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Wisconsin : le vent de révolte atteint les USA...

mercredi 23 février 2011

La tension sociale monte dans l’Etat du Wisconsin. Le gouverneur, Scott Walker, prévoit un projet de loi fixant une réduction des prestations sociales d’une grande partie des fonctionnaires, via l’augmentation de leurs cotisations retraite et santé, de 8 % en moyenne. A cela s’ajouterait une remise en cause du droit aux conventions collectives pour les salariés.

La colère gronde dans le Wisconsin. Depuis une semaine, ce gros état industriel est en proie à une révolte contre son gouverneur, le républicain Scott Walker. En cause, la réduction des prestations sociales d’une grande partie des fonctionnaires, via l’augmentation de leurs cotisations retraite et santé, de 8 % en moyenne. Scott Walker entend ainsi combler le déficit budgétaire.

Mais ce qui a mis réellement le feu aux poudres, c’est que Walker, qui fait partie de la vague républicaine de gouverneurs élus en novembre dernier, a décidé en même temps de supprimer le droit des fonctionnaires au "collective bargaining", en clair aux conventions collectives, et d’empêcher ainsi les syndicats de négocier les hausses de salaire. Ce qui revient à annuler 50 ans d’acquis sociaux et affaiblit considérablement le rôle des syndicats.

Depuis une semaine, des milliers de manifestants se retrouvent donc tous les jours devant le Congrès de Madison, la capitale de l’État. Rien que samedi, ils étaient 68 000 avec des pancartes qui affichaient, sans peur du ridicule, "Hosni Walker", "Un dictateur au tapis, un autre à abattre", avec la photo de Walker à côté de celle de Moubarak... Ils ont même créé un site internet "Mini Mubarak" après que Scott Walker a menacé de faire appel aux gardes nationaux pour disperser les manifestants. Paul Ryan, un élu républicain, déclarait ironiquement : "Le Caire a migré à Madison."

Mercredi, une foule évaluée à environ 30 000 personnes a manifesté à Madison, la capitale du Wisconsin, contre les attaques sur les salaires et les conditions des travailleurs du secteur public déclenchées par le gouverneur Scott Walker. La participation aux manifestations, qui se sont tenues toute la journée, a été la plus forte à midi et en début de soirée. La veille, une manifestation dont la participation avait été évaluée entre 13 000 et 20 000 personnes, et une série de rassemblements, de protestations et d’annulations de cours avaient été organisés à travers l’État.

Les responsables ont ordonné la fermeture du système d’éducation public du Wisconsin après que 40 pour cent des enseignants ont signalé avant mercredi matin qu’ils allaient prendre un congé maladie afin de participer à la manifestation. Des autobus de manifestants venant de partout à travers l’État ont afflué vers la capitale. Près de Milwaukee, une foule évaluée à 1500 personnes s’est rendue jusqu’à la maison de banlieue de Walker. Environ 1000 lycéens ont fait grève dans la ville d’Appleton.

Dans un geste inspiré des manifestants égyptiens de la place Tahrir au Caire, des dizaines de travailleurs et de jeunes ont campé au siège de la législature d’État durant la nuit de mardi à mercredi. Ils ont juré de maintenir l’occupation jusqu’à ce que le projet de loi de Walker soit défait.

On croit que les manifestations vont se poursuivre jeudi et vendredi. Les écoles à travers l’État se préparent à des absences de professeurs et à des grèves étudiantes. Une importante grève des étudiants et des diplômés de l’Université du Wisconsin-Madison est prévue pour jeudi.

Le plan de Walker, qui pourrait être adopté, sous une forme ou une autre, d’ici le week-end, est un assaut considérable sur les travailleurs. Parmi une foule de propositions, le projet de loi empêcherait entre autres les travailleurs de négocier les retraites, les régimes de santé ou les conditions de travail. Seuls les salaires pourraient être négociés, mais les augmentations auraient pour limite supérieure la hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation. Les salariés du secteur public seraient forcés de presque doubler leurs contributions aux régimes de retraite et de santé.

Au-delà de ces mesures radicales, Walker a rendu les travailleurs furieux par la façon antidémocratique qu’il les a exigées. Le 11 février, il a annoncé qu’il avait placé la Garde nationale sur un pied d’alerte pour faire face à toute résistance ouvrière.

La dernière fois que la Garde nationale avait été déployée au Wisconsin pour mater un groupe de travailleurs en grève a été le 1er mai 1886, lors du mouvement pour la journée de huit heures. Dans les jours qui avaient suivi la révolte de Haymarket à Chicago, la milice d’État avait ouvert le feu sur des métallurgistes en grève à Milwaukee, faisant sept morts.

