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La vague de colère se poursuit au Maghreb et dans le monde arabe

mercredi 2 février 2011

Le mouvement de protestation né en Tunisie n’en finit plus de faire des vagues.

Après l’Algérie et surtout l’Egypte, c’est au tour de deux pays du Moyen-Orient de se soulever : le Yémen et la Jordanie.

Ces deux pays, tous deux frontaliers de l’Arabie Saoudite, connaissent en fait des remous depuis la fin janvier ; mais la contestation a pris de l’ampleur, à tel point que leurs dirigeants, le président yéménite et le monarque hachémite, ont tous deux annoncé une série de mesures dans l’espoir de ne pas suivre les pas de Zine el Abidine Ben Ali, chassé du pouvoir le 14 janvier. Ainsi, Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis plus de 32 ans au Yémen, a promis de ne pas briguer de nouveau mandat aux prochaines élections en 2013. Au pouvoir depuis 1978, mais élu pour la première fois en 1999 au suffrage universel direct puis réélu en 2006, la Constitution lui interdisait normalement de se représenter une troisième fois consécutive. Mais son parti, le Congrès populaire général (CPG) avait engagé une réforme supprimant cette limite, qui devait être examinée le 1er mars au Parlement. C’est justement cet amendement constitutionnel que Saleh s’est engagé à geler, dans un discours prononcé face aux députés, aux membres de la Choura (conseil tribal) et à l’état-major de l’armée qu’il avait convoqués pour une réunion extraordinaire. « Je formule ces concessions dans l’intérêt du pays », a-t-il souligné, assurant que « l’intérêt national » passait avant ses « intérêts personnels ».

Le chef de l’Etat yéménite Ali Abdoullah Saleh, au pouvoir depuis plus de 30 ans et confronté lui aussi à des manifestations hostiles, a annoncé ce mercredi qu’il ne chercherait pas à briguer un nouveau mandat, l’actuel expirant en 2013. De même, il s’est engagé à ne pas transmettre les rênes du pouvoir à son fils.

« Pas de prolongation, pas de transmission », a dit Ali Abdoullah Saleh, qui s’exprimait à la veille d’un grand rassemblement prévu dans la capitale Sanaa à l’occasion d’un « jour de colère » dirigé contre lui. Fin janvier, le parti au pouvoir au Yémen a proposé à l’opposition de nouer un dialogue dans le but de mettre fin au mouvement de manifestations antigouvernementales.

A l’image de la révolution tunisienne et de la contestation en cours en Egypte, des milliers de Yéménites sont descendus ces derniers jours dans les rues de Sanaa pour demander le départ du président Saleh.

« Pas de prolongation, pas de transmission », a insisté le président yéménite, indiquant ainsi qu’il ne cèderait pas non plus les rênes à son fils aîné Ahmed, chef de la garde républicaine et unité d’élite de l’armée, comme cela est redouté. Ali Abdallah Saleh a en outre annoncé le report des élections législatives du 27 avril, comme le souhaitait l’opposition qui demande une réforme politique préalable –selon elle, 1,5 million de Yéménites n’ont pas pu s’inscrire à ce jour sur les listes électorales. Le chef de cet Etat de 24 millions d’habitants, seule république de la péninsule arabique, a également assuré qu’il mettrait en place des élections au suffrage universel direct pour les gouverneurs des provinces, ce qui donnerait à la population un plus grand poids dans la politique régionale. Il a en échange appelé à la fin des manifestations, et à la reprise du dialogue avec le CPG, interrompu depuis l’annonce des élections législatives du 27 avril. Saleh a enfin proposé de former un « gouvernement d’union nationale ».

Les députés de l’opposition, qui a appelé à une « Journée de colère » jeudi, ont boycotté la séance. Mais son principal parti, Islah, a jugé ces annonces « positives » tout en précisant attendre qu’elles se « concrétisent ». « Pour ce qui est du rassemblement de demain, le projet tient, et ce sera une manifestation organisée et en bon ordre, a néanmoins ajouté Mohamed al Saadi, l’un des dirigeants de ce parti islamiste. Il s’agit d’une lutte pacifique, par laquelle la population peut faire entendre sa voix et exprimer ses aspirations », a-t-il souligné. La semaine dernière, un rassemblement a mobilisé quelque 16 000 personnes réclamant le limogeage du gouvernement. Depuis la mi-janvier, une immolation par le feu et trois tentatives ont été recensées dans le pays –acte de désespoir qui avait aussi été l’élément déclencheur de la révolte tunisienne, le 17 décembre dernier. Pour autant, Saleh a refusé la comparaison avec Tunis. « Nous sommes un pays démocratique à la différence de la Tunisie qui a placé les mosquées sous surveillance et fait taire tout le monde », avait-il fait valoir le mois dernier. Il avait déjà annoncé une série de mesures telles que des augmentations de salaires, des réductions d’impôts ou encore l’extension de la couverture sociale à un demi-million de personnes.

Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, confronté à des protestations populaires, va réunir mercredi la Chambre de députés et le Conseil consultatif, à la veille d’une manifestation de l’opposition qui a jugé "tardif" l’appel au dialogue du parti au pouvoir. Cette réunion extraordinaire intervient alors que le chef de l’Etat a multiplié les mesures sociales et économiques, dont une augmentation des salaires, face à la montée de la grogne populaire dans ce pays de 24 millions d’habitants. La création d’un fonds pour l’emploi des diplômés de l’université et l’extension de la couverture sociale à un demi-million de personnes ainsi qu’une réduction de l’impôt sur le revenu figurent parmi les mesures décidées le week-end dernier.

Mais l’opposition est toujours sceptique. Les manifestations ont débuté après quatre tentatives d’immolation par le feu dont un cas mortel, le 20 janvier. Comme en Jordanie, les opposants au parti au pouvoir, présents au Parlement, se sont constitués en un "Front commun". Leur chef, Mohamed al-Moutawakel, a assuré mardi à la presse qu’il "n’y aura pas de dialogue sans l’annulation des mesures prises unilatéralement par le parti au pouvoir". Une référence à une révision constitutionnelle susceptible d’ouvrir la voie à une élection à vie du président Saleh, au pouvoir depuis 1978.

"Au Yémen, les manifestations en faveur de la démocratie s’ajoutent à une situation intérieure déjà difficile pour le président Saleh", explique Denis Bauchard, avant de développer : "Le pouvoir doit faire face à la conjonction de révoltes tribales dans le Nord, du mouvement sécessionniste du Sud et de la présence d’Al Qaïda. " Inspirée par la "marche du million" qui a eu lieu mardi en Egypte, l’opposition a appelé à une nouvelle "Journée de la colère" jeudi. Une journée qui devrait déterminer l’avenir du pays.

De son côté, le roi Abdallah II de Jordanie a nommé mardi un nouveau Premier ministre, en la personne de Maarouf Bakhit, militaire de carrière et ancien ambassadeur qui avait déjà occupé cette fonction entre 2005 et 2007. Ce dernier, qui remplace donc le mal-aimé Samir Rifaï, a la charge de former ces prochains jours un nouveau gouvernement, et de mettre le pays sur la voie de « réelles réformes politiques » afin de répondre aux demandes des manifestants « en faveur de la démocratie ». Le pouvoir espérait que le diplomate jouirait d’une grande popularité et sa promotion ce qui pourrait suffire à endiguer le mouvement de contestation né de la cherté de la vie, des inégalités croissantes dans le pays et de la corruption. Mais la rue ne voit pas du tout Bakhit comme un réformateur. Une des premières mesures prises par le gouvernement en janvier fut le déblocage de 120 millions de dinars (169 millions de dollars) pour faire baisser les prix et créer des emplois. Mais c’est loin de suffire pour satisfaire les revendications sociales populaires !!!

Messages

  • Depuis le début de 2019, ‎une vague de grèves et de manifestations traverse l’Algérie, la Tunisie et le Maroc. Cette montée internationale de la lutte des classes dans le Maghreb témoigne de la radicalisation des travailleurs et de l’émergence d’un mouvement de masse contre l’austérité à travers le monde, avec notamment le mouvement des « gilets jaunes » en France.

    Depuis plusieurs semaines, les grèves se propagent dans le secteur de l’éducation dans les trois pays, ainsi que dans les transports et la fonction publique. Cette grève se déroule sur fond de larges mobilisations d’enseignants ces derniers mois dans de nombreux États des États-Unis, des « stylos rouges » en France, en Grande-Bretagne, ainsi qu’au Mexique et en Argentine. Notamment dans les grèves états-uniennes et parmi les « stylos rouges », les enseignants se mobilisent de plus en plus indépendamment de syndicats inféodés aux régimes existants.

    Le point essential dans toutes ces luttes est la nécessité pour les travailleurs d’organiser leurs luttes indépendamment des appareils syndicaux, afin de pouvoir les unifier avec les luttes qui se déroulent à l’international sur un programme révolutionnaire.

    Mercredi dernier, des milliers d’enseignants ont manifesté au Maroc après l’annonce par les syndicats d’une journée de grève. La police est intervenue contre la manifestation des enseignants et en a blessé plusieurs.

    Depuis le début de l’année, les enseignants multiplient les manifestations pour réclamer la révision du statut précaire des enseignant contractuels, avec notamment leur intégration dans la fonction publique. Ils dénoncent également les retenues sur les salaires des grévistes et exigent des augmentations de salaires et d’indemnités gelées depuis 2011. En janvier, plusieurs milliers d’employés municipaux ont participé à une grève de 24 heures pour manifester contre des conditions de travail catastrophiques.

    La colère sociale contre la monarchie marocaine, alors qu’elle a annoncé des dépenses pour imposer le service militaire malgré l’état délabré des services publics.

