste abjecte. Il a expliqué que les Haïtiens étaient maudits parce qu’ils avaient signé un pacte avec le diable pour se libérer de l’esclavagisme de leurs maîtres français lors de la révolution haïtienne, il y a 200 ans.

    Les grands médias ont expliqué que le séisme avait été provoqué par un glissement de plaques tectoniques le long d’une faille située sous la capitale de Port-au-Prince, et que la misère et l’impuissance du gouvernement Préval avaient amplifié le désastre. Mais ils n’ont pas tout dit.

    « La couverture médiatique du séisme se caractérise par une déconnexion quasi totale entre le désastre et l’histoire sociale et politique d’Haïti », explique le militant de la solidarité avec Haïti, le Canadien Yves Engler. « Ils répètent que le gouvernement n’était pas du tout préparé pour faire face à une telle crise. C’est vrai. Mais ils n’ont pas expliqué pourquoi. »

    Pourquoi est-ce que 60 pour cent des bâtiments à Port-au-Prince étaient-ils mal construits et dangereux, même dans des conditions normales, selon le maire de la capitale ? Pourquoi n’y a-t-il pas de réglementation sur les constructions dans une ville située au-dessus d’une faille ? Pourquoi est-ce que la population de Port-au-Prince est-elle passée de 50.000 habitants dans les années 50 à 2 millions de miséreux aujourd’hui ? Pourquoi l’état a-t-il été totalement dépassé par les évènements ?

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