Par ce projet de loi, le gouvernement de Walker s’arroge des pouvoirs dictatoriaux qui rappellent les abus de pouvoir exécutifs endémiques des gouverneurs du 19e siècle. D’après un communiqué de presse émis par le bureau de Walker, « si le gouverneur déclare l’état d’urgence, le projet de loi permet de nommer des responsables prêts à licencier tout employé qui serait absent durant trois jours sans la permission de son employeur ou de tout employé qui participerait à une action organisée dans le but de stopper ou ralentir le travail ».

Un des éléments les plus frappants des manifestations à Madison est le soutien qu’elles ont obtenu de la jeunesse. En plus de la grève de mercredi à Appleton, plus de 800 étudiants de Madison East High School, soit plus de 50 pour cent de l’école, ont organisé un débrayage et ont marché plus de 4 km jusqu’au State Capitol mardi. Une seule lycéenne, Ona Powell, aurait organisé la grève par l’entremise d’une page Facebook et par le bouche-à-oreille. Lundi, les étudiants ont fait la grève à Stoughton, une ville industrielle près de Madison.

Des étudiants du premier cycle et des étudiants diplômés de l’Université du Wisconsin-Madison, ont été très en vue dans ces manifestations, et des étudiants des campus de l’Université du Wisconsin à Milwaukee et Superior se sont aussi joints aux protestations

Mardi, Walker a tenté de faire campagne pour son projet de loi dans les villes de La Crosse et d’Eau Claire dans l’ouest du Wisconsin. Dans chacune des villes, il a été accueilli par des centaines de manifestants. À Eau Claire, son véhicule a dû modifier son trajet pour entrer dans une usine, en utilisant l’entrée arrière.

Walker tente consciemment d’opposer les travailleurs du secteur privé à leurs frères et sœurs de classe du secteur public. À La Crosse, il a dit aux métallurgistes que les travailleurs industriels avaient fait d’énormes « sacrifices », donc les travailleurs de l’État devraient faire de même. « Ce que je demande n’est rien en comparaison à tout ce que les autres font dans le secteur privé », a-t-il dit. « Nous croyons que ce sont des changements modestes et raisonnables. Je crois que la plupart des employés hors du gouvernement diraient que c’est une très bonne affaire ».

Toutefois, ces tentatives n’ont pas eu de succès. De l’avis général, de nombreux travailleurs du secteur privé ont participé aux importantes démonstrations à Madison.

Les syndicats de la fonction publique qui ont organisé les protestations, dont les branches de l’American Federation of Teachers (AFT), de la National Education Association (NEA) et l’American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSCME) du Wisconsin, ont présenté leur campagne comme un effort de lobbying visant à influencer une poignée de sénateurs républicains afin qu’ils votent contre des éléments du projet de loi de Walker.

Les syndicats ne souhaitent défendre ni les conditions de vie de la classe ouvrière, ni le droit de grève, comme trop bien démontré par la NEA et l’AFT, lesquelles ont chacune appuyé l’assaut de l’administration Obama sur l’éducation publique et les normes du travail connu sous le nom de Race to the Top. Tous les syndicats de la fonction publique ont respecté les lois réactionnaires interdisant aux travailleurs de l’État de faire grève.

Au Wisconsin, les syndicats sont d’abord motivés par une mesure dans le projet de loi qui interdirait les cotisations syndicales automatiques, ce qui menacerait d’éliminer des millions de dollars de leurs revenus. Les syndicats acheminent cet argent au même Parti démocrate qui, dans de nombreux États aussi bien qu’un niveau national sous l’administration Obama, est le fer de lance des attaques contre les salaires et les emplois des travailleurs du secteur public. La seule différence est que les démocrates « collaborent » avec les responsables syndicaux pour implanter les coupures, alors que les républicains préfèrent ne pas négocier avec les bureaucraties syndicales.

Les demandes sociales qui animent les manifestants à Madison et à travers le Wisconsin sont complètement opposées à la ligne pro-austérité soutenue par les syndicats. Les protestataires voient leur combat comme une lutte contre les baisses de salaires, les attaques antidémocratiques sur les droits des travailleurs et les abus et les humiliations d’un système politique qui rabaisse constamment leur travail. En fait, de nombreuses pancartes et plusieurs commentaires faits lors d’entrevues montrent clairement que les travailleurs et les jeunes au Wisconsin s’identifient au soulèvement des travailleurs et des jeunes arabes contre les tyrans appuyés par les États-Unis au Moyen-Orient.

