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Daniel, notre camarade

mardi 30 mars 2010

Daniel Bénard, connu aussi sous le nom de Granier ou Bilou, est décédé.

Militant ouvrier et révolutionnaire et un ami, pour nous Bilou était "quelqu’un"...

Son enterrement aura lieu jeudi 1er avril à 10H40 au cimetière du Père-Lachaise au crématorium

Daniel Bénard, Bill ou Bilou pour tous ceux qui t’ont connu que ce soit dans l’entreprise, à Renault ou à l’Alsthom, que ce soit dans la vie militante, que ce soit à titre personnel, tu es quelqu’un qui marque une vie, une personnalité que l’on oublie pas.

Daniel, tu m’as donné une idée de ce que pouvait signifier quelqu’un d’engagé personnellement, aux côtés de ta classe dont tu avais épousé les combats comme aux côtés de tes amis et camarades ou de quiconque te connaissais de plus près.

Je n’ai pas oublié ta manière de défendre le socialisme à propos de nombreux faits de la vie quotidienne. On a tous également le souvenir de tes révoltes et même de tes coups de gueule car tu n’as jamais été quelqu’un de facile, tu n’as jamais accepté les compromis ni les compromissions, jamais cédé devant les petits calculs et les petits calculateurs, sans même parler des patrons ou des bureaucrates de tous poils. Et on a pu entendre tonner ta voix qui portait loin et partait de points de vue de fond.

Tu as toujours été du côté des grands principes contre tous ceux qui te proposaient des points de vue à courte vue. Ton idéal socialiste et révolutionnaire, tu ne l’as jamais mis dans ta poche, quelles qu’en soient les conséquences, quelles que soient les ruptures auxquelles cela t’a mené. Jamais tu n’as caché ni mis de côté tes idées et tes buts et c’est cela qui fait que, Daniel, tu garderas dans nos mémoires une image inaltérable.

C’est ton énergie, ton enthousiasme qui ont été le déclic pour moi comme pour toute une génération de camarades d’entreprise, tu n’as jamais baissé les bras dans le combat de la lutte de classe comme dans ta putain de maladie. Daniel, j’ai mal mais je n’ai pas l’intention de baisser les bras. Daniel nous ne t’oublierons pas. Bilou, tant que ta révolte et ton attachement au socialisme est dans notre cœur, tu resteras avec nous.

Dédé

Daniel était apprécié par les ouvriers autant qu’il était craint par les patrons et par les bureaucraties syndicales, comme le montre le document suivant :

L’écran coupant la photo, voici le texte intégral de la lettre d’un bureaucrate stalinien à un autre :

« Cher Camarade,

Je t’indique qu’un dénommé BENARD, qui a travaillé dans plusieurs usines de la Région Parisienne et notamment à ALSTHOM, RHONE-POULENC, vient d’être embauché à RENAULT Flins.

Il s’agit d’un élément gauchiste qui a passé son temps, depuis des années, à combattre la C.G.T. en tentant, dans une première étape, de prendre des responsabilités dans la section syndicale C.G.T. et lorsqu’il se dévoile il est généralement exclu et utilise cette situation pour faire campagne contre nous et crée une section syndicale F.O., soit une section syndicale C.F.D.T.

Mon cher Guy, tu connais très bien le problème, je n’insiste pas.

Je t’indique toutefois que cet individu est monteur électricien, je te le dis afin que vous puissiez le plus facilement possible repérer son poste de travail.

Tu trouveras ci-joints quelques tracts édités à l’occasion de son attitude des années antérieures.

Je t’adresse mes fraternelles salutations,

Pour la Fédération

A.HALBEHER

Membre du Bureau Fédéral

Daniel Bénard (Granier) dans les grèves à Renault-Flins (films d’archives)

Un film sur la grève des ouvriers de Renault Flins en 1995 avec notamment l’intervention de Granier dans la grève

Granier dans la grève de Flins de 1985

Un des derniers textes de Daniel sur la grève de 1995 :

POUR LA REPRISE DE L’INITIATIVE OUVRIERE

Chronologie de la grève des usines RENAULT - hiver/printemps 1995

Lundi 6 mars

Journée d’action à l’appel de la CGT et de la CFDT afin de faire pression sur la direction générale avant les négociations salariales prévues pour le lendemain. A Lardy, centre d’études Renault, 400 travailleurs sur le millier que compte le site, débraient et décident en assemblée générale de reconduire le mouvement pour les jours suivants. On observe également des débrayages massifs à Flins. A Boulogne-Billancourt 400 salariés se mettent en grève.

Mardi 7 mars

La direction de Renault annonce une augmentation générale de 1% des salaires couplée avec 1,2% d’augmentation individuelle et 0,3% de prime d’ancienneté.

Mercredi 8 mars

Ecoeurés par l’aumône de la direction, quelques centaines d’ouvriers de Sellerie- Mécanique de l’usine de Flins se mettent spontanément en grève dès la prise de poste le matin. Un cortège se forme et entraîne une partie de l’usine dans la grève. Les syndicats CGT-CFDT-CFTC-FO, pris de court lancent un appel à une journée d’action sur tout le groupe pour le 14 mars.

Jeudi 9 mars

Les syndicats tentent de reprendre le contrôle du mouvement à Flins en se constituant en Intersyndicale. Des meetings ont été organisés à chaque prise d’équipe. La grève est suivie par 2000 à 2500 travailleurs, soit le tiers des effectifs totaux de l’usine. A Sandouville, 16% des travailleurs débraient pendant une heure.

Vendredi 10 mars

A Flins, les bonzes syndicaux proposent d’aller bloquer l’autoroute A13, type d’action de défoulement totalement inefficace et chérie par la CGT. Pendant ce temps, la direction de l’usine, très active, menace les intérimaires, afin de les dissuader de rejoindre le mouvement, et mobilise la maîtrise et les cadres en vue de l’affrontement avec les grévistes. La production est fortement perturbée (142 Clio sur 930 d’ordinaire et 207 Twingo sur 810).

Samedi 11 mars

A Flins l’encadrement tente de redémarrer les chaînes mais il est stoppé par les grévistes qui manifestent l’intention d’occuper l’usine.

