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Libérez les dockers ivoiriens !

mardi 14 juillet 2009

13 dockers syndiqués du port d’Abidjan – membres du syndicat affilié à l’ITF « Collectif national des dockers et dockers transit pour la défense de leurs droits (CNDD) » – ont été arrêtés lorsqu’ils ont fait grève les 1er et 2 juin derniers. Ils protestaient contre le non respect par leur employeur, BMOD, d’un accord négocié le 10 mai. Le syndicat a également signalé que les grévistes avaient fait l’objet de menaces de licenciement.

Le dialogue s’est instauré lors de rencontres entre la société et le syndicat à la fin du mois de juin auxquelles a participé Nazi Kaboré, le coordinateur de l’ITF pour l’Afrique francophone. Elles ont reçu le soutien du président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Il a été convenu que le syndicat soumettrait au médiateur un résumé des problèmes liés à la crise dans le port. En attendant, les personnels reprendraient le travail.

Par ailleurs, l’ITF a apporté son soutien à son affilié, notamment dans le cadre de séances de formation pour les délégués du personnel et les membres de la base.

Début juin, l’ITF et le Comité de coordination nationale de la Côte d’Ivoire ont exprimé leur inquiétude suite à l’arrestation des dockers.

En Côte d’Ivoire, les dockers du port autonome d’Abidjan, en grève depuis le 2 juin, ont mis fin à leur mouvement le 17 juin dernier.

La grève déclenchée au début du mois de juin avait pour principale revendication la revalorisation des salaires, mais les dockers mettaient en avant d’autres revendications telles que le respect des libertés syndicales, la fourniture d’équipements de protection, des primes, de meilleures conditions de travail (points d’eau, douches, WC...) ainsi que l’application du protocole d’accord signé au mois de mai, portant sur la revalorisation d’une prime de transport de 2 500 francs CFA (environ 3,8 euros) par mois, d’une prime de rendement, etc.

Le Sempa, syndicat des employeurs du port, a répliqué en menaçant de licencier 6 000 dockers, soit la quasi-totalité de ceux-ci puisque le port en emploie environ 6 300, et en embauchant plusieurs milliers de jaunes. Mais on ne devient pas lanceur de sacs, conducteur d’engin ou encore paletteur du jour au lendemain ! Un patron a d’ailleurs reconnu qu’une équipe n’avait pu décharger que 40 tonnes de marchandise en une nuit, alors qu’une bonne équipe de dockers en décharge au moins 400 tonnes.

Crânes fracturés, épaules tailladées, multiples points de suture sur le visage, pieds fracturés… A en croire la quasi-totalité des blessés, la récente grève au port aura été la plus violente que la plateforme des dockers ait jamais connue. La Fédération internationale des ouvriers du transport (Itf) est venue s’enquérir mardi de la situation sur le terrain et surtout des conditions de travail des dockers. Devant le secrétaire régional pour l’Afrique, Nezzi Kaboré, accompagné de son représentant à Abidjan, Li Mel Djédjé, ils ont expliqué leur mésaventure. Dans les images de la répression qu’ils montrent, les victimes racontent que leurs bourreaux n’ont pas pris la peine de distinguer entre dockers et autres travailleurs du port. « Ils ont tout mélangé. Des gens ont été attaqués alors qu’ils n’avaient rien à avoir avec la grève. C’est mon cas. Sans être docker, j’ai été rudoyé », regrette Moustapha Sy Savané. Quant aux scènes qui montrent quelques dockers « modérés » prendre un pot dans un bistrot, elles mettent à nu les agressions perpétrées contre tous les clients du maquis. « Tous les traitres se ressemblent, c’est bien connu, et c’est comme cela qu’il faut les traiter », confie un gréviste. « Nous sommes venus, nous avons vu, nous allons aviser », a souligné M. Kaboré. « Nous sommes ouvert à la liberté syndicale. Mais, il nous faut travailler ensemble dans la paix sociale », a ajouté le Directeur général du Sempa, Simon Yoman. Dans l’émotion suscitée par les témoignages, on en oublierait presque d’analyser le bien fondé du mouvement de contestation des dockers. Or, il semble que l’aspect sympathique des témoignages cache mal les manipulations orchestrées par ceux qui avaient intérêt à semer le chaos au port, pour justifier la création de structures de gestion parallèles de la main-d’œuvre dockers.

