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Le mouvement gagne la Syrie...

dimanche 30 janvier 2011

En Syrie, le site d’information arabe Elaph a rapporté que des groupes d’opposition ont appelé à une manifestation le 5 février à Damas, devant le siège du Parlement, et à Alep, la deuxième ville du pays.

Les organisateurs ont choisi cette date en référence aux bombardements perpétrés en 1982 par l’armée syrienne contre les Frères musulmans dans la ville de Hama. Selon, les estimations, ces bombardements ont fait plus de 30 000 morts.

Les auteurs de cet appel ont mis en garde les autorités contre la répression et l’arrestation des manifestants.

Mercredi dernier, les autorités syriennes ont bloqué l’accès à plusieurs programmes permettant d’utiliser la fonction de discussion en direct de Facebook sur les téléphones mobiles, dans l’ensemble du pays.

Les forces de l’ordre ont empêché samedi un rassemblement de jeunes près de l’ambassade d’Égypte à Damas, qui souhaitaient exprimer leur solidarité avec le peuple égyptien dans son soulèvement contre le régime du président Hosni Moubarak.

En Syrie, régime similaire à celui établi par Ben Ali en Tunisie, avec la dynastie des Assad au pouvoir depuis 40 ans, les observateurs suivent également la situation avec attention. Pour autant, le président Bachar el-Assad se montre avare de déclarations sur le sujet, tout comme la plupart des organes de presse officiels. Ainsi, l’agence de presse Sana ne pipe pas mot de la Tunisie.

Mais le pouvoir syrien semble craindre une contagion et vient d’augmenter la subvention sur le fuel destiné au chauffage. Une hausse significative puisqu’elle porte à 1 500 livres syriennes (24,03€) l’allocation mensuelle de chauffage, au lieu des 870 L.S. (13,94€) actuelles. Soit une augmentation de 72%, qui entrera en vigueur le 1er février, à destination des 2 millions d’employés du secteur public syrien.

Déjà le 15 janvier, Bachar el-Assad a promulgué un décret créant un Fonds national pour les subventions sociales, destiné aux familles dans le besoin. Une mesure qui concerne pour le moment 420 000 familles et qui coûtera à l’Etat 10 à 12mds L.S. (160,69M€ à 192,83M€).

Ces gestes envers la population ne signifient pas pour autant que Damas est prêt à lâcher du lest. Les partis politiques d’opposition restent interdits, laissant la part belle au Baas.

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Face au mouvement de manifestation pacifique pour la liberté, le régime syrien continue d’alterner petites concessions et répression brutale, sans rien céder sur l’essentiel. Malgré les mesures d’apaisement annoncées par le président Bachar El-Assad, dont la levée de l’Etat d’Urgence en vigueur depuis près d’un demi-siècle et la suppression des Cours de Sûreté de l’Etat, les manifestations ne cessent de s’amplifier.

Les exactions des milices de la mort - les Chabiha - qu’ont dit relever des services commandés par le frère cadet du président, Maher El-Assad, n’entament pas non plus la détermination des syriens, de plus en plus nombreux à descendre dans la rue, à en découdre avec le régime. Des "A bas le régime" commencent à s’inviter aux revendications scandées par les manifestants comme à Homs, troisième ville du pays, ou à Deraa, cité agricole poussiéreuse proche de la frontière avec la Jordanie, d’où le mouvement de contestation est parti il y a cinq semaines.

Cette situation indique, en premier lieu, que dans la foulée des révolutions tunisienne et égyptienne les syriens ont brisé le mur de la peur de l’un des régimes arabes les plus répressifs. Elle montre également qu’après onze ans de promesses et d’annonces de changement infructueuses du président Bachar El-Assad, le fond du problème devient le régime lui-même, dans un pays comptant plusieurs milliers de prisonniers d’opinion, souffrant de la corruption et du chômage et dont le tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Autrement dit, le régime syrien, fondé sur l’hégémonisme du parti Baas et dominé par son aile sécuritaire disposant de puissants et nombreux services policiers et paramilitaires, est-il encore réformable ? C’est sans doute par la négative qu’une large majorité de syriens répondrait à cette question.