Lundi 13 mars

Les syndicats précisent leurs revendications salariales. La CFDT réclame une hausse générale des salaires de 5%, tandis que la CGT surenchérit à 20%, soit « 1.500 francs pour tous ». Pour FO et la CGC, l’augmentation doit être au moins équivalente à celle de PSA, soit 2,2% d’augmentations générales.

Mardi 14 mars

La journée d’action syndicale est suivie par quelque 26.000 salariés du groupe. A Flins, on compte 25% de grévistes. La moitié d’entre eux ont cessé le travail pour la journée entière, tandis que les autres débraient une heure ou deux. Au Mans, 1817 salariés sur 4372 arrêtent le travail (41,5% de l’effectif total) et décident de reconduire le mouvement. A Cléon il y a 1500 grévistes. A Lardy : Grève totale, 300 travailleurs partent rejoindre les grévistes de Rueil et défilent dans les ateliers du centre d’études. A Choisy-le-Roi : 450 à 500 travailleurs en grève le matin ont été rejoints par 200 ouvriers de l’équipe de l’après-midi. L’occupation totale de l’usine est décidée. C’est un moment important de la grève, car ce site approvisionne en amortisseurs les grandes usines de montage du groupe. A Douai, la journée d’action est peu suivie. FO-CFDT se déclarent carrément hostiles à La grève, tandis que la CGT appelle à deux heures de débrayages. A Boulogne-Billancourt, 800 salariés du site sont rejoints par 1500 grévistes de Rueil et de Lardy. Les délégués centraux de la CFDT-CGT-FO sont reçus au siège de la direction générale, mais ils reviennent sans que celle-ci ait fait la moindre proposition nouvelle. Devant la pusillanimité des syndicats, quelques dizaines de jeunes prolétaires réagissent en sifflant les délégués et en proposant d’occuper le siège et de séquestrer la direction.

Mercredi 15 mars

A Flins : 1200 ouvriers sont toujours en grève totale, des milliers d’autres débraient sporadiquement et dans le désordre pour se rendre aux assemblées générales. LO constitue un auto-proclamé « comité de grève en Sellerie-Mécanique qui reprend l’essentiel des revendications de la CGT, notamment les 1.500 francs pour tous. Au Mans : 2000 ouvriers débraient deux heures, certains agents de maîtrise les soutiennent. A Lardy et à Choisy, où les travailleurs débraient 4 heures par jour, le mouvement est reconduit. A Douai, l’usine est mise en chômage technique suite au blocage des portes de l’usine de Choisy.

Jeudi 16 mars

A Flins : les techniciens des Méthodes débraient deux heures le matin. La direction tente, une nouvelle fois en vain, de faire repartir les chaînes en mobilisant l’encadrement. Au Mans : les ETAM se joignent de plus en plus nombreux aux débrayages sporadiques. Devant cette mobilisation inédite des ETAM, la CGC réclame la réouverture immédiate des négociations et une nouvelle augmentation générale des salaires dès le premier mai. A Cléon : 18% des ouvriers cessent de travailler pendant une heure et demie.

Vendredi 17 mars

Les quotidiens patronaux Les Echos et Le Monde notamment, expriment l’inquiétude des capitalistes et de l’Etat en titrant sur la paralysie du groupe RENAULT : « Les usines de Renault sont prises au piège du ‘juste-à-temps’ », « Le piège des flux tendus commence à se refermer sur Renault ». En effet, après seulement 9 jours de conflit, les usines de Douai et de Sandouville sont arrêtés pour faute de pièces détachées. La grève continue à Flins, où Clio et Twingo ne sortent plus des chaînes. En Sellerie- Mécanique, 300 ouvriers sont en grève totale. A Lardy : Le comité de grève organise le blocage des voies du RER. Au Mans, la direction décide de mettre 1500 ouvriers de production au chômage technique.

Lundi 20 mars

Les syndicats appellent à une nouvelle journée d’action pour le lendemain et à une manifestation devant le siège de la société à Boulogne-Billancourt, où des nouvelles négociations salariales sont prévues. Au Mans : Défilé interne de 1000 ouvriers refusant le lock-out de la direction. L’usine est partiellement bloquée. A Choisy : 9 grévistes, dont 5 CGT, 1 FO et 3 non-syndiqués, sont convoqués par lettre recommandée à un entretien préalable au licenciement par faute grave et assigné en référé pour entrave à la liberté du travail devant le tribunal d’instance. Le juge ordonne la levée des piquets sous peine d’astreinte de 500 francs par jour. A Ingrandes (Vienne) : Les ouvriers des Fonderies du Poitou (carters, culasses), filiale de Renault, rejoignent leurs camarades en grève. Ils réclament 500 francs d’augmentation pour tous. La grève est suivie par la quasi-totalité des salariés et un piquet est formé aux portes de l’usine.

Mardi 21 mars

Plusieurs milliers de travailleurs manifestent à l’appel des syndicats Quai Point-du-Jour, où les délégués négocient avec la direction générale. Après huit heures de pourparlers, celle-ci accorde 2,5% d’augmentations générales des salaires pour l’année ‘95, dont 1% au 1er mars « comme ce qui avait été annoncé le 7 mars dernier », 0,5% au 1er avril et 1% au 1er octobre. A ces hausses s’ajoute une augmentation du Complément de salaire Mensuel Uniforme (CMU). Le CMU s’élèvera à 70 francs au 1er avril et 30 francs au 1er novembre. En moyenne, cette évolution revient à une progression de 0,5%. En outre, 1,2% est accordé au titre des augmentations individuelles. En fait, la direction lâche en une fois ce que de toute façon elle aurait été prête à lâcher aux négociations salariales prévues en septembre. Pour un salaire moyen, l’augmentation totale se monte à peu près à 300 francs brut. Au regard des 15 jours de grève, c’est dérisoire. Au Mans, 3000 travailleurs manifestent. A Cléon, 650 grévistes débraient deux heures et manifestent dans les rues d’Elbeuf. A Choisy, les piquets de grève sont levés. Une assemblée générale de 150 ouvriers décide la grève pour la journée. Cependant, les camions transportant les pièces recommencent à entrer et sortir de l’usine. A Lardy, 300 grévistes partent en délégation à Choisy pour soutenir les travailleurs sanctionnés. Aux Fonderies du Poitou, la direction assigne 7 délégués pour entrave à la circulation des camions alors que ceux-ci sont tout juste ralentis par le piquet qui ne leur interdit nullement l’accès du site. A Rueil, 3000 travailleurs réunis en assemblée générale se mettent en grève pour la journée. A Flins, une délégation de 250 ouvriers prend part à la manifestation de Boulogne- Billancourt. A l’usine il n’y a plus que 700 grévistes environ qui s’opposent aux tentatives répétées de la direction pour remettre en route les chaînes.