« Le gouvernement veut que seuls les riches s’enrichissent, en oubliant la classe ouvrière et la classe moyenne », a dit Melinda Foster, une technicienne en radiologie à l’hôpital de l’Université du Wisconsin, au World Socialist Web Site. « Pourquoi ne peut-on pas couper le salaire des milliardaires et des cadres ? »

Sally, une enseignante, a dit que les coupes budgétaires rendraient le paiement des factures beaucoup plus ardu. « L’hiver dernier a été vraiment difficile pour moi », a-t-elle dit. « J’ai dû finalement emprunter de l’argent juste pour payer mon impôt foncier. J’ai un autre emploi en plus d’être professeur. Au moins, je n’ai pas d’enfant à l’université. Nous n’avons pas des boulots de rêve ; plusieurs parmi nous vivent d’un chèque de paye à l’autre en essayant de joindre les deux bouts. »

Edson, un professeur auxiliaire de l’Université du Wisconsin-Madison, a comparé les développements au renversement de dictateurs au Moyen-Orient. « Quand le gouvernement arrête de nous écouter, ça fait comme en Égypte », a-t-il dit.

En voulant défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs droits et en luttant pour une plus grande solidarité avec les autres travailleurs – dans différents syndicats, différents États et même différentes nations – les travailleurs et les jeunes sont amenés inévitablement à entrer en conflit avec les syndicats et le système bipartite contrôlé par la grande entreprise. Mais ces sentiments doivent trouver expression dans des formes indépendantes de luttes et ultimement une expression politique consciente dans la lutte pour le socialisme.

Les manifestations au Wisconsin ont mis à mal le mythe du travailleur américain passif et arriéré. La prochaine étape de cette lutte est que de plus larges sections de la classe ouvrière suivent l’initiative au Wisconsin et entrent en lutte contre les baisses de salaires et les abus de pouvoir antidémocratiques.


Les protestations du Wisconsin et le retour sur la scène de la classe ouvrière américaine

Les protestations de masse de plus en plus importantes contre les attaques tous azimuts sur les conditions de travail et les droits démocratiques dans l’Etat du Wisconsin, auxquelles participent des dizaines de milliers d’employés de la fonction publique, d’enseignants, d’étudiants et ceux qui les soutiennent, marquent un tournant dans la vie politique aux Etats-Unis, et dans le monde.

Le récent renversement des présidents tunisien et égyptien par des mouvements de protestation de masse signifie la réémergence de la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Les conditions qui ont créé ces luttes sont universelles : le chômage de masse, des niveaux stupéfiants d’inégalité sociale et un système politique totalement indifférent aux revendications et aux intérêts de la vaste majorité de la population. L’éruption de protestations de masse au Wisconsin est la première manifestation d’une nouvelle ère de lutte de classe dans le pays qui a pendant longtemps fonctionné comme le centre du système capitaliste mondial, les Etats-Unis.

Après les années 1980, qui ont connu l’écrasement de la grève des contrôleurs aériens du syndicat professionnel PATCO et la défaite de grèves militantes chez Hormel, Greyhound et Phelps Dodge – la lutte de classe aux Etats-Unis avait été artificiellement jugulée. Ceci avait été possible en raison du rôle totalement réactionnaire joué par le syndicat américain AFL-CIO qui a systématiquement isolé et étouffé toute lutte de la classe ouvrière tout en s’intégrant lui-même de plus en plus fortement à l’establishment patronal et politique.

Tout particulièrement après la liquidation de l’Union soviétique et de la bureaucratie stalinienne, lorsque les dénonciations triomphalistes du socialisme par la bourgeoisie avaient atteint leur paroxysme, d’aucuns avaient été jusqu’à nier l’existence même de la classe ouvrière. L’histoire, comme le dit la fameuse phrase du Manifeste communiste - « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes » - avait été déclarée finie.

Deux ans et demi après la crise économique mondiale ayant commencé avec l’effondrement financier à Wall Street à la fin de 2008, la classe ouvrière américaine est en train de lancer ses premières grandes contre-attaques contre la politique de l’aristocratie financière. On commence à réaliser de plus en plus que le système politique et économique a failli et qu’un nouvel ordre social doit émerger.

Au Wisconsin, les manifestants ont invoqué le soulèvement de masse des travailleurs dans le monde arabe, comparant Madison au Caire et le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, à Hosni Moubarak. A New York City, les étudiants ont protesté contre les fermetures d’école en scandant « New York c’est l’Egypte. » Ceci est tout à fait pertinent et témoigne d’une perception grandissante parmi les travailleurs de chaque pays qu’ils sont confrontés à une lutte commune et à un ennemi commun.