    En Algérie, l’intersyndicale de l’éducation (Unpef-Cnapeste-SNTE-Snapeset-Cela-Satef) ont annoncé une grève hier et aujourd’hui, suivie de sit-in régionaux aujourd’hui à Relizane, Blida, Batna et Laghouat, selon une source syndicale. L’intersyndicale a appelé à une grève de deux jours après avoir entamé plusieurs fois le dialogue avec le ministère de l’Éducation suite à une grève le 21 janvier, dialogue qui a pris fin samedi.

    Après quatre jours de réunions bilatérales, les syndicats accusent le ministère de l’Éducation de « pousser au pourrissement en optant pour un discours toujours aussi flou ». Les revendications de l’intersyndicale portent notamment sur « le statut particulier, le maintien de la retraite proportionnelle et de la retraite sans condition d’âge, l’abrogation définitive de l’article 87 bis de la Loi de finances de 2015 et la création d’une prime spécifique aux corps communs et ouvriers qualifiés ».

    Les syndicats ont appelé deux jours de grève dans le but de dissiper la colère des enseignants. En même temps, ils exigent que le gouvernement reconnaisse le rôle clé des appareils syndicaux, leur accorde plus d’avantages, les intègre davantage dans les rouages de l’État, et les utilise pour mettre fin à la mobilisation des travailleurs contre le régime sans rien lacher sur leurs revendications.

    Meziane Meriane, dirigeant du Syndicat des professeurs d’enseignement secondaire et technique (Snapeste), a dit, « A chaque fois, on revient à la case départ, et ce n’est pas la faute aux partenaires sociaux qui ont la volonté de participer et de proposer des sorties de crise. (…) S’ils les (autorités) ont la volonté de solutionner définitivement les problèmes, qu’est-ce qui les empêche d’incorporer, comme nous l’avons proposé, aux négociations un représentant du ministère des Finances, un représentant de la Fonction publique ; et là on sortira avec des résolutions qui vont mettre fin à ces conflits. »

    En plus de la grève des enseignants, Algérie a connu récemment des grèves dans le secteur du transport, à la fois portuaire et aéroportuaire. Lundi dernier, Air Algérie a dû annuler plusieurs vols internationaux suite à une grève surprise du personnel navigant qui réclame une révision de la grille des salaires. Deux semaines auparavant, les travailleurs du port d’Alger avaient fait grève inopinément, qui a causé l’arrêt des opérations de chargement et de déchargement.

    Les travailleurs se mobilisent inédpendamment des syndicats, qui défendant le régime algérien ébranlé par des mobilisations contre le président Abdelaziz Bouteflika, qui veut briguer un 5e mandat.

    En Tunisie, des enseignants secondaires font grève depuis octobre 2018 pour exiger leur intégration dans la fonction publique comme ceux de leurs collègues du primaire en pour dénoncer leurs conditions de travail. Le syndicat de l’enseignement secondaire a mais fin la grève suite à un accord avec le gouvernement.

    L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), allié de longue date du gouvernement, freine des quatre fers pour essayer de bloquer une mobilisation des travailleurs contre le régime. Ils ont annulé une grève générale de la fonction publique prévue pour la fin février ainsi qu’une grève des transports prévue pour le 5 février. Dans le secteur public, le gouvernement s’engage à imposer des mesures d’austérité drastiques et à réduire la masse salariale suite à un accord conclu avec le Fonds monétaire international (FMI) en 2016.

    Le rôle des appareils syndicaux et de leurs alliés politiques de pseudo gauche est similaire dans tous les pays : ils coupent les travailleurs de leurs frères et sœurs de classe en lutte dans les autres pays et les isolent par branche, afin de les subordonner à des régimes corrompus et haïs. En cela, les syndicats maghrébins n’ont rien de spécial. Les syndicats français dénoncent aussi les « gilets jaunes » »qu’ils traitent d’émanation d’extrême droite, voire antisémite afin de légitimer la politique droitière de Macron contre les travailleurs.

    La nouvelle vague de luttes dans le Maghreb se produit 8 ans après le « printemps arabe » en 2011 où un mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière a renversé des dictatures soutenues par l’impérialisme de Zine El Abedine Ben Ali en Tunisie et de Hosni Mubarak en Egypte.

    Alors que les travailleurs entrent à nouveau en lutte, il est essentiel de tirer toutes les leçons de cette expérience. Même les luttes les plus héroïques ne viendront pas à bout du capitalisme sans une lutte politique contre les appareils syndicaux et leurs alliés politiques et la création d’une avant garde révolutionnaire et internationaliste de la classe ouvrière. Grâce à l’aide de syndicats comme l’UGTT, allié principal du régime déchu de Ben Ali, la bourgeoisie a pu réprimer le mouvement de masse qui n’avait pas de direction révolutionnaire.

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