Mercredi 22 mars

Après les propositions de la direction, les syndicats manifestent une certaine prudence craignant « une base très remontée ». La CGT, par la voix de son administrateur M. Gérard Muteau, est partagée : « La direction a commencé à nous entendre, mais il reste un écart énorme par rapport aux demandes des salariés. » FO, elle, semble relativement satisfaite : « On a avancé. 3% d’augmentations générales sur l’année, ce n’est pas négligeable... » Quant à la CFDT, dirigée par l’ex-gauchiste Daniel Richter, elle joue la carte de la radicalité : « Dans le cadre d’une négociation salariale à froid, cela aurait pu être acceptable. Mais aujourd’hui, c’est en deçà des attentes des salariés. Dans une situation aussi chaude qu’aujourd’hui, avec une fracture sociale aussi profonde, cela paraît insuffisant. » L’inquiétude gagne les hautes sphères de l’Etat. Dans un entretien au quotidien économique La Tribune, M. Edouard Balladur, premier ministre, déclare qu’ « il faut augmenter les salaires quand cela est possible. » A Choisy : Capitulation syndicale en rase campagne. Les ouvriers sont désorientés. Par voie de tract, l’Intersyndicale les appelle à reprendre le travail avant même l’ouverture des négociations avec la direction. A Douai : Reprise du travail après une semaine de lock-out. La paix sociale dans cette usine est totale. A Flins : Reconduction de la grève pour le lendemain ; les grévistes demandent le paiement des heures de grève.

Jeudi 23 mars

A Lardy, quelques centaines de salariés bloquent la route nationale 20. A Flins, un millier de grévistes rejettent les propositions de la direction quant au paiement des heures de grève (18 heures et récupération de la production perdue sur 7 samedis).

Vendredi 24 mars

A Flins, la direction tente, une fois de plus, de faire démarrer la chaîne de production de la Twingo avec des intérimaires. Ces derniers sont menacés de renvoi s’ils n’obtempèrent pas. La maîtrise, l’encadrement et quelques non-grévistes parviennent à faire sortir des chaînes quelques dizaines de voitures. La négociation sur le paiement des heures de grève est rouverte. La direction accepte de payer 44 heures pour les travailleurs ayant fait entre 50 et 102 heures de grève. Les derniers grévistes finissent par accepter de reprendre le travail. A Choisy, la direction d’usine transforme les 9 procédures de licenciement en avertissements et propose le paiement de 10 heures de grève ! Certains grévistes en comptaient près de 65 depuis le 16 mars.

Samedi 25 mars

Reprise du travail aux Fonderies du Poitou. Les salariés obtiennent 130 francs sur le salaire de base au 1er avril, plus 30 francs en octobre.

Lundi 27 mars

Reprise du travail à Flins. A Lardy, l’assemblée générale décide la reconduction de la grève et la participation à une manifestation syndicale prévue pour le lendemain à Boulogne-Billancourt. A Rueil, un millier de salariés manifestent dans les rues de la ville.

Mardi 28 mars

Réfugiée au Palais des Congrès, la direction de Renault par la bouche de son P.D.G., M. Louis Schweitzer, annonce le triplement de son bénéfice net d’impôts pour l’année ‘94, soit 3,6 milliards de francs. A Boulogne-Billancourt, 1500 salariés venant pour la plupart de Rueil et Lardy manifestent sous le siège social de la firme. Au Mans, 3000 travailleurs manifestent ainsi qu’à Sandouville, où le défilé rassemble 2000 personnes. M. L. Schweitzer refuse d’aller plus loin dans les propositions salariales : « Si on va au-delà de ces chiffres, surtout dans un système européen où la compétitivité est modifiée par les évolutions des monnaies, nous prenons des risques pour l’entreprise. » En outre, il annonce la perte de 35.000 voitures pour un montant global de 200 à 300 millions de francs depuis le début des agitations ouvrières.

Mercredi 29 mars

Débrayages sporadiques d’une heure aux usines du Mans et Sandouville entraînant le quart du personnel. A Lardy et à Ruieil, le mouvement continue avec des arrêts du travail de deux à quatre heures par jour. Vendredi 30 mars Au Mans, le directeur d’usine, M. André Roche, envoie aux 5000 salariés du site une lettre où il stigmatise : « Ceux qui incitent à des actions illégales ou s’en rendent responsables » et brandit la menace de sanctions. Pour action illégale, M. A. Roche, désigne les débrayages d’une heure en relais avec l’occupation et le blocage de l’atelier. De plus, les tentatives de la maîtrise d’empêcher ce type d’action, provoquent des affrontements de plus en plus violents avec les ouvriers. Pour la direction d’usine, l’ambiance est « épouvantable », les prolétaires se livrant même au simulacre de pendaison d’un cadre non-gréviste.

Samedi 1er avril

Au Mans, la direction assigne 97 travailleurs en référé, tandis qu’à Rueil 6 grévistes sont menacés de licenciement. Lundi 3 avril Au Mans, des débrayages ont été suivis par une manifestation de 1500 travailleurs au Tribunal de grande instance, où sont jugés les 97 salariés de l’usine. Le Tribunal ordonne l’ouverture du site aux huissiers à des fins d’identification des perturbateurs, mais s’abstient de prononcer des sanctions. A Rueil, 93% des 1059 grévistes qui se sont prononcés lors d’un vote à bulletin secret, décident de reconduire le mouvement et de bloquer les huit portes du centre technique. A Lardy, 500 des 8 à 900 salariés présents bloquent l’entrée principale pour la journée. La CGT annonce la convocation d’une marche nationale des salariés Renault à Paris pour le 6 avril. Mardi 4 avril A Lardy a lieu une réunion syndicats/direction avec la participation de délégués des grévistes choisis en assemblée générale. Pour les salaires, la direction propose une prime d’intéressement de 700 francs. Au Mans, les syndicats appellent les ouvriers à cesser les débrayages. A la place... ils organisent un pique-nique aux portes de l’usine ! Pour le quotidien Libération, c’est la « méthode kermesse » et « un virage à 180 degrés... car tout semblait conduire au durcissement. »

Jeudi 6 avril

La marche sur Paris de la CGT rassemble quelques milliers de manifestants qui se dirigent vers le siège social de la firme à Boulogne-Billancourt. Hormis une délégation conséquente de l’usine du Mans - 500 ouvriers -, la participation des autres sites, Sandouville, Cléon et Douai, demeure symbolique. De Flins se déplacent en dix... Le gros des troupes est composé de techniciens et d’ingénieurs de Rueil et de Lardy qui accueillent les ouvriers du Mans avec une chaleureuse haie d’honneur.