L’aristocratie financière qui gouverne l’Amérique est tout aussi éloignée des masses travailleuses et hostile à leur égard que le régime dictatorial dirigé par le président Hosni Moubarak en Egypte. Face à la pire crise économique depuis des générations – au moment où des millions de personnes perdent leur emploi, leur maison et leur revenu – pas la moindre mesure n’avait été prise pour aider les travailleurs. Au lieu de cela, des milliers de milliards de dollars d’argent public ont été versés, sans poser de questions, à Wall Street et à une élite financière dont les spéculations irresponsables avaient déclenché la crise à l’origine.

A tous les niveaux gouvernementaux l’on réclame à présent que la classe ouvrière fasse des sacrifices. Le gouvernement Obama vient de proposer cette semaine un budget réduisant en premier lieu et à hauteur de mille milliards de dollars les programmes sociaux dont bénéficie la classe ouvrière. Pour leur part, Walker et ses homologues des chambres parlementaires dominées par les Démocrates et les Républicains détruisent les emplois et suppriment les programmes sociaux sans s’occuper le moins du monde de la très vaste opposition populaire et de la misère sociale que créera une telle politique.

Le républicain Walker a décidé de supprimer les conventions collectives en dictant les conditions de recrutement des employés de la fonction publique, en imposant des attaques drastiques contre les retraites, les soins de santé et les conditions de travail tout en maintenant les augmentations de salaire au-dessous de l’augmentation du coût de la vie. Une série d’autres mesures proposées dans tout le pays sont les suivantes :

* En Caroline du Nord, le gouverneur démocrate Bev Purdue a présenté un budget supprimant plus de 10.000 postes dans les services publics tout en réduisant davantage les impôts sur les entreprises qui figurent déjà parmi les plus bas du pays.

* Au Michigan, le gouverneur républicain, Rick Snyder a proposé des coupes drastiques dans les dépenses publiques pour le financement des écoles, des communes et des universités ce qui entraînera des coupes sévères dans les services et les emplois. Tout en cherchant à imposer le revenu des retraités, Snyder propose de supprimer 1,8 milliards de dollars d’impôt sur le revenu des collectivités.

* Et à New York, le maire « indépendant » Michael Bloomberg a présenté un budget municipal prévoyant le licenciement de 4.666 enseignants et l’élimination de 1.500 postes supplémentaires d’enseignants grâce aux départs volontaires. Ce maire milliardaire est déterminé à appliquer les coupes même si une forte augmentation des profits à Wall Street procure à la ville un revenu supplémentaire de 2 milliards de dollars.

Qu’une telle politique soit proposée, sans parler de son application, témoigne du caractère sclérosé de la politique officielle et des tensions sociales immenses qui sont en train de se former en dehors de celle-ci.

En promettant de réagir à toute résistance par le recours à la garde nationale, le gouverneur du Wisconsin a fourni l’expression la plus frappante du véritable état actuel des rapports de classe aux Etats-Unis. La dernière fois qu’on s’était servi de la garde nationale à cette fin au Wisconsin avait été en 1886, après le massacre de Haymarket à Chicago, lorsque la milice d’Etat fut appelée pour ouvrir le feu sur des métallurgistes en grève à Milwaukee.

La menace de Walker n’est pas vaine. Les tensions de classe sont aujourd’hui plus prononcées qu’à n’importe quel moment durant les derniers trois quarts de siècle. L’inégalité sociale et la concentration de la richesse dans les mains du un pour cent le plus riche – qui contrôle à présent bien plus d’un tiers de la richesse du pays – sont plus extrêmes aujourd’hui qu’à n’importe quel moment depuis le soi-disant « âge d’or », lorsque la violence d’Etat contre le mouvement ouvrier était chose courante.

Les événements du Wisconsin sont un signe clair que les Etats-Unis sont entrés dans une nouvelle période de soulèvement social. La classe ouvrière est poussée à mener la lutte par la crise objective du capitalisme et par la détermination de la classe dirigeante à défendre sa richesse au moyen d’une attaque impitoyable contre tous les droits des travailleurs – le droit à un emploi, à un salaire décent, à l’éducation, aux soins de santé et à une retraite sûre.

Une nouvelle perspective politique est nécessaire pour faire avancer ces luttes. D’abord, absolument aucune confiance ne doit être accordée aux syndicats qui ont tout fait pour renforcer le Parti démocrate et réprimer tout mouvement indépendant des travailleurs. Au Wisconsin, les responsables syndicaux disent qu’ils reconnaissent la nécessité des coupes mais ne veulent pas renoncer à leur place à la table de négociation. En fait, leur principal objectif est de préserver leur base financière qui repose sur le système de retenue de la cotisation syndicale à la source.