Lanciné Bakayoko

Voici plus d’une dizaine de jours que dure la crise au port d’Abidjan. Mais comment en est-on arrivé là ? En effet, par décret n° 99-510 du 04 avril 1999 portant statut particulier des dockers et dockers transit des ports de Côte d’Ivoire, en son article 5, il est institué un Bureau de la main-d’œuvre docker (Bmod) qui est le préposé commun des entreprises de manutention et de transit affiliées au Sempa (Syndicat des entrepreneurs de manutention des ports d’Abidjan et de San Pedro). C’est l’organisation patronale, privée, regroupant aujourd’hui 24 entreprises de manutention et de transit opérant dans les ports d’Abidjan et de San Pedro. Le Bmod a pour missions d’immatriculer et de délivrer la carte professionnelle de docker ; de fixer le nombre de dockers en tenant compte des besoins des entreprises de manutention et de transit ; de mettre à la disposition des entreprises, la main-d’œuvre docker journalière en fonction des besoins exprimés ; de gérer administrativement et socialement, les dockers ; d’effectuer la paie des dockers.

De la signature du protocole d’accord…

A l’origine des débrayages, plusieurs revendications. A savoir, la revalorisation des salaires et des catégories professionnelles, la révision de la convention de travail liant le Sempa aux dockers, la suspension de l’auto-assurance maladie, la fixation de la date de la tenue des élections des délégués du personnel, le respect des libertés syndicales, la fourniture en équipements de protection aux agents et la réintégration avec mesures d’accompagnement des syndicalistes licenciés pour faits de grève. L’on se souvient que des violences d’une grève, en avril dernier, avaient amené le Bureau de la main-d’œuvre dockers du Sempa (Sempa-Bmod) à licencier 12 agents. Les discussions avec le ministre de l’Emploi et de la Fonction publique, le ministre des Transports et celui de l’Intérieur ont finalement abouti, le 10 mai dernier, à la signature d’un protocole d’accord entre le Sempa, le Cndd (Collectif national des dockers et dockers-transit pour la défense de leurs droits), l’Usydoci (Union des syndicats dockers de Côte d’Ivoire) et l’Unartci (Union nationale des travailleurs de Côte d’Ivoire). Protocole d’accord qui a permis la réintégration des dockers licenciés, l’organisation des élections des délégués du personnel, la revalorisation de la prime de transport de 25 000 à 27 500 Fcfa par mois à Abidjan, 17 000 à 19 500 Fcfa par mois à San Pedro, l’instauration de primes de rendement, etc. Mais le Sempa dit ne pas comprendre le blocage qui a eu lieu en début du mois de juin et qui perdure.

…aux manœuvres souterraines de Gossio

Cependant, il est bon de savoir, selon le porte-parole des dockers, Pierre Guigréhi, que c’est le Directeur général du Port Autonome d’Abidjan, Marcel Gossio, qui tire les ficelles. Car, si cette crise perdure, c’est parce qu’il veut mettre à exécution son plan de créer un Sempa-bis. « Le vendredi 8 mars 2009, dans son bureau, M. Gossio a évoqué avec le Cndd, la création d’autres structures chargées du recrutement de la main-d’œuvre et chapeauté par Global manutention (au capital de 1700 milliards de Fcfa), en dehors de Sempa. Il nous a demandé de faire des propositions dans ce sens mais, nous avons refusé de le suivre dans sa logique », a révélé M. Guigréhi. En plus, Marcel Gossio "viole gravement le décret N°99-510 du 4 Août 1999 portant statut particulier des dockers et dockers transits en décidant de recruter directement et de mettre au chômage, les 5689 dockers que compte la corporation". La Direction générale du port, par le biais d’un de ses responsables, n’a pas manqué de dire dans un quotidien de la place que ‘‘cette crise est un problème entre employeur (Sempa) et employés (dockers)’’. Et aujourd’hui, les exigences financières à l’endroit des dockers qui avoisinent les 500 millions de Fcfa par quinzaine sont payées par le Sempa avant que les sociétés manutentionnaires ne remboursent cette somme. L’on évoquerait même une marge bénéficiaire de 15 à 20%. Depuis le vendredi 12 juin, il était question que les halls d’embauches soient ouverts après négociation avec le patronat. Ces négociations se sont poursuivies le dimanche 14 juin dernier. Et la reprise du travail devait intervenir le lundi 15 juin dernier. Ce ne fut pas le cas. Mais le Directeur général du Port autonome d’Abidjan, décide de la possibilité, jusqu’à nouvel ordre, pour tout manutentionnaire de procéder directement au recrutement de la main d’œuvre dockers nécessaire à l’exercice de ses activités ; de la mise en place d’une structure chargée de la régulation et du contrôle des activités de la main d’œuvre dockers. Et la Direction des opérations maritimes et de la sécurité, la Direction commerciale et marketing et la Direction du port de pêche du Port autonome d’Abidjan sont même chargées, chacune en ce qui la concerne, de l’application et du suivi des dispositions de la présente décision. Tel est en substance le communiqué de presse signé de Marcel Gossio, le 9 juin 2009. C’est tout cela qui a amené Pierre Guigréhi à affirmer que les dockers sont manipulés par Marcel Gossio afin que son projet de Sempa-bis prospère. Le Port autonome d’Abidjan, faut-il le rappeler c’est environ 90% des recettes douanières ivoiriennes.

Jean Eric ADINGRA

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