Epilogue

La marche du 6 avril constitue le chant du cygne du mouvement de grève des usines RENAULT initié pendant la première semaine de mars. On notait encore une semaine après des quelques arrêts sporadiques du travail au Mans et à Flins notamment, où les syndicats CGT-CFDT-FO appelaient le 12 avril les ouvriers à un débrayage d’une heure contre la venue dans l’usine de M. L. Schweitzer. 90 salariés répondent à l’appel, traduction vivante du sentiment d’écoeurement profond ressenti par les travailleurs devant cette énième mascarade symbolique des syndicats. En revanche, à Rueil, les travailleurs tiendront jusqu’au 15 mai, date à laquelle une majorité de grévistes décidera d’arrêter le mouvement. Dans ce centre technique, la CGT, tente encore aujourd’hui, diversement soutenue en cela par 3 à 400 salariés, de maintenir la pression par des « actions » d’éclat (participation bruyante, en tant qu’actionnaires salariés, à l’assemblée annuelle de présentation du compte d’exploitation de la firme), ou par la multiplication de mots d’ordre de greve de moins en moins suivis. L’assemblée générale du matin, de plus en plus réduite, est aussi formellement maintenue en vie par ce syndicat afin de se cacher derrière un simulacre de « démocratie ouvrière ». Extraits de Courant Communiste Paris, 30.05.95.

la suite

Granier dans la grève de Flins en 1995 (le film)

Granier dans la grève de Flins de 1985

Messages

  • Daniel Bénard, connu aussi sous le nom de Granier ou Bilou, est décédé.
    Militant ouvrier et révolutionnaire

  • Daniel, je suis content de t’avoir connu.

    « Je n’ai pas oublié ta manière de défendre le socialisme à propos de nombreux faits de la vie quotidienne. On a tous également le souvenir de tes révoltes et même de tes coups de gueule car tu n’as jamais été quelqu’un de facile, tu n’as jamais accepté les compromis ni les compromissions, jamais cédé devant les petits calculs et les petits calculateurs, sans même parler des patrons ou des bureaucrates de tous poils. Et on a pu entendre tonner ta voix qui portait loin et partait de points de vue de fond.

    Tu as toujours été du côté des grands principes contre tous ceux qui te proposaient des points de vue à courte vue. Ton idéal socialiste et révolutionnaire, tu ne l’as jamais mis dans ta poche, quelles qu’en soient les conséquences, quelles que soient les ruptures auxquelles cela t’a mené. Jamais tu n’as caché ni mis de côté tes idées et tes buts et c’est cela qui fait que, Daniel, tu garderas dans nos mémoires une image inaltérable. »

    Merci pour ces lignes qui disent très précisément ce que Daniel/Bill/Granier était également pour moi.

    Il restera toujours tel quel dans mon souvenir. Pas facile, mais d’une grande générosité, aussi grande que ses idées.

  • A lire l’un des derniers point de vue de Daniel sur une grève en France : ici

  • Salut ! camarade, tant que notre cœur est à la révolution et au prolétariat aussi chaudement que le tien, ton combat n’aura pas été mené en vain...

  • L’exemple de Renault Flins : 25 ans d’histoire syndicale, ou l’évolution parallèle de la CGT et du PCF

    Un article écrit par notre camarade Bénard le 1er août 2002

    La direction du PCF, jusqu’à sa "mutation" sous la direction de Robert Hue, se devait d’avoir des liens privilégiés avec le milieu ouvrier. Renault Flins faisait partie de la dizaine de grosses entreprises industrielles avec lesquelles elle était en lien direct. Elle y maintenait le contact avec quelques militants parfaitement fiables, court-circuitant les structures du parti, dans les deux sens. Ces liens CGT-PC font qu’on ne peut comprendre l’évolution et les virages de la CGT qu’en les mettant en parallèle avec la politique du PCF.

    Avant 1968, le PCF faisait systématiquement exclure de la CGT les militants révolutionnaires. Dans les années qui ont suivi, une politique plus subtile consista à intégrer à l’appareil syndical, le plus souvent avec succès, ceux des militants gagnés à la contestation par la vague de 68.
    Les purges des années 70

    Pourtant dès 1974, avec les accords de l’union de la gauche derrière Mitterrand, le PCF s’est de nouveau soucié du danger que pourraient constituer des "gauchistes" tenant des positions dans des syndicats de grosses entreprises. A Flins l’affrontement était quasi permanent entre la direction de l’usine, assurée par un directeur ex-chef du personnel à SIMCA, et les ouvriers et les syndicats ouvriers. Mais pour dure que soit la vie syndicale, elle était réelle. La CGT avait alors 1100 adhérents payant une moyenne de sept timbres par an. A partir de 1975, dans les ateliers de tôlerie et presses, un petit journal syndical ronéoté paraissait chaque semaine.

    L’appareil CGT a déclenché la purge en février 1976 à l’occasion des élections de délégués du personnel pour éliminer des listes tout ce qui ressemblait à des contestataires potentiels de la politique d’Union de la Gauche à venir. La CGT a perdu 2000 voix ; mais la bureaucratie a gardé la mainmise. A l’époque, un appel à un nouveau congrès fut lancé par 24 délégués et militants connus pour essayer de sauver le syndicat, mais rien n’y fit ; tous furent éliminés. Moins de trois ans après, en mai 1979, une nouvelle vague d’exclusions eut lieu, malgré les protestations de sections syndicales entières (peinture, mécanique...). Le PCF voulait être bien sûr qu’il ne restait personne qui puisse servir de point de ralliement à une opposition à la politique qu’il allait devoir faire mener à la CGT.