Les travailleurs doivent catégoriquement rejeter les concessions réclamées par les dirigeants syndicaux et l’ensemble de l’establishment politique. Le déficit budgétaire au Wisconsin représente une infime fraction de la richesse des milliardaires du pays. En fait, les déficits budgétaires totaux des 50 Etats représentent environ un dixième de la richesse nette détenue par les 400 Américains les plus riches seulement. Il faut exiger le retour de cette richesse et des milliers de milliards de dollars dépensés pour renflouer les banques pour satisfaire les besoins sociaux de base de la vaste majorité de la population.

Une lutte contre les coupes budgétaires requiert l’unification de l’ensemble de la classe ouvrière et des jeunes au Wisconsin et partout dans le pays. Des organisations indépendantes des syndicats doivent être construites – des comités de travailleurs et d’étudiants doivent être formés pour unir les travailleurs du secteur public à ceux du secteur privé ainsi qu’aux jeunes, sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers des villes, au Wisconsin et au-delà. Des préparatifs devraient être faits maintenant pour une grève générale de tous les travailleurs contre les coupes budgétaires.

Mais avant tout une lutte politique est nécessaire qui part de la compréhension du fait que rien ne peut être défendu tant que la classe ouvrière est subordonnée au Parti démocrate et au système capitaliste bipartite. Les représentants de la classe capitaliste, en proclamant que le maintien du capitalisme requiert la destruction des emplois et des niveaux de vie d’une vaste majorité de la population, reconnaissent en fait la faillite historique du système qu’ils défendent.

La réémergence de la lutte de classe sera accompagnée de la renaissance de la lutte pour le socialisme. Alors que la classe ouvrière américaine entre dans une nouvelle ère de soulèvement social, la tâche cruciale est à présent la construction d’un parti socialiste révolutionnaire pour mener ces luttes. Par Bill Van Auken
22 février 2011


La lutte des travailleurs du Wisconsin entre dans un nouveau stade
Par Jerry White

Au cours de la semaine passée, l’Etat du Wisconsin dans le Midwest des Etats-Unis a été précipité dans des protestations de masse de la classe ouvrière auxquelles ont participé des dizaines de milliers de personnes. Ces manifestations sont une première expression de la réémergence des luttes ouvertes de la classe ouvrière, comme les Etats-Unis n’en ont pas vues depuis un quart de siècle.

Les manifestations de samedi ont été les plus importantes jusqu’ici ; 75.000 manifestants ont convergé vers la capitale de l’Etat, Madison. Ils se sont joints à plusieurs milliers d’autres qui ont occupé le bâtiment du capitole pour protester contre les projets du gouverneur républicain, Scott Walker, de réduire les prestations sociales des employés de la fonction publique, de dégrader l’éducation et d’autres services essentiels et de détruire le droit de négociation collective de 175.000 salariés du secteur public et du secteur municipal.

L’ambiance était combative et confiante lorsque enseignants, pompiers et autres employés du secteur public se sont joints, dans un défilé autour du capitole, aux travailleurs de la métallurgie, de l’automobile, du bâtiment et d’autres branches du secteur privé et ont manifesté aux côtés des lycéens et des étudiants.

Les événements du Wisconsin sont une indication des choses à venir. Le temps d’une génération entière s’est écoulé depuis que les travailleurs aux Etats-Unis ont été en mesure de participer à des luttes sociales de masse. Les syndicats de l’AFL CIO ont œuvré pour supprimer artificiellement tout signe de résistance de la classe ouvrière. La trahison de la grève du syndicat des aiguilleurs du ciel PATCO en 1981 – et la complicité des syndicats devant le licenciement par Reagan de 12.000 d’entre eux – avait été suivie par une décennie d’isolement et d’étouffement des grèves.

La quasi disparition des grèves de la vie américaine avait coïncidé avec une croissance explosive de l’inégalité sociale et un vaste transfert de richesse de la classe ouvrière vers le un pour cent le plus riche de la société.

Les tensions sociales ont atteint à présent un point de rupture. Depuis l’éclatement de la crise financière il y a deux ans et demi, plus de 26 millions de travailleurs n’ont pu trouver un emploi à plein temps. Les gouvernements d’Etat, tant sous les Démocrates que les Républicain, réagissent aux déficits budgétaires en fermant les écoles, les bibliothèques, les cliniques et autres établissements publics et en perpétrant des attaques contre les travailleurs de la fonction publique et des municipalités.