La première des erreurs du régime syrien fut la non mise à profit du changement de présidence, survenu il y a onze ans, pour desserrer l’emprise de l’aile sécuritaire sur la gouvernance du pays, au détriment de la démocratie voire des équilibres sociaux et économiques.

Au lieu, donc, d’une révision de la Constitution qui aurait dû commencer par l’abrogation de son article 8, qui fait du parti Baas l’unique force politique devant guider l’Etat et la Société, le pouvoir s’est contenté d’une révision formelle expresse (moins d’une heure !) pour permettre à Bachar El-Assad, jeune ophtalmologue à l’époque, de succéder à son père.

Bien au contraire, les attentats du 11 septembre 2001, et la décennie de dégradation des libertés politiques qui s’en est suivie dans les dictatures de la région, ainsi que la guerre d’Irak et le retrait de l’armée syrienne du Liban en 2005, ont conduit à un renforcement de l’aile sécuritaire du régime syrien.

En second lieu, le régime syrien s’est cru à l’abri des conséquences de la chute des régimes de Ben Ali et de Moubarak. Alors que d’autres pays arabes, tels que le Maroc, le Sultanat d’Oman ou la Jordanie, prenaient des mesures allant dans le sens des revendications populaires dans l’espoir d’amortir l’onde de choc, le président Bachar El-Assad se plaisait à louer la stabilité de la Syrie dans une interview accordée au Wall Street Journal en pleine révolution égyptienne :

"Nous avons plus de difficultés que la majorité des pays arabes mais malgré cela la Syrie est stable. Pourquoi ? Parce que vous devez être en phase avec ce à quoi croit le peuple … le peuple ne vit pas seulement pour ses intérêts mais également pour ses idéaux … Si vous ne comprenez pas les aspects idéologiques de la région vous ne pouvez comprendre ce qui se passe » [TDLA].

Le régime syrien fera sans doute appel à ses alliés régionaux (Iran, Turquie, Qatar) pour l’aider à mieux négocier la crise actuelle et à la Russie pour le protéger contre d’éventuelles sanctions ou décisions au conseil de sécurité de l’ONU. Mais depuis quand des alliances avec l’étranger permettaient de protéger un régime d’une révolution populaire ? Ben Ali et Moubarak en savent quelques choses !

La Syrie se dirige chaque jour davantage vers l’inconnu. A moins qu’elle ne décide de faire sombrer le pays multiethnique et multiconfessionnel dans la guerre civile, l’aile dure du régime sait qu’elle ne pourra survivre au printemps arabe que si elle parvient à récupérer sa capacité à faire peur aux syriens. Les manifestants pro - démocratie n’auront malheureusement que leur courage et sacrifices pour imposer une nouvelle relation au pouvoir. Faute d’un vrai leadership politique, la liberté des syriens sera malheureusement à ce prix ou ne sera pas.

Ben Khabou (23/04/2011)

Messages

  • En Syrie, un appel à manifester le vendredi 4 février contre la « monocratie, la corruption et la tyrannie » du régime de Bachar el-Assad a été lancé sur Facebook, dont l’accès est bloqué, a annoncé le correspondant de l’AFP. Plus de 7.800 membres ont répondu à l’appel mardi 1er février, et ont décidé de défiler dans les rues sous le slogan la « Révolution syrienne 2011 ». Il invite les jeunes à participer à « la première journée de la colère du peuple syrien et de rébellion civile dans toutes les villes syriennes ». « Vous ressemblez aux jeunes de Tunisie et d’Egypte. Haussez la voix d’une manière pacifique et civilisée, car exprimer ses opinions est garanti par la Constitution », a indiqué le groupe dans un communiqué.

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