    Le syndicat ne s’en est jamais remis : l’équipe militante a été brisée, les journaux syndicaux et comptes rendus d’activité ont été arrêtés, le nombre de syndiqués a dégringolé en flèche. Mais l’appareil du PC gardait le contrôle absolu de la situation. Et quand deux ans après le gouvernement d’Union de la gauche avec ministres PC est arrivé, la CGT Flins était normalisée et bien aux ordres.
    La CGT contre les grèves

    En 1982 et 83, ce fut la grève des chaînes de mécanique et des ouvriers d’entretien outillage, puis des caristes, puis des peintres… L’usine fut arrêtée pendant presque deux mois. Mauroy, premier ministre, parla de "grèves dirigées par les intégristes chiites". Le PC poussa l’appareil syndical à faire pression sur les militants CGT impliqués dans les grèves. Au sein du syndicat on disait que les grèves étaient "fomentées par la droite pour barrer la route au gouvernement de gauche". Le résultat le plus tangible fut le désarroi des militants d’atelier ne sachant plus quoi faire. Et aux élections suivantes la CFDT s’est retrouvée majoritaire avec une image de combativité et la réputation que dans les grèves, elle ne se dégonflait pas alors que la CGT avait le cul entre deux chaises.

    Lors de la grève Talbot, fin 1983, ce sont les militants de l’appareil de Flins qui sont allés faire le coup de poing contre la CFDT. Il fallait sauver le gouvernement !

    Dans cette période 81-84 la CGT Renault signa des accords et laissa passer sans rien dire ce qui se mettait en place : entre autres l’ordonnance de 1982 sur les horaires spéciaux de fin de semaine et les lois Auroux qui permettaient les dérogations au code du travail en matière d’horaires. Un nouveau virage se produisit pourtant en 1984, quand les ministres PC quittèrent le gouvernement. La CGT Flins, jusqu’à aujourd’hui, n’a plus signé aucun accord, même si elle ne s’est jamais donné les moyens réels de les combattre jusqu’à l’annulation.

    Et il a fallu que la CFDT Flins effectue son "recentrage" dans les années 1985-90 pour que la CGT, redevenue plus revendicative aux yeux de la masse des travailleurs de l’usine, redevienne majoritaire sur l’usine, alors que la CFDT signait des accords (sur la troisième équipe notamment) et excluait massivement, elle aussi, ses contestataires... dont une bonne partie des militants exclus de la CGT en 76-79 qui s’étaient reconvertis quelques années après à la CFDT.
    La fonte des effectifs syndiqués

    Toutes ces trahisons et ces revirements ont profondément marqué les travailleurs à Flins. La plus grande partie de ceux-ci qui ont vécu ces 25 dernières années à l’usine, ont été syndiqués à un moment ou à un autre soit à la CGT soit à la CFDT ; puis ont laissé tomber, déçus, voire écœurés.

    Il serait faux de croire que c’est par absence de combativité, même si entre 1983 et 1995 où il n’y a pas eu de grande lutte. En 1995, la grève a paralysé l’usine trois semaines, mais ni dans le cours de la grève ni après il n’y a eu d’adhésions aux syndicats ; quelques petites dizaines tout au plus, tous syndicats confondus.

    En 25 ans, les effectifs syndiqués ont fondu. Vers 1985, ça a été le lancement de la politique "une carte, un timbre = un syndiqué". Les patrons avaient inventé le 0,2 % de la masse salariale pour subventionner les organisations syndicales qui assuraient par là leur vie matérielle, les cotisations ne devenant qu’un complément plus ou moins accessoire.

    Il n’est un secret pour personne que le syndicat CGT (et c’est pire pour les autres) a bien moins de 200 cotisants réguliers, et encore par le biais des prélèvements automatiques (il s’est avéré nécessaire de le rendre obligatoire pour les mandatés). Pour afficher 7 à 800 syndiqués, il faut compter les "une carte, un timbre".

    Après l’épisode 1981-84, le discours dans le syndicat a été qu’il ne faudrait jamais recommencer. Promis, juré, on ne se ferait plus avoir. Pourtant avec le gouvernement Jospin et la nouvelle participation des ministres PCF, rebelote. Mais dans l’équipe syndicale actuelle, bien que considérablement affaiblie, ça ne passe pas.

    Car ces dernières années, l’influence du PC sur les militants n’est plus ce qu’elle était. Même parmi ceux qui ont toujours suivi le PC, Hue n’est pas une référence et ce que dit le PC est suspect. "Discipline de parti" connaît plus. Personne de Flins n’était sur la pelouse de la fête de L’Humanité en 1997 quand Hue s’est fait siffler ; mais pas mal de militants d’ici regrettent de n’en avoir pas été. Et quasi tous les militants du syndicat sont en hostilité déclarée à la loi Aubry... en mettant dans le même sac la nouvelle ligne syndicale tracée par Thibault.

  • En 2010 les syndicats sont contrariès ; ils ont tout fait pour limiter au maximum les réactions d’ensemble des travailleurs :

    En 2009 et les 6 premiers mois de 2010 sont "exemplaires" pour isoler les luttes, les détourner, faire marcher les salariès pour les laisser sur le carreaux.

    La bourgeoisie pensait donc que le moment était venue, bénéfiçiant de cette période récente et plus ancienne 2003, 2007, pour lancer un coup de bélier en pleine tête des travailleurs les plus proches de la retraite,qui sont par la même occasion les parents de ceux qui sont précaires ou en CDI avec des crédits, ou sans emploi et donc la proie des sergents recruteurs de l’armée ou des traficants en tout genre.

    D’une pierre deux coups : on casse les anciens pour montrer aux jeunes que c’est dans l’ordre des choses d’encaisser sans broncher.

    Mais pas de peau les anciens ont la peau dure et ne se laissent pas enterrer sous les avalanches de justifications soit disant rationnelles mais qui n’ont surtout pas trompés des travailleurs qui entendent ces discours depuis 20,30, 40 ans.

    Les syndicats se retrouvent coincer par une exigence (un contrat social de crise) de calmer le mouvement et de le décourager, tout en gardant l’air de répondre à la colère sociale générale en brassant les grèves et les manifestations dans des secteurs précis et des jours J.(s)

    Alors faire marcher , faire voter, dénoncer les 20000 familles les plus riches, montrer les traders et les footballers transfrontaliers en icônes de la décadence économique du pays France : les partis et syndicats de gauche le font bien.