Entre-temps, les cours des actions à Wall Street ont enregistré une reprise complète depuis le krach de 2008 et les entreprises et leurs PDG sont plus riches que jamais. Le président Obama a refusé d’octroyer un centime d’aide aux travailleurs qui ont perdu leur emploi, leur maison et leurs économies. Au lieu de cela, pour payer le sauvetage de Wall Street, l’extension pour les riches des réductions d’impôts de l’ère Bush et pour la machine de guerre du Pengatone, il a exposé les grandes lignes de projets destinés à supprimer mille milliards de dollars de services sociaux qui sont d’une importance vitale. Et ce n’est là que le début.

L’émergence d’une la lutte de classe ouverte révèle au grand jour les mythes propagés par l’establishment politique. Parmi ces derniers figure celui du soi-disant soutien de masse pour le mouvement du « Tea Party ». En grande partie une création des médias, attisé par des millions de dollars issus de patrons milliardaires, les partisans du Tea Party du gouverneur Walker n’ont pu rassembler samedi à Madison qu’une petite foule de partisans démoralisés. Le sentiment populaire écrasant exprimé par presque toutes les personnes rencontrées en ville, était de soutenir les protestations.

Un nombre de questions politiques sérieuses se posent aux travailleurs du Wisconsin. L’objectif immédiat des manifestants est Walker, un représentant incorrigible des entreprises et des intérêts les plus réactionnaires. Pour Walker, la destruction des droits des salariés de la fonction publique est une question de principe et un moyen d’institutionnaliser une quasi dictature sur le lieu du travail.

Pourtant, les travailleurs du Wisconsin et de l’ensemble du pays ont avec le Parti démocrate et les syndicats officiels qui se trouvent actuellement nommément à la tête des protestations, à faire à des ennemis non moins déterminés que Walker. En effet, les manifestations contre la loi de Walker ont éclaté en grande partie spontanément. Les démocrates et leurs alliés des syndicats ont rapidement essayé de contenir ces luttes en les dirigeant vers des canaux sûrs.

Les représentants démocrates et les dirigeants syndicaux proclament ouvertement qu’ils acceptent toutes les coupes sociales que prévoit la loi de Walker et n’objecte qu’à la disposition qui supprimerait les droits de négociation d’une convention collective pour la plupart des employés du public. Ils s’efforcent de créer des conditions où une loi de « compromis » comportant l’ensemble des coupes peut être présentée comme une victoire, tout en maintenant la structure syndicale existante.

Les deux plus grands syndicats gouvernementaux de l’Etat, le Wisconsin State Employee Union et le Wisconsin Education Association Council, ont déjà accepté d’imposer les exigences économiques du gouverneur s’il leur permet de maintenir leur position juridique d’agents négociateurs pour les travailleurs.

Non seulement les Démocrates soutiennent la destruction des conditions de vie de la classe ouvrière, ils n’éprouvent, tout comme les Républicains, aucun intérêt pour les droits démocratiques des travailleurs. Leur objectif n’est pas de défendre le droit des travailleurs à s’organiser et à lutter contre les entreprises, mais de maintenir un appareil syndical qui s’est révélé être un outil crucial pour réprimer les luttes de la classe ouvrière et pour imposer les coupes sociales. En effet, des gouverneurs démocrates comme ceux de l’Etat de New York et de la Californie comptent sur les syndicats précisément pour cela.

L’unique préoccupation des responsables syndicaux est de garder les travailleurs comme source de cotisations, donc de revenu. Pour eux, sauvegarder « les droits de négociation collective » ne signifie que garder « une place à la table de négociation » avec les employeurs de façon à pouvoir profiter personnellement de l’élimination des emplois et des niveaux de vie de leurs membres.

Quant au coupeur en chef du budget, le président Obama, il a lui aussi déclaré que les travailleurs au Wisconsin doivent être prêts à « faire des sacrifices » et il a concentré sa critique de Walker sur les attaques de ce dernier à l’égard des syndicats. Si les salariés du gouvernement fédéral faisaient grève contre le gel des salaires de deux ans imposé par la Maison Blanche, la réponse du président démocrate ne serait pas moins impitoyable que celle du gouverneur du Wisconsin.

Il y a une logique à la lutte de classe, une qui fait entrer les travailleurs du Wisconsin et partout dans le pays en conflit direct avec l’ensemble du système politique. Les travailleurs luttent pour leurs moyens d’existence. Ils ne peuvent pas vivre avec ce qui correspond à une baisse de salaire de 20 pour cent et des coupes dévastatrices dans l’éducation publique et les universités d’Etat touchant leurs enfants.

Cette collision entre la classe ouvrière d’un côté et les syndicats et le Parti démocrate de l’autre est en train de se développer rapidement. Dès dimanche, une réunion de masse de 3.000 enseignants à Madison a rejeté les efforts entrepris par les responsables syndicaux pour mettre fin à leur débrayage qui leur ont ordonné de reprendre le travail aujourd’hui.

Pour faire avancer la lutte, les travailleurs requièrent de nouveaux outils. Ils doivent se libérer des appareils syndicaux qui s’efforcent de les étouffer, de les démoraliser et de les mener à la défaite. De nouvelles organisations doivent être mises en place pour unir toutes les sections de la classe ouvrière – du secteur public comme du secteur privé, chômeurs et non chômeurs – aux côtés des étudiants et des jeunes. Les luttes des travailleurs au Wisconsin doivent être liées à la lutte des travailleurs contre les coupes budgétaires dans tout le pays et pour la défense de leurs droits fondamentaux.

Mais, en premier lieu, un parti et un programme nouveau sont requis. La lutte contre les coupes budgétaires doit être associée à la lutte contre l’aristocratie patronale et financière qui a pillé le pays et qui détient le contrôle de l’ensemble du système politique. Ceci signifie la lutte pour le socialisme et la construction du Parti de l’Egalité socialiste.

Messages

  • La révolte dans le Wisconsin a été rejointe par l’Ohio, l’Indiana et demain le Michigan.

    While all eyes turn to the huge rallies and political turmoil playing out in the Midwest—Wisconsin has been joined by Ohio, Indiana, and tomorrow Michigan—workers elsewhere fight the same battles on smaller stages.

    Service and maintenance workers at Poconos Medical Center in East Stroudsburg, Pennsylvania, stood firm against union-busting and went out on their first-ever strike.

    The one-day action February 9 hit their employer for refusing to negotiate in good faith and illegally interfering with workers’ rights to discuss workplace issues on their own time. The unfair labor practice strike by 550 members of Service Employees Healthcare PA followed management’s failed bid to deauthorize the union last year.

    Though an overwhelming majority of workers voted for a closed shop, to have more strength to advocate for their patients and themselves, the hospital refused to honor PMC workers’ democratic vote.

    The National Labor Relations Board issued a complaint in fall 2010 over the hospital’s illegal interference in workers’ rights to discuss workplace issues.

    “The NLRB’s complaint shows that management is willing to do anything, including breaking the law, to weaken or get rid of our union,” said Madeline Vazquez, a unit clerk.

    In Wisconsin, the themes are similar : refusals to negotiate with unions, threats of yearly deauthorization votes, and attempts to choke off unions’ ability to speak out.

    The numbers may be smaller in Vermont, but the motivations on both sides are the same : public sector management looks to cut costs and 60 Teamster bus drivers in Burlington are fighting for union contracts that safeguard the public.

    “Management has a computer spitting out our schedules,” said 20-year driver Mike Walker, chief steward for Teamsters Local 597, “but if we try to keep to the schedule, we almost have to break traffic laws. If we don’t keep to the schedule, riders aren’t getting what they need from a public bus company.”

    On February 13 nearly 100 community members—riders, students, and union members—showed their support in an exuberant rally at Burlington City Hall.

    “We’re in the middle and we have to stand up,” Walker said.

    Other sticking points in the contract dispute with the Chittenden County Transportation Authority include management’s proposal to greatly expand part-time positions. “We know what this is about,” said Jim Fouts, a driver and Teamsters for a Democratic Union activist. “They don’t want to pay benefits, retirement, sick leave—those things which really allow workers to enjoy some basic decent life.

    “Remember the UPS strike in 1997 ? That was also over exploitation of part-timers. And all over America, everyone recognized that problem, so the public rallied in support of those UPS strikers.”

    Students at both the University of Vermont (UVM) and St. Michael’s College—heavy users of county buses—have surged to support the drivers. Daniel Filstein of Students Stand Up at UVM pointed out in a resolution adopted unanimously by the student senate that UVM pays CCTA roughly $300,000 a year for bus services.

    The crowd was moved by Donna Iverson, a teaching assistant at Burlington High School and member of the Burlington Education Association/NEA, when she described her reliance on bus service and said she has never seen a driver show anything less than patience, respect, and compassion for all passengers. She proposed starting a Bus Riders Union to support the drivers.

    After the rally, driver Rob Singerland reflected that “the support I saw was unreal. And that woman who said when it comes to the needy, homeless, and handicapped, that we show nothing but compassion, and how we take our time regardless of the time schedule to do so, made me feel good. Really good ! Good about what I do, what we do, for a living.”

    Despite a year of slow negotiations, threats by management, and some internal struggle against Local 597 leaders to gain rank-and-file control of bargaining, Singerland said the rally made him see that “this negotiation is bigger than just us and the company. To think that all these people are supporting us, that 60-plus drivers in small-town USA have a good chance of becoming an example of what anyone can accomplish, is just amazing to me.”