    Mais ils restent quand même que les syndicats ne se remplument toujours pas, qu’ils restent des objets de méfiance aux yeux des travailleurs, et que l’extrème gauche pène à se convaincre elle même quand elle appelle à suivre les centrales devenues irréprochables depuis 2 mois !!

    Qui va sauver le soldat capitaliste, avec de tels guignols à la tête de salariès.
    Les travailleurs le disent ouvertement : ils croient plus en la jeunesse qu’en leurs organisations syndicales pour faire plier le pouvoir.

    Le futur front de gauche extrème gauche peut sauver la bourgeoisie ? Pour l’instant il ne ressemble en rien à celui des années 30.

    Car la différence avec 36 est que nous sommes débarassés presque complètement du stalinisme et ça ce n’est pas rien, car Franco sans le PC espagnol, piloté par l’IC, n’était pas assez fort pour écraser la révolution sociale.

    Et c’est bien de révolutions dont il est question quand le système capitaliste est mort et que la classe qui le dirige a pour ambition de retarder l’annonce de sa mort, comme celle du dictateur qui fait toujours craindre à ses serviteurs une terrible malédiction les poursuivant éternellement.

    A nous de choisir s’il faut attendre une nouvelle guerre mondiale, un nouveau front populaire ouvrant un boulevard aux fascismes, ou bien militer tout de suite pour le renversement du vieux monde par les exploités de tous les pays unies.

    Car grève générale, rêve générale, etc...c’est rigolo 2 mn comme slogan.

    MAis quand on sait que l’urgence est d’en finir avec ce système économique donc de renverser un Etat, un pouvoir, une classe sociale, des institutions bourgoises, et qu’on est persuadé que ce n’est pas la gauche ni l’extrème gauche, ni les religieux,ni les fascistes qui vont le faire à notre place, alors ce n’est plus une promenade qu’il faut faire dans les rues des capitales, c’est des soviets assemblées ouvrières, d’employés, de travailleurs indépendants avec tous les étudiants et les anciens à la retraite, partout en ville, usine, campagnes, pour réquisitionner tout ce qui nous manquent pour vivre en travaillant !

  • Salut Daniel !

    Quatre ans déjà que tu nous manque avec tes coups de gueule et tes chansons, sifflements, bâillements tonitruants et ta joie de vivre !

    Le printemps est là et bien là, comme j’aime à me représenter ton printemps intérieur plein d’une soif de vivre et d’une révolte enflammée.

    Printemps de la vie, printemps de la mort, printemps de Daniel, printemps de la jeunesse qui s’enflamme dans un monde en révolte qui cherche la voie de la révolution, celle que nous cherchions ensemble.

    A toi, cher Daniel, ô Mastodonte révolutionnaire, ô communiste prolétarien, mes prières matérialistes qui ne peuvent venir que d’un religieux que je ne veux pas être, et qui pourtant viennent, j’ai envie de te les adresser.

    Pourtant, seuls des mots appris d’une religion dans laquelle j’ai grandi viennent.

    Alors pour le bonhomme que tu as été, auquel je souhaite m’adresser en sachant que je ne pourrais plus jamais m’adresser à toi, je n’ai qu’un salut à prononcer, et garder ma douleur de t’avoir perdu jusqu’à la fin de mes jours...

  • "Toutes ces trahisons et ces revirements ont profondément marqué les travailleurs à Flins. La plus grande partie de ceux-ci qui ont vécu ces 25 dernières années à l’usine, ont été syndiqués à un moment ou à un autre soit à la CGT soit à la CFDT ; puis ont laissé tomber, déçus, voire écœurés.

    Il serait faux de croire que c’est par absence de combativité, même si entre 1983 et 1995 où il n’y a pas eu de grande lutte. En 1995, la grève a paralysé l’usine trois semaines, mais ni dans le cours de la grève ni après il n’y a eu d’adhésions aux syndicats ; quelques petites dizaines tout au plus, tous syndicats confondus." Granier

    20 ans après bientôt, la classe ouvrière en France le payent au prix fort car les bureaucraties ont mis dans le mur plusieurs grands mouvements ces dernieres années : 95/96 luttes des cheminots/RATP/sans papiers ; lutte contre les licenciements en 1997- 2001, lutte en 1999 contre les "35H00" Aubry, lutte en 2003 contre la casse des retraites, en 2006 contre le CNE/CPE, en 2006/2007/2008 pour les salaires, en 2009 pour la régularisation des sans papiers, en 2009 encore aux Antilles contre la vie chère et en métropole contre la casse de l’enseignement, fin 2010 contre la réforme général des retraites.
    La CGT a sommé les salariés d’attendre le retour de la gauche au pouvoir en 2012 et l’extrème gauche n’a rien trouvé à y redire depuis le 1er jour ou la CGT a décidé des grandes journées d’action sans perspective (autre qu’électorale) jusqu’à l’épuisement du mouvement, en faisant croire à l’unité syndicale.
    Les staliniens sont remplacés par des commentateurs d’extrème gauche qui aujourd hui ont décidé de taire les critiques contre les bureaucraties au nom de la construction syndicale et surtout au nom de la social démocratisation des partis révolutionnaires.
    L’abandon des références à l’internationalisme, à l’auto-organisation des travailleurs se sent partout dans tous les discours des "leaders" et leur 1er argument est : "le manque de combativité ouvrière" .