  • Par milliers et même dizaines de milliers, les manifestants ont encerclé le Parlement de l’État dans la capitale, Madison. Il y a eu 10 000 manifestants le premier jour, le mercredi 16 février, puis le lendemain 20 000, puis 30 000 le vendredi. Employés d’État et enseignants furent rejoints par des étudiants, des parents, bien des gens se disant même « inspirés par les événements en Égypte » ! Les médecins annoncèrent publiquement qu’ils donneraient des justificatifs de maladie à ceux qui voulaient aller manifester. Des milliers de manifestants s’installèrent à l’intérieur du Parlement, occupé jour et nuit. Chants et cris de « À bas la loi » retentissant dans un bruit infernal toute la journée, empêchaient toute activité parlementaire. L’arrivée samedi 19 février d’une contre-manifestation appelée par l’extrême droite, les Tea-Parties, donna lieu à une confrontation verbale encore plus sonore, alors que quelque 70 000 personnes, manifestants et contre-manifestants, se pressaient autour du Parlement.

  • Aux Etats-Unis, où la classe ouvrière doit faire face aux attaques tous azimuts contre ses conditions de travail et ses droits démocratiques, des protestations de masse de plus en plus importantes vont se développant et marquent un tournant dans la vie politique du pays.

    Ces dernières semaines, Madison, la capitale de l’Etat du Wisconsin, a été le théâtre d’importantes manifestations contre le projet de loi budgétaire du gouverneur Scott Walker qui veut priver les fonctionnaires de leurs droits de négociation collectifs.

    Le gouverneur prétend faire voter ce projet pour régler les problèmes fiscaux de son Etat. Mais, comme le remarque Paul Krugman dans le New York Times, « cette attaque contre les syndicats n’a rien à voir avec le budget » puisque ceux-ci « ont déjà fait savoir qu’ils étaient prêts à faire des concessions financières significatives - une offre que le gouverneur a refusée ».

    Pour Paul Krugman, on assiste à « une tentative d’exploiter la crise fiscale pour détruire le dernier contrepoids majeur face au pouvoir politique des corporations et des riches ».

    Le projet permettrait de réduire la contribution de l’État au Medicaid, le programme d’assistance médicale aux plus démunis et aux personnes souffrant d’handicaps ; il permettrait également au gouverneur de privatiser - sans appel d’offres - des installations fournissant chauffage, climatisation, et électricité à des établissements publics.

    Reagan.JPGEn août 1981, une grève des contrôleurs aériens avait tourné à l’épreuve de force avec l’administration de Ronald Reagan. Après deux jours de grève, ce dernier avait licencié près de la moitié des 13.000 contrôleurs. On a pu voir alors la « démocratie » américaine conduire en prison - fers aux pieds - des dirigeants syndicaux.

    Cette défaite des contrôleurs aériens a été celle de tous les travailleurs américains. Pour trois décennies, elle a marqué le début d’un recul de la lutte de classe aux Etats-Unis et dans la plupart des pays occidentaux.

    Thatcher.JPGMitterrand.JPGLe coup de force de Reagan sera en effet imité, trois ans plus tard, par Margaret Thatcher contre les mineurs britanniques. Et, en 1982 et 1984, par Mitterrand contre les sidérurgistes dont plus de 30.000 sont licenciés.

    C’était la fin des compromis de classe qui avaient prédominé dans la période de l’après-guerre et le déclenchement d’une offensive brutale contre la classe ouvrière.

    Aujourd’hui, deux ans et demi après l’effondrement financier de Wall Street, la classe ouvrière américaine est en train de lancer ses premières grandes contre-attaques contre la politique de l’aristocratie financière.

    IWisconsin C.JPGl est symptomatique que les manifestants du Wisconsin aient invoqué les soulèvements populaires dans le monde arabe, comparant Madison au Caire et le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, à Hosni Moubarak. Les manifestants utilisent d’ailleurs la stratégie de campement de la place Tahrir : ils occupent depuis deux semaines le Capitole, siège du parlement du Wisconsin.

    Face à la contestation, le gouverneur du Wisconsin a menacé d’utiliser la Garde nationale. Ce serait la première fois depuis 1886, après le massacre de Haymarket à Chicago, lorsque la police a ouvert le feu contre des métallurgistes en grève à Milwaukee, la plus grande ville du Wisconsin.

    La crise du capitalisme et la détermination de la classe dirigeante à défendre ses privilèges au prix d’une attaque impitoyable contre tous les droits des travailleurs - droit à un emploi, à un salaire décent, à l’éducation, aux soins de santé et à une retraite sûre - sont autant d’incitatifs à la lutte.

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