  • Daniel Bénard, ou Granier, ancien dirigeant de LO écrivait :

    « Ma lettre de rupture avec Lutte Ouvrière »

    « Depuis plus de 25 ans, LO s’est impliqué systématiquement dans toutes les élections (une par an en moyenne dans ce pays) et ce qui sert de direction politique à l’organisation a fini par y croire. Au dernier Comité Central, la version officielle devient que « les élections en changent pas tout, mais ça change quand même... ». Finalement, le thermomètre fait quand même un peu monter la température du malade... pas jusqu’à 42°, mais un petit 38,5 quand même !
    On trouve moyen, dans l’édito du journal du 15 janvier, de conclure à propos du projet de licenciements de Danone : « Mais à défaut de suffire pour faire reculer le patronat, les prochaines élections municipales nous permettront de montrer aux politiciens... etc ». La référence à la lutte nécessaire dans le paragraphe précédent, c’est la feuille de vigne pour la bonne conscience ; parce que les élections ne suffisent pas. J’ai proposé au dernier Comité Central qu’on affirme clairement et publiquement que les élections ne changeront rien au sort de la classe ouvrière. On se retrouve avec une formule dans laquelle ça n’est simplement « pas suffisant » bien que « ça change quand même des choses ». La voie électorale pour le changement à petits pas ? Ce sont les révolutionnaires que nous étions qui ont changé ; pas le piège illusoire que sont les élections. (...) Un camarade, qui est intervenu au CLT [cercle Léon Trotsky] de la salle, a fait remarquer que vouloir remédier aux maux engendrés par le système sans démolir le système, cela s’appelle le réformisme. Je partage son intervention. Lutte Ouvrière par des tas d’aspects est devenue une organisation réformiste ; et les raisonnements gestionnaires ressortent à tout bout de champ (...).

    Depuis plus de trois ans, très officiellement, LO a initié cette politique opportuniste vis-à-vis du PCF, ses militants et ses dirigeants. Je me suis exprimé plusieurs fois là-dessus de vive voix et par écrit. Mais trois ans après, ça donne quoi, cette orientation ? Il y a eu l’épisode des manifestations unitaires PCF-LO-LCR de fin 1999 interdisant toute critique du gouvernement puisque le PCF était impliqué. Bilan ? Par un tout autre cheminement, LO extrême-gauche de la gauche de la gauche (...).
    A force d’abaisser le niveau de la propagande avec l’objectif officiel de se faire comprendre, LO et sa direction actuelle est très en dessous du trait. Les grandes déclarations de fidélité historique à la révolution et au communisme, pour nécessaires qu’elles soient, ne prémunissent absolument en rien contre le charme persistant du réformisme au jour le jour et l’électoralisme insidieux. Ainsi, la discussion sur la formule « interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits » (et pourquoi préciser celles-là), qui pouvait paraître anodine, le devient beaucoup moins quand Arlette est amenée à répondre à un journaliste qui pose la question : « Toujours en colère contre les patrons ? » « Je ne suis pas en colère contre les patrons. Je défends les travailleurs lorsqu’ils sont attaquées par les patrons, ce qui est malheureusement très souvent le cas. » Ce n’est plus le système qu’on dénonce, seulement ceux qui exagèrent en quelque sorte (...).

    Quant à la critique de classe des appareils syndicaux, alors là, il faut remonter loin dans le passé pour trouver dans les bulletins, en quoi les syndicats dans les entreprises participent au système d’exploitation et trahissent les intérêts des travailleurs. Même au plan général des confédérations, LO en arrive à écrire (édito des bulletins du 15 janvier) : « Et c’est par la lutte d’ensemble de toute la classe ouvrière, que les organisations syndicales devraient s’employer dès maintenant à préparer et à organiser... » Si ça n’est pas entretenir des illusions sur les syndicats, qu’est-ce que c’est ? Comme si les travailleurs pouvaient s’en remettre aux syndicats pour organiser la lutte d’ensemble ! ».

    Le 10 février 2001, Granier.

  • BENARD Daniel. Pseudonyme : Granier

    Né le 3 septembre 1942 à Paris (XVIIe arr.), mort le 26 mars 2010 ; ouvrier chimiste de formation ; ouvrier métallurgiste ; militant syndicaliste CGT puis CFDT ; militant communiste ; militant de Voix ouvrière, puis Lutte ouvrière de 1964 à février 2001 ; membre d’une petite organisation, « Mouvement communiste ».

    Benard Daniel, fils de Gaston Benard et Marguerite Ponty naquit dans une famille ouvrière parisienne de six enfants ; Daniel était le cadet. Son père, fils d’ouvrier agricole, était éboueur à la ville de Paris, militant au Parti communiste. Sa mère s’occupait du foyer. Elle travailla occasionnellement comme femme de ménage. La famille de la mère venait de la petite bourgeoisie provinciale avec laquelle Marguerite rompit au moment son mariage.

    L’enfant évolua dans un quartier de Paris qui constituait un bastion du PCF. Son immeuble comptait une cellule du Parti communiste et la vie politique était scandée par les réunions de cellule ainsi que les ventes de l’Humanité au pied des immeubles et au porte-à-porte. Un portrait de Staline trônait dans l’entrée de l’appartement.

    Après son certificat d’études primaires, l’adolescent se dirigea vers une formation technique à l’école de chimie qui se situait à proximité du domicile familial. Bon élève, il obtint en 1959 un CAP de conducteur d’installation chimique. Il se distingua de ses frères et sœurs qui étaient peu diplômés. L’entrée rapide dans la vie professionnelle fut, dans la famille, prioritaire sur les études

    À seize ans et demi, son diplôme en poche, il fut embauché à l’entreprise Rhône-Poulenc à Vitry. Ouvrier chimiste qualifié, trois semaines plus tard, il était adhérent à la CGT et quelques mois plus tard à la JC. En 1959, il fut élu délégué du personnel. Son frère fut également militant PC ainsi que deux de ses sœurs. Demeurant chez ses parents jusqu’en 1964, il obtint rapidement des responsabilités au PCF. Il milita à Ivry-sur-Seine, dans la section de Maurice Thorez.

    Il échappa à la guerre d’Algérie car il ne fut mobilisé qu’en février 1962. C’est durant son service militaire qu’il découvrit l’ouvrage de Daniel Guérin sur Juin 36 grâce à des étudiants avec qui il fut incorporé. La manière dont le PCF et la CGT organisèrent la fin de la grève des mineurs le troubla également.

    De retour à Rhône Poulenc, il découvrit l’existence d’un bulletin publié par le groupe Voix ouvrière. Très rapidement il adhéra à ce petit groupe, où il fut immédiatement propulsé au comité central, puis au comité exécutif. Avec trois autres contacts, dont deux provenaient du PSU (tout en cotisant à Voix ouvrière), il s’attacha à la publication d’une feuille VO sur son entreprise. Parallèlement, dans le cadre de ses responsabilités à la commission jeune CGT, il prit parti pour les objecteurs de conscience dont la cause à cette période était popularisée par l’action de Louis Lecoin.

    Cela lui valut son exclusion du PCF en avril 1964 et en 1965 son exclusion du syndicat des techniciens de l’industrie chimique. Avec quelques autres militants, il forma un comité pour la démocratie ouvrière qui sortit durant quelques mois un bulletin sur l’usine. Ce fut le prétexte de son licenciement de l’entreprise pour « participation à des écrits injurieux envers la direction » en juillet 1966. Suivirent alors quatre mois de formation intellectuelle intense accompagnée par un militant qui encadra ses lectures à un rythme soutenu. Les principaux textes du marxisme classique, ainsi que des ouvrages de culture générale lui fournirent un bagage intellectuel auquel sa scolarité ne lui avait pas permis d’accéder.

    Il retrouva du travail à SKF dans le laboratoire des huiles. Son séjour ne durera que six mois. En effet, VO décida de faire apparaître publiquement ses militants dans plusieurs entreprises, dont SKF. Le jour du départ en vacances en juillet 1966, Benard fut victime d’une compression de personnel.

    En novembre 1967, il fut embauché à Delle-Alsthom. Après un court passage par la CGT, il fit partie des animateurs du comité de grève dans l’usine. Très actif durant la grève générale, il rassembla un noyau de jeunes ouvriers autour de lui et engagea la vingtaine de personnes dans la création d’une section CFDT. Durant quelques années, toute l’extrême gauche fut représentée dans cette usine très combative par divers groupes maoïstes, Lutte ouvrière, la Ligue communiste et l’OCI. Secrétaire du syndicat CFDT, il fut de toutes les mobilisations.

    En 1972, la branche Delle-Alsthom disparut de Saint Ouen. De nouveau sans emploi, après discussion collective au sein de l’organisation, un groupe de trois militants de LO s’embaucha à Renault-Flins. Il commença à y travailler en novembre 1973, comme ouvrier métallurgiste. Le groupe initial reçut le renfort de plusieurs militants de son organisation. Son adhésion à la CGT ne dura que quelques mois car il fut exclu en 1975, avec tout un groupe contestataire. Dans un courrier du 11 avril 1974, A. Halbeher, membre du bureau fédéral de la FTM-CGT indiqua la présence de cet « élément gauchiste » à un responsable du syndicat de Flins.

    C’est en militant sans appartenance syndicale qu’il accompagna le mouvement de grève des presses qui se déroula en 1978. Grève essentiellement conduite par des immigrés. Grève radicale mais minoritaire qui se conclut par un échec et le licenciement des animateurs.

    Après une tentative de créer une « CGT renouveau » avec un groupe de délégués CGT, la décision fut prise, au bout d’une très longue période, d’adhérer à la CFDT, dirigé alors par Daniel Richter. C’est en 1984 qu’il prit finalement sa carte à cette centrale.

    En 1992-1993, un conflit interne déchira le syndicat CFDT sur la question de la création d’une troisième équipe de nuit. Il fut exclu de la CFDT avec un groupe contestataire, qui finit par intégrer la CGT, après des négociations laborieuses.

    Les années qui suivirent connurent un déclin très marqué de la conflictualité et des affrontements avec la direction. Daniel Bénard fut de toutes les luttes syndicales au sein de l’entreprise. Il finit sa carrière professionnelle en 2000, en tant qu’ouvrier hautement qualifié sur mécanismes automatisés.

    Connu sous le pseudonyme de Granier au sein de Lutte ouvrière, Bénard a été en charge des infrastructures matérielles de la fête de Lutte ouvrière. Il fut également secrétaire de la fédération des usagers des transports en commun de la région parisienne, initiée par LO et le PSU en 1971. Il avait été candidat à de multiples occasions de 1969 à 1996, en particulier dans la région de Mantes-la-Jolie.

    Selon son témoignage, il commença à avoir des divergences avec son organisation à propos de sa stratégie électorale, en 1978. Quand apparut une fraction interne au début des années 1990 à propos de la nature de l’URSS, il s’en rapprocha, avant d’en devenir membre en 1993 Les divergences s’accumulèrent alors sur le fonctionnement interne de l’organisation, sur la politique de « main tendue au PCF », sur la question de la formation des jeunes recrues. Finalement, une polémique importante l’opposa à la direction de son organisation à propos des grèves de 1995, notamment dans son entreprise, à propos de la place et du rôle du comité de grève dont il fut un des animateurs.

    Il finit par rompre avec son organisation en rédigeant une lettre de démission, qui fit le tour de LO.

    En 2000, il rejoignit une petite organisation, « Mouvement communiste », et participa aux activités de ce regroupement.

    Ayant fait le choix de ne pas avoir d’enfant « car LO a correspondu à l’engagement de ma vie », il vécut avec une militante de LO. Dans un courrier à l’auteur, il indique « ma vie sentimentale personnelle ne regarde que moi ; et celles et ceux avec qui j’ai partagé quelques intimités ».

    Retraité depuis juin 2000, il acheta une vieille bâtisse en Normandie qu’il avait entièrement rénovée et alterna sa vie entre son logement parisien et sa maison provinciale. Au moment de notre rencontre, des problèmes de santé l’affectaient.

    Daniel Benard poursuivit son engagement jusqu’aux derniers moments de sa vie. Il décéda d’un cancer le 26 mars 2010.

    Maitron

  • Je vais te dire mon opinion : Granier était très entier et prêt à pourfendre ceux qui ne le comprenaient pas. Il n’avait pas toujours raison mais ceux qui le critiquaient étaient souvent des petits bonhommes comme moi. Mais lui, c’était un grand et tous le savaient. Tout le monde le savait, la direction de Renault comme la direction de la CGT, comme la direction du PCF, comme la direction de LO. Et ça les gênait car ils n’étaient pas trop sûrs de savoir, dans son combat, jusqu’où il était capable d’aller…

    • Magnifique jugement concernant Granier :

      « Lui, c’était un grand et tous le savaient. Tout le monde le savait, la direction de Renault comme la direction de la CGT, comme la direction du PCF, comme la direction de LO. Et ça les gênait car ils n’étaient pas trop sûrs de savoir, dans son combat, jusqu’où il était capable d’aller…  »

      On aimerait en connaître quelques autres comme cela.

      On aimerait être à la hauteur de ses combats pour les combats d’aujourd’hui ou ceux encore à venir.

      On a besoin de cette énergie partout dans le